Défi diagnostic - STA HealthCare Communications

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Défi diagnostic
Un inconfort à la miction
François Melançon, M.D.
Le cas de Jérémie
Jérémie, un jeune homme de 25 ans, vous consulte pour un inconfort à la
miction. Ce malaise est apparu de façon assez soudaine, il y a deux jours. Les
symptômes sont pires le matin et diminuent progressivement le soir, sans
totalement disparaître. Jérémie se plaint d’une lourdeur dans le bas-ventre et
d’un malaise aux testicules; il vous dit que sa conjointe n’a aucun symptôme.
L’examen physique est négatif – il n’y a aucune lésion sur le gland, les testicules
sont normaux et la prostate est indolore.
De quoi souffre Jérémie et de quelle façon allez-vous le traiter?
Encadré 1
Types d’urétrite
L’urétrite
ne urétrite est une inflammation de l’urètre post-traumatique ou
secondaire à une infection (voir Encadré 1); elle est généralement transUrétrite gonococcique
mise sexuellement. Il existe deux formes dominantes d’urétrites infectieuses :
Les patients souffrant d’une urétrite
l’urétrite à gonocoque (Neisseria gonorrhoeae) et l’urétrite non gonococcique
gonococcique ont une période
d’incubation plus courte que ceux
(Chlamydia trachomatis, Ureaplasma urealyticum, Mycoplasma
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de données supplémentaires.
Urétrite post-traumatique
L’urétrite post-traumatique se
produit chez 2 à 20 % des patients
utilisant un cathéter de façon
intermittente ou ayant subi une
intervention impliquant une
instrumentation génitale. Le risque
d’urétrite est 10 fois plus élevé avec
les cathéters en latex qu’avec les
cathéters en silicone.
Qui en souffre?
L’urétrite touche les hommes autant que les femmes, mais ces dernières sont souvent asymptomatiques. Elles se présentent donc plutôt à la clinique avec une vaginite, une cervicite ou une cystite. L’homosexualité masculine hausse le risque de
développer une urétrite, mais les femmes homosexuelles ne voient pas leur risque
augmenter. L’incidence de la maladie est plus élevée dans la population des 20 à
25 ans.
le clinicien octobre 2010
1
Défi diagnostic
Encadré 2
Symptômes les
plus communs
• Un écoulement urétral jaunâtre,
verdâtre ou brunâtre, parfois
sanguinolent;
• De la dysurie localisée au méat
(pire à la première miction du
matin et souvent empirée par la
consommation d’alcool);
• Il ne devrait pas y avoir d’urgence
mictionnelle ou de fréquence
augmentée. La présence de tels
symptômes suggère plutôt une
cystite ou une prostatite;
• Des démangeaisons dans l’urètre
persistantes entre les mictions;
• Une lourdeur dans le bas-ventre
ou dans les testicules. S’il y a
douleur testiculaire, on doit penser
à une épididymite, à une orchite ou
aux deux diagnostics;
• Chez la femme, les symptômes
sont parfois pires avec les
menstruations.
Dr Melançon est
omnipraticien et compte
25 années d’expérience
dont 18 en salle
d’urgence. Il a pratiqué
en cabinet privé et en
CLSC. Il est récemment
revenu à ses premières amours, soit la
médecine d’urgence, la traumatologie et la
psychiatrie.
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le clinicien octobre 2010
L’examen clinique
Beaucoup de patients – 25 % de ceux
avec une urétrite non gonococcique et
75 % des femmes infectées par C.
Trachomatis – sont asymptomatiques
et ne sont diagnostiqués qu’après une
revue détaillée des contacts qu’ils ont
eus avec des personnes potentiellement infectées. Lorsqu’il y a présence
de symptômes, ceux-ci apparaissent
entre quatre jours et deux semaines à la
suite du contact.
La présence de symptômes
systémiques (Encadré 2)
S’il y a présence de symptômes systémiques (température, diaphorèse,
nausées, etc.) il faut suspecter une
gonococcémie systémique, une pyélonéphrite ou une arthrite réactive. Dans
ce dernier cas, on peut aussi parfois
noter une inflammation de l’iris.
À moins qu’il n’y ait présence de
symptômes systémiques, auquel cas il
faut examiner attentivement les articulations et les iris, l’examen de l’ensemble du corps entraîne très peu de résultats positifs. On concentre donc
l’examen sur la région génitale, tout en
évitant d’examiner un patient immédiatement après une miction puisque le
fait d’uriner peut littéralement laver
l’urètre, faisant disparaître l’écoulement et les bactéries à cultiver.
Idéalement, l’examen devrait se faire
deux heures après une miction.
Examen des organes génitaux
On doit d’abord vérifier la présence de
lésions cutanées suggérant d’autres
infections transmises sexuellement :
condylomes acuminés, herpès simplex
et syphilis (voir Encadré 3 pour la liste
des diagnostics différentiels). Chez
l’homme, le prépuce doit être repoussé
pour permettre un examen adéquat du
gland et du méat. Pour ce faire, on
écrase délicatement l’urètre, de la base
du pénis au méat, en vérifiant la
présence d’écoulement. Les testicules
sont ensuite examinés pour détecter la
présence de gonflement, de douleur ou
de chaleur, symptômes suggérant une
orchite ou une épididymite. Finalement, la prostate est palpée pour
s’assurer de l’absence de gonflement
douloureux et de changement de
texture.
Chez la femme, on insère un doigt
ganté dans le vagin, tout en appuyant
le long de l’urètre, jusqu’au méat. Tout
écoulement est cultivé. On s’assure
ensuite de l’absence d’abcès, dont la
présence cause chaleur et douleur. On
procède aussi à un examen pelvien qui
inclue des cultures cervicales et on
s’assure de l’absence d’adénopathies
inguinales. Chez l’homme et la femme, l’anus est examiné de manière à
noter la présence de lésions de condylomes et de déchirures. Une température anormale, un rash palmaire, une
sensibilité articulaire ou la présence
d’une conjonctivite ou d’une inflammation de l’iris suggèrent fortement
une maladie systémique.
Le diagnostic
On peut diagnostiquer une urétrite s’il
y a écoulement urétral purulent ou
mucopurulent, devant un écouvillonnage urétral qui contient au moins cinq
leucocytes par champ d’immersion ou
si la première miction du matin
présente de l’estérase leucocytaire au
bâtonnet ou au moins 10 leucocytes
Défi diagnostic
Encadré 3
Diagnostic différentiel
Les possibilités sont nombreuses :
prostatite, infection à mycoplasme,
cystite, vaginite, infection à
chlamydia, condylomes, syphilis,
salpingite, etc. Certains problèmes
psychologiques doivent aussi
parfois être pris en compte,
notamment le sentiment de
culpabilité ressenti pour un
comportement sexuel que le
patient trouve déviant ou la
culpabilité causée par l’infidélité.
par champ. Tous les patients soupçonnés d’urétrite doivent être traités pour
N. gonorrhoeae et C. trachomatis.
Par ailleurs, l’examen de Gram
n’est plus nécessaire puisqu’il est
actuellement recommandé de traiter le
patient à la fois pour une urétrite non
gonococcique et une urétrite gonococcique. L’écouvillonnage urétral se fait
en insérant un coton tige d’un ou deux
centimètres dans l’urètre, puis il est
recommandé de procéder à des cultures endocervicales chez les femmes.
En cas de dysurie
Retour sur le cas
de Jérémie
Quoiqu’auparavant très actif
sexuellement, Jérémie est demeuré
fidèle à sa conjointe depuis qu’ils se
sont rencontrés il y a plus de six
mois. L’examen physique n’a rien
démontré de significatif et la culture
pour gonorrhée était négative.
Jérémie et sa partenaire ont donc
été traités pour une urétrite non
gonococcique avec une seule dose
d’azythromycine. Ils sont maintenant
asymptomatiques.
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le clinicien octobre 2010
Lorsqu’il y a dysurie, une culture
d’urine peut aider à démontrer la
présence d’une cystite ou d’une
pyélonéphrite. On peut suggérer aux
patients un test de dépistage de la
syphilis et du virus de l’immunodéficience humain (VIH). En présence
d’uvéite ou d’arthrite, une investigation rhumatologique plus poussée
devrait être envisagée. À moins de
traumatisme secondaire à l’insertion
de corps étrangers, une investigation
radiologique n’est pas nécessaire.
Lorsqu’il y a eu trauma, une cystoscopie peut être utile et une cathétérisation sus-pubienne peut être nécessaire
en présence d’un œdème important
empêchant la miction.
Le traitement
Il est important d’insister sur l’importance d’éviter les relations sexuelles
tant que tous les partenaires potentiels
n’auront pas été traités, de même que
sur l’usage des contraceptifs du type
barrière et sur la transmission possible
du gonocoque par les voies orogénitales et génito-anales. Il est aussi
recommandé de prescrire des antibiotiques pour diminuer la morbidité et la
transmission de la condition aux
autres. Pour ce faire, on choisit des
antibiotiques qui couvrent le gonocoque et les autres pathogènes responsables des urétrites. Autrement, le
risque d’une urétrite post-traitement
est de 50 %. Plusieurs régimes
thérapeutiques sont possibles, mais on
privilégie les traitements unidose.
Le choix des antibiotiques
Les choix possibles d’antibiotiques
sont nombreux : azithromycine orale,
ofloxacine orale, ciprofloxacine orale,
doxycycline orale, etc. L’azythromycine et la doxycycline orale traitent très
bien tous les types d’urétrite, notamment celles à C. trachomatis. Étant
donné l’efficacité d’un traitement
unidose à 4 g pour chaque partenaire,
l’azithromycine orale constitue un traitement efficace et bien toléré. En raison d’une incidence élevée de gonorrhée résistante aux quinolones en Asie
du Sud-Est, on doit toujours vérifier si
notre patient y a récemment séjourné.
Le suivi
Seuls les patients qui demeurent symptomatiques nécessitent une culture
post-traitement. Dans la plupart des
cas, la persistance des symptômes est
secondaire à l’un des pathogènes causant l’urétrite non gonococcique. Les
patients souffrant d’urétrite non gonococcique peuvent être traités par un
traitement prolongé d’érythromycine
(de 14 à 28 jours). Face à un patient
souffrant d’urétrite gonococcique
résistante, on adapte le traitement en
fonction de l’antibiogramme. C
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