Le FMI confirme la morosité économique mondiale Par Alain Faujas Voilà six mois que le Fonds monétaire international (FMI) abaissait ses prévisions de croissance pour 2012 et pour 2013. La version publiée mardi 9 octobre à l'occasion de la réunion de son assemblée annuelle à Tokyo ne fait pas exception : en juillet, le FMI s'attendait à une croissance mondiale de 3,5 % en 2012 et de 3,9 % en 2013 ; désormais, il prévoit respectivement 3,3 % et de 3,6 %. Le décrochage est net par rapport à l'an dernier (+ 3,8 %) et surtout par rapport à 2010 (+ 5,1 %). Le mot qui revient sous la plume des rédacteurs de ces prévisions est"déception", car la situation médiocre où se débattent les Etats-Unis (+ 2,2 % en 2012 et 2,1 % en 2013) montre que Barack Obama ne profitera pas d'une embellie, s'il est réélu dans un mois. Mais la déception vient surtout de la zone euro qui confirme son statut "d'homme malade du monde" avec une récession annoncée de 0,4 % cette année et une reprise anémique de + 0,2 % l'an prochain. Car ni l'Allemagne (+ 0,9 % et + 0,9 %) ni la France (+0,1 % et +0,4 % alors que son nouveau président attend +0,8 %...) ne pourront compenser les récessions de l'Espagne (- 1,5 % et - 1,3 %), de l'Italie (- 2,3 % et - 0,7 %), du Portugal (- 3 % et - 1 %) et surtout de la Grèce (- 6 % et - 4 %). LES "BRICS" NE SCINTILLENT PLUS La crise de la dette dans la zone euro et la purge immobilière américaine ont fini par affecter les économies émergentes et en développement par le biais d'un recul de leurs exportations, comme le prouve la chute de la croissance du commerce mondial, revenue de + 12,6 % en 2010 à + 5,8 % en 2011 et à + 3,2 % cette année. La Chine qui a tiré l'économie mondiale depuis dix ans s'essouffle (+ 7,8 % et + 8,2 %), tout comme l'Inde (+ 4,9 % et + 6 %), le Brésil (+ 1,5 % et 4 %), la Russie (+ 3,7 % et + 3,8 %) et l'Afrique du sud (+ 2,6 % et + 3 %). Autrement dit, les fameux "Brics" ne scintillent plus comme en 2010 où ils ont symbolisé la reprise mondiale. On notera la poursuite de l'étonnante croissance de l'Afrique sub-saharienne (+ 5 % et + 5,3 %) qui déjoue tous les pronostics afro-pessimistes annonçant sa rechute pour cause de renchérissement des prix alimentaires ou pour cause d'achats moindres de ses matières premières. Le FMI s'inquiète de trois risques qui pourraient, dans son scenario le plus noir,renvoyer à plusieurs années une vraie reprise. Le premier est évidemment la zone euro qui n'en finit pas d'installer des pare-feux et de pratiquer une politiquemonétaire très accommodante ce qui rassure les marchés, mais dont la crédibilité pâtit des palinodies de ses gouvernements et de la faiblesse de ses institutions. Une aggravation des problèmes grec et espagnol pourrait coûter à ses pays les plus solides près de 1,7 point de croissance et au reste du monde jusqu'à 1,5 point, ce serait la récession assurée pour nombre d'économies. Le deuxième risque souligné par le FMI est le problème des déficits américains. La"falaise budgétaire" - c'est-à-dire les coupes automatiques qu'une absence d'accord entre démocrates et républicains entraînerait dans le budget fédéral – ferait basculer les Etats-Unis dans le récession et déclencherait une crise de confiance mondiale dont le Fonds ne dit pas la gravité. AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE "GRADUEL ET SOUTENABLE" Le troisième problème est contenu dans une annexe du rapport intitulée "Sous-estimons-nous le multiplicateur budgétaire à court terme ?" Sous cette formeinterrogative et très technique, c'est la validité des budgets d'austérité qui ont fleuri dans le monde depuis un an qui est remise en cause. Le Fonds estimait que le multiplicateur des mesures budgétaires était de 0,5, or il lui semble que le vrai chiffre serait plutôt de 1,5, ce qui veut dire que lorsqu'un gouvernement réduit ses déficits d'un point de produit intérieur brut, il ampute de facto ce même produit de 1,5 point. Le remède empoisonnerait silencieusement le malade... Le FMI n'en est pas encore à demander aux pays en grande difficulté financière demettre un terme à leurs efforts de redressement, mais il laisse entendre de plus en plus clairement– et à plusieurs endroits dans son rapport prévisionnel – qu'il faut adoucir les mesures de rigueur chez ceux qui le peuvent (L'Allemagne ?) ou qui ont été trop sévères (Le Brésil ? Le Royaume-Uni ?) et donner un peu de temps au temps pour revenir aux grands équilibres demandés par les marchés. Désormais, le FMI parle de pratiquer un ajustement budgétaire "graduel et soutenable", jargon qui le rapproche, mine de rien, du gouvernement espagnol de M. Rajoy demandeur d'un adoucissement de la potion amère qu'il inflige à son peuple. Alain Faujas