
     
Homère et l’Iliade
 
I.  Homère, père de la poésie européenne ? 
Depuis des siècles, le poète sacré de l’Iliade et de l’Odyssée sert de 
référence inévitable, d’assise à notre culture littéraire. Mais que sait-
on exactement de lui ?  
!  Homère, s’il a bel et bien existé, a vécu entre 800 et 750 avant J.C, 
soit 500 ans après les faits relatifs à la guerre de Troie (situés aux 
environs de 1250). Sa ville de naissance n’a pu être déterminée : 
aux premiers siècles avant notre ère, de nombreuses villes 
grecques se disputaient cet honneur, comme Athènes, Chios, 
Smyrne…  
! Le personnage a, depuis le début du XVIIIe siècle, fait l’objet de 
plusieurs enquêtes qui invitent à faire la part du « mythe » Homère, 
et celle de la réalité.   
!  Ainsi la fameuse cécité d’Homère n’est-elle peut-être qu’un mythe. 
Elle le rapproche de figures extra-lucides, divinatoires de la 
mythologie telles que le devin Tirésias ou le roi Œdipe. Les 
nombreuses Vies d’Homère, de l’Antiquité à nos jours, l’expliquent 
diversement mais toujours de façon fabuleuse. Selon les uns, 
Hélène aurait châtié le poète de lui avoir donné un rôle aussi 
néfaste ; selon d’autres, ce sont les armes étincelantes d’Achille qui 
l’auraient aveuglé… 
!  Certains historiens affirment qu’Homère n’a pas existé, qu’il est une 
sorte de personnage supplémentaire dans l’œuvre… Les deux 
textes eux-mêmes pourraient avoir été composés par deux (ou 
plusieurs) mains bien différentes. 
II.  L’Iliade : un premier poème de genre 
« dramatique » ? 
! L’Iliade rapporte des faits de la guerre de Troie, bien avant le retour 
d’Ulysse. Elle précède donc chronologiquement l’Odyssée. Ces 
deux poèmes en 24 chants, écrits en hexamètres dactyliques, se 
ressemblent par la forme. En revanche, rien ne permet d’établir que 
c’est le même auteur qui les a écrits… Et la lecture laisse apparaître 
de nombreuses différences d’une œuvre à l’autre. 
! Ainsi, plutôt que comme une épopée, l’Iliade a récemment été 
analysée comme une œuvre relevant du genre dramatique 
(Jacqueline de Romilly, préface d’Hector, Livre de poche). 
! C’est que, loin de raconter toute la guerre de Troie, l’Iliade  est 
concentrée sur un seul épisode. Cet épisode n’est pas vraiment un 
épisode de combat, il ressemble davantage à une « crise 
diplomatique » au milieu du camp grec avec la colère d’Achille, 
devenue presque proverbiale. Agamemnon lui a en effet spolié sa 
captive, Briséis, et Achille refuse de mener combat. 
!  Ainsi, comme dans le genre dramatique (=théâtre), de nombreuses 
scènes dialoguées constituent l’essentiel des chants : conseils des 
rois grecs et des Dieux, ambassades auprès d’Achille… Après de 
nombreuses négociations, Achille se décidera à revenir au combat. 
Et « l’épopée » de l’Iliade prendra fin… non pas avec la victoire des 
Grecs mais avec le récit des funérailles d’Hector, tué par Achille aux 
pieds des murailles de Troie. La guerre de Troie est alors loin d’être 
finie. 
! Des passages constituent, dans ce premier volet, des morceaux 
d’anthologie qui vont servir de référence à toute la littérature :  
- Le catalogue des vaisseaux (chant II) : liste impressionnante qui 
servira de modèle à la pratique de l’énumération textuelle – 
technique de description très répandue dans toute les œuvres de 
la tradition homérique ; puis, ensuite, dans les chansons de geste 
et les romans médiévaux (jusqu’aux parodies modernes). 
- Le bouclier d’Achille (chant XVIII), prototype de la description 
procédurale : cette dernière met sous les yeux du lecteur, avec 
une grande vivacité, la fabrication de l’objet jusqu’à son résultat 
final. 
- Enfin, le véritable héros de l’Iliade est incontestablement le 
bouillonnant personnage d’Achille, fils de la déesse Thétis et 
champion incontesté des Grecs. Sa fureur, ses exploits ont servi 
de modèle au héros, de la chanson de geste aux romans 
chevaleresques. Son irascibilité, son hybris (orgueil) sont 
contrebalancés par une grande propension à la tendresse et à la 
loyauté. Le tandem qu’il forme avec le malheureux Patrocle, tué 
au combat (chant XVI), est un modèle de l’amitié dans la culture 
occidentale. 
III. Ce que ne dit pas l’Iliade : traditions 
préhomériques et posthomériques 
!  Ce que nous connaissons de la guerre de Troie ne provient pas 
exclusivement du poème attribué à Homère. En effet, de nombreux 
épisodes célèbres du conflit n’y figurent pas. Par exemple : à 
l’origine de la guerre, le jugement de Pâris et l’enlèvement 
d’Hélène ; l’invention du cheval de Troie qui permet l’assaut des 
Grecs ; la chute de la ville à laquelle il est simplement fait allusion 
dans l’Odyssée.  Ces lacunes attirent l’attention sur l’histoire du 
texte, aussi bien sa pré-histoire (ce qui vient avant lui) que sa 
postérité (les textes qu’il a inspirés, et qu’on désigne sous le terme 
de « tradition posthomérique »).  
!  Entre les faits et la rédaction des poèmes, 500 ans s’écoulent et 
des récits se forgent, transmis oralement par des aèdes. Ces 
poètes, tels Démodocos (chez les Phéaciens), sont accompagnés 
de cithares ou de lyres et reprennent inlassablement des épisodes 
qui deviennent peu à peu connus de leur auditoire – mais chaque 
représentation est une improvisation où ils ajoutent leur touche 
personnelle.  
!  En proviennent les deux textes écrits, qui, souvent, se contentent 
de faire référence à des épisodes que le public connaît « par 
cœur », par le biais de cette poésie « préhomérique ».  
! Après Homère, en revanche, le texte sera relayé par des 
rhapsodes qui interprétent, de cité en cité, l’œuvre écrite du poète. 
Sur l’île de Chios, une confédération de rhapsodes, les Homérides, 
se revendiqueront de la filiation directe du poète. Ils jouent un rôle 
crucial dans la transmission intacte du texte jusqu’à nos jours. 
!  Entre le VIIe et le VIe siècle av.J.C., s’est ainsi constitué, à l’écrit, 
un ensemble dénommé le « cycle troyen » : 6 épopées qui 
racontent tout ce que l’Iliade ne raconte pas de la guerre de Troie. 
MemoPage.com SA © / 2010 / Auteur : Joséphine Malara