vendredi 18 avril 2014 Les pays émergents inquiètent les

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Economie Conjoncture
D’après le courtier Aon,
les risques d’investissement
ont augmenté dans de
nombreux pays émergents.
l
La situation des Brics et
celle de l’Ukraine inquiètent
particulièrement les
entrepreneurs belges.
l
L’Argentine s’enfonce, elle,
dans la crise et le FMI
critique la manière dont elle
veut s’en sortir.
l
Les pays émergents
inquiètent
les entreprises
belges
“Le climat des affaires se dégrade dans les Brics”
12,5%
EXPORTATIONS BELGES
RISQUÉES
D’après Aon, plus d’un huitième des
exportations belges (12,5%) sont
actuellement exposées à un “risque
accru”. La situation qui se dégrade au
sein des Brics et de l’Ukraine est
surtout inquiétante pour la Flandre.
Ces seuls pays représentent 8,2% de
l’ensemble des exportations flamandes
contre 3,6% des wallonnes.
I
l devient de plus en plus risqué
pour les entreprises belges de
faire du business avec plusieurs
pays émergents. C’est ce qui res­
sort d’un rapport du courtier
d’assurance Aon (voir ci­contre). Il y a
quelques jours, Aon a sorti sa carte an­
nuelle des “risques politiques”, analy­
sant 163 économies émergentes au pei­
gne fin. L’assureur se base sur différents
critères: violences politiques, insolvabi­
lité des pouvoirs publics, interférence de
la politique dans l’économie, risque de
change…
Bref, selon Aon, la politique d’un pays a
souvent un impact fort sur son écono­
mie. “Quand un entrepreneur veut acqué­
rir une entreprise ou faire de l’import­
export dans un pays, il doit être conscient
que certains risques peuvent exister, expli­
que un analyste du courtier d’assurance.
Les cas de nationalisation ou d’expropria­
tion ont, par exemple, dans le passé fait per­
dre beaucoup d’argent à certains entrepre­
neurs belges trop audacieux.”
D’après Aon, par rapport à l’année der­
nière, les risques se sont accrus dans
seize pays analysés, alors que la situation
s’est améliorée dans six autres. “C’est un
recul par rapport à l’année dernière, où le
22
16
PAYS EN ZONE ROUGE
6
PAYS QUI PROGRESSENT
5
BRICS À LA PEINE
Les risques politiques sont les plus
élevés dans 16 des 163 économies
émergentes examinées. Parmi ces pays
à “risque très élevé”, on retrouve
notamment l’Ukraine, la République
démocratique du Congo, la Corée du
Nord, l’Iran ou le Zimbabwe.
Dans seulement six pays émergents
(Philippines, Ghana, Haïti, Laos,
Ouganda, Surinam) la situation s’est
améliorée pour les entreprises.
Aon pointe toutefois du doigt les
“problèmes considérables” en matière
de droits de l’homme en Ouganda.
Le pays vient de voter l’une des lois
les plus strictes au monde
contre les homosexuels.
Les cinq pays “Brics” (Brésil, Russie,
Inde, Chine, Afrique du Sud) ont vu
leur climat des affaires se dégrader ces
derniers mois. En cause, notamment,
un rapatriement des capitaux vers les
marchés développés. Sur l’ensemble
des pays analysés, 16 économies
régressent par rapport au dernier
classement.
nombre de pays en progression était supé­
rieur à celui des économies en régression”,
explique le rapport.
Un pays à l’économie ouverte comme
la Belgique est évidemment (indirecte­
ment) touché par cette dégradation gé­
nérale des “émergents”, même si notre
pays effectue l’essentiel de ses échanges
commerciaux au sein de l’Union euro­
péenne. D’après Aon, “il n’est pas exagéré
de dire que 12,5% ou plus d’un huitième
des exportations sont actuellement expo­
sées à un risque accru”.
ble.” Mais chaque pays des Brics est aussi
touché à sa manière.
L’organisation de la Coupe du monde
de football ne semble pas être un atout
pour le Brésil, dont la faiblesse de l’éco­
nomie est mise en avant, ainsi que l’in­
terventionnisme accru des autorités
dans l’économie. L’Inde souffre d’une
“corruption persistante” et d’un niveau
“raisonnablement élevé” d’interférence du
politique dans l’économie, sans compter
les litiges territoriaux, le “terrorisme” ou
les conflits régionaux. La croissance éco­
nomique est moins soutenue qu’aupara­
vant en Chine, tandis que les “grèves à ré­
pétition” ont un impact en Afrique du
Sud. “La grève est devenue le principal
mode de formation des salaires, ce qui en­
traîne un climat moins favorable pour les
entreprises et un alourdissement des coûts
de financement”, explique le rapport.
tés politiques”, d’après Aon.
L’évaluation du risque pour l’Ukraine
est, elle, passée de “moyen” à “très élevé”,
soit la catégorie la plus haute. “Les entre­
prises qui traitent des affaires dans ce pays
courent un très grand risque de voir les
paiements en devises fortes devenir impossi­
bles en raison des limitations du système fi­
nancier.” Il existe aussi une possibilité que
“les autorités ne puissent plus honorer leurs
obligations financières”. “L’instabilité de la
situation en Ukraine a une influence sur les
entreprises belges”, explique Jean­Louis
Coppers, administrateur­délégué de
Crion, une filiale d’Aon. “De manière géné­
rale, les primes ne peuvent qu’augmenter en
raison de la forte demande d’assurances. Les
assureurs approchent leur plafond maximal
en termes de pays ou de débiteurs.”
L’effet de contagion est redouté. En
fait, la crise ukrainienne a déjà des réper­
cussions dans toute la région. “Les risques
augmentent notamment dans d’anciennes
républiques soviétiques comme la Biélorus­
sie, l’Arménie, la Géorgie ou la Moldavie”,
concluent les analystes.
Raphaël Meulders
La Flandre plus touchée que la Wallonie
Les seuls Brics (Brésil Russie, Inde,
Chine et Afrique du Sud) et l’Ukraine re­
présentent 8,2% de la totalité des expor­
tations flamandes. Or, les risques ont
augmenté dans tous ces pays. “Ce qui
nous surprend, c’est surtout la dégradation
du climat des affaires dans les pays Brics”,
explique l’un des auteurs de la carte. Se­
lon le courtier, il y a un dénominateur
commun à cette dégradation: la reprise
économique sur les marchés développés
fait que les capitaux sont “rapatriés” de­
puis les marchés émergents. “Cela met
encore davantage sous pression des pays
présentant une balance commerciale fai­
Le risque de contagion ukrainienne
Mais parmi le club des Brics, c’est évi­
demment la Russie qui suscite le plus
d’inquiétudes, en raison des très fortes
tensions avec son voisin ukrainien. “Le
climat des affaires, déjà morose, s’est en­
core détérioré. L’économie en Russie reste
encore et toujours dominée par les autori­
U L’analyse complète, pays par pays, sur le
site www.riskmap.aon.co.uk
La Libre Belgique - vendredi 18 avril 2014
© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.
Le FMI épingle la “méthode argentine”
Teresita Dussart
Correspondante à Buenos Aires
N
ous ne sommes rien venus cher­
cher.” “Nous n’avons rien d’extra­
ordinaire à annoncer. Nous
n’avons pas d’accord avec le FMI.” C’est
ainsi qu’Axel Kicillof, ministre de l’Eco­
nomie argentin, a conclu son voyage à
Washington, vécu comme un voyage à
Canossa, mais sans pardon à la clé.
Le prétexte était la réunion annuelle
des ministres de l’Economie du G24.
Mais personne ne fait mystère du fait
que la délégation argentine escomptait
mettre à profit le sommet pour contre­
carrer le terrible effet des prévisions
2014 du FMI à l’égard de l’Argentine,
annoncées mercredi dernier.
Ces prévisions tombent au pire mo­
ment, alors que le pays austral met tout
le poids de sa diplomatie pour arriver à
un accord avec les créanciers du Club
de Paris. Or ces derniers exigent que le
FMI arbitre les négociations. La pro­
chaine réunion est prévue le 26 mai
prochain. La résolution de cette dette
est un passage obligé pour retrouver le
chemin d’accès au marché du crédit in­
ternational.
Dans son rapport annuel “World Eco­
nomic Outlook” (WEO) 2014, le FMI
prévoit pour l’Argentine une contrac­
tion de la croissance: 0,5%, proche de la nières semaines quelques tentatives de
stagnation pour l’année en cours et de correction. Il y a d’abord cette sévère
1 % pour 2015. A titre indicateur, en politique de pression sur les prix, évo­
2011, la croissance était de 8,9%. En­ quée par le rapport du FMI. Les méca­
tre 2003 et 2011 cette croissance tout nismes de contrôle de l’inflation ne
entière basée sur les bons
passent
évidemment
résultats de l’exportation
pas par ces formules ru­
du soya n’a été qu’une
dimentaires. Néanmoins
seule fois en dessous de
il en ressort que le gou­
7 %, lors de la crise de
vernement argentin est
2009.
sorti du déni et consent
Mais plus que les prévi­
à reconnaître (pas en­
sions – certes plus pessi­
core à la mesurer), que
mistes que pour l’ensem­
l’inflation existe.
ble du continent, mais
Dans le même ordre
suivant dans le fond, le
d’idées,
le gouverne­
LE RAPPORT DU FMI
mouvement d’atterris­ L’organisation n’est pas tendre ment a diminué ses di­
sage de l’ensemble des
verses subventions, dans
avec l’Argentine.
pays émergents, après
certains cas de 500 %,
des années de forte croissance –, ce qui dans le cadre d’une nouvelle politique
fait mal, c’est le diagnostic sur la mé­ de contrôle des dépenses de l’Etat. Le
thode. “Les méthodes adoptées pour gé­ gouvernement a même procédé en fé­
rer les déséquilibres internes et externes, vrier à une dévaluation de son peso de
en incluant le contrôle des prix, le type de 30%. Axel Kicillof préfère admettre un
change et le commerce, font encore plus “glissement monétaire” (NdlR : l’Ar­
de mal à la confiance et à l’activité écono­ gentine conserve le profil typique de
mique”, indique le rapport.
l’économie transitoire avec un contrôle
monétaire direct du chef de l’exécutif,
Une politique économique clientéliste
plus encore que du directeur de la Ban­
C’est douloureux pour un gouverne­ que centrale).
ment qui, après une décennie de politi­
C’est que les nuages s’amoncellent.
que économique clientéliste, protec­ L’agence Moody’s a baissé la qualifica­
tionniste, dirigiste, a entrepris ces der­ tion de la dette argentine en mars der­
“Les méthodes
adoptées […] font
encore plus de mal
à la confiance et à
l’activité
économique.”
nier à “Caa1”, le cinquième opérateur
de dette souveraine toxique d’une liste
de 22. L’agence de notation réagissait à
“l’inconsistance de la politique économi­
que” pour enrayer la chute des réserves.
Le 16 avril 2014 ces réserves étaient de
27,6 milliards de dollars. A la même
période en 2011, elles étaient de
52 milliards.
Le scénario inéluctable du défaut?
En période de vaches grasses, l’hé­
morragie des réserves avait déjà com­
mencé. C’était une croissance sans dé­
veloppement. Le service de la dette n’a
cessé de croître en part du PIB. Selon
un rapport du Centre d’étude sur
l’Amérique latine et les Caraïbes (Ce­
lac) en conjonction avec l’OCDE, en
2013, cette proportion était de 67,1%.
Un cumulonimbus assombrit davan­
tage le tableau: le verdict attendu dans
les jours qui viennent de la Cour su­
prême des Etats­Unis, dans le cadre de
l’affaire qui oppose un groupe de titu­
laires minoritaires de “holdouts”, qui
n’ont pas accepté la restructuration de
la dette des bons souverains argentins.
Si la Cour suprême entérine le verdict
du juge new­yorkais Thomas Griesa, le
scénario inéluctable serait alors le dé­
faut, de l’aveu même du gouvernement
argentin.
vendredi 18 avril 2014 - La Libre Belgique
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