Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (11)
DISCUSSION
Ce travail sur les goîtres endémiques dans trois villages du
Burkina Faso appelle quelques commentaires :
.
Le goître peut être considéré comme existant à l’état
hyperendémique dans les villages étudiés puisque sa
prévalence au sein de l’échantillon considéré est de 80 %
et que l’on parle d’endémie quand la prévalence globale
de la maladie dépasse 5 % dans une population donnée (3).
Par ailleurs, l’atteinte d’enfants d’âge scolaire et de nou-
veaux-nés et nourrissons comme l’indique le tableau 2
confirme à plus d’un titre la sévérité de l’endémie dans
cette région (2, 4, 8). C’est pourquoi certains auteurs esti-
ment que les enfants d’âge scolaire constituent la popula-
tion témoin pour apprécier l’importance du goître dans la
population générale (8).
Les populations les plus touchées sont celles dont l’âge se
situe entre 6-19 ans et surtout les femmes en âge de pro-
créer. Ces constatations sont conformes aux résultats d’au-
tres travaux antérieurs (1, 2, 4, 7), cependant que la forte
proportion des femmes atteintes par le goître endémique
semble pouvoir s’expliquer par le lourd tribut que celles-ci
ont toujours payé à la pathologie thyroïdienne comme à
toutes les maladies endocriniennes ou systémiques.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que le goître endé-
mique constitue ici un problème de santé publique néces-
sitant des mesures adéquates et urgentes.
Ces mesures pour être efficaces, doivent permettre d’en-
rayer la cause du goître.
Nous rappelons qu’il n’a pas été possible d’effectuer des
dosages d’hormones thyroïdiennes (T3, T4) et/ou de TSH,
ni de taux d’iode urinaire ou de la teneur en iode du sel de
consommation ou du sol à des fins d’enquête étiologique.
Aussi, la constatation d’une teneur quasi nulle en iode de
l’eau de boisson de cette population qui ne consomme pas
d’aliments réputés goîtrigènes, nous a-t-elle paru constituer
un argument en faveur de la carence en iode comme cause
essentielle de cette endémie goîtreuse.
Une preuve indirecte de la responsabilité de la carence en
iode dans la survenue de cette endémie goîtreuse semble
être fournie par l’absence de goître parmi les personnes
ayant émigré temporairement mais suffisamment long-
temps de la zone d’endémie pour vivre dans un environ-
nement différent.
Il est par ailleurs admis que lorsque la prévalence du goître
est supérieure à 10 % dans une population donnée, la
carence en iode en constitue la cause prédominante (3).
Dans une zone hyperendémique comme le Département de
Tibga où le goître est certainement lié à une carence en
iode, le traitement à envisager doit être un traitement
d’urgence comme le préconisent certains auteurs (2, 3, 6).
Plusieurs possibilités thérapeutiques sont proposées, toutes
basées sur une apport d’iode. L’OMS (6) recommande
plutôt dans ces cas l’administration par voie parentérale de
solutions huileuses d’iode sous forme de LIPIODOL
permettant ainsi d’apporter rapidement des quantités suffi-
samment importantes d’iode pour couvrir les besoins de
l’organisme pendant quatre ans environ. L’inconvénient de
ce procédé réside essentiellement dans le coût élevé de
l’équipement nécessaire à sa réalisation et la nécessité de
former un personnel qualifié. a défaut, le LIPIODOL peut
être administré sous forme de capsules orales. Elles ne font
efficaces que pendant 18 mois à 2 ans.
Le traitement ainsi préconisé pourrait être relayé par la
suite par l’apport de sel enrichi en iode. Le sel étant une
denrée habituellement consommée de façon régulière et
quotidienne par la population considérée, il ne devrait pas
être difficile de l’utiliser comme moyen de prévention de la
carence iodée en l’enrichissant en iode, à condition de
maîtriser certaines difficultés pratiques que constituent le
contrôle de son circuit de distribution et de commercialisa-
tion. Une telle méthode de prévention a été entreprise avec
succès en Europe et aux USA ainsi que dans plusieurs pays
du tiers monde (3, 4, 5, 6, 8).
CONCLUSION
Les troubles dûs à la carence en iode et notamment le goî-
tre endémique constituent un important problème de santé
publique dans les pays du tiers monde et notamment au
Burkina Faso. Cette étude a permis d’apprécier la préva-
lence du goître dans le département de Tibga et de proposer
une stratégie de lutte. Elle peut ainsi servir de modèle en
vue d’une évaluation à l’échelle nationale suivie d’une
campagne de prévention efficace.
PROBLEME DU GOITRE ENDEMIQUE 739
BIBLIOGRAPHIE
1 - DOH A., ZIEGLER O., FIAMO K.
Le goître endémique au Togo.
O.C.C.G.E. - Information n°83 10-22.
2 - EKPECHI OL.
Tableau des T.D.C.I. en Afrique. Epidémiologie et conséquence de ces troubles.
OMS - FISE - ICCDIDD Yaoundé Mars 1987.