« Mésorectum » : Approche anatomique pour un intérêt chirurgical

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« Mésorectum » : Approche anatomique pour
un intérêt chirurgical
M. DIOP, B. PARRATTE, L. TATU, F. VUILLIER, S. BRUNELLE ET G. MONNIER
Introduction
Le « mésorectum », correspondant à l'enveloppe de graisse qui entoure les faces
latérales et postérieure du rectum sous-péritonéal, est une notion récemment
introduite par les chirurgiens et non par les anatomistes [19]. La technique de son
exérèse chirurgicale, introduite par Heald et al. [10] en 1982, est aujourd'hui un
facteur primordial du pronostic du cancer rectal, conciliant les impératifs
carcinologiques et la préservation des fonctions génito-urinaires. Sur le plan
carcinologique, le taux de récidive locale est de l'ordre de 25 à 40 % après
chirurgie traditionnelle [12]; il est nettement inférieur après résection totale du
« mésorectum » : aucune récidive locale sur 50 résections à visée curative dans la
série de Heald et al. [10]. Concernant la préservation des fonctions urinaires et
sexuelles, peu de résultats sont disponibles, en particulier chez la femme. Maurer
[17], dans une étude récente, a noté une préservation globale de la fonction
vésicale et une baisse générale des fonctions génitales chez les patients dans les
deux techniques; l'exérèse totale du « mésorectum » offrait néanmoins un
avantage significatif sur la préservation des fonctions sexuelles chez l'homme.
L'ablation totale du «sorectum » est une exérèse plus large que l'exérèse
conventionnelle, mais paradoxalement plus conservatrice sur le plan fonctionnel.
Sur le plan anatomique, la notion de «sorectum » n'est pas une hypothèse, c'est
l'atmosphère cellulo-lymphatique périrectale circonscrite par un fascia
correspondant au champ de dissémination initiale du cancer rectal [13]. Mais les
descriptions anatomiques, la nomenclature utilisée sont peu claires et parfois
contradictoires, particulièrement en ce qui concerne les fascias d'enveloppe du
« mésorectum » et ses rapports avec les nerfs du petit bassin [4, 9, 22]. Ainsi le
plan de dissection pour l'exérèse du « mésorectum » n'est pas le même pour tous
les chirurgiens, ce que confirme la variabilité du résultat carcinologique à stade
évolutif identique, qui est le problème majeur du traitement du cancer du rectum
[13].
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Ces contradictions nous ont incités à clarifier, par la dissection, la description
anatomique, la délimitation et les rapports nerveux du « mésorectum ». Pour
préciser les bases anatomiques de son repérage radiologique, une corrélation
anatomie-imagerie a été également réalisée.
Matériel et méthodes
Notre étude a comporté deux démarches différentes : (1) une dissection
anatomique du petit bassin pour l'étude des limites et des rapports du
« mésorectum » et (2) une analyse de l'aspect et de la configuration du
« mésorectum » par corrélation anatomie-imagerie. Une double exploration du
petit bassin par confrontation anatomo-radiologique, dans des plans de coupe
similaires, a été nécessaire. Deux techniques radiographiques complémentaires
ont été utilisées : tomodensitométrie et IRM.
Matériel
Les pièces anatomiques
Notre travail a porté sur quatre bassins (deux bassins d'homme et deux bassins de
femme), prélevés sur cadavres âgés de plus de 65 ans, embaumés et conservés
selon la technique de Winckler.
Le microscope
La dissection a été menée macroscopiquement mais également à l'aide d'un
microscope opératoire de type "SOM 62 standard motorisé" de marque KAPS®.
La tomodensitométrie
L'appareil qui a été utilisé est un tomodensitomètre multibarrette (8 barrettes), de
marque Siemens®, de type Volume Zoom, situé sur le site du CHU de Besançon.
Il présente huit détecteurs à géométrie variable; la console de travail utilisée était
de type "Léonardo".
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L'IRM
Nous avons utilisé un appareil de marque General Electric®, de type GE 277
SIGMA 1,5 correspondant à un champ magnétique de 1,5 Tesla, situé également
sur le site du CHU de Besançon.
Méthodes
Dissection anatomique
Elle a été réalisée sur deux bassins (un bassin d'homme et un bassin de femme).
Sur chaque cadavre, le bassin a été prélevé. Le prélèvement a été fait par section
transversale du tronc au niveau du disque intervertébral entre les 3ème et 4ème
vertèbres lombales (L3-L4) et section transversale des membres inférieurs à la
racine des cuisses. Les artères iliaques internes et l'artère mésentérique inférieure
ont été injectées, à leur origine, avec du copolymère chlorure de vinyle 86 % et
acétate de vinyle 14 % en poudre, dilué dans de l'acétone et coloré en rouge pour
mieux visualiser les branches vasculaires du "mésorectum". Les bassins ainsi
injectés ont été ensuite congelés pendant 8 jours, puis sectionnés à la scie
électrique dans le plan sagittal médian.
Après décongélation, chacun des quatre hémi-bassins a été disséqué. Le péritoine
a d'abord été décollé de la paroi abdomino-pelvienne et des viscères pelviens, puis
rabattu vers le haut. Les tissus cellulaires sous-péritonéaux ont été disséqués en
gardant leurs attaches sous-jacentes. La paroi rectale a été ensuite séparée en
arrière puis en avant des tissus péri-rectaux. Après la découverte de la graisse
périrectale, la dissection était menée de proche en proche. En arrière, elle a été
effectuée de bas en haut, en se rapprochant progressivement de la concavité
antérieure sacrale. En avant, le fascia recto-génital a été isolé, séparant ainsi les
organes génito-urinaires en avant et les structures périrectales en arrière. À ce
stade de la dissection, la graisse périrectale et les importantes attaches latérales
des fascias du petit bassin ont été mises en évidence. L'analyse des attaches
latérales a nécessité la résection du rectum et la dissection, puis la section de ses
branches vasculo-nerveuses latérales et de leur tissu fibro-conjonctif de soutien.
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La séparation des fascias péri-rectaux, plus fine au microscope opératoire,
d'arrière en avant et de dedans en dehors, nous a permis l'exposition des nerfs
hypogastriques et des plexus pelviens.
La dernière étape a été de repérer les branches collatérales du plexus sacral
destinées au plexus pelvien, qui a été isolé à la dissection.
Chaque étape de dissection a été photographiée.
Corrélation anatomie-imagerie
En plus de cette approche par dissection, les deux autres bassins, prélevés dans les
mêmes conditions que pour les dissections anatomiques, mais sans injection de
copolymère, ont été utilisés pour l'étude de corrélation anatomie-imagerie. Dans
une première étape, les deux bassins ont été étudiés en tomodensitométrie et en
IRM et dans une deuxième étape, ces mêmes bassins ont été congelés puis coupés
à la scie électrique.
Préparation
Après le prélèvement du bassin, le rectum a été vidé de son contenu fécal et
suspendu par fixation du moignon sigmoïdien à la paroi abdominale postérieure.
Etude radiologique
Chaque bassin a été positionné dans l'appareil de tomodensitométrie, puis dans
celui d'IRM, avec des cales en s'assurant de la bonne symétrie des articulations
coxo-fémorales et des épines iliaques antéro-supérieures, à l'aide de topogrammes
de la zone d'acquisition.
En tomodensitométrie, il a été réalisé dans un premier temps, une acquisition
volumique de type hélicoïdal sans injection de produit de contraste, pour obtenir
une première série de coupes jointives d'une épaisseur de 1 mm dans un plan
axial. Dans un deuxième temps, la reconstruction fut réalisée à partir de cette
première série, en utilisant la méthode "3D post-processing" de type MPR
(multiplanar reconstruction), aboutissant à l'obtention de deux nouvelles séries
d'images correspondant à des coupes de 5 mm d'épaisseur dans le plan sagittal et
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dans le plan "transversal-oblique". Le plan de référence des coupes "transversales-
obliques" a été défini et choisi au préalable lors de la dissection, pour que les
coupes soient le plus proche possible du plan perpendiculaire au grand axe du
rectum. Il passait par le bord antérieur de la face supérieure de la 3ème vertèbre
sacrale et le bord supérieur du pubis. Les images ont été visualisées et imprimées
avec des paramètres de réglage en contraste et en luminosité correspondant aux
études habituelles des parties molles abdominales. Les images obtenues sur film
radiographique ont été numérisées à l'aide d'un appareil photographique
numérique Nikon Coolpix® à 3,34 mégapixels.
En IRM, ont été réalisées des séquences en pondération T1 et T2, sans injection
de gadolinium. La séquence T1 utilisée était la séquence Echo de Spin du
constructeur avec des réglages de TR (temps de répétition) à 440 ms et de TE
(temps d'écho) de 13 ms. La séquence T2 utilisée était la séquence Echo de Spin
du constructeur avec des réglages de TR à 4580 ms et de TE de 120 ms. Les
systèmes d’impression et de numérisation ont été les mêmes que pour la
tomodensitométrie. Les séquences T1 et T2 ont été faites dans chacun des deux
plans sagittal et "transversal-oblique" prédéfinis avec obtention de coupes de 5
mm d'épaisseur. Les images ont été visualisées et imprimées avec des paramètres
de réglage en contraste et en luminosité correspondant aux études habituelles des
parties molles abdominales.
Etude anatomique
Après le temps radiologique, ces mêmes bassins ont été congelés pendant 8 jours
puis sectionnés à la scie électrique dans le plan sagittal médian en deux hémi-
bassins. Les deux hémi-bassins droits ont bénéficié de coupes sagittales et les
deux hémi-bassins gauches, de coupes "transversales-obliques" en restant
parallèle au plan de référence prédéfini. Pour obtenir des coupes similaires ou
superposables aux coupes radiologiques précédemment réalisées, compte tenu de
l'épaisseur de la lame de scie qui faisait 1 mm, la première coupe est faite à 5 mm
et les suivantes à 4 mm.
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