LA REVISION DE LA DIRECTIVE « TELEVISION SANS FRONTIERES » : UNE ADAPTATION DU CADRE REGLEMENTAIRE EUROPEEN AUX EVOLUTIONS DU PAYSAGE AUDIOVISUEL Face aux évolutions du marché audiovisuel résultant de l’émergence de nouvelles formes de services audiovisuels, de l’apparition de nouveaux acteurs issus du monde des télécommunications et de l’Internet et du développement de nouvelles formes de consommation « à la demande », l’adaptation du cadre réglementaire européen est apparue indispensable pour créer les conditions d’une concurrence équitable pour l’ensemble des services de médias audiovisuels. Cette adaptation passait nécessairement par la révision de la directive « télévision sans frontières » (ci-après « directive TVSF »)1 considérée, à juste titre, comme la « pierre angulaire de la politique audiovisuelle européenne ». Cette révision a débuté en janvier 2006 sur la base d’une proposition de directive présentée par la Commission le 13 décembre 20052. La négociation qui s’est alors engagée au Conseil et au Parlement, en application de la procédure de codécision, s' est conclue par l' accord politique 3 obtenu au Conseil des ministres du 24 mai 2007 . Cet accord ayant reçu l' approbation de la Commission, de la rapporteure au Parlement européen, Mme Hieronymi, ainsi que celui des trois principaux groupes politiques (PPE-DE, PSE, ADLE), le vote en seconde lecture par le Parlement, puis l' adoption formelle du texte, qui est devenu la directive relative aux services de médias audiovisuels sans frontières (ci-après « directive SMA »)4, n’étaient donc qu' une formalité à la charge de l' actuelle présidence portugaise. Ce délai de dix-huit mois est relativement court pour une négociation européenne, d' autant plus que les divergences étaient initialement considérables entre les délégations ; l' efficacité des présidences successives du Conseil, les présidences autrichienne, finlandaise – qui a obtenu l' adoption d' une orientation générale au Conseil le 13 novembre 20065 – et allemande, mérite à cet égard d' être saluée. On relèvera aussi que la procédure suivie, dite de « seconde lecture anticipée », a été permise par la volonté très tôt affirmée du Conseil de collaborer en amont avec le Parlement, avec l' organisation notamment de trilogues réunissant la Commission, la Présidence et les rapporteurs parlementaires pour établir au plus vite des convergences entre les institutions En outre, la conclusion rapide de cet accord s’explique certainement aussi par la nature même du texte qui reste une directive de coordination a minima, les Etats ayant la faculté de prévoir des règles plus strictes ou plus détaillées pour les fournisseurs de services relevant de leur compétence (article 3). 1 Directive 89/552/CE du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l' exercice d' activités de radiodiffusion télévisuelle (JOCE L 298 du 17 octobre 1989, p. 23) modifiée par la directive 97/36/CE du 30 juin 1997 (JOCE L 202 du 30 juillet 1997, p. 60). Pour une analyse de ces textes : Séverine FAUTRELLE, Bilan et perspectives de la directive « Télévision sans frontières », thèse de doctorat, septembre 2003, Université Panthéon-Assas. 2 COM (2005) 646 final. 3 Le vote en première lecture du Parlement européen, qui a eu lieu le 13 décembre 2006 (P6_TA(2006)0559), a ensuite conduit la Commission à formuler le 29 mars 2007 une proposition modifiée qui tenait compte des amendements parlementaires (COM(2007) 170 final). 4 Directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007, JOUE L 332 du 18 décembre 2007, p. 27. 5 Communiqué de presse de la Présidence finlandaise : http://www.eu2006.fi/news_and_documents/press_releases/vko46/en_GB/173857/ Document : http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/06/st14/st14464-co01.fr06.pdf Toutefois, la relative rapidité de la négociation ne doit pas pour autant cacher l' âpreté des débats qui se sont tenus dans les différentes enceintes, révélateurs des divergences profondes sur les manières d' appréhender le secteur de l' audiovisuel. La nécessité, absolue pour les uns, de réguler les nouveaux services signifiait pour les autres brider injustement la « liberté de l' Internet » ; la promotion de la diversité culturelle si chère à certains allait pour d’autres à l' encontre des mécanismes de marché. Le texte est finalement un compromis subtil entre ces diverses conceptions, dont les principales dispositions méritent ici d' être développées. I. – Vers une approche réglementaire englobant l’ensemble des services de médias audiovisuels Le changement de nom de la directive qui devient la directive relative « aux services de médias audiovisuels sans frontières » témoigne d’une nouvelle approche réglementaire consistant à appréhender juridiquement un ensemble de services qui, s’ils se différencient sur le plan fonctionnel, visent à diffuser des contenus similaires. A. - L’élargissement du champ d’application de la directive aux services à la demande Au milieu des années quatre-vingt dix, lors de la première révision de la directive, le Conseil et le Parlement avaient, après de longues hésitations, renoncé à étendre son champ d’application à de nouveaux services, estimant que ces services n’étaient encore qu’émergents et que toute réglementation anticipée risquerait de ralentir leur développement. Aujourd’hui, l’environnement audiovisuel a profondément évolué et il n’était plus possible d’ignorer l’existence de ces nouveaux services qui, proches de la télévision « classique » en termes de contenu, mais se distinguant sur le plan fonctionnel, pourraient à court terme entrer en concurrence avec celle-ci. Parmi ces nouveaux services, ceux de vidéo à la demande (VoD) se sont rapidement développés au cours de la dernière année. Selon une étude réalisée au début de 2007, on estime à plus de 150 le nombre de ces services actuellement opérationnels en Europe6. Leur marché se caractérise par la grande diversité des offres et des intervenants, témoignant ainsi du rapprochement évident des services et des plates-formes sous l’effet de la convergence : les services de VoD sont aujourd’hui proposés sur l’ensemble des types de supports existants (câble, satellite, télévision numérique terrestre, Internet et IPTV) ; trois types d’acteurs, les éditeurs de chaînes, les agrégateurs de contenus et les opérateurs de télécommunications, sont particulièrement actifs sur ce marché7. 6 « La vidéo à la demande en Europe », étude réalisée par NPA Conseil pour la Direction du développement des médias et l’Observatoire européen de l’audiovisuel, mai 2007. http://www.ddm.gouv.fr/IMG/pdf/vod-npa-2007.pdf Cette étude prend en compte exclusivement les services proposant (au moins en partie) de la VoD payante. Les vidéos amateurs et sites communautaires, les plates-formes proposant exclusivement des programmes audiovisuels selon un modèle gratuit, les offres de clips musicaux, certains services dont le but principal n’est pas la commercialisation d’œuvres en VoD et les offres de vidéo à la demande sur téléphonie mobile n’entrent pas dans le champ de cette étude. 7 « Même si la VoD est un marché encore émergent, elle implique déjà des transformations majeures dans les modes d’accès aux programmes. Par ailleurs, elle apporte de nombreux bouleversements dans l’industrie du cinéma et des programmes audiovisuels en termes de modèles économiques et de consommation. Dans presque tous les pays étudiés, la « délinéarisation » des grilles de programmes, le remodelage de la chronologie des médias et l’entrée de nouveaux acteurs se positionnant en concurrence directe avec les acteurs traditionnels de l’audiovisuel sont les premières conséquences de l’essor de la vidéo à la demande », étude NPA précitée, p. 11 Dans ces conditions, lors des consultations menées par la Commission, il est clairement apparu nécessaire d’appréhender juridiquement ces nouveaux services. La Commission a dès lors présenté en décembre 2005 une proposition de directive visant à étendre le champ d’application de la directive TVSF aux services à la demande. Très vite, de fortes oppositions ont été exprimées par le Royaume-Uni qui estimait prématuré une réglementation de ces services en cours de développement et arguait - à tort – qu’une telle approche revenait à réglementer l’Internet. De vives discussions se sont alors engagées au Conseil sur ce sujet. Elles auraient pu faire achopper la négociation tant la résistance du Royaume-Uni, soutenu par l’Espagne, la Slovaquie et le Danemark, et bénéficiant de la compréhension d’un certain nombre d’autres Etats membres, était forte. Le même clivage se dessinait au Parlement où les députés britanniques, très actifs dans les commissions du marché intérieur et de l’industrie, menaient le combat contre une directive qui allait selon eux brider le développement des nouveaux services et porter atteinte à la liberté de l’Internet. L’un des arguments mis en avant par les opposants à l’extension du champ d’application était l’existence de la directive sur le commerce électronique8, qu’ils estimaient suffisante pour traiter du cas des nouveaux services. Si cette directive prend effectivement en compte certaines des problématiques que la directive TVSF a pour but d' appréhender (protection des mineurs, lutte contre l’incitation à la haine…), sa rédaction n’est cependant pas adaptée à la spécificité du secteur audiovisuel et laisse de côté des pans entiers particulièrement importants, comme la promotion de la diversité culturelle (cf. infra). Malgré ces très fortes réticences d’une partie des Etats membres, les discussions finirent par aboutir à un compromis adopté par le Conseil des Ministres réuni à Bruxelles le 13 novembre 2006. Les opposants à l’extension du champ d’application se sont finalement rangés derrière l’avis de la Commission, majoritaire au Conseil, après avoir obtenu une meilleure définition du périmètre des services visés grâce à l’introduction de deux critères supplémentaires dans la définition des services de médias audiovisuels : les notions de responsabilité éditoriale et de programme. Cet ajout permettait d’apaiser la crainte exprimée par les acteurs de la nouvelle économie d’être soumis à des règles pour des contenus sur Internet qu’ils ne pouvaient maîtriser. La directive SMA englobe donc l’ensemble des services de médias audiovisuels, entendu comme un service qui remplit simultanément les critères suivants : être un service au sens communautaire du terme (définition des articles 49 et 50 du Traité CE), relever de la responsabilité éditoriale d’un fournisseur de services de médias, avoir pour objet principal la fourniture de programmes (au sein d’une grille ou d’un catalogue) dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer le grand public9 et être mis à disposition via des réseaux de communications électroniques. Au sein de cette catégorie des services de médias audiovisuels, on distingue deux souscatégories : les services de radiodiffusion télévisuelle ou « services linéaires », selon la terminologie initialement proposée par la Commission, et les services à la demande également 8 Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, JOCE L 178 du 17 juillet 2000, p. 1. 9 Il doit s’agir de moyens de communication de masse, c’est-à-dire qui sont destinés à être reçus par une part importante de la population et qui sont susceptibles d’avoir sur elle un impact manifeste ; toute forme de correspondance privée est donc exclue. appelés « services non linéaires ». Les services linéaires sont les services de radiodiffusion télévisuelle au sens de la directive TVSF actuellement en vigueur, sachant qu’il a été précisé que les nouvelles formes de télévision sont incluses. Ainsi sont visées toutes les formes de télévision : télévision analogique, numérique, en mode hertzien, par câble, satellite, ADSL ou Internet et les services de quasi-vidéo à la demande (ou « pay per view »)10, dès lors qu’elles constituent « un service fourni par un fournisseur de services de médias pour le visionnage simultané de programmes sur la base d’une grille de programmes » (article 1 c). Un service non linéaire est défini comme « un service fourni par un fournisseur de services de médias pour le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur demande individuelle sur la base d’un catalogue de programmes sélectionnés par le fournisseur de services de médias », c’est-à-dire notamment les services de vidéo à la demande (article 1 e) L’ajout des notions de « responsabilité éditoriale »11 et de « programme »12 permet de mieux circonscrire le périmètre des services visés tout en évitant pour autant de figer leurs définitions compte tenu du caractère évolutif du paysage audiovisuel. C’est pourquoi, concernant les services non linéaires, le considérant 13 bis précise que « ces services présentent la caractéristique d’être de « type télévisuel », ce qui signifie que s’adressant au même public, ils sont en concurrence avec les émissions télévisées et que, vu le type et le mode d’accès au service, l’utilisateur pourrait normalement s’attendre à bénéficier d’une protection réglementaire dans le cadre la présente directive (…). La notion de programme devrait être interprétée d’une manière dynamique qui tienne compte de l’évolution de la radiodiffusion télévisuelle ». Sont en revanche exclus du champ d’application de la directive tous les services dont la finalité principale n’est pas la fourniture de programmes, c’est-à-dire ceux dont le contenu audiovisuel n’est que secondaire (comme par exemple, un site de voyage qui proposerait à ses clients de visionner un mini film sur leur prochaine destination), les jeux de hasard (loteries, paris et autres formes de jeux d’argent, sauf les émissions consacrées à ces jeux), les jeux en ligne et les moteurs de recherche, ainsi que les versions électroniques des journaux et des magazines (considérants 14 et 15). Enfin, la question du statut juridique des nouveaux services composés de contenus générés par les utilisateurs (sites Internet comme YouTube ou DailyMotion) a fait l’objet de débats animés. Finalement, une formulation de compromis a été trouvée : ne sont couverts par la directive que les services tels que définis par le Traité, c’est-à-dire « toutes les formes d’activité économique, mais exclut les activités dont la vocation première n’est pas économique et qui ne sont pas en concurrence avec la radiodiffusion télévisuelle, comme les sites web privés et les services qui consistent à fournir ou à diffuser du contenu audiovisuel 10 Dans son arrêt du 2 juin 2005, la Cour de justice des Communautés européennes avait indiqué que les services de pay per view relevaient bien des services de radiodiffusion télévisuelle au sens de la directive TVSF. Aff. C89/04 Mediakabel BV contre Commissariat voor de Media. 11 On entend par responsabilité éditoriale, « l’exercice d’un contrôle effectif tant sur la sélection des programmes que sur leur organisation, soit sur une grille chronologique, dans le cas d’émissions télévisées, soit sur un catalogue, dans le cas de services à la demande. La responsabilité éditoriale n’a pas nécessairement pour corollaire une responsabilité juridique quelconque en vertu du droit national à l’égard du contenu ou des services fournis » (article 1 § 2 a ter) 12 On entend par programme, « un ensemble d’images animées, combinées ou non à du son, constituant un seul élément dans le cadre d’une grille ou d’un catalogue établi par un fournisseur de services de médias et dont la forme et le contenu sont comparables à ceux de la radiodiffusion télévisuelle. Ces programmes comprennent, à titre d’exemple, les films long métrage, les manifestations sportives, les comédies de situation, les documentaires, les programmes pour enfants et les pièces de théâtre » (article 1 a bis). créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échange au sein de communautés d’intérêt » (considérant 16). Il y a cependant fort à parier que cette formulation donnera lieu à des interprétations divergentes lors de la transposition de la directive. Une fois étendu et délimité le champ d’application de la future directive, il convenait de préciser le régime juridique applicable indistinctement à l’ensemble des services de médias audiovisuels. B. – La définition d’un socle commun de règles applicable à l’ensemble des services de médias audiovisuels Comme le rappelle le considérant 5 de la directive SMA : il est « nécessaire, pour éviter les distorsions de concurrence, renforcer la sécurité juridique, contribuer à l' achèvement du marché intérieur et faciliter l' émergence d' un espace unique de l' information, d' appliquer à tous les services de médias audiovisuels, aussi bien linéaires que non linéaires, au moins un ensemble minimal de règles coordonnées » ou « level playing field ». 1. La réaffirmation du principe fondamental du « pays d’origine » Alors même que l’évocation du principe du pays d’origine se traduisait dans tous les esprits par le souvenir des longues batailles de la directive sur les services dans le marché intérieur (directive « Bolkestein »), les spécificités du secteur audiovisuel ont néanmoins conduit à rouvrir ce débat au cours de la négociation. Le principe du pays d’établissement a été réaffirmé et a été étendu aux services non linéaires, de telle sorte que tout fournisseur de services de média audiovisuel doit se conformer aux règles de l’Etat membre dans lequel il est établi, y compris lorsque celui-ci impose des « règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par la directive » (article 3 §1). Il peut ensuite prester dans n’importe quel autre Etat membre dès lors qu’il respecte les règles de la directive (sauf exceptions, voir infra). En outre, la mise en œuvre de la compétence territoriale avait soulevé une autre difficulté, relative aux chaînes extra communautaires diffusées par satellite dans l’Union. A la suite des affaires Al Manar et Sahar 1 qui avaient conduit la France à interrompre la diffusion de ces chaînes au motif qu’elles diffusaient des programmes « contenant une incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de religion ou de nationalité », la solution retenue consiste à inverser les critères techniques de l’article 2 § 4 de la directive, de manière à faire prévaloir celui de la liaison montante sur celui de la capacité satellitaire. Une telle inversion devrait faciliter la détermination de l’Etat compétent. Enfin, et dans le respect des compétences régaliennes des Etats membres, la clause de sauvegarde de l’article 2 bis de la directive TVSF a été maintenue pour les services linéaires et a été étendue et complétée pour les services non linéaires. On distingue alors, d’une part, le régime applicable aux services de radiodiffusion télévisuelle dont la réception peut être suspendue par un Etat membre dès lors que ce service ne respecte pas les dispositions de la directive dans le domaine de la protection des mineurs et l’ordre public et, d’autre part, le régime des services linéaires consistant en une reprise des dispositions en la matière de la directive relative au commerce électronique13. En conséquence, les raisons pouvant justifier une suspension des services non linéaires sont plus nombreuses que pour les services linéaires : il peut s’agir de raisons d’ordre public (notamment de protection des mineurs, de lutte contre l’incitation à la haine, d’atteinte à la dignité de la personne humaine), de protection de la santé publique, de la sécurité publique ou des consommateurs. De plus, contrairement au régime des services linéaires, une procédure d’urgence permettant de suspendre rapidement un service non linéaire pourra être déclenchée. 2. Des règles communes en matière de communications commerciales Eu égard aux objectifs de protection des téléspectateurs et de respect de l’intégrité des œuvres, la Commission a jugé bon de proposer un socle de règles relatives aux communications commerciales communes à l’ensemble des services de médias audiovisuels. En revanche, toutes les règles de nature quantitative, qui existaient déjà pour les services de radiodiffusion télévisuelle, n’ont pas été étendues aux services non linéaires. a) L’extension des règles qualitatives ou déontologiques aux services non linéaires Afin de ne pas tromper le téléspectateur, les principes fondamentaux d’identification et de séparation de la publicité restent incontournables. Ils sont réaffirmés et étendus aux services non linéaires. En outre, les communications commerciales audiovisuelles clandestines sont interdites, de même que les techniques subliminales ne doivent pas être utilisées. Les communications commerciales audiovisuelles ne doivent pas porter atteinte à la dignité humaine, ni comporter de discrimination, ni porter préjudice moral ou physique aux mineurs (article 3 sexies). Par ailleurs, pour des raisons de santé publique, la publicité reste interdite dans certains secteurs, y compris sur les services non linéaires, comme le tabac, l’alcool ou les médicaments prescrits sur ordonnance (article 3 sexies §§ d à f). Enfin, pour ces mêmes raisons de santé publique, un débat nouveau s’est engagé sur la question de la publicité à destination des enfants pour les aliments « malsains ». Devant la montée croissante de l’obésité dans l’Union, touchant notamment les enfants, de nombreuses voix se sont élevées dans les rangs du Parlement européen, ainsi que parmi les associations de protection des consommateurs, afin d’interdire ce type de publicité. Le Parlement souhaitait à cet égard une disposition contraignante dans le dispositif de la directive consistant à interdire ce type de publicité, alors que le Conseil y était défavorable, estimant que cette directive n’était pas l’instrument adéquat pour traiter de cette question de santé publique, mais il était toutefois prêt à accepter un simple considérant sur ce sujet. Sensible aux arguments de santé publique, le Conseil a finalement accepté un ajout à l’article 3 sexies § 2 qui encourage les fournisseurs de services à adopter des codes déontologiques sur les communications commerciales audiovisuelles incluses ou accompagnant les programmes pour enfants et concernant les aliments trop gras ou trop sucrés. b) Vers un encadrement juridique du placement de produit L’autre sujet majeur de débat relatif aux communications commerciales a concerné le placement de produit. Il s’agit d’une pratique consistant pour les entreprises à participer au 13 Article 3 § 4 et suivants de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative au commerce électronique, op. cit. financement des productions audiovisuelles en contrepartie de la présence de leurs produits dans ces oeuvres. La Commission ayant constaté que cette pratique existait déjà dans de nombreux pays a souhaité l’encadrer juridiquement. Sa proposition initiale a suscité de nombreuses discussions opposant, d’un côté, ceux qui considéraient nécessaire d’interdire purement et simplement cette pratique qui risquait de nuire à la qualité des programmes, et de l’autre, ceux qui estimaient qu’il s’agissait d’une source de revenus non négligeable de la production audiovisuelle européenne et défendaient l’idée d’une autorisation encadrée. Il s’agissait dès lors de trouver un juste équilibre entre, d’une part, l’opportunité de trouver de nouveaux financements pour les productions européennes, sachant que les productions américaines utilisent allègrement le placement de produit, et d’autre part, de veiller à préserver l’intégrité des œuvres et la protection des téléspectateurs. A la demande de plusieurs parlementaires européens, mais aussi de la délégation allemande très active sur ce dossier après le scandale qui avait touché les chaînes publiques allemandes14, les dispositions relatives au placement de produit (article 3 octies) stipulent finalement que cette pratique est interdite en dehors d’une liste d’exceptions (œuvres cinématographiques, films et séries réalisés pour des services de médias audiovisuels, programmes sportifs et de divertissement), alors que la Commission envisageait initialement de l’autoriser dans certaines limites. En vertu d’un système d’opt-out, les Etats membres pourront toutefois décider de ne pas recourir, partiellement ou totalement, à ces dérogations. Si le message politique est donc celui de la fermeté, la marge de manœuvre laissée aux Etats lors de la transposition (y compris dans le mode de signalement aux téléspectateurs – à cet égard, l’information des téléspectateurs, certes indispensable, ne devrait toutefois pas se transformer en une surinformation produisant l’effet inverse de celui recherché) reste importante et préjuge de nombreuses discussions au niveau national. 3. La prise en compte de l’objectif politique d’un meilleur accès des handicapés aux services La question de l’accès des services de médias audiovisuels pour les handicapés était également chère au Parlement européen. Sur ce sujet, tout résidait dans l’équilibre ténu entre la nécessité d’imposer aux fournisseurs de services des obligations permettant d’améliorer l’accès à ces services des personnes handicapées et le risque, en faisant peser de trop lourdes contraintes, de mettre en péril la santé économique de certains petits fournisseurs. La disposition finalement retenue reste souple tout en permettant d’affirmer l’importance politique de cette cause : les fournisseurs de services doivent veiller à ce que leurs services deviennent progressivement accessibles aux personnes souffrant de déficiences visuelles ou auditives (article 3 quater). 4. Une meilleure protection des utilisateurs : le principe d’identification Afin d’assurer une certaine transparence pour les utilisateurs qui doivent être en mesure de savoir exactement qui est responsable du contenu des services, l’article 3 bis de la directive stipule que les fournisseurs de services doivent rendre accessibles, facilement, directement et de manière permanente, les informations permettant de les identifier (nom, adresses physique et électronique, autorité de régulation compétente). Cet article reprend pour l’essentiel l’article 5 de la directive 2000/31/CE relative au commerce électronique15 et prend tout son 14 Le journal Epd Medien a révélé au mois de juin 2005 la présence de placement de produit clandestin dans les séries Marienhof et In aller Freundschaft diffusées par la chaîne publique ARD, ce qui a créé une vive émotion outre-Rhin. 15 Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative au commerce électronique, op.cit. sens en particulier pour les services fournis exclusivement par Internet, pour lesquels l’anonymat pourrait être facilement préservé, à l’encontre du principe de transparence. Au-delà de ce socle de règles communes, la différence de nature entre les services linéaires et non linéaires justifiait la définition de règles spécifiques à chacune de ces catégories. II. – Une réglementation adaptée à la spécificité des catégories de services Comme le rappelle le considérant 42 de la directive SMA, « Les services de médias audiovisuels à la demande différent de la radiodiffusion télévisuelle eu égard au choix, au contrôle que l’utilisateur peut exercer et à l’impact qu’ils ont sur la société. Cela justifie une réglementation plus légère des services de médias audiovisuels à la demande, qui ne devraient se conformer qu’aux règles minimales prévues par la présente directive ». A. – La définition de règles spécifiques aux services non linéaires 1. –La contribution des services non linéaires à la promotion de la diversité culturelle Dès le début des négociations, la question de la contribution des services non linéaires à la promotion de la diversité avait été discutée sur la base du texte initialement proposé par la Commission, qui prévoyait que les fournisseurs de services de médias promeuvent, lorsque cela est réalisable, et par des moyens appropriés, la production des oeuvres européennes ainsi que l’accès à ces dernières. Malgré les divergences entre les délégations sur l’opportunité d’une telle contribution (logiquement, celles opposées à l’extension du champ d’application aux services à la demande) et sur la nature de celle-ci (certaines délégations - notamment autrichienne préféraient un simple encouragement plutôt qu’une obligation), la proposition de la Commission a finalement été renforcée. En effet, sous la pression de la France, qui avait fait de cette question son cheval de bataille, soutenue par plusieurs autres délégations, notamment belge et roumaine, et grâce aussi à la forte mobilisation des milieux professionnels (producteurs, auteurs…), la formulation initialement proposée par la Commission a été complétée par une liste non exhaustive d’exemples de mesures pouvant être mises en œuvre pour promouvoir la diversité culturelle sur les services non linéaires : la contribution financière de tels services à la production et à l’acquisition de droits sur les œuvres européennes, ou à la proportion et/ou mise en avant des oeuvres européennes dans le catalogue de programmes proposé par le service (article 3 decies)16. Force est de constater que ces dispositions restent souples dès lors qu’a été retenue la même formulation que pour les services linéaires (les quotas des articles 4 et 5 de la directive TVSF actuelle) : « lorsque cela est réalisable et par des moyens appropriés » ; il convient toutefois de se féliciter de cette approche, qui avait été aussi fortement soutenue par le Parlement européen, car elle s’inscrit pleinement dans les objectifs de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée à l’UNESCO le 20 octobre 2005 et approuvée par le Conseil de l’Union européenne le 18 mai 2006. Elle constitue en outre une réelle plus-value de la directive SMA par rapport à la directive relative au commerce électronique, dans la mesure où cette dernière, qui couvre les services à la demande, ne prévoit aucune disposition spécifique en la matière. 16 Une telle énonciation n’était initialement prévue que dans le considérant 35 de la proposition de directive. Enfin, on indiquera que la liberté accordée aux ayant-droits et aux diffuseurs en termes de chronologie des médias vaudra pour l’ensemble des services de médias audiovisuels, qu’ils soient linéaires ou non (article 3 quinquies). 2. – Mieux protéger les mineurs dans l’environnement non linéaire La question de l’opportunité d’insérer dans la directive TVSF révisée des dispositions relatives à la protection des mineurs en tant qu’utilisateurs des services non linéaires a pu faire débat dans la mesure où d’autres textes existent déjà : l’article 16 de la directive relative au commerce électronique et la recommandation sur la protection des mineurs et de la dignité humaine telle que révisée en 200617. Cependant, eu égard à la portée de ces textes18, et compte tenu de la spécificité des services audiovisuels à la demande par rapport aux autres services de la société de l’information couverts par la directive sur le commerce électronique (fort impact des images), il est apparu important et nécessaire de prévoir des dispositions spécifiques pour les mineurs vis-à-vis des services audiovisuels à la demande, tout en tenant compte du fait que l’approche ne pouvait pas être la même que pour les chaînes de télévision classiques (l’article 22 § 1 de la directive TVSF actuellement en vigueur interdit la diffusion des programmes qui nuisent gravement aux mineurs). En conséquence, l’article 3 nonies de la directive révisée prévoit que « les services de médias audiovisuels à la demande qui pourraient nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient mis à la disposition du public que dans des conditions telles que les mineurs ne puissent normalement entendre ou voir ces services à la demande ». Une grande marge de manœuvre est donc laissée aux fournisseurs de services auxquels il est notamment recommandé d’utiliser des codes PIN, des systèmes de filtrage ou d’étiquetage. B. – L’amélioration et la simplification des règles en vigueur pour les services linéaires 1. A la recherche de solutions efficaces pour lutter contre les contournements de législations Les cas de contournement de législation n’étant pas de simples hypothèses d’école comme plusieurs exemples peuvent en témoigner, les discussions ont été vives sur ce sujet qui opposait, d’un côté, les petits Etats et ceux dont la réglementation était la plus contraignante pour des raisons légitimes notamment de protection des consommateurs ou de diversité culturelle, et de l’autre, les Etats dont la législation était plus souple. Il s’agissait donc de trouver des solutions efficaces pour lutter contre les contournements de législations, sachant que la preuve d’un tel contournement n’est jamais aisée à apporter. 17 Recommandation sur la protection des mineurs et de la dignité humaine et sur le droit de réponse en liaison avec la compétitivité de l’industrie européenne des services audiovisuels et d’information en ligne, JOUE L 378, p. 72. 18 L’article 16 § 1 e) de la directive relative au commerce électronique encourage les Etats membres à élaborer des codes de conduite en la matière. La recommandation sur la protection des mineurs relève de la « soft law ». L’option initialement proposée par la Commission consistant à codifier la jurisprudence communautaire en la matière19 est vite apparue insuffisante aux Etats membres (notamment « le groupe des 13 »20) déjà confrontés à des cas de délocalisation de certains de leurs services audiovisuels dans un autre pays de l’Union ou qui se sentaient menacés par un tel risque eu égard à la taille de ses pays et à la langue commune avec leurs voisins directs. La sensibilité de la question a failli conduire au blocage des négociations, lorsqu’en novembre 2006, sept délégations ont voté contre l’approche générale au Conseil, certaines jugeant le texte trop contraignant, d’autres au contraire trop souple. En effet, ce sujet réveillait des oppositions bilatérales lancinantes (Luxembourg et Belgique, Royaume-Uni et Suède par exemple), mais également entre le Parlement européen et le Conseil (le Parlement avait insisté pour que les conditions de mise en œuvre de la procédure « anti-contournement » soient limitées aux cas d’abus ou de fraude et uniquement dans les cas de violation des règles issues des domaines coordonnés par la directive SMA, alors qu’au Conseil, une majorité d’Etats y était fermement opposée, estimant que cela rendrait la procédure inefficace21). La disposition finalement adoptée prévoit une procédure en deux étapes : dans un premier temps, la coopération entre les Etats membres concernés pour trouver des solutions acceptables pour les deux parties doit être favorisée ; dans un second temps, et seulement si le dialogue n’a pas permis de solution constructive, la Commission interviendra pour examiner la compatibilité des mesures qu’entend mettre en œuvre l’Etat membre visé avec le droit communautaire. Enfin, on relèvera que grâce à un amendement parlementaire, une liste des critères permettant de caractériser un contournement a été identifiée dans un nouveau considérant 33 : il s’agit de l’origine des recettes publicitaires et/ou d’abonnement, la langue principale du service ou l’existence de programmes ou de communications commerciales visant spécifiquement le public de l’Etat membre de réception. Ces dispositions, malgré les demandes récurrentes de la France, ne s’appliquent pas aux services non linéaires. La difficulté intrinsèque de les leur appliquer, l’absence à ce jour de cas de contournement avéré pour ces services et l’incompatibilité de certaines législations nationales avec une telle disposition n’ont pas permis de convaincre de l’utilité d’une telle extension, qui visait à rendre le texte mieux adapté aux évolutions à venir, « future proof » pour reprendre l’expression de la Commission. 2. La préservation des « traditionnels » quotas audiovisuels Malgré une tentative des Länder allemands, les mesures de soutien aux œuvres européennes et aux œuvres émanant de producteurs indépendants, communément appelés « quotas de diffusion et de production », tels que définis aux articles 4 et 5 de la directive TVSF, ne sont pas affectés par la révision du texte22. Au contraire, l’objectif d’un soutien effectif aux œuvres européennes est renforcé à travers un considérant spécifique visant à encourager la diffusion des coproductions européennes et d’œuvres européennes non nationales (considérant 50). 19 Notamment issue de l’affaire TV10 SA contre Commissariat voor de media, aff. C-23/93, Rec. I-4795. Un groupe de 13 Etats s’était constitué en mars 2004 pour faire pression sur la Commission afin qu’elle se saisisse de cette question des contournements de législation : Autriche, Belgique, Espagne, Estonie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Malte, Pays-Bas, Pologne, République-Tchèque, Slovénie et Suède. 21 Une minorité d’Etats (Luxembourg, Royaume-Uni, Danemark et Hongrie notamment) s’opposaient à toute tentative d’atteinte au principe du pays d’établissement. 22 On indiquera cependant l’ajout d’un nouveau considérant 49 relatif à la définition des producteurs indépendants. 20 Cette disposition sous-tend la problématique de la mauvaise circulation des œuvres en Europe. 3. L’assouplissement des règles relatives aux communications commerciales Les communications commerciales sont un sujet complexe dans la mesure où elles sont indispensables au financement de certains services, alors que dans le même temps elles ne doivent pas devenir « envahissantes » au point de nuire à l’intégrité des œuvres et au confort d’écoute des téléspectateurs. C’est pourquoi, le régime juridique des communications commerciales, tel qu’il a été défini en 1989 et tel qu’il fait aujourd’hui l’objet de modification, tend à assurer un juste équilibre entre les exigences financières d’une part et l’obligation de respecter l’intégrité des œuvres et d’assurer la protection des téléspectateurs d’autre part. Au-delà de ces objectifs, il fallait aussi tenir compte du nouvel environnement, caractérisé par une offre élargie de chaînes donnant plus de liberté aux téléspectateurs, qui peuvent « échapper » à celles qui diffusent trop de publicité, et sur les évolutions technologiques, comme les enregistreurs vidéo numériques personnels, permettant aux téléspectateurs d’éviter la publicité. La Commission a alors proposé de simplifier et moderniser les règles de publicité. Malgré un vote extrêmement serré au Parlement (à une voix près, le Parlement a voté en faveur de l’assouplissement des règles d’insertions publicitaires) et la réticence de certains Etats membres (notamment la France et la Suède), le Conseil a voté un assouplissement des règles encore plus fort que celui proposé par la Commission. Il a retenu la règle unique d’une coupure toutes les trente minutes pour les œuvres cinématographiques, les œuvres audiovisuelles (sauf les séries et les documentaires), les journaux télévisés et les émissions pour enfants23, alors que la Commission avait proposé un assouplissement à trente-cinq minutes. S’agissant de la durée de la publicité, le Conseil et le Parlement ont en revanche suivi la Commission en supprimant la limite journalière des neuf minutes par heure, alors que la limite horaire des douze minutes sera maintenue. Il convient toutefois de rappeler que les Etats, qui au cours de la négociation s’étaient opposés aux assouplissements proposés, pourraient, au moment de la transposition de la directive, décider d’user de leur faculté de prévoir des règles plus strictes ou plus détaillées pour les radiodiffuseurs relevant de leur compétence (article 3 de la directive). Enfin, s’agissant des communications commerciales, on notera également la volonté de simplifier le régime juridique du télé-achat qui ne retient plus qu’une seule contrainte de durée : les fenêtres de télé-achat doivent avoir une durée minimale ininterrompue de quinze minutes24. 23 La directive TVSF actuelle prévoit que les œuvres cinématographiques et audiovisuelles peuvent être interrompues une fois par tranche de 45 minutes. Les journaux télévisés, les émissions d’information politique, les documentaires, les émissions religieuses et les émissions pour enfants d’une durée inférieure à 30 minutes, ainsi que les services religieux ne peuvent être interrompues par de la publicité. Dans tous les autres cas, une période d’au moins 20 minutes doit s’écouler entre les interruptions publicitaires successives. 24 Sont supprimées les règles limitant le nombre de fenêtres d’exploitation à 8 par jour et leur durée totale à 3 heures par jour. 4. Le renforcement du droit à l’information : les courts extraits Certains programmes, comme les matchs de football de la Ligue des Champions, suscitent les convoitises des radiodiffuseurs en raison des enjeux financiers et font souvent l’objet de droits exclusifs dans les Etats membres. Dans le même temps, les épisodes principaux de tels matchs font, comme leurs résultats, partie de l’information ayant vocation à être connue de tout public. C’est pourquoi, les dispositions spécifiques pour l’accès de tous aux événements d’importance majeure introduites à l’initiative du Parlement européen lors de la première révision de la directive en 199725, ont été complétées par de nouvelles mesures tendant à faciliter l’accès aux extraits sur des événements d’un grand intérêt pour le public pour lequel les agences de presse qui utilisent couramment des extraits d’événements, comme Reuters, se sont fortement mobilisées. Après de longues discussions lors desquelles une majorité d’Etats a souhaité aller au-delà de la proposition initiale de la Commission26, un juste équilibre a finalement pu être trouvé entre, d’une part, le droit à l’information et, d’autre part, la préservation des intérêts des diffuseurs titulaires d’exclusivité sur certains événements. L’article 3 undecies prévoit que « pour la réalisation de brefs reportages d’actualité, tout organisme de radiodiffusion télévisuelle établi dans la Communauté doit avoir un accès, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, à des événements d’un grand intérêt pour le public… ». Certaines des modalités de mise en œuvre de ce principe relèvent du libre choix de chacun des Etats (indemnisation, longueur des délais de diffusion, durée des extraits), alors que d’autres sont définies dans la directive elle-même (libre choix des extraits, indication de la source, utilisation dans des programmes généraux d’actualité, clarification du droit applicable dans les cas d’acquisition transfrontière). En outre, la reconnaissance d’un droit aux courts extraits, chère aux chaînes d’information généralistes ou sportives, ne devrait pas permettre pour autant la constitution, gratuite ou quasi-gratuite, de programmes de divertissement qui ne seraient qu’une compilation de courts extraits. * * * En conséquence, la révision de la directive TVSF permet d’adapter le cadre juridique aux évolutions du paysage audiovisuel et d’alléger la réglementation en vigueur pour donner aux diffuseurs davantage de souplesse lors de sa mise en œuvre. Les Etats disposent désormais de 24 mois pour transposer cette nouvelle réglementation, soit jusqu’au 10 décembre 2009. Cette phase promet de nombreuses discussions au niveau national, dès lors que la marge de manœuvre des Etats membres est réelle et les divergences d’interprétation entre Etats membres probables. Ces discussions impliqueront en outre l’intervention des autorités nationales de régulation dont le rôle dans la mise en œuvre de la directive a été explicitement reconnu (article 23 ter)27. Celles-ci interviendront notamment à 25 A ce jour, huit Etat membres (Autriche, Belgique, Allemagne, France, Irlande, Italie, Royaume-Uni et Finlande) ont usé de la faculté qui leur est reconnu par l’article 3 bis de dresser une liste des événements d’importance majeure pour la société, dont la compatibilité avec le droit communautaire a été reconnue par la Commission. 26 Celle-ci se contentait de réaffirmer la nécessité d’un accès non discriminatoire aux extraits afin de mettre fin aux distorsions qui pouvaient exister entre diffuseurs nationaux et diffuseurs européens non nationaux. 27 Pour mémoire, la proposition initiale de directive de la Commission prévoyait l’obligation de mettre en place des autorités indépendantes de régulation. Or, eu égard aux différences nationales dans ce domaine et compte travers la mise en œuvre des mécanismes d’auto- et de corégulation, affirmés pour la première fois dans une directive, tout en sachant que ces notions pourraient être entendues différemment selon les Etats membres. Toutefois, au-delà des risques de divergences, la reconnaissance de ces modes d’intervention témoigne aussi d’une volonté d’agir de manière plus souple et plus appropriée et d’impliquer de manière croissante, voire de responsabiliser, l’ensemble des acteurs concernés (les fournisseurs de services, mais aussi les associations de consommateurs…). 8 janvier 2008 Camille BONENFANT-JEANNENEY Conseillère pour les affaires industrielles, Représentation permanente de la France auprès de l' Union européenne Séverine FAUTRELLE Docteur en droit tenu des difficultés rencontrées quant à la définition même de l’indépendance, les discussions n’ont pas pu aboutir sur ce point.