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II. Une Église conquérante
Problématique :
Quels aspects de la puissance de l’Église les conquêtes chrétiennes réalisées entre le 11e
et le 13e siècle renforcent-elles ?
1. L’Église face aux chrétiens en rupture
1.1. Des déviances
Vaudois et cathares
Les vaudois
De Pierre Valdès ou Valdo. Autre nom donné aux Vaudois « Fraternité des Pauvres de Lyon »,
ville d’origine du mouvement.
Pierre Valdès, riche marchand lyonnais, donc un laïc, qui fréquente cependant des clercs et
des étudiants de l’école cathédrale de Lyon.
Pierre Valdès se fait traduire en occitan notamment les Évangiles et des passages de l’Ancien
Testament.
1170 : il se « convertit » à une vie de pauvreté, il donne tous ses biens aux pauvres pour vivre
comme le Christ, volonté de revenir à la pureté de l’Église primitive. Par ailleurs, il
entreprend de prêcher la pauvreté évangélique dans les rues de Lyon et ce sans autorisation.
Un groupe de laïcs, les « Humiliés ou Pauvres de Lyon » vivant en commun de mendicité suit
son exemple.
1180 : au bout de 10 ans, l’archevêque de Lyon, inquiet de leur absence de formation et de
leurs audaces (réclame pour les laïcs le droit de lire la Bible, et donc que celle-ci soit traduite
en langue vernaculaire, aussi que les laïcs aient le droit de prêcher) leur interdit toute
prédication.
1181 : Valdo et ses disciples font appel au pape qui confirme la décision d’interdiction.
Pierre Valdès refuse de se soumettre, et se justifie en disant préférer « obéir à Dieu plutôt
qu’aux hommes ». Affirme son anticléricalisme.
Vaudois partis de Lyon, essaiment dans le Nord de l’Italie, notamment dans les vallées
alpines.
Les cathares
Le catharisme se développe surtout en Languedoc : d’où l’autre appellation d’Albigeois.
Succès du catharisme dans le Sud de la France, mais pas seulement, aussi en Italie,
notamment en Lombardie et à Florence.
Catharisme = la principale hérésie du 13e siècle, a concerné une zone beaucoup plus étendue
géographiquement que le mouvement vaudois, a ébranlé plus profondément l’hégémonie de
l’Église, a nécessité aussi des moyens beaucoup plus importants pour l’éradiquer.
Catharisme diffère beaucoup plus radicalement du dogme chrétien que la Fraternité des
pauvres de Lyon. Ici, un nouveau dogme est proposé.
- dualisme : existe deux divinités, un dieu du bien et un dieu du mal. dieu du bien = dieu du
monde des esprits ; dieu du mal = dieu du monde matériel
donc la résurrection ne peut être que celle de l’âme et non celle du corps,
donc matériel donc mauvais car créé par le Dieu mauvais.
De même le Christ ne peut être le Dieu du bien incarné puisque toute chair est mauvaise.
S’incarner serait se livrer au mal.
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- refus du baptême des enfants : la croyance est un choix donc s’effectue à un âge plus avancé.
Le baptême signifie l’entrée dans la communauté des croyants, donc il doit être demandé par
le croyant et accordé par la communauté et non donné par un clerc souvent jugé illégitime et
peu scrupuleux.
Seul sacrement reconnu par les cathares : le consolamentum = rituel d’imposition des mains
qui distingue les « parfaits » assumant une vie totalement pure des simples croyants.
- forte critique des clercs. Les cathares ont leur propre hiérarchie les « parfaits » = ceux qui
sont les plus purs. Vie chaste et austère. Elite austère, caractérisée par sa bonne connaissance
des textes bibliques et qui pratique la prédication itinérante.
Pour l’Église, des hérésies
Point commun des hérésies vaudoises et cathares :
- ils sont chrétiens, ils croient au Christ, au baptême et à la résurrection
- ils souhaitent une vie spirituelle plus intense, notamment par la confrontation directe
avec les Écritures
- ils veulent revenir à la pureté de l’Église primitive. Conviction de défendre une vision
plus proche de la vérité initiale et aussi de vivre de manière plus conforme avec celle
de Jésus et des premiers chrétiens
- c’est un même contexte qui explique leur développement : essor économique a
provoqué un accroissement des ressources des églises et des monastères qui heurtent
ceux qui prônent un idéal de pauvreté évangélique.
- ils s’opposent à l’Église en tant qu’institution, anticléricalisme des deux hérésies, ils
refusent que le clergé soit le seul intercesseur entre les chrétiens et dieu
Bien que l’Église les compare différences. Vaudois et cathares polémiquent au contraire entre
eux :
- Les vaudois ne s’opposent à l’Église que sur le plan disciplinaire
- alors que les cathares remettent en cause le dogme enseigné par l’Église. pour les
cathares, interprétation du dogme diverge avec la doxa de l’Église : le baptême ne doit
être qu’un baptême d’adulte et ce n’est pas un sacrement ; la résurrection sera celle de
l’âme et non des corps.
Aux yeux de l’Église, peu importe les différences, en s’opposant à l’institution et/ou à ses
dogmes, ils sont placés dans la même catégorie, celle de l’hérésie.
Que signifie le mot hérésie ?
Étymologiquement le mot signifie choix.
À bien retenir : l’hérésie n’existe pas en soi. Elle est ce que l’autorité ecclésiastique définit
comme tel. Et donc notion n’a de sens que lorsque l’institution se soucie de définir ses
doctrines. Est hérétique celui qui disjoint par son choix tel ou tel élément de la foi et en rompt
l’unité.
L’hérésie peut avoir deux champs d’action s’appuyant l’un sur l’autre : la critique de l’Église
hiérarchiquement constituée ; la contestation de vérités doctrinales.
Pb de ces hérésies pour nous. Nous ne les connaissons que par ce que l’Église en dit.
- sources littéraires posent un pb de subjectivité. Sources cathares ont été détruites par l’Église.
Les seules sources subsistant émanent de l’Église catholique et de l’Inquisition. Les auteurs
ne présentent que certains aspects du catharisme destinés à justifier la répression.
- sources archéologiques : les châteaux cathares, à l’état de ruines, difficiles à interpréter dans
le cadre de l’histoire religieuse ou de l’histoire culturelle.
= > Connaissances des historiens restent limitées à leur dénonciation par l’Église et à la
répression qu’elle mène contre elles.
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La sorcellerie
Sorcellerie est une autre forme de déviance contre laquelle l’Église lutte.
Sorcellerie = ensemble de pratiques très diverses renvoyées par l’Église dans le champ de la
magie. Pratiques antérieures aux hérésies précédemment décrites. Pratiques que l’Église
n’arrivera jamais à éradiquer que l’on trouvera décrites jusqu’à la fin du Moyen Âge, et même
à l’époque moderne.
Pratiques visant à :
- prédire l’avenir
- assurer des soins aux humains, aux plantes ou aux animaux, ou au contraire à rendre
malade, voire tuer, notamment par l’usage de sorts (provoquer des orages pour
détruire des récoltes), de plantes, de poisons
- aider ou nuire d’une manière ou d’une autre qui n’ait en tout cas pas de rapport avec le
recours à la prière ou à la pénitence, le recours à dieu : exemple favoriser la fertilité ou
provoquer l’impuissance, enchanter
Pratiques dues à des personnages divers appelés sorciers, sorcières, mais aussi magiciens,
magiciennes. Des individus qui peuvent se proclamer chrétiens tout en pratiquant la
sorcellerie et auxquels des chrétiens ont recours à côté du recours à la prière et à la pénitence.
Église ajoute à ces pratiques des pratiques folkloriques qu’elle juge inacceptables, combat
pour la fertilité, voyage extatique vers le monde des morts…
1.2. La lutte contre les déviances
La répression brutale : l’usage des armes et
l’inquisition
Vaudois
1182 : Pierre Valdès et les Vaudois sont excommuniés
1184 : concile de Vérone, l’Église condamne précisément les vaudois
Dès lors répression, les vaudois sont recherchés et doivent rentrer dans le rang ou ils sont
persécutés.
Répression fait évoluer les vaudois.
Les « pauvres de Lyon » se divisent en plusieurs groupes :
- Certains réintègrent l’Église catholique en 1215, ce sont les « pauvres catholiques »
- D’autres passent du schisme déniant toute autorité à la hiérarchie à l’hérésie
antisacerdotale et antisacramentelle. Ils s’établissent dans les vallées alpines, en Italie
du Nord, en Bohême et en Allemagne, et se radicalisent. 16e siècle, les vaudois
français rallieront la Réforme.
Cathares
1206-1215 : prédication de Saint-Dominique, chanoine castillan, autorisé par son évêque à
prêcher dans le Lauragais. Parcourt pendant dix ans le Lauragais, organise de grands débats
publics avec les hérétiques. Estimant dès 1207 que cette prédication a des résultats trop
faibles, la papauté, appuyée par le pouvoir civil, a décidé d’une action militaire contre les
cathares.
1207 : Le pape a invité le roi de France Philippe Auguste et d’autres barons à réprimer
l’hérésie par les armes dans le comté de Toulouse.
1208 : Assassinat du légat du pape déclenche l’action militaire. Le pape fait prêcher la
croisade contre les Albigeois et contre Raymond VI de Toulouse qui les protégeait.
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Composés de seigneurs du nord de la France, les troupes de croisés sont placées sous le
commandement de Simon de Montfort. La guerre est cruelle, marquée d’épisodes sanglants
comme le massacre de Béziers où les croisés exterminent 30 000 personnes (1209).
Simon de Montfort et ses compagnons détournent souvent la croisade des Albigeois à leur
profit personnel et le pape accuse le chef des croisés de « répandre le sang injustement… pour
servir ses intérêts et non pas la cause de la religion. »
Parallèlement, action de l’Inquisition mise en place progressivement dès la fin du 12e siècle.
1215 : concile de Latran IV formalise l’action de l’inquisition
- confirme que les seigneurs laïques doivent prêter main forte à l’Église sous peine
d’excommunication,
- que les populations doivent dénoncer à l’évêque les hérétiques,
- que dans chaque paroisse doit être constituée une commission composée d’un prêtre et
de laïcs, commission chargée de dénoncer aux autorités religieuses les hérétiques et
leurs complices.
- amplifie ces mesures en menaçant d’excommunication et de déposition les seigneurs
qui n’auraient pas éliminé l’hérésie de leur possession.
- Inquisition ensuite menée par les évêques ou leurs représentants qui peuvent seuls
prononcer la sentence.
Concrètement comment agit le tribunal de l’inquisition une fois que des personnes ont été
dénoncées comme hérétiques ?
- interrogatoire pour que l’hérétique se rétracte, torture autorisée par le pape au milieu
du 13e siècle pour obtenir des aveux
- si l’hérétique ne se repent pas, l’hérétique est frappé du supplice du feu.
- celui qui se rétracte seulement par peur de la mort est incarcéré à vie, les relaps sont
brûlés.
- l’hérétique repentant évite le feu mais doit porter la croix sur son vêtement.
- les receleurs d’hérétiques perdent leurs biens et leurs maisons sont rasées.
Devant le peu d’enthousiasme des évêques, l’Inquisition est rapidement (1232) confiée à
l’ordre des dominicains. Bientôt les franciscains sont aussi associés à l’inquisition.
Réaction face à l’inquisition ?
- Évêques mécontents d’être privés de ce pouvoir de juger les hérétiques
- Les princes comme Saint-Louis mettent parfois un frein au zèle des inquisiteurs
- Les populations elles-mêmes se soulèvent parfois contre la peur d’une répression excessive
Réalité des peines infligées par l’Inquisition. Finalement, peu de condamnations à mort.
Exemple Bernard de Gui a prononcé 750 jugements. Ils ont abouti à 250 remises de peines et
500 sanctions, dont 29 peines de mort, et l’on ne sait pas si tous ont été tués, 13
condamnations à la prison, 231 assignations à résidence, 107 « peines infamantes », le reste
des pèlerinages et des jeunes.
inégalité géographico-polique de la lutte contre les hérésies.
En Espagne, le grand pb spirituel est celui de l’assimilation religieuse des 500 000 juifs et la
conversion des âmes reconquises.
En Italie, constitution de milices armées contre les hérétiques, ex ville de Sermione prise en
1273, 200 cathares de la cité sont brulés
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Sorcellerie
Au début idée que magiciens et sorciers doivent être accompagnés face à ce qui est une
manifestation du diable.
Puis, dans le contexte de la lutte contre les hérésies, l’attitude de l’Église bascule à la fin du
12e et surtout au 13e siècle. Se multiplient alors les récits qui diabolisent les hérétiques. Les
sorciers leur sont bientôt assimilés, tous sont considérés comme des adorateurs du diable.
1258 le pape confie aux inquisiteurs le soin de s’intéresser également aux sortilèges et
divinations ayant saveur d’hérésie.
Renforcer l’autorité de l’Église par de nouvelles
pratiques
Église consciente que la répression ne suffit pas. Il faut aussi proposer des actions mieux
adaptées aux exigences de pureté des fidèles.
Création de nouveaux ordres, les autres mendiants, pour répondre au désir d’un mode de vie
modeste en contact avec les fidèles, pour populariser hors des monastères l’exemplarité des
clercs. Ordres itinérants prêchent de ville en ville.
Deux ordres principaux :
Les dominicains et les franciscains, cf. le II. 3.
Par ailleurs, pour affronter les hérétiques qui sont souvent des érudits, notamment les parfaits
cathares, il faut des hommes d’Église érudit, féru de dogme et capable de soutenir la
controverse. Les inquisiteurs sont des clercs « érudits », capables d’argumenter correctement
face aux affirmations et contre arguments en particulier des cathares.
Défendre les sacrements
éléments mis en avant lors du concile de Latran IV en 1215
et qui prennent une importance accrue depuis le 12e siècle et au cours du 13e
idée affirmée que le prêtre n’est pas seulement l’exécuteur de gestes rituels permettant le
salut , mais un guide spirituel, dans cette logique :
- confession devient un élément de plus en plus important et le moment central de la pénitence,
humiliation liée à l’aveu vu comme pénitence, même si le prêtre préconise la pénitence
- le prêtre peut donner l’absolution si contrition affichée (repentir) avant que la pénitence soit
effectuée
= changement du sens de la confession, et donc prise d’importance
confession qui est elle-même un préalable à la communion devenue une obligation annuelle
or concile de Latran renforce les obligations des fidèles en la matière :
non seulement assistance à la messe dominicale le dimanche et les jours de fête
mais aussi participation plus régulière à l’Eucharistie
= contrer l’éloignement qu’a pu provoquer la sacralité du rite, affirmer l’idée de
transsubstantiation
Par ailleurs réaffirmation des points du dogme contestés par les cathares, de l’importance du
baptême des enfants, de la résurrection des âmes et des corps.
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