2
Les pays relevant du BRIC partagent diverses caractéristiques dont l’extension
territoriale, le poids démographique, l’abondance des ressources naturelles, de forts
taux de croissance et d’importantes parts de marché à l’exportation. Les puissances
émergentes sont décrites comme des Etats-continents à même de jeter des forces
titanesques dans l’arène internationale. S’emparant de ce concept pour revendiquer
un rôle nouveau au plan international, les dirigeants des pays en question organisent
depuis 2009 des sommets annuels et ils se sont adjoints l’Afrique du Sud (Hainan,
2011) : on parle désormais des BRICS. Ce format diplomatique doit donner corps à
l’idée d’un monde multipolaire présupposé équilibré et harmonieux. En fait
d’harmonie, l’auto-affirmation des BRICS s’accompagne d’une rhétorique anti-
occidentale maniant l’anachronisme. Alors que ces pays tirent bénéfice de la
mondialisation des marchés et du commerce, leur discours mêle en effet
thématiques tiers-mondistes et accents de guerre froide. Cette « polémique », au
sens étymologique du terme, révèle certaines des passions tristes qui animent les
anciens tributaires et rivaux de l’Occident. L’avenir selon les BRICS : une politique du
ressentiment ?
L’émergence n’est pas la puissance
Pourtant, l’idée de « monde multipolaire » est de portée limitée. Elle pose une
équivalence de principe entre un processus d’émergence reposant sur des données
quantifiables (taux de croissance, participation au commerce mondial, réserves de
changes, etc.) et des phénomènes de puissance qui sont d’un autre ordre. Notion
dynamique, la puissance désigne la capacité à faire triompher sa volonté dans le
rapport des forces entre les diverses unités politiques. Elle implique une intention
politique consciente, un système institutionnel adéquat, la mobilisation efficace des
ressources de pouvoir et des représentations géopolitiques affirmées. Or, le
développement des pays émergents n’induit pas ipso facto de nouvelles
configurations internationales : projet politique, conscience historique et sens des
responsabilités internationales ne sont pas au rendez-vous. De surcroît, les centres
de pouvoir présentés comme des contrepoids à l’hégémonie occidentale ne
constituent pas un ensemble cohérent. Les capacités d’action diffèrent et les
oppositions sont multiples. Présenté comme une alternative à la Banque mondiale, le
projet de Banque de développement annoncé par les BRICS à New Delhi (2012) et
réaffirmé à Durban (2013) n’a pas pu voir le jour encore.
A cela s’ajoute la perte de dynamisme des pays émergents, très sensible ces
derniers mois : les taux de croissance sont de 7,5% en Chine, à peine 4% en Inde et
en Russie, moins encore au Brésil et en Afrique du Sud, soit une réduction du tiers
voire de moitié par rapport aux années 2000. Certes, ces valeurs sont élevées au
regard des taux de la zone euro-atlantique mais il faut conserver à l’esprit les besoins
immenses de ces pays qui demeurent sous-développés. Les prévisions de
croissance publiées par le FMI, le 9 juillet dernier, annoncent un « ralentissement