Défi diagnostic Un inconfort à la miction François Melançon, M.D. Le cas de Jérémie Jérémie, un jeune homme de 25 ans, vous consulte pour un inconfort à la miction. Ce malaise est apparu de façon assez soudaine, il y a deux jours. Les symptômes sont pires le matin et diminuent progressivement le soir, sans totalement disparaître. Jérémie se plaint d’une lourdeur dans le bas-ventre et d’un malaise aux testicules; il vous dit que sa conjointe n’a aucun symptôme. L’examen physique est négatif – il n’y a aucune lésion sur le gland, les testicules sont normaux et la prostate est indolore. De quoi souffre Jérémie et de quelle façon allez-vous le traiter? Encadré 1 Types d’urétrite L’urétrite ne urétrite est une inflammation de l’urètre post-traumatique ou secondaire à une infection (voir Encadré 1); elle est généralement transUrétrite gonococcique mise sexuellement. Il existe deux formes dominantes d’urétrites infectieuses : Les patients souffrant d’une urétrite l’urétrite à gonocoque (Neisseria gonorrhoeae) et l’urétrite non gonococcique gonococcique ont une période d’incubation plus courte que ceux (Chlamydia trachomatis, Ureaplasma urealyticum, Mycoplasma hominis, ent el v souffrant d’une urétrite non u n peut einflammation Mycoplasma genitalium ou Trichomonas vaginalis). Cette es p person gonococcique et ils se plaignent en é s i aussi, bien que plus rarement, être causée par tun vénérien, e orlymphogranulome général d’un début abrupt des au r usag s e de l’herpès génital, la syphilis, une ninfection à umycobactéries, des bactéries n symptômes de dysurie et r le rso poupost-virales einfections d’écoulement. Gram négatives ou encore sdes à streptocoque seconp e pie L u . o c méningocoques. L’urétrite est par ailleurs daires aux anaérobies ée ou aux Urétrite non gonococcique hib r une o r e p fréquemment t associée im à d’autres syndromes inflammatoires ou infectieux de la Les patients souffrant d’une urétrite e es t impr é s i génitale r non gonococcique ont une période e (épididymite, orchite, prostatite, etc.) et de la région rectale (procorégion ser aut tite). liLa a d’incubation plus longue et n maladie peut même être liée à des pathologies d’ordre systémique, telles u o n n er, vis o l’apparition de dysurie ou i t que l’inflammation de l’iris, l’arthrite réactive (surtout chez les porteurs du gène ich lisa aa,fest d’écoulement,Llorsqu’il ’uti yeen , f r HLA-B27), la pneumonie et l’otite, bien que le lien entre ces dernières conditions rg subaiguë. Plusieursha autres c é l et l’urétrite ne soit toujours pas expliqué. organismestépeuvent causer une U © t gh iale i erc r y p o C n comm e t n e V s e t i rd e t in tio u b ri t s i et d urétrite et la culture n’apporte pas de données supplémentaires. Urétrite post-traumatique L’urétrite post-traumatique se produit chez 2 à 20 % des patients utilisant un cathéter de façon intermittente ou ayant subi une intervention impliquant une instrumentation génitale. Le risque d’urétrite est 10 fois plus élevé avec les cathéters en latex qu’avec les cathéters en silicone. Qui en souffre? L’urétrite touche les hommes autant que les femmes, mais ces dernières sont souvent asymptomatiques. Elles se présentent donc plutôt à la clinique avec une vaginite, une cervicite ou une cystite. L’homosexualité masculine hausse le risque de développer une urétrite, mais les femmes homosexuelles ne voient pas leur risque augmenter. L’incidence de la maladie est plus élevée dans la population des 20 à 25 ans. le clinicien octobre 2010 1 Défi diagnostic Encadré 2 Symptômes les plus communs • Un écoulement urétral jaunâtre, verdâtre ou brunâtre, parfois sanguinolent; • De la dysurie localisée au méat (pire à la première miction du matin et souvent empirée par la consommation d’alcool); • Il ne devrait pas y avoir d’urgence mictionnelle ou de fréquence augmentée. La présence de tels symptômes suggère plutôt une cystite ou une prostatite; • Des démangeaisons dans l’urètre persistantes entre les mictions; • Une lourdeur dans le bas-ventre ou dans les testicules. S’il y a douleur testiculaire, on doit penser à une épididymite, à une orchite ou aux deux diagnostics; • Chez la femme, les symptômes sont parfois pires avec les menstruations. Dr Melançon est omnipraticien et compte 25 années d’expérience dont 18 en salle d’urgence. Il a pratiqué en cabinet privé et en CLSC. Il est récemment revenu à ses premières amours, soit la médecine d’urgence, la traumatologie et la psychiatrie. 2 le clinicien octobre 2010 L’examen clinique Beaucoup de patients – 25 % de ceux avec une urétrite non gonococcique et 75 % des femmes infectées par C. Trachomatis – sont asymptomatiques et ne sont diagnostiqués qu’après une revue détaillée des contacts qu’ils ont eus avec des personnes potentiellement infectées. Lorsqu’il y a présence de symptômes, ceux-ci apparaissent entre quatre jours et deux semaines à la suite du contact. La présence de symptômes systémiques (Encadré 2) S’il y a présence de symptômes systémiques (température, diaphorèse, nausées, etc.) il faut suspecter une gonococcémie systémique, une pyélonéphrite ou une arthrite réactive. Dans ce dernier cas, on peut aussi parfois noter une inflammation de l’iris. À moins qu’il n’y ait présence de symptômes systémiques, auquel cas il faut examiner attentivement les articulations et les iris, l’examen de l’ensemble du corps entraîne très peu de résultats positifs. On concentre donc l’examen sur la région génitale, tout en évitant d’examiner un patient immédiatement après une miction puisque le fait d’uriner peut littéralement laver l’urètre, faisant disparaître l’écoulement et les bactéries à cultiver. Idéalement, l’examen devrait se faire deux heures après une miction. Examen des organes génitaux On doit d’abord vérifier la présence de lésions cutanées suggérant d’autres infections transmises sexuellement : condylomes acuminés, herpès simplex et syphilis (voir Encadré 3 pour la liste des diagnostics différentiels). Chez l’homme, le prépuce doit être repoussé pour permettre un examen adéquat du gland et du méat. Pour ce faire, on écrase délicatement l’urètre, de la base du pénis au méat, en vérifiant la présence d’écoulement. Les testicules sont ensuite examinés pour détecter la présence de gonflement, de douleur ou de chaleur, symptômes suggérant une orchite ou une épididymite. Finalement, la prostate est palpée pour s’assurer de l’absence de gonflement douloureux et de changement de texture. Chez la femme, on insère un doigt ganté dans le vagin, tout en appuyant le long de l’urètre, jusqu’au méat. Tout écoulement est cultivé. On s’assure ensuite de l’absence d’abcès, dont la présence cause chaleur et douleur. On procède aussi à un examen pelvien qui inclue des cultures cervicales et on s’assure de l’absence d’adénopathies inguinales. Chez l’homme et la femme, l’anus est examiné de manière à noter la présence de lésions de condylomes et de déchirures. Une température anormale, un rash palmaire, une sensibilité articulaire ou la présence d’une conjonctivite ou d’une inflammation de l’iris suggèrent fortement une maladie systémique. Le diagnostic On peut diagnostiquer une urétrite s’il y a écoulement urétral purulent ou mucopurulent, devant un écouvillonnage urétral qui contient au moins cinq leucocytes par champ d’immersion ou si la première miction du matin présente de l’estérase leucocytaire au bâtonnet ou au moins 10 leucocytes Défi diagnostic Encadré 3 Diagnostic différentiel Les possibilités sont nombreuses : prostatite, infection à mycoplasme, cystite, vaginite, infection à chlamydia, condylomes, syphilis, salpingite, etc. Certains problèmes psychologiques doivent aussi parfois être pris en compte, notamment le sentiment de culpabilité ressenti pour un comportement sexuel que le patient trouve déviant ou la culpabilité causée par l’infidélité. par champ. Tous les patients soupçonnés d’urétrite doivent être traités pour N. gonorrhoeae et C. trachomatis. Par ailleurs, l’examen de Gram n’est plus nécessaire puisqu’il est actuellement recommandé de traiter le patient à la fois pour une urétrite non gonococcique et une urétrite gonococcique. L’écouvillonnage urétral se fait en insérant un coton tige d’un ou deux centimètres dans l’urètre, puis il est recommandé de procéder à des cultures endocervicales chez les femmes. En cas de dysurie Retour sur le cas de Jérémie Quoiqu’auparavant très actif sexuellement, Jérémie est demeuré fidèle à sa conjointe depuis qu’ils se sont rencontrés il y a plus de six mois. L’examen physique n’a rien démontré de significatif et la culture pour gonorrhée était négative. Jérémie et sa partenaire ont donc été traités pour une urétrite non gonococcique avec une seule dose d’azythromycine. Ils sont maintenant asymptomatiques. 4 le clinicien octobre 2010 Lorsqu’il y a dysurie, une culture d’urine peut aider à démontrer la présence d’une cystite ou d’une pyélonéphrite. On peut suggérer aux patients un test de dépistage de la syphilis et du virus de l’immunodéficience humain (VIH). En présence d’uvéite ou d’arthrite, une investigation rhumatologique plus poussée devrait être envisagée. À moins de traumatisme secondaire à l’insertion de corps étrangers, une investigation radiologique n’est pas nécessaire. Lorsqu’il y a eu trauma, une cystoscopie peut être utile et une cathétérisation sus-pubienne peut être nécessaire en présence d’un œdème important empêchant la miction. Le traitement Il est important d’insister sur l’importance d’éviter les relations sexuelles tant que tous les partenaires potentiels n’auront pas été traités, de même que sur l’usage des contraceptifs du type barrière et sur la transmission possible du gonocoque par les voies orogénitales et génito-anales. Il est aussi recommandé de prescrire des antibiotiques pour diminuer la morbidité et la transmission de la condition aux autres. Pour ce faire, on choisit des antibiotiques qui couvrent le gonocoque et les autres pathogènes responsables des urétrites. Autrement, le risque d’une urétrite post-traitement est de 50 %. Plusieurs régimes thérapeutiques sont possibles, mais on privilégie les traitements unidose. Le choix des antibiotiques Les choix possibles d’antibiotiques sont nombreux : azithromycine orale, ofloxacine orale, ciprofloxacine orale, doxycycline orale, etc. L’azythromycine et la doxycycline orale traitent très bien tous les types d’urétrite, notamment celles à C. trachomatis. Étant donné l’efficacité d’un traitement unidose à 4 g pour chaque partenaire, l’azithromycine orale constitue un traitement efficace et bien toléré. En raison d’une incidence élevée de gonorrhée résistante aux quinolones en Asie du Sud-Est, on doit toujours vérifier si notre patient y a récemment séjourné. Le suivi Seuls les patients qui demeurent symptomatiques nécessitent une culture post-traitement. Dans la plupart des cas, la persistance des symptômes est secondaire à l’un des pathogènes causant l’urétrite non gonococcique. Les patients souffrant d’urétrite non gonococcique peuvent être traités par un traitement prolongé d’érythromycine (de 14 à 28 jours). Face à un patient souffrant d’urétrite gonococcique résistante, on adapte le traitement en fonction de l’antibiogramme. C