1 II. Une Église conquérante Problématique

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II.
Une Église conquérante
Problématique :
Quels aspects de la puissance de l’Église les conquêtes chrétiennes réalisées entre le 11e
et le 13e siècle renforcent-elles ?
1.
L’Église face aux chrétiens en rupture
1.1. Des déviances
• Vaudois et cathares
Les vaudois
De Pierre Valdès ou Valdo. Autre nom donné aux Vaudois « Fraternité des Pauvres de Lyon »,
ville d’origine du mouvement.
Pierre Valdès, riche marchand lyonnais, donc un laïc, qui fréquente cependant des clercs et
des étudiants de l’école cathédrale de Lyon.
Pierre Valdès se fait traduire en occitan notamment les Évangiles et des passages de l’Ancien
Testament.
1170 : il se « convertit » à une vie de pauvreté, il donne tous ses biens aux pauvres pour vivre
comme le Christ, volonté de revenir à la pureté de l’Église primitive. Par ailleurs, il
entreprend de prêcher la pauvreté évangélique dans les rues de Lyon et ce sans autorisation.
Un groupe de laïcs, les « Humiliés ou Pauvres de Lyon » vivant en commun de mendicité suit
son exemple.
1180 : au bout de 10 ans, l’archevêque de Lyon, inquiet de leur absence de formation et de
leurs audaces (réclame pour les laïcs le droit de lire la Bible, et donc que celle-ci soit traduite
en langue vernaculaire, aussi que les laïcs aient le droit de prêcher) leur interdit toute
prédication.
1181 : Valdo et ses disciples font appel au pape qui confirme la décision d’interdiction.
Pierre Valdès refuse de se soumettre, et se justifie en disant préférer « obéir à Dieu plutôt
qu’aux hommes ». Affirme son anticléricalisme.
Vaudois partis de Lyon, essaiment dans le Nord de l’Italie, notamment dans les vallées
alpines.
Les cathares
Le catharisme se développe surtout en Languedoc : d’où l’autre appellation d’Albigeois.
Succès du catharisme dans le Sud de la France, mais pas seulement, aussi en Italie,
notamment en Lombardie et à Florence.
Catharisme = la principale hérésie du 13e siècle, a concerné une zone beaucoup plus étendue
géographiquement que le mouvement vaudois, a ébranlé plus profondément l’hégémonie de
l’Église, a nécessité aussi des moyens beaucoup plus importants pour l’éradiquer.
Catharisme diffère beaucoup plus radicalement du dogme chrétien que la Fraternité des
pauvres de Lyon. Ici, un nouveau dogme est proposé.
- dualisme : existe deux divinités, un dieu du bien et un dieu du mal. dieu du bien = dieu du
monde des esprits ; dieu du mal = dieu du monde matériel
donc la résurrection ne peut être que celle de l’âme et non celle du corps,
donc matériel donc mauvais car créé par le Dieu mauvais.
De même le Christ ne peut être le Dieu du bien incarné puisque toute chair est mauvaise.
S’incarner serait se livrer au mal.
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- refus du baptême des enfants : la croyance est un choix donc s’effectue à un âge plus avancé.
Le baptême signifie l’entrée dans la communauté des croyants, donc il doit être demandé par
le croyant et accordé par la communauté et non donné par un clerc souvent jugé illégitime et
peu scrupuleux.
Seul sacrement reconnu par les cathares : le consolamentum = rituel d’imposition des mains
qui distingue les « parfaits » assumant une vie totalement pure des simples croyants.
- forte critique des clercs. Les cathares ont leur propre hiérarchie les « parfaits » = ceux qui
sont les plus purs. Vie chaste et austère. Elite austère, caractérisée par sa bonne connaissance
des textes bibliques et qui pratique la prédication itinérante.
• Pour l’Église, des hérésies
Point commun des hérésies vaudoises et cathares :
- ils sont chrétiens, ils croient au Christ, au baptême et à la résurrection
- ils souhaitent une vie spirituelle plus intense, notamment par la confrontation directe
avec les Écritures
- ils veulent revenir à la pureté de l’Église primitive. Conviction de défendre une vision
plus proche de la vérité initiale et aussi de vivre de manière plus conforme avec celle
de Jésus et des premiers chrétiens
- c’est un même contexte qui explique leur développement : essor économique a
provoqué un accroissement des ressources des églises et des monastères qui heurtent
ceux qui prônent un idéal de pauvreté évangélique.
- ils s’opposent à l’Église en tant qu’institution, anticléricalisme des deux hérésies, ils
refusent que le clergé soit le seul intercesseur entre les chrétiens et dieu
Bien que l’Église les compare différences. Vaudois et cathares polémiquent au contraire entre
eux :
- Les vaudois ne s’opposent à l’Église que sur le plan disciplinaire
- alors que les cathares remettent en cause le dogme enseigné par l’Église. pour les
cathares, interprétation du dogme diverge avec la doxa de l’Église : le baptême ne doit
être qu’un baptême d’adulte et ce n’est pas un sacrement ; la résurrection sera celle de
l’âme et non des corps.
Aux yeux de l’Église, peu importe les différences, en s’opposant à l’institution et/ou à ses
dogmes, ils sont placés dans la même catégorie, celle de l’hérésie.
Que signifie le mot hérésie ?
Étymologiquement le mot signifie choix.
À bien retenir : l’hérésie n’existe pas en soi. Elle est ce que l’autorité ecclésiastique définit
comme tel. Et donc notion n’a de sens que lorsque l’institution se soucie de définir ses
doctrines. Est hérétique celui qui disjoint par son choix tel ou tel élément de la foi et en rompt
l’unité.
L’hérésie peut avoir deux champs d’action s’appuyant l’un sur l’autre : la critique de l’Église
hiérarchiquement constituée ; la contestation de vérités doctrinales.
Pb de ces hérésies pour nous. Nous ne les connaissons que par ce que l’Église en dit.
- sources littéraires posent un pb de subjectivité. Sources cathares ont été détruites par l’Église.
Les seules sources subsistant émanent de l’Église catholique et de l’Inquisition. Les auteurs
ne présentent que certains aspects du catharisme destinés à justifier la répression.
- sources archéologiques : les châteaux cathares, à l’état de ruines, difficiles à interpréter dans
le cadre de l’histoire religieuse ou de l’histoire culturelle.
= > Connaissances des historiens restent limitées à leur dénonciation par l’Église et à la
répression qu’elle mène contre elles.
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• La sorcellerie
Sorcellerie est une autre forme de déviance contre laquelle l’Église lutte.
Sorcellerie = ensemble de pratiques très diverses renvoyées par l’Église dans le champ de la
magie. Pratiques antérieures aux hérésies précédemment décrites. Pratiques que l’Église
n’arrivera jamais à éradiquer que l’on trouvera décrites jusqu’à la fin du Moyen Âge, et même
à l’époque moderne.
Pratiques visant à :
- prédire l’avenir
- assurer des soins aux humains, aux plantes ou aux animaux, ou au contraire à rendre
malade, voire tuer, notamment par l’usage de sorts (provoquer des orages pour
détruire des récoltes), de plantes, de poisons
- aider ou nuire d’une manière ou d’une autre qui n’ait en tout cas pas de rapport avec le
recours à la prière ou à la pénitence, le recours à dieu : exemple favoriser la fertilité ou
provoquer l’impuissance, enchanter
Pratiques dues à des personnages divers appelés sorciers, sorcières, mais aussi magiciens,
magiciennes. Des individus qui peuvent se proclamer chrétiens tout en pratiquant la
sorcellerie et auxquels des chrétiens ont recours à côté du recours à la prière et à la pénitence.
Église ajoute à ces pratiques des pratiques folkloriques qu’elle juge inacceptables, combat
pour la fertilité, voyage extatique vers le monde des morts…
1.2.
La lutte contre les déviances
• La répression brutale : l’usage des armes et
l’inquisition
Vaudois
1182 : Pierre Valdès et les Vaudois sont excommuniés
1184 : concile de Vérone, l’Église condamne précisément les vaudois
Dès lors répression, les vaudois sont recherchés et doivent rentrer dans le rang ou ils sont
persécutés.
Répression fait évoluer les vaudois.
Les « pauvres de Lyon » se divisent en plusieurs groupes :
- Certains réintègrent l’Église catholique en 1215, ce sont les « pauvres catholiques »
- D’autres passent du schisme déniant toute autorité à la hiérarchie à l’hérésie
antisacerdotale et antisacramentelle. Ils s’établissent dans les vallées alpines, en Italie
du Nord, en Bohême et en Allemagne, et se radicalisent. 16e siècle, les vaudois
français rallieront la Réforme.
Cathares
1206-1215 : prédication de Saint-Dominique, chanoine castillan, autorisé par son évêque à
prêcher dans le Lauragais. Parcourt pendant dix ans le Lauragais, organise de grands débats
publics avec les hérétiques. Estimant dès 1207 que cette prédication a des résultats trop
faibles, la papauté, appuyée par le pouvoir civil, a décidé d’une action militaire contre les
cathares.
1207 : Le pape a invité le roi de France Philippe Auguste et d’autres barons à réprimer
l’hérésie par les armes dans le comté de Toulouse.
1208 : Assassinat du légat du pape déclenche l’action militaire. Le pape fait prêcher la
croisade contre les Albigeois et contre Raymond VI de Toulouse qui les protégeait.
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Composés de seigneurs du nord de la France, les troupes de croisés sont placées sous le
commandement de Simon de Montfort. La guerre est cruelle, marquée d’épisodes sanglants
comme le massacre de Béziers où les croisés exterminent 30 000 personnes (1209).
Simon de Montfort et ses compagnons détournent souvent la croisade des Albigeois à leur
profit personnel et le pape accuse le chef des croisés de « répandre le sang injustement… pour
servir ses intérêts et non pas la cause de la religion. »
Parallèlement, action de l’Inquisition mise en place progressivement dès la fin du 12e siècle.
1215 : concile de Latran IV formalise l’action de l’inquisition
- confirme que les seigneurs laïques doivent prêter main forte à l’Église sous peine
d’excommunication,
- que les populations doivent dénoncer à l’évêque les hérétiques,
- que dans chaque paroisse doit être constituée une commission composée d’un prêtre et
de laïcs, commission chargée de dénoncer aux autorités religieuses les hérétiques et
leurs complices.
- amplifie ces mesures en menaçant d’excommunication et de déposition les seigneurs
qui n’auraient pas éliminé l’hérésie de leur possession.
- Inquisition ensuite menée par les évêques ou leurs représentants qui peuvent seuls
prononcer la sentence.
Concrètement comment agit le tribunal de l’inquisition une fois que des personnes ont été
dénoncées comme hérétiques ?
- interrogatoire pour que l’hérétique se rétracte, torture autorisée par le pape au milieu
du 13e siècle pour obtenir des aveux
- si l’hérétique ne se repent pas, l’hérétique est frappé du supplice du feu.
- celui qui se rétracte seulement par peur de la mort est incarcéré à vie, les relaps sont
brûlés.
- l’hérétique repentant évite le feu mais doit porter la croix sur son vêtement.
- les receleurs d’hérétiques perdent leurs biens et leurs maisons sont rasées.
Devant le peu d’enthousiasme des évêques, l’Inquisition est rapidement (1232) confiée à
l’ordre des dominicains. Bientôt les franciscains sont aussi associés à l’inquisition.
Réaction face à l’inquisition ?
- Évêques mécontents d’être privés de ce pouvoir de juger les hérétiques
- Les princes comme Saint-Louis mettent parfois un frein au zèle des inquisiteurs
- Les populations elles-mêmes se soulèvent parfois contre la peur d’une répression excessive
Réalité des peines infligées par l’Inquisition. Finalement, peu de condamnations à mort.
Exemple Bernard de Gui a prononcé 750 jugements. Ils ont abouti à 250 remises de peines et
500 sanctions, dont 29 peines de mort, et l’on ne sait pas si tous ont été tués, 13
condamnations à la prison, 231 assignations à résidence, 107 « peines infamantes », le reste
des pèlerinages et des jeunes.
inégalité géographico-polique de la lutte contre les hérésies.
En Espagne, le grand pb spirituel est celui de l’assimilation religieuse des 500 000 juifs et la
conversion des âmes reconquises.
En Italie, constitution de milices armées contre les hérétiques, ex ville de Sermione prise en
1273, 200 cathares de la cité sont brulés
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Sorcellerie
Au début idée que magiciens et sorciers doivent être accompagnés face à ce qui est une
manifestation du diable.
Puis, dans le contexte de la lutte contre les hérésies, l’attitude de l’Église bascule à la fin du
12e et surtout au 13e siècle. Se multiplient alors les récits qui diabolisent les hérétiques. Les
sorciers leur sont bientôt assimilés, tous sont considérés comme des adorateurs du diable.
1258 le pape confie aux inquisiteurs le soin de s’intéresser également aux sortilèges et
divinations ayant saveur d’hérésie.
Renforcer l’autorité de l’Église par de nouvelles
pratiques
Église consciente que la répression ne suffit pas. Il faut aussi proposer des actions mieux
adaptées aux exigences de pureté des fidèles.
•
Création de nouveaux ordres, les autres mendiants, pour répondre au désir d’un mode de vie
modeste en contact avec les fidèles, pour populariser hors des monastères l’exemplarité des
clercs. Ordres itinérants prêchent de ville en ville.
Deux ordres principaux :
Les dominicains et les franciscains, cf. le II. 3.
Par ailleurs, pour affronter les hérétiques qui sont souvent des érudits, notamment les parfaits
cathares, il faut des hommes d’Église érudit, féru de dogme et capable de soutenir la
controverse. Les inquisiteurs sont des clercs « érudits », capables d’argumenter correctement
face aux affirmations et contre arguments en particulier des cathares.
• Défendre les sacrements
éléments mis en avant lors du concile de Latran IV en 1215
et qui prennent une importance accrue depuis le 12e siècle et au cours du 13e
idée affirmée que le prêtre n’est pas seulement l’exécuteur de gestes rituels permettant le
salut , mais un guide spirituel, dans cette logique :
- confession devient un élément de plus en plus important et le moment central de la pénitence,
humiliation liée à l’aveu vu comme pénitence, même si le prêtre préconise la pénitence
- le prêtre peut donner l’absolution si contrition affichée (repentir) avant que la pénitence soit
effectuée
= changement du sens de la confession, et donc prise d’importance
confession qui est elle-même un préalable à la communion devenue une obligation annuelle
or concile de Latran renforce les obligations des fidèles en la matière :
non seulement assistance à la messe dominicale le dimanche et les jours de fête
mais aussi participation plus régulière à l’Eucharistie
= contrer l’éloignement qu’a pu provoquer la sacralité du rite, affirmer l’idée de
transsubstantiation
Par ailleurs réaffirmation des points du dogme contestés par les cathares, de l’importance du
baptême des enfants, de la résurrection des âmes et des corps.
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Pour manifester la victoire de l’Église, construction en plein cœur du pays cathare d’une
superbe cathédrale à Albi.
Conclusion :
Rapport avec le thème développé dans le chapitre : l’Église, la papauté notamment, exprime
alors sa volonté de contrôle du dogme et des pratiques religieuses. Elle fait aussi une
démonstration de sa puissance à mobiliser contre les déviances, à mobiliser les esprits, à
susciter de nouvelles méthodes de prédication, mais aussi à mobiliser des hommes armés au
nom de l’Église. Répression de la sorcellerie et des hérésie a comme conséquence : l’Église se
montre toujours plus puissante entre le 12e et le 13e siècle.
2.
L’expansion de l’Église en Occident et en Orient
2.1. La Reconquista
• La lente reconquête de territoires perdus par la
chrétienté depuis le 8e siècle
Reconquista = première exemple de guerre sainte contre les infidèles. A fourni un modèle
psychologique et les procédures militaires transformant une expédition militaire ordinaire en
une véritable guerre sainte contre les Infidèles.
Contexte : Espagne conquise dès le début du 8e siècle par des musulmans ayant franchi le
détroit de Gibraltar, presque toute la péninsule sauf le nord passe sous contrôle musulman.
Les rois catholiques présents au nord de l’Espagne souhaitent chasser les musulmans de la
péninsule. Mais reconquête de l’Espagne par les chrétiens est lente : débute au 8e siècle et ne
s’achève réellement que par la prise de Grenade en 1492 (Ferdinand d’Aragon et Isabelle de
Castille, les rois catholiques).
Pour ce qui concerne la période étudiée ici, reconquête se poursuit par étape
1085 : tout le royaume de Tolède est annexé par les chrétiens. Près de la moitié de l’Espagne
est redevenue chrétienne.
1212 : les royaumes chrétiens (Castillan, aragonais, navarrais, portugais) se sont unis et
emportent la victoire de Las Navas de Tolosa (au nord est de Cordoue) = la Reconquista
progresse à nouveau.
Les chrétiens mozarabes qui étaient tolérés dans le monde arabe constituent le vivier d’une
nouvelle reconquête chrétienne des populations espagnoles. Les mosquées sont transformées
en églises.
Les mudéjars musulmans (surtout des paysans) demeurent dans les terres reconquises par les
chrétiens. Leur habitude architecturale donna lieu à un style fréquemment employé dans les
églises que font ériger leurs nouveaux seigneurs.
Cas aussi des juifs d’Espagne dits sépharades que l’on étudiera plus loin
• Des laïcs et des clercs engagés dans la reconquête
Milieu du 11e siècle (1063-1064), le pape a accordé l’indulgence plénière à tous ceux qui
participeraient à la lutte contre les musulmans. À cette occasion, de nombreux chevaliers
français se joignent à l’offensive de reconquête.
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Particularité de la Reconquista comme des autres croisades d’ailleurs conjonction de l’action
de rois et de chevaliers laïcs venus de divers royaumes d’Occident et de moines soldats.
Points communs : combattent pour permettent la reconquête et ont été bénis par le pape
(indulgence plénière)
Différence : une fois la conquête effectuée, les laïcs retournent chez eux. Des terres ont été
données aux ordres militaires en échange de leur aide. Ils les mettent en valeur et y
construisent des couvent-forteresses leur permettant de consolider la nouvelle frontière et de
garder ce nouveau limes de la chrétienté.
Le développement de l’antisémitisme dans l’Occident
médiéval
Reconquête progressive de l’Espagne conduit à s’interroger sur le sort des populations non
chrétiennes des territoires passés sous contrôle de princes chrétiens.
•
Pour les chrétiens, l’assimilation est imposée. Assimilation dans le sens où l’Église choisit de
faire disparaître les particularités du culte mozarabe. Culte latin s’impose, avec notamment
l’usage du latin pendant les offices.
Pour les musulmans, obligation de se convertir ou de quitter les terres chrétiennes.
Cas des juifs intermédiaires. Tolérés dans l’Espagne musulmane. Communauté juive
espagnole dite sépharade, nombreux, riches, occupant des postes importants dans les
monarchies musulmanes : financiers, ambassadeurs de vizirs. Médecins, lettrés juifs
d’Espagne brillaient d’un éclat particulier au 11e siècle.
Avant la première croisade en Occident, pas de cas d’antisémitisme chrétien systématique. À
partir de la première croisade en Occident en revanche, la situation des communautés juives
se détériore progressivement, inégalement selon les lieux, mais inexorablement.
À partir du cas de l’Espagne, antisémitisme se diffuse dans les autres royaumes chrétiens.
Expulsé une première fois du domaine capétien en 1182
Bannis d’Angleterre à la fin du 13e siècle
Parqués ailleurs dans des quartiers spéciaux, les juifs sont exclus de la chrétienté médiévale
1215 : Concile de Latran a imposé aux juifs un habit distinctif (en France ils portent la rouelle,
pièce d’étoffe ronde cousue sur le vêtement à hauteur de la poitrine et à gauche, et le chapeau
pointu) de manière qu’aucune erreur ne puisse être commise par un chrétien sur l’identité
d’un juif hors de leur quartier
Exclus progressivement de la propriété du sol et des divers métiers, écartés des fonctions
d’autorité et de la chevalerie, les juifs sont de plus en plus réduits au commerce de l’argent et
au prêt sur gages, ce qui augmente l’animosité des chrétiens contre eux. L’Église condamne
l’usure, le prêt à intérêt. Pourquoi ? Pour l’Église, le prêteur est un oisif qui s’enrichit même
en dormant, qui ne vend que le temps, ors le temps appartient à Dieu, il vend donc ce qui n’est
pas à lui, l’usurier commet donc un vol, un pêché grave, une offense au créateur.
Tournant 1294, le roi de France Philippe Le Bel prend la première mesure officielle contre les
juifs au concile de Beaucaire.
L’ostracisme débutant à la fin du 11e siècle, se traduit dans l’iconographie et la littérature
chrétiennes par une manière particulière de représenter et de qualifier les juifs, qui n’existait
pas auparavant. D’autant qu’avec la diffusion du courant cabaliste sont remises à l’honneur
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par les juifs les prescriptions léviatiques concernant la barbe. Beaucoup de juifs évitent
désormais de se raser et portent barbe et papillotes. Peu à peu s’esquisse dans la miniature le
type du juif : plus petit que les chrétiens, basanés avec une forte barbe en pointe, les sourcils
touffus, le nez droit à l’origine devient fortement busqué, voire crochu. Très tôt dès le 12e
siècle, la synagogue est représentée portant un bandeau noir puisqu’elle n’avait pas voulu
reconnaître le Christ. Souvent gueule de l’enfer engloutissant les juifs figurés à ses pieds. Par
ailleurs, elle porte les instruments de la passion, la lance, la couronne d’épines, le bâton avec
l’éponge, pour souligner sa responsabilité dans le meurtre du Christ. Pour charger encore plus
les juifs du déicide, certains artistes du 13e siècle substituent des acteurs juifs au soldats
romains dans le drame de la Passion : les exécuteurs du Christ deviennent des juifs portant la
barbe et le bonnet pointu !
2.2.
L’Église en Terre sainte
• Le statut de la Terre Sainte pour les chrétiens
d’Occident
Terre Sainte pour les chrétiens = la Palestine, lieu de naissance et de prédication de Jésus, lieu
de la Passion de Jésus, lieu de développement des premières communautés chrétiennes, lieu à
partir duquel les apôtres ont diffusé le message de Jésus.
En Terre Sainte, certains lieux font plus particulièrement l’objet de pèlerinage :
- Jérusalem, lieu de la Passion du Christ, lieu de son tombeau, Saint-Sépulcre
- Nazareth, village d’origine de Jésus
- Bethléem, lieu de naissance de Jésus
Tradition du pèlerinage forte parmi les chrétiens. Pèlerinage vers la Terre Sainte, pèlerinage
réclamant le plus de témérité en raison de l’éloignement. À partir du 7e siècle, pèlerinage plus
aventureux aussi parce que la Terre Sainte est devenu une terre de l’islam. Le Coran reconnaît
le caractère sacré de l’enseignement de Jésus, tout en le subordonnant à l’autorité de
Mahomet. Jérusalem est aussi devenu un lieu saint pour les musulmans.
Initialement, les musulmans laissent les chrétiens accéder aux lieux de pèlerinage, des
monastères sont implantés à Jérusalem.
La situation se détériore dans la 2e moitié du 10e siècle, lorsque les Fâtimides implantés en
Afrique du Nord, basés au Caire, ont pris Jérusalem. Au tout début du 11e siècle, le calife, un
fondamentaliste intransigeant, a donné ordre de détruire le Saint-Sépulcre.
Quand la nouvelle se propage en Europe, le choc est considérable. Par ailleurs, la situation se
dégrade au fil du temps pour les pèlerins. Sort malheureux pour de nombreux pèlerins, par ex
en 1065 pèlerins massacrés jusqu’au dernier. Tout pèlerinage devient impossible, à moins
d’être armé.
1095, lors du concile de Clermont, le pape Urbain II appelle les chrétiens à la reconquête de la
Ville sainte. Son appel ne trouve aucun écho chez l’empereur ou le roi de France, mais de
nombreux seigneurs individuellement décident de prendre la route en 1096.
Cette première croisade sera suivie de 7 autres. 8 croisades en tout entre 1095 et 1270.
• La guerre en Terre Sainte
Parmi les croisades, seules les trois premières sont des expéditions générales de la chrétienté
toute entière et seules ces trois croisades atteignent la Terre Sainte, les suivantes sont des
initiatives isolées et dévient loin de la Palestine.
Les trois premières croisades
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La 1ère croisade
Première croisade, prêchée à l’initiative d’Urbain II,
Cet appel entraîne vers la Terre Sainte, à l’issue d’un voyage de 3 ans, une importante armée
de chevaliers et une troupe de paysans exaltés recrutés par des prédicateurs populaires (dont
Pierre, un ermite).
Première croisade aboutit :
- à la prise de Jérusalem en 1099 (suivie d’un affreux massacre de la population !) et à
la constitution d’un royaume de Jérusalem
- et la constitution des principautés chrétiennes d’Édesse, Antioche et de Tripoli en
Syrie
Ø Krak des chevaliers construit par les hospitaliers entre 1140 et 1170
129 ans d’invincibilité, conquis en 1271
La 2e croisade
1144, chute d’Édesse, provoque un sursaut en Occident, est à l’origine de la 2e croisade
prêchée par Saint-Bernard sur l’ordre d’Eugène III. Louis VII de France et Conrad III
d’Allemagne se croisent. Échec malgré l’importance des moyens mis en œuvre. Jérusalem se
rend au sultan Saladin en 1187.
La 3e croisade
Prise de la ville sainte suscite une 3e croisade, à l’appel du pape sous la conduite de Frédéric
Barberousse, de Philippe Auguste et de Richard Cœur de Lion. Mésentente entre les princes
ne permet pas de reprendre Jérusalem, mais prolonge pour un temps la présence chrétienne en
Terre Sainte.
Les autres croisades
La 4e croisade
1203, 4e croisade partie de Venise dévie scandaleusement. Venise assure le transport des
croisées qui ne parviennent pas à payer le prix de leur traversée. En guise de dédommagement,
les croisés sont chargés de conquérir pour Venise la ville de Byzance prise d’assaut en 1204.
Vénitiens s’emparent de la ville et d’une bonne partie de l’Empire.
Byzance pillée pendant trois jours, durée du pillage témoigne de la richesse des lieux mais
aussi de l’avidité des assaillants.
Autre croisades n’aboutissent pas non plus en Terre Sainte
La 5e croisade
1218, l’expédition atteint seulement l’Égypte.
La 6e croisade, Frédéric II
1228 6e croisade menée par l’empereur Frédéric II tient plus de l’action diplomatique que de
l’expédition militaire. Bien qu’excommunié, Frédéric II mène des négociations diplomatiques
avec les sultans d’Égypte pour se faire rétrocéder Jérusalem pendant 10 ans. Frédéric II se fait
couronner roi de Jérusalem. Frédéric II étant excommunié, Ville Sainte mise en interdit.
Division des chrétiens en Terre Sainte. Frédéric II mène le siège contre le château des
templiers à Saint-Jean d’Acre. Frédéric II finalement obligé de quitter la ville qu’il a choquée.
Sa présence en Palestine a surtout eu pour effet de susciter l’hostilité entre Templiers et
Hospitaliers ces derniers l’ayant qq peu soutenu.
Les 7e et 8e croisades, Saint-Louis
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1245 et 1270 croisades de Saint-Louis, croisades animées du souffle généreux des origines.
1245 en Égypte, 1270 en Tunisie.
Après elles, plus que des tentatives avortées, malgré les appels répétés des papes. La croisade
n’est plus que nostalgie.
• Des formes d’engagement individuel et collectif
Croisade associe pèlerinage et pénitence, forme privilégiée d’imitation du Christ
Croisade pour les croisés correspond à un besoin profond, faire son salut. Sentiment que ce
salut serait plus facilement obtenu dans des entreprises collectives.
Participation à la croisade = promesse de l’indulgence plénière = assurance du salut collectif
Finalement libération du péché aussi importante que libération concrète de la Terre Sainte.
Mourir à la croisade compte plus que d’en revenir. Croisade est donc avant tout une aventure
de l’âme, la marche vers Dieu, sur les traces du Christ.
Besoin de participer physiquement à la croisade n’a pas concerné que des chevaliers.
Croisade des pauvres prêchée par Pierre l’Ermite en 1095. À son appel des bandes populaires
s’organisent, faites de paysans et de vagabonds qui s’ébranlent vers l’Orient. Mouvement
spontané, sans arrière-pensée politique
Même sentiment religieux anime la « croisade des enfants ». 1213 Etienne un jeune berger de
Vendôme croit avoir été désigné par dieu pour délivrer Jérusalem. Derrière lui, un millier de
jeunes gens encadrés de prêtres et d’aventuriers s’embarquent à Marseille pour aller finir sur
les marchés d’esclaves d’Afrique. Des troupes de jeunes Allemands suivent au même moment
Nicolas qui prophétise la création du royaume de la paix en Palestine. Un grand nombre meurt
en chemin.
Participation physique aux croisades ne concerne qu’une minorité de chrétiens. Pour autant,
une bonne partie de la chrétienté s’engage spirituellement dans la croisade. Quelles formes
prend cet engagement ?
- la prière
- l’aumône
Et bénéficie ainsi des grâces que la papauté répand sur tous ceux qui collaborent à l’œuvre
lointaine. Vaut pour toutes les formes de croisade, contre les Albigeois, dans le cadre de la
Reconquista.
Papauté contribue ainsi à neutraliser les forces de division.
Collaboration des souverains et des chevaliers de toute l’Europe contribue à créer dans les
consciences le sentiment vécu de l’unité chrétienne.
2.3.
De nouvelles terres chrétiennes au Nord et à l’Est de l’Europe
• Les nouvelles frontières de la chrétienté d’Occident
au 11e siècle
Au cours de la période étudiée, extension chrétienne au Nord et à l’Est de l’Europe, repousse
les frontières de la chrétienté d’Occident.
Au début du 11e siècle, frontière de la chrétienté d’Occident à l’Est et au Nord de l’Europe :
- À l’extrémité est de l’Europe, à la limite avec l’Orient, le grand empire russe est chrétien
mais chrétienté d’Orient, donc orthodoxe.
=> La Pologne constitue la frontière orientale de la catholicité romaine.
Conversion de la Pologne obtenue par la conversion du roi de Pologne au début du 10e siècle,
le roi a épousé une chrétienne, il s’est converti ainsi que toute sa cour. Pologne constituée en
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un seul diocèse rattachée directement au Saint-Siège, le roi obtient l’envoi d’une mission.
L’Église polonaise naissante assimile les structures et la terminologie de l’Église latine. Fin
du 10e siècle, l’ensemble des populations polonaises est converti par des missionnaires
tchèques et germaniques. Église polonaise se diversifie alors, constitue une métropole
polonaise composée de plusieurs évêchés.
Au Nord de l’Occident, en Scandinavie, évangélisation progressive.
Norvège évangélisée au 11e siècle.
Au début du 11e siècle, la Norvège sort de l’époque viking et donc polythéiste, elle est alors
convertie au christianisme par ses rois accompagnés de missionnaires venus de l’étranger. La
Norvège christianisée est constituée de plusieurs évêchés.
Rôle plus particulièrement du roi Olaf. Après avoir unifié son royaume sous son autorité, il
impose le christianisme à tous les Norvégiens et en fait la religion officielle du royaume lors
d’une assemblée vers 1022 à Mostr dans l’Ouest du pays.
Olaf meurt lors d’une révolte d’une partie de ses sujets en 1030. Son zèle missionnaire
conduit à le reconnaître saint cinq ans seulement après sa mort (1035).
Entre la Pologne et l’empire russe, des terres dont la christianisation a parfois déjà débuté
(Scandinavie, Norvège et Suède), mais qui en tout état de cause ne sont pas totalement
devenues chrétiennes. D’autres ou la christianisation reste à réaliser (en Germanie à l’Est de
l’Elbe en Poméranie et en Prusse)
• La persistance de formes de paganisme
Début du 12e siècle, une fois les souverains païens convertis, les royaumes sont considérés
comme chrétiens.
Constitution d’évêchés puis de métropoles spécialisées pour chaque royaume.
Ceci dit, tout le travail d’évangélisation réelle des populations reste à faire. Cette
christianisation reste partielle jusqu’au 13e siècle.
Début du 12 siècle, les classes dirigeantes et l’essentiel des peuplades scandinaves sont
devenues chrétiennes. Mais ces chrétientés ne peuvent être comparées à celles des régions
occidentales évangélisées depuis l’Antiquité ou converties à l’époque de Charlemagne ou de
ses successeurs.
Mission du 10e et du 11e siècle se sont faites de manières beaucoup plus désordonnées qu’à
l’époque de Charlemagne. Scandinavie, christianisation d’abord des marges sud de la
Scandinavie. Le paganisme résiste au-delà. Tout particulièrement en Norvège et en Suède, où
les mœurs restent brutales, où la sorcellerie persiste et où la loi du célibat des prêtres n’est
introduite qu’au 13e siècle.
Les nouveaux convertis ont aussi pu plus facilement protéger l’originalité de leur culture et
obtenir des concessions religieuses impensables au temps carolingiens. L’usage religieux
admet autant les langues vulgaires que le latin. La morale chrétienne ne pénètre que lentement,
la piraterie, le divorce, le concubinage persistent.
Disparition de ces formes de paganisme seulement après le milieu du 12e siècle
• L’évangélisation par les ordres religieux
Quels ont été les outils de cette conversion ?
Après l’action initiale des souverains qui se convertissent, qui ont été baptisés et de leur cour
qui les a suivis, ce sont les religieux qui ont mené l’action d’évangélisation.
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L’Allemagne et la Pologne servent de tête de pont pour la conversion des nouvelles régions,
mais aussi l’Angleterre.
Missionnaires répandent la langue et la culture germaniques
Évangélisation facilitée par l’implantation de colons allemands
Établissement d’un réseau paroissial grâce à des ordres religieux dont les cisterciens
Action des missionnaires encore appuyée au 13e siècle par des incursions armées se
prolongeant dans les terres baltiques. Incursions armées s’appuient sur les ordres de moines
soldats, pour la Prusse les Teutoniques, pour l’Estonie les Porte-glaive.
3.
De nouveaux ordres religieux garants de la puissance de l’Église
3.1. Les ordres mendiants, un renouveau des formes de prédication
• Les dominicains
Les dominicains, dits frères prêcheurs par Saint Dominique (mort en 1221, canonisé en
1234), Domingo de Guzman qui a lui même lutté contre les cathares entre 1206 et 1215. 1215
Saint Dominique installé à Toulouse fonde une communauté de clercs destinée à se consacrer
à la prédication de la foi et de la morale, en luttant contre les erreurs doctrinales et les tares de
la chrétienté, en pratiquant l’imitation de la vie des apôtres, c’est-à-dire l’itinérance et la
mendicité. D’où leur surnom de Domini canes = chiens du seigneur. Jeu de mot permis en
latin. Surnom assumé.
Ø Chapelle des Espagnols
Sur la fresque aux pieds du pape, cinq brebis représentant les fidèles, cinq brebis gardées par
deux chiens représentant les dominicains.
Dominicains reconnaissables à leur tenue : vêtements blancs recouverts d’un manteau noir,
celui que porte Saint Dominique sur le portrait du 17e siècle, celui qu’il porte aussi dans la
fresque de la chapelle des Espagnols de Florence.
Dominicains combinent la vie apostolique avec le cénobitisme en faisant du couvent un centre
de formation, un studium où les novices accomplissent de solides études théologiques. Tous
les sujets reçoivent en effet les ordres majeurs.
Couvent pour les frères mendiants beaucoup plus un lieu de ressourcement spirituel qu’une
résidence.
• Les franciscains
Les franciscains fondés par Saint François d’Assise, dits frères mineurs.
François d’Assise, le poverello, fils d’un riche négociant d’Assise. Jeunesse facile, crise de
conscience vers 25 ans, il opère une conversion, quitte la maison familiale se fait ermite. Aide
les pauvres. Son père le déshérite. Fraternité se constitue autour de lui d’hommes de tous
milieux. S’habillent avec une robe brune à capuchon, avec une corde en guise de ceinture.
N’exige pas à la différence des dominicains de qualités intellectuelle ou une formation
1123 papauté approuve la règle des frères mineurs.
François s’est alors éloigné de son ordre pour se consacrer à la méditation, stigmatisation de
François alors qu’il est contemplation, accroit sa réputation de sainteté. Mort en 1226,
canonisé 2 ans plus tard.
Ordre franciscain s’est vite répandu dans toute l’Europe.
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Avec les ordres mendiants, la notion de frontière entre laïcs et clercs est plus floue que pour le
clergé régulier ordinaire. Ordre vivent en communauté suivant une règle et donc
appartiennent au clergé régulier, mais pas coupés du monde en rapport avec les séculiers et le
laïcs.
• La multiplication des couvents
Dominicains et franciscains implantent leurs couvents dans les faubourgs, puis à l’intérieur
des villes d’Occident.
Franciscains originaires d’Italie logiquement très implantés en Italie, notamment dans les
grandes cités marchandes du Nord.
François d’Assise connaissait le français, d’où son choix d’une première mission franciscaine
en France (1219). Implantation d’abord dans le Sud du royaume où la prédication d’Antoine
de Padoue contribue au développement du mouvement. Surnommé le « Marteau des
hérétiques » ce brillant prédicateur séjourne entre autre à Toulouse où un couvent est fondé en
1222.
Insertion des frères mineurs d’abord dans le Sud du royaume de France, puis rapidement au
Nord aussi. La haute aristocratie, particulièrement la famille royale assure en France leur
implantation. Rôle de Saint-Louis qui favorise l’implantation des franciscains et de leur
équivalent féminins, les clarisses.
Pour les dominicains, ordre répond d’abord à une situation spécifique au royaume de France.
Développement par Dominique Guzman spécifiquement pour lutter contre le catharisme.
Fondation d’un premier couvent à Toulouse.
Ensuite, Dominique prend l’initiative de disperser ses compagnons dans les grandes villes en
pleine expansion (Paris, Orléans en particulier). Ce qui permet aux prêcheurs de parfaire leurs
connaissances théologiques.
Là aussi soutien de Louis IX = Saint Louis.
La diffusion se poursuit ensuite dans tout le royaume en général dans des cités importantes.
Extension rapide de ces ordres. Entre 1225 et 1275 apparaissent en France 423 couvents de
prêcheurs et de mineurs ! à la fin du 13e siècle, il y en environ 600.
3.2. Les moines-soldats, moyens de la conquête militaire des nouvelles
frontières de la chrétienté
• Un caractère paradoxal
Christianisme, religion de douceur et d’amour qui donne aux ordres militaires un caractère
paradoxal.
Depuis les origines, les clercs porteurs d’une Évangile du salut, d’une prédication de paix se
sont vus interdits du port des armes et des activités militaires.
La conjonction de l’idéal chevaleresque et du mouvement de croisade fait coïncider pour un
temps la discipline du cloître et celle des armes.
L’affaiblissement du pouvoir royal au 10e siècle a fait naître une classe de militaires
professionnels, les milites.
L’Église choisit d’en sanctifier les buts de leur trouver une justification sociale. L’Église met
le chevalier chrétien au service de causes justes. Symbolique de la chevalerie, sacralisation
des rites et des idéaux chevaleresques. Désormais, le chevalier consacre en principe ses armes
aux tâches assignées par l’Église. Chevalerie du 12e siècle devenue une sorte de gendarmerie
chrétienne.
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Glissement peu dès lors s’opérer vers la création des ordres militaires.
Les plus saints des chevaliers rejoignent le Temple ou les Hospitaliers pour atteindre la
synthèse parfaite de la vie religieuse et du métier militaire. L’Église a dès lors réussi à en faire
de parfaits soldats du Christ.
Des ordres dédiés à des tâches militaires aux
frontières de la chrétienté
Pour la reconquête ou la conquête de territoires, pour l’accompagnement des pèlerins en Terre
Sainte et leur soin, l’Église a besoin de milices actives qui assistent et suppléent le clergé
séculier. D’où la création des ordres de moines soldats.
•
Les templiers
Création
Ordre de moines soldats créés initialement pour escorter les pèlerins se rendant en Terre
Sainte. 1119 à Jérusalem, 8 chevaliers décident de former une communauté dont les membres
s’engagent à pratiquer l’obéissance, la pauvreté, la chasteté et à protéger, escorter les pèlerins.
Établi par le roi Baudoin II dans le palais royal sur un emplacement que l’on croyait avoir été
celui du temple de Salomon (d’où le nom de templiers).
Recrutement
Membres ne sont pas recrutés dans une nation, seul critère, leur appartenance à la chrétienté.
Règle
Prévoit plusieurs sortes de membres, comme dans la plupart des ordres religieux de l’époque :
- Les chevaliers, seuls combattants proprement dits, sont recrutés parmi la noblesse,
conformément aux traditions de la chevalerie. Les chevaliers du Temple porte « robe
blanche » qui les distingue des autres membres non combattants, vêtus d’un manteau
noir ou brun. Croix vermeille cousue pour les chevaliers sur le cœur ou sur l’épaule.
- Leurs auxiliaires, sergents et écuyers, appartiennent au peuple ou à la bourgeoisie.
- Des prêtres assurent le service religieux et l’administration des sacrements.
- Les serviteurs et aides divers viennent du bas de l’échelle sociale.
- À la tête, le maître, qui a la fonction et le pouvoir du père abbé d’un monastère, a un
pouvoir de discipline. Les frères lui doivent obéissance
Un ordre d’abord implanté en Orient
L’ordre grandit très vite, reçoit les encouragements et les conseils spirituels de Saint-Bernard
(cf. III sur Citeaux) et possède de nombreuses maisons en Orient :
- En Orient, maison du Temple à Jérusalem principale maison, résidence du maître et
des deux principaux commandeurs qui l’assistent. Joue un rôle éminent dans l’histoire
du royaume de Jérusalem et des États latins d’Orient.
- Autres maisons dans les provinces de Tripoli et d’Antioche. Établissements fortifiés
défendus par une série de fossés, d’ouvrages avancés, munis de machines de guerre
(pierrrière notamment). Garnisons de plusieurs dizaines de frères chevaliers, en tout
dans la forteresse plusieurs milliers d’hommes.
Activités en Orient
- assure la protection des pèlerins
- bâtissent leurs forteresses, leurs églises, les défendent,
- En Orient, peu d’activité productive,
- En revanche, templiers participent indirectement aux activités économiques en
proposant leurs établissements comme lieux de dépôt (parce que bien gardés) des
sommes monétaires, ce qui le conduisit à servir en qq sorte de banque et leur procure
une richesse considérable.
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Les hospitaliers
Création
Fondé 6 ans avant les templiers, en 1113, également en Terre Sainte
Activité
Même objectif que les templiers, protéger les pèlerins, en plus un objectif de soin des pèlerins.
Nom de l’ordre évoque cette action de soigner, nom exact de l’ordre reconnu par le pape
ordre des hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem.
Postérité
Après la chute de Saint-Jean d’Acre, ils s’installeront à Chypre, conquerront l’île de Rhodes
où ils demeurent jusqu’au 16e siècle, puis chassé par Soliman le Magnifique se réfugient à
Malte et deviennent les chevaliers de Malte. Lors de la prise de Malte par Bonaparte
s’installent définitivement à Rome.
Les chevaliers teutoniques
Création
Fondé sur le modèle de l’Hôpital et du Temple, se consacre aussi au soin des malades
Recrutement
Différence ordre essentiellement national, recrute des nobles allemands. Choc dans la
chrétienté par rapport à l’ouverture des templiers et des hospitaliers. Choc d’autant plus
qu’ils sont des chevaliers servants de Frédéric II, au point d’assister à la cérémonie sacrilège
de son couronnement comme roi de Jérusalem au Saint-Sépulcre en 1229 !
Activité
13e siècle, acquiert de vastes domaines de terre en Terre Sainte et en Méditerranée, mais
surtout en Allemagne.
Se distinguent par la croix noire de leur manteau et leur casque typiquement germanique
Après leur départ de Terre Sainte, les Teutoniques participent très activement à l’expansion
territoriale de l’empire vers la Prusse, vers la conquête et l’évangélisation des pays demeurés
païens à l’Est de l’Allemagne.
Postérité
Ordre supprimé par Napoléon en Allemagne. Subsiste aujourd’hui en Autriche sous une
forme exclusivement religieuse et se consacre aux œuvres charitables.
apparaissent pendant la 3e croisade pour le soin des malades, devenu un véritable ordre
militaire à la fin du 12e (1198), recrute des nobles allemands qui réorientent ses activités vers
la conquête et l’évangélisation des pays demeurés païens à l’Est de l’Allemagne (Prusse).
Ordres implantés en Terre Sainte finissent par s’affronter.
D’un côté les Templiers, de l’autre ordre les Hospitaliers et les Teutoniques. Contexte de
l’affrontement, l’action de Frédéric II, sa conquête de Jérusalem, sa décision de se faire
couronner roi de Jérusalem. Soutenu dans cette action par les Teutoniques et les hospitaliers
(même si les hospitaliers ont refusé d’assister à son auto couronnement).
Porte-glaive
Collaborateur des chevaliers teutoniques. Ordre créé en Germanie en 1202.
Dans la péninsule ibérique la lutte contre les musulmans et la Reconquista s’accompagne de
fondation du même type : ordre de la Calatrava, d’Alcantara, d’Evora ou d’Aviz, de SaintMichel et de Santiago.
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Les templiers et les hospitaliers y sont aussi présents. Ils contribuent à la fondation de villes,
au Portugal notamment (Radin, Ega et Coimbra)
• Une nouvelle forme de monachisme en Europe ?
Double vocation des ordres de moines soldats l’épée et la charrue.
Exemple des templiers
Maisons aussi en Occident dédiées au recrutement et à l’organisation d’un système productif
agricole pour alimenter l’ordre en Orient.
Maisons implantées notamment, en France, en Angleterre au Portugal, etc. Chacune de ces
maisons comporte plusieurs commanderies créées grâce aux dons. Fin du 13e siècle, 9 000
commanderies en Occident, dont 3 000 en France. Commanderies d’Europe sont avant tout
des exploitations agricoles destinées à alimenter l’ordre en Orient. Productions agricoles
céréales, bétails, expédiées en Orient, froment, millet, boeufs, chevaux
Pour mettre en valeur des terres les templiers effectuent aussi des opérations de drainage,
comme dans ce qui deviendra à Paris plus tard le quartier du marais.
Exploitations agricoles administrées avec le plus grand soin, mais qui ne diffèrent pas dans
leur ensemble des autres exploitations rurales, comportant cependant toujours une chapelle.
Les templiers disposent aussi de leurs propres cimetières. Objectifs, ne pas se mêler aux
« vilains », ne pas avoir de contact avec les femmes.
Ø Exemple la commanderie d’Arville, entre Orléans et Le Mans
En France, une seule commanderie est fortifiée, la Cavalerie, au pied du causse du Larzac,
région pratiquement déserte dont l’isolement constitue une menace et justifie l’appareil
militaire.
En Espagne et au Portugal, en revanche toutes sont fortifiées en raison du risque d’invasion
auxquelles elles sont confrontées.
Dans leurs travaux agricoles et dans leur vie monacale très influencés par les cisterciens.
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Conclusion III : conquêtes chrétiennes du 11e au 13e siècle, renforcent la puissance de
l’Église.
Puissance spirituelle, le dogme et le contrôle sur le clergé régulier et séculier est renforcé.
Y compris par l’autorisation d’ordres mendiants ou d’ordre de moines soldats placés
sous l’autorité de l’Église et contribuant à diffuser et à réaffirmer le dogme. L’existence
de moines soldats n’est absolument pas considérée comme antithétique des missions du
religieux. Dans le contexte du développement d’une chevalerie chrétienne, les moines
soldats sont considérés comme l’élite des combattants chrétiens. Ceci dit, les querelles
entre les ordres, tout particulièrement entre les Templiers et les Hospitaliers, l’existence
des Teutoniques comme ordre national défendant les intérêts de l’empereur, viennent
ternir l’élan initial des moines soldats.
Puissance politique, les croisades ont été lancées par la papauté, les grands souverains
d’Europe ont accepté de beaucoup y sacrifier. Là aussi nuance avec les ambitions de
Frédéric II. Et surtout échec final des croisades ne permettent pas de conserver le
contrôle de la Terre Sainte. Malgré les appels répétés de la papauté, les souverains ne
sont plus prêts après Louis IX à se lancer à nouveau dans de grandes expéditions pour
reconquérir la Palestine.
Puissance économique, puissance économique de l’Église renforcée par la reconquête de
l’Espagne ou la conquête de nouveaux territoires au Nord et à l’Est de l’Europe. Cette
puissance économique est celle de l’Église, mais aussi beaucoup celle des ordres, des
réguliers, des grands ordres traditionnels et nouveauté des ordres de moines soldats.
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