897 3 41 6 99 52 5 10 DÉCODAGE N°3 Juin 2004 Urétrite Aiguë Masculine : Quel Bilan ? Quel traitement ? ➢ Dr Dominique Delavierre, Urologue - CHU d’Orléans I. DÉFINITION L’urétrite aiguë masculine est une infection ou inflammation de l’urètre antérieur, le plus souvent sexuellement transmissible, caractérisée par un écoulement urétral purulent ou muco-purulent et/ou des brûlures mictionnelles, avec au minimum 5 polynucléaires neutrophiles sur le frottis urétral (grossissement 1000) [7]. II. MICROBIOLOGIE 1. Les micro-organismes les plus fréquents sont neisseria gonorrhoeae et chlamydiae trachomatis [4, 5, 7, 10]. • Neisseria gonorrhoeae est un bacille diplocoque gram négatif surtout intra-cellulaire. L’incubation est courte (2 à 5 jours) et l’urétrite s’accompagne le plus souvent d’un écoulement purulent • Chlamydiae trachomatis est une bactérie intra-cellulaire. L’incubation est plus longue (3 à 4 semaines le plus souvent). L’urétrite s’accompagne moins souvent d’un écoulement. Cet écoulement est par ailleurs plus discret, rarement purulent, plus souvent transparent. L’urétrite à chlamydiae peut être asymptomatique. 2. Les mycoplasmes sont des micro-organismes procaryotes, proches des bactéries extracellulaires. Le rôle de mycoplasma genitalium dans les urétrites non gonococciques semble désormais établi [1, 2, 6, 8, 10] mais celui d’uréaplasma uréalyticum reste controversé [6, 10]. En effet son pouvoir pathogène est difficile à évaluer en raison de sa présence fréquente dans l’urètre à l’état commensal. 3. Les autres micro-organismes impliqués sont trichomonas vaginalis (protozoaire flagellé responsable d’urétrites, subaiguës), haemophilus, streptococcus, staphylococcus aureus, escherichia coli [7, 10] III. EXAMENS DE LABORATOIRE 1. Diagnostiques a) Analyse de l’écoulement ou écouvillonnage sur coton ou alginate [7] 25 • 1er prélèvement pour examen direct sur lame (recherche de polynucléaires neutrophiles, neisseria gonorrhoeae ou autres bactéries) et recherche à l’état frais entre lame et lamelle de trichomonas vaginalis. • 2ème prélèvement pour culture (recherche de neisseria gonorrhoeae et d’autres bactéries) b) L’examen du 1er jet urinaire remplace désormais, pour la recherche du chlamydiae trachomatis, le prélèvement endourétral avec grattage mal toléré par les hommes [5]. Cette importante avancée diagnostique est liée au développement des techniques de biologie moléculaire par amplification gènique (PCR polymerase chain reaction) [5]. Le premier jet (10 à 30 ml) des premières urines du matin représente le meilleur prélèvement et il faut respecter un minimum de deux heures après la miction précédente. La recherche de mycoplasma genitalium s’effectue également sur ce prélèvement par PCR mais n’est pas de pratique courante [1, 2, 6, 8, 10]. DÉCODAGE Urétrite Aiguë Masculine : Quel Bilan ? Quel traitement ? N°3 Juin 2004 Tableau 1 : Germes les plus souvent responsables • Neisseria gonorrhoeae (incubation de 2 à 5 jours, écoulement fréquent, purulent) • Chlamydiae trachomatis (incubation de 3 à 4 semaines, écoulement rare, discret, transparent) • Mycoplasma genitalium • Uréaplasma uréalyticum (rôle controversé) • Trichomonas vaginalis Tableau 2 : Examens de laboratoire • Analyse de l’écoulement urétral ou écouvillonage • Examen du 1er jet urinaire pour recherche du Chlamydiae trachomatis par PCR • Examens inutiles : - Prélèvement endo-urétral avec grattage - Sérologie du Chlamydiae trachomatis Tableau 3 : Traitement • En présence d’un écoulement purulent (suspicion de neisseria gonorrhoeae) Ceftriaxone 125 mg IM dose unique ou Cefixime 400 mg per os dose unique ou Ofloxacine 400 mg per os dose unique ou Ciprofloxacine 500 mg per os dose unique Associé systématiquement à un traitement dirigé contre chlamydiae trachomatis et mycoplasma genitalium: Azithromycine 1 g per os dose unique ou Doxycycline 100 mg per os 2 fois par jour pendant 7 jours • En l’absence d’écoulement purulent Azithromycine 1 g per os dose unique ou Doxycycline 100 mg per os 2 fois par jour pendant 7 jours • Trichomonas vaginalis Métronidazole 2 g per os prise unique 26 DÉCODAGE c) La sérologie du chlamydiae trachomatis est inutile car la localisation urétrale n’entraîne pas la formation d’anticorps de manière constante et à un taux significatif [5]. 2. Bilan d’une infection sexuellement transmissible. a) Sérologies du VIH (après accord du patient), de la syphilis b) Vérification du statut vaccinal face à l’hépatite B (sérologie et vaccination éventuelles) IV. TRAITEMENT [7, 9] 1. En présence d’un écoulement purulent (suspicion de neisseria gonorrhoeae) Ceftriaxone 125 mg IM dose unique • ou Cefixime 400 mg per os dose unique • ou Ofloxacine 400 mg per os dose unique • ou Ciprofloxacine 500 mg per os dose unique Associé systématiquement à un traitement dirigé contre chlamydiae trachomatis et mycoplasma genitalium : Azithromycine (macrolide) 1 g per os dose unique ou Doxycycline (tétracycline) 100 mg per os 2 fois par jour pendant 7 jours 2. En l’absence d’écoulement purulent (et après élimination d’une bactériurie) Azithromycine 1 g per os dose unique ou Doxycycline 100 mg per os 2 fois par jour pendant 7 jours N°3 Juin 2004 Urétrite Aiguë Masculine : Quel Bilan ? Quel traitement ? L’azithromycine serait plus efficace sur mycoplasma genitalium que les tétracyclines [3]. 3 3. Trichomonas vaginalis 5 En cas d’échec ou si les examens retrouvent neisseria gonorrhoeae ou trichomonas vaginalis : traitement adapté. Métronidazole 2 g per os prise unique 4. Mesures d’accompagnement 4 L’urétrite est le plus souvent une infection sexuellement transmissible et impose une protection des rapports sexuels pendant 1 semaine ainsi que le bilan et le traitement de la, du ou des partenaires 6 V. CONCLUSION 8 Le traitement d’une urétrite aiguë masculine est simple et efficace mais des urétrites à chlamydiae sont asymptomatiques et en conséquence ne sont pas traitées avec des risques de complications (orchi-épididymites aiguës, syndrôme de FiessingerLeroy- Reiter, hypofertilité) [5, 7]. RÉFÉRENCES 1 2 DEGUCHI T, MAEDA S. Mycoplasma genitalium: another important pathogen of nongonococcal urethritis. J Urol. 2002, 167, 1210-7. 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