! ! ! ! deux poèmes en 24 chants, écrits en hexamètres dactyliques, se ressemblent par la forme. En revanche, rien ne permet d’établir que c’est le même auteur qui les a écrits… Et la lecture laisse apparaître de nombreuses différences d’une œuvre à l’autre. Ainsi, plutôt que comme une épopée, l’Iliade a récemment été analysée comme une œuvre relevant du genre dramatique (Jacqueline de Romilly, préface d’Hector, Livre de poche). C’est que, loin de raconter toute la guerre de Troie, l’Iliade est concentrée sur un seul épisode. Cet épisode n’est pas vraiment un épisode de combat, il ressemble davantage à une « crise diplomatique » au milieu du camp grec avec la colère d’Achille, devenue presque proverbiale. Agamemnon lui a en effet spolié sa captive, Briséis, et Achille refuse de mener combat. Ainsi, comme dans le genre dramatique (=théâtre), de nombreuses scènes dialoguées constituent l’essentiel des chants : conseils des rois grecs et des Dieux, ambassades auprès d’Achille… Après de nombreuses négociations, Achille se décidera à revenir au combat. Et « l’épopée » de l’Iliade prendra fin… non pas avec la victoire des Grecs mais avec le récit des funérailles d’Hector, tué par Achille aux pieds des murailles de Troie. La guerre de Troie est alors loin d’être finie. Des passages constituent, dans ce premier volet, des morceaux d’anthologie qui vont servir de référence à toute la littérature : - Le catalogue des vaisseaux (chant II) : liste impressionnante qui servira de modèle à la pratique de l’énumération textuelle – technique de description très répandue dans toute les œuvres de la tradition homérique ; puis, ensuite, dans les chansons de geste et les romans médiévaux (jusqu’aux parodies modernes). - Le bouclier d’Achille (chant XVIII), prototype de la description procédurale : cette dernière met sous les yeux du lecteur, avec une grande vivacité, la fabrication de l’objet jusqu’à son résultat final. - Enfin, le véritable héros de l’Iliade est incontestablement le bouillonnant personnage d’Achille, fils de la déesse Thétis et champion incontesté des Grecs. Sa fureur, ses exploits ont servi de modèle au héros, de la chanson de geste aux romans chevaleresques. Son irascibilité, son hybris (orgueil) sont contrebalancés par une grande propension à la tendresse et à la loyauté. Le tandem qu’il forme avec le malheureux Patrocle, tué au combat (chant XVI), est un modèle de l’amitié dans la culture occidentale. III. Ce que ne dit pas l’Iliade : traditions préhomériques et posthomériques ! ! ! ! ! Ce que nous connaissons de la guerre de Troie ne provient pas exclusivement du poème attribué à Homère. En effet, de nombreux épisodes célèbres du conflit n’y figurent pas. Par exemple : à l’origine de la guerre, le jugement de Pâris et l’enlèvement d’Hélène ; l’invention du cheval de Troie qui permet l’assaut des Grecs ; la chute de la ville à laquelle il est simplement fait allusion dans l’Odyssée. Ces lacunes attirent l’attention sur l’histoire du texte, aussi bien sa pré-histoire (ce qui vient avant lui) que sa postérité (les textes qu’il a inspirés, et qu’on désigne sous le terme de « tradition posthomérique »). Entre les faits et la rédaction des poèmes, 500 ans s’écoulent et des récits se forgent, transmis oralement par des aèdes. Ces poètes, tels Démodocos (chez les Phéaciens), sont accompagnés de cithares ou de lyres et reprennent inlassablement des épisodes qui deviennent peu à peu connus de leur auditoire – mais chaque représentation est une improvisation où ils ajoutent leur touche personnelle. En proviennent les deux textes écrits, qui, souvent, se contentent de faire référence à des épisodes que le public connaît « par cœur », par le biais de cette poésie « préhomérique ». Après Homère, en revanche, le texte sera relayé par des rhapsodes qui interprétent, de cité en cité, l’œuvre écrite du poète. Sur l’île de Chios, une confédération de rhapsodes, les Homérides, se revendiqueront de la filiation directe du poète. Ils jouent un rôle crucial dans la transmission intacte du texte jusqu’à nos jours. Entre le VIIe et le VIe siècle av.J.C., s’est ainsi constitué, à l’écrit, un ensemble dénommé le « cycle troyen » : 6 épopées qui racontent tout ce que l’Iliade ne raconte pas de la guerre de Troie. MemoPage.com SA © / 2010 / Auteur : Joséphine Malara ! L’Iliade rapporte des faits de la guerre de Troie, bien avant le retour d’Ulysse. Elle précède donc chronologiquement l’Odyssée. Ces II. L’Iliade : un premier poème de genre « dramatique » ? ! ! ! ! Depuis des siècles, le poète sacré de l’Iliade et de l’Odyssée sert de référence inévitable, d’assise à notre culture littéraire. Mais que saiton exactement de lui ? Homère, s’il a bel et bien existé, a vécu entre 800 et 750 avant J.C, soit 500 ans après les faits relatifs à la guerre de Troie (situés aux environs de 1250). Sa ville de naissance n’a pu être déterminée : aux premiers siècles avant notre ère, de nombreuses villes grecques se disputaient cet honneur, comme Athènes, Chios, Smyrne… Le personnage a, depuis le début du XVIIIe siècle, fait l’objet de plusieurs enquêtes qui invitent à faire la part du « mythe » Homère, et celle de la réalité. Ainsi la fameuse cécité d’Homère n’est-elle peut-être qu’un mythe. Elle le rapproche de figures extra-lucides, divinatoires de la mythologie telles que le devin Tirésias ou le roi Œdipe. Les nombreuses Vies d’Homère, de l’Antiquité à nos jours, l’expliquent diversement mais toujours de façon fabuleuse. Selon les uns, Hélène aurait châtié le poète de lui avoir donné un rôle aussi néfaste ; selon d’autres, ce sont les armes étincelantes d’Achille qui l’auraient aveuglé… Certains historiens affirment qu’Homère n’a pas existé, qu’il est une sorte de personnage supplémentaire dans l’œuvre… Les deux textes eux-mêmes pourraient avoir été composés par deux (ou plusieurs) mains bien différentes. I. Homère, père de la poésie européenne ? Homère et l’Iliade