« Mésorectum » : Approche anatomique pour un intérêt chirurgical M. DIOP, B. PARRATTE, L. TATU, F. VUILLIER, S. BRUNELLE ET G. MONNIER Introduction Le « mésorectum », correspondant à l'enveloppe de graisse qui entoure les faces latérales et postérieure du rectum sous-péritonéal, est une notion récemment introduite par les chirurgiens et non par les anatomistes [19]. La technique de son exérèse chirurgicale, introduite par Heald et al. [10] en 1982, est aujourd'hui un facteur primordial du pronostic du cancer rectal, conciliant les impératifs carcinologiques et la préservation des fonctions génito-urinaires. Sur le plan carcinologique, le taux de récidive locale est de l'ordre de 25 à 40 % après chirurgie traditionnelle [12]; il est nettement inférieur après résection totale du « mésorectum » : aucune récidive locale sur 50 résections à visée curative dans la série de Heald et al. [10]. Concernant la préservation des fonctions urinaires et sexuelles, peu de résultats sont disponibles, en particulier chez la femme. Maurer [17], dans une étude récente, a noté une préservation globale de la fonction vésicale et une baisse générale des fonctions génitales chez les patients dans les deux techniques; l'exérèse totale du « mésorectum » offrait néanmoins un avantage significatif sur la préservation des fonctions sexuelles chez l'homme. L'ablation totale du « mésorectum » est une exérèse plus large que l'exérèse conventionnelle, mais paradoxalement plus conservatrice sur le plan fonctionnel. Sur le plan anatomique, la notion de « mésorectum » n'est pas une hypothèse, c'est l'atmosphère cellulo-lymphatique périrectale circonscrite par un fascia correspondant au champ de dissémination initiale du cancer rectal [13]. Mais les descriptions anatomiques, la nomenclature utilisée sont peu claires et parfois contradictoires, particulièrement en ce qui concerne les fascias d'enveloppe du « mésorectum » et ses rapports avec les nerfs du petit bassin [4, 9, 22]. Ainsi le plan de dissection pour l'exérèse du « mésorectum » n'est pas le même pour tous les chirurgiens, ce que confirme la variabilité du résultat carcinologique à stade évolutif identique, qui est le problème majeur du traitement du cancer du rectum [13]. 1 Ces contradictions nous ont incités à clarifier, par la dissection, la description anatomique, la délimitation et les rapports nerveux du « mésorectum ». Pour préciser les bases anatomiques de son repérage radiologique, une corrélation anatomie-imagerie a été également réalisée. Matériel et méthodes Notre étude a comporté deux démarches différentes : (1) une dissection anatomique du petit bassin pour l'étude des limites et des rapports du « mésorectum » et (2) une analyse de l'aspect et de la configuration du « mésorectum » par corrélation anatomie-imagerie. Une double exploration du petit bassin par confrontation anatomo-radiologique, dans des plans de coupe similaires, a été nécessaire. Deux techniques radiographiques complémentaires ont été utilisées : tomodensitométrie et IRM. Matériel Les pièces anatomiques Notre travail a porté sur quatre bassins (deux bassins d'homme et deux bassins de femme), prélevés sur cadavres âgés de plus de 65 ans, embaumés et conservés selon la technique de Winckler. Le microscope La dissection a été menée macroscopiquement mais également à l'aide d'un microscope opératoire de type "SOM 62 standard motorisé" de marque KAPS®. La tomodensitométrie L'appareil qui a été utilisé est un tomodensitomètre multibarrette (8 barrettes), de marque Siemens®, de type Volume Zoom, situé sur le site du CHU de Besançon. Il présente huit détecteurs à géométrie variable; la console de travail utilisée était de type "Léonardo". 2 L'IRM Nous avons utilisé un appareil de marque General Electric®, de type GE 277 SIGMA 1,5 correspondant à un champ magnétique de 1,5 Tesla, situé également sur le site du CHU de Besançon. Méthodes Dissection anatomique Elle a été réalisée sur deux bassins (un bassin d'homme et un bassin de femme). Sur chaque cadavre, le bassin a été prélevé. Le prélèvement a été fait par section transversale du tronc au niveau du disque intervertébral entre les 3ème et 4ème vertèbres lombales (L3-L4) et section transversale des membres inférieurs à la racine des cuisses. Les artères iliaques internes et l'artère mésentérique inférieure ont été injectées, à leur origine, avec du copolymère chlorure de vinyle 86 % et acétate de vinyle 14 % en poudre, dilué dans de l'acétone et coloré en rouge pour mieux visualiser les branches vasculaires du "mésorectum". Les bassins ainsi injectés ont été ensuite congelés pendant 8 jours, puis sectionnés à la scie électrique dans le plan sagittal médian. Après décongélation, chacun des quatre hémi-bassins a été disséqué. Le péritoine a d'abord été décollé de la paroi abdomino-pelvienne et des viscères pelviens, puis rabattu vers le haut. Les tissus cellulaires sous-péritonéaux ont été disséqués en gardant leurs attaches sous-jacentes. La paroi rectale a été ensuite séparée en arrière puis en avant des tissus péri-rectaux. Après la découverte de la graisse périrectale, la dissection était menée de proche en proche. En arrière, elle a été effectuée de bas en haut, en se rapprochant progressivement de la concavité antérieure sacrale. En avant, le fascia recto-génital a été isolé, séparant ainsi les organes génito-urinaires en avant et les structures périrectales en arrière. À ce stade de la dissection, la graisse périrectale et les importantes attaches latérales des fascias du petit bassin ont été mises en évidence. L'analyse des attaches latérales a nécessité la résection du rectum et la dissection, puis la section de ses branches vasculo-nerveuses latérales et de leur tissu fibro-conjonctif de soutien. 3 La séparation des fascias péri-rectaux, plus fine au microscope opératoire, d'arrière en avant et de dedans en dehors, nous a permis l'exposition des nerfs hypogastriques et des plexus pelviens. La dernière étape a été de repérer les branches collatérales du plexus sacral destinées au plexus pelvien, qui a été isolé à la dissection. Chaque étape de dissection a été photographiée. Corrélation anatomie-imagerie En plus de cette approche par dissection, les deux autres bassins, prélevés dans les mêmes conditions que pour les dissections anatomiques, mais sans injection de copolymère, ont été utilisés pour l'étude de corrélation anatomie-imagerie. Dans une première étape, les deux bassins ont été étudiés en tomodensitométrie et en IRM et dans une deuxième étape, ces mêmes bassins ont été congelés puis coupés à la scie électrique. Préparation Après le prélèvement du bassin, le rectum a été vidé de son contenu fécal et suspendu par fixation du moignon sigmoïdien à la paroi abdominale postérieure. Etude radiologique Chaque bassin a été positionné dans l'appareil de tomodensitométrie, puis dans celui d'IRM, avec des cales en s'assurant de la bonne symétrie des articulations coxo-fémorales et des épines iliaques antéro-supérieures, à l'aide de topogrammes de la zone d'acquisition. En tomodensitométrie, il a été réalisé dans un premier temps, une acquisition volumique de type hélicoïdal sans injection de produit de contraste, pour obtenir une première série de coupes jointives d'une épaisseur de 1 mm dans un plan axial. Dans un deuxième temps, la reconstruction fut réalisée à partir de cette première série, en utilisant la méthode "3D post-processing" de type MPR (multiplanar reconstruction), aboutissant à l'obtention de deux nouvelles séries d'images correspondant à des coupes de 5 mm d'épaisseur dans le plan sagittal et 4 dans le plan "transversal-oblique". Le plan de référence des coupes "transversalesobliques" a été défini et choisi au préalable lors de la dissection, pour que les coupes soient le plus proche possible du plan perpendiculaire au grand axe du rectum. Il passait par le bord antérieur de la face supérieure de la 3ème vertèbre sacrale et le bord supérieur du pubis. Les images ont été visualisées et imprimées avec des paramètres de réglage en contraste et en luminosité correspondant aux études habituelles des parties molles abdominales. Les images obtenues sur film radiographique ont été numérisées à l'aide d'un appareil photographique numérique Nikon Coolpix® à 3,34 mégapixels. En IRM, ont été réalisées des séquences en pondération T1 et T2, sans injection de gadolinium. La séquence T1 utilisée était la séquence Echo de Spin du constructeur avec des réglages de TR (temps de répétition) à 440 ms et de TE (temps d'écho) de 13 ms. La séquence T2 utilisée était la séquence Echo de Spin du constructeur avec des réglages de TR à 4580 ms et de TE de 120 ms. Les systèmes d’impression et de numérisation ont été les mêmes que pour la tomodensitométrie. Les séquences T1 et T2 ont été faites dans chacun des deux plans sagittal et "transversal-oblique" prédéfinis avec obtention de coupes de 5 mm d'épaisseur. Les images ont été visualisées et imprimées avec des paramètres de réglage en contraste et en luminosité correspondant aux études habituelles des parties molles abdominales. Etude anatomique Après le temps radiologique, ces mêmes bassins ont été congelés pendant 8 jours puis sectionnés à la scie électrique dans le plan sagittal médian en deux hémibassins. Les deux hémi-bassins droits ont bénéficié de coupes sagittales et les deux hémi-bassins gauches, de coupes "transversales-obliques" en restant parallèle au plan de référence prédéfini. Pour obtenir des coupes similaires ou superposables aux coupes radiologiques précédemment réalisées, compte tenu de l'épaisseur de la lame de scie qui faisait 1 mm, la première coupe est faite à 5 mm et les suivantes à 4 mm. 5 Chez l’homme : - Sur l’hémi-bassin droit : 11 coupes sagittales numérotées de 0 à 11 ont été réalisées, du plan sagittal médian (coupe n°0) au plan para-sagittal passant par l’interligne de l’articulation coxofémorale (coupe n°11); - Sur l’hémi-bassin gauche : 24 "coupes transversales-obliques" numérotées de 0 à 24 ont été réalisées, du plan "transversaloblique" passant par le promontoire (coupe n°0) au plan passant par la pointe du coccyx (coupe n°24). Chez la femme : - Sur l’hémi-bassin droit : 14 coupes sagittales numérotées de 0 à 14 ont été réalisées, du plan sagittal médian (coupe n°0) au plan para-sagittal passant par l’interligne de l’articulation coxofémorale (coupe n°14); - Sur l’hémi-bassin gauche : 21 coupes "transversales-obliques" numérotées de 0 à 21 ont été réalisées, du plan « transversaloblique » passant par le promontoire (coupe n°0) au plan passant par la pointe du coccyx (coupe n°21). Chaque tranche de coupe a été lavée et photographiée à l'aide d'un appareil photographique numérique Nikon Coolpix à 3,34 mégapixels, sur pied, pour un essai de corrélation avec l'imagerie. Les corrélations Elles ont été réalisées, macroscopiquement par la confrontation entre quatre images similaires ou proches : une image de coupe anatomique a été corrélée avec trois images radiologiques correspondantes, à savoir une coupe scanographique et deux coupes en IRM (séquence T1 et séquence T2). Le choix des images à corréler a été porté sur les coupes où la graisse périrectale était la mieux visualisée. 6 Résultats Dissection Graisse péri-rectale Sur nos dissections, le rectum était entouré d'un tissu cellulo-graisseux dense, dans lequel ont été visualisés les vaisseaux rectaux supérieurs injectés, les branches terminales injectées des vaisseaux rectaux moyens et les nerfs efférents à destinée rectale du plexus pelvien (hypogastrique). Ce tissu, circulaire autour du rectum, prédominait nettement sur ses faces postéro-latérales où il était abondant et compact, facilement clivable et mobilisable. Par contre, il se limitait, en avant, à une lamelle de tissu aréolaire à limites imprécises qui ne pouvait être isolée des fascias adjacents par la dissection. Cette enveloppe graisseuse était en continuité en haut avec une lame de tissu conjonctif située entre les deux feuillets séreux péritonéaux du mésocôlon sigmoïde au niveau de sa racine primaire (fig. 1). Enveloppes de la graisse péri-rectale La dissection des tissus fibreux pelviens qui limitaient cette graisse nous a permis la mise en évidence d'une "enveloppe fibreuse postéro-latérale" séparant la graisse péri-rectale de la paroi ostéo-musculaire et aponévrotique du petit bassin. En avant, cette graisse était séparée des viscères génito-urinaires par une lame fibreuse à deux étages : (1) un étage supérieur, péritonéal, constitué d'un fascia extra-péritonéal doublant le péritoine pelvien et recouvrant la graisse périrectale en la séparant de la cavité abdomino-péritonéale et (2) un étage inférieur, souspéritonéal, constitué du fascia recto-génital qui marquait la limite entre l'espace péri-rectal en arrière et la loge génito-vésicale en avant (fig. 7). Aucune différence de configuration n'a été notée dans nos dissections, entre les bassins d’homme et de femme, concernant les enveloppes fibreuses de la graisse périrectale. 7 En arrière et latéralement En arrière et latéralement, nous avons pu disséquer et suivre un mince feuillet conjonctif, depuis la face antérieure de la bifurcation de l'aorte abdominale en haut et en arrière, jusqu'au plancher pelvien en bas (figs. 5, 8). Il était de résistance inégale, postéro-latéral au rectum, se prolongeant en avant, séparant ainsi l'ensemble des viscères pelviens des régions latérales vasculo-nerveuses du petit bassin. Il était situé en avant de la bifurcation aortique, mais en arrière de la terminaison de l'artère mésentérique inférieure injectée. En haut, il se confondait ainsi aux gaines vasculaires de l'aorte, des vaisseaux iliaques communs et au tissu fibreux rétro-péritonéal de la cavité abdomino-pelvienne (fig. 2). Plus bas, il était plus épais et se dédoublait facilement en un feuillet antérieur et un feuillet postérieur devant la concavité sacrale, entre les vaisseaux iliaques communs et internes. Le feuillet antérieur était l'enveloppe de la graisse périrectale sur les faces postérolatérales du rectum (fig. 6) et était totalement et aisément clivable du feuillet postérieur, depuis notre plan de section sagittale jusqu'aux vaisseaux iliaques ème internes et leurs branches collatérales. Il était suivi jusqu'aux 4 ème et 5 vertèbres sacrales en bas, où il fusionnait avec le feuillet postérieur constituant un fascia d'accolement (fig. 5). Le feuillet postérieur, que nous avons difficilement disséqué, était séparé de la concavité sacrale, recouverte du fascia pelvien pariétal par un espace pré-sacral, occupé par quelques branches collatérales issues des vaisseaux sacraux médian et latéraux et, plus latéralement, par des branches nerveuses issues du plexus sacral (figs. 5, 6, 8). Entre ces deux feuillets de l'enveloppe postéro-latérale, l'espace décollable était large et avasculaire devant la face antérieure du sacrum. Son clivage pouvait être continué jusqu'au plan des muscles élévateurs de l'anus après section du fascia d’accolement qui solidarisait les deux feuillets (fig. 5). Après ce décollement, les feuillets étaient fixés en bas sur le fascia supérieur des muscles élévateurs de l'anus et semblaient se fondre l'un dans l'autre. 8 Vers la paroi pelvienne latérale, l’accolement puis la fusion de ces deux feuillets antérieur et postérieur en un seul semblaient se situer le long des vaisseaux iliaques internes et des uretères. Ceux-ci lui étaient reliés par des tractus fibreux qui le séparaient de la graisse péri-rectale en dedans. En avant Étage supérieur Sur le bassin d’homme, mieux embaumé, nous avons pu disséquer un feuillet fibreux très mince qui doublait en dehors le péritoine pelvien. Il semblait continuer le fascia transversalis sur la paroi abdominale antéro-latérale entre la face interne du muscle transverse de l'abdomen et le tissu cellulaire extrapéritonéal. Ce fascia sous-péritonéal était fixé dans le petit bassin, aux parois vésicale supérieure et rectale antérieure, auxquelles il adhérait intimement comme une adventice. Il constituait la limite antéro-supérieure de la graisse péri-rectale (fig. 7). En se référant à la texture et à la couleur des tissus, le bassin de femme était moins bien embaumé. Le péritoine pelvien était très adhérent aux viscères du petit bassin et plus particulièrement au fond utérin. Aucun fascia n'a pu être individualisé lors de la dissection de ses structures tissulaires sous-jacentes; nous n'avons pas isolé de fascia sous-péritonéal. Étage inférieur La graisse périrectale était tapissée extérieurement par une cloison fibreuse épaisse contenant des fibres musculaires lâches (lisses ou striées). Cette cloison fibreuse séparait la graisse périrectale en arrière et les viscères génito-urinaires en avant; elle était tendue du péritoine ou du fascia sous-péritonéal en haut, au centre tendineux du périnée en bas (fig. 7). Chez l'homme, deux petits fascias secondaires qui émanaient de sa face antérieure ont pu être isolés en la disséquant de façon tangentielle : (1) un fascia supérieur fixé sur la base vésicale et (2) un fascia inférieur tapissant la face postérieure de la prostate de la base vers son apex (fig. 3). Ces deux fascias délimitaient la loge des vésicules séminales et de la partie terminale des conduits déférents. Des filets nerveux, accompagnés de branches vasculaires injectées destinées à ces organes, cheminaient sur la face antérieure du fascia secondaire inférieur sous forme de bandelettes neurovasculaires, depuis la paroi latérale endopelvienne du petit bassin (fig. 9). Chez la 9 femme, cette cloison était totalement clivable, de la face postérieure de la paroi vaginale (fig. 4). Ce fascia recto-génital recouvrait la face antérieure du rectum et fusionnait latéralement avec le feuillet antérieur de l'enveloppe fibreuse postérolatérale de la graisse péri-rectale isolée précédemment avant sa fusion avec le feuillet postérieur. La gaine celluleuse du rectum Sur nos deux bassins, en dedans de la graisse péri-rectale un mince feuillet celluleux tapissait la face externe des fibres musculaires longitudinales du rectum (fig. 8). Après l'exérèse du rectum, les étapes ultérieures de la dissection ont montré une forte adhérence de la face externe de cette gaine celluleuse à la paroi pelvienne. Cette adhérence était constituée de tractus fibreux très denses mêlés à de multiples vaisseaux et nerfs qui abordaient la région latérale moyenne du rectum comme un hile. Cette sorte de ligament d'attache latérale du rectum divisait cette gaine celluleuse du rectum en deux parties : (1) une partie antérieure adjacente au fascia recto-génital, dont elle n'était séparée que d'une mince lamelle de tissu conjonctif très ténue, et (2) une partie postérieure rétro-rectale, séparant la musculeuse rectale de la graisse périrectale. Complètement disséquée, cette gaine celluleuse correspondait à la limite interne de la graisse périrectale, constituant un fourreau autour de l'organe. Elle était fixée, en haut, à la couche musculaire longitudinale du rectum à 1 cm de la jonction recto-sigmoïdienne et, en bas, elle semblait se prolonger dans l'appareil sphinctérien. Le fascia pelvien latéral Il tapissait les parois latérales du petit bassin et le plancher pelvien dont il était complètement solidaire et inséparable par la dissection, sauf légèrement au niveau de la ligne médiane sur la face antérieure de la concavité sacrale (figs.5, 6, 8). C'était un feuillet fibreux, uni fortement aux fascias de couverture des muscles de la paroi pelvienne dont il partageait les insertions osseuses en se confondant au périoste de la surface osseuse. Il délimitait, devant la concavité sacrale, un espace 10 pré-sacral qui le séparait du feuillet postérieur de l’enveloppe fibreuse postérolatérale de la graisse péri rectale (figs. 5, 6). Plus latéralement, il tapissait les grosses racines nerveuses du plexus sacral, noyées dans un tissu graisseux dense et voilé par un mince feuillet conjonctif. Il constituait ensuite la délimitation périphérique des vaisseaux iliaques internes et de leurs branches collatérales à leur origine, ainsi que des uretères. Il solidarisait ces structures à la paroi latérale du petit bassin, par des tractus fibreux. Nerfs hypogastriques et plexus pelviens Du côté droit, comme du côté gauche, le nerf hypogastrique a été visualisé dans l'espace rétro-rectal après dissection et traction vers l'avant du feuillet antérieur de l'enveloppe fibreuse postéro-latérale de la graisse périrectale. Chaque nerf hypogastrique descendait ainsi des régions lombales, sous forme d'un cordon plat incrusté dans le feuillet postérieur de cette enveloppe plaquée contre la paroi pelvienne. Il était quasiment indissociable de ce feuillet, dont la mobilisation le rendait visible par transparence. En poursuivant la libération de ce nerf du feuillet postérieur de l'enveloppe postéro-latérale de la graisse péri-rectale, le plexus pelvien était atteint (fig. 10). Il constituait une véritable armature à cette enveloppe, à l'union des feuillets antérieur et postérieur, latéralement au rectum. C'est à son niveau que se faisaient l'insertion latérale du fascia recto-génital, mais également l'ancrage latéral de la gaine celluleuse du rectum. Sa visualisation complète a nécessité la section de toutes ces attaches et de leur contenu vasculo-nerveux. Attaches et afférences vasculo-nerveuses latérales du rectum constituaient un véritable "ligament latéral" du rectum. Après la section des branches vasculaires qui le traversaient et des branches nerveuses à destinée rectale, émanant de lui, le plexus pelvien apparaissait comme un lacis nerveux aplati, à mailles multiples serrées, grossièrement quadrilatère, plaqué contre la paroi pelvienne latérale et inclus dans le feuillet postérieur de l'enveloppe postéro-latérale de la graisse péri-rectale (fig. 10). 11 L'effondrement aux ciseaux fins du tissu fibreux contenu dans les mailles de ce filet nerveux a permis de mettre en évidence toute la configuration du plexus pelvien : il était étendu depuis la région latérale moyenne du rectum au niveau de S5 et du coccyx en arrière, jusqu'à l'abouchement des uretères dans la vessie en avant (fig. 10). En plus de ses nombreuses branches efférentes destinées aux viscères pelviens, le plexus pelvien était donc traversé au niveau de ses mailles par plusieurs branches vasculaires. Ces éléments vasculo-nerveux à destinée rectale et génito-urinaire cheminaient dans la zone d'attache de la gaine celluleuse du rectum pour le rectum en arrière et parcouraient la face antérieure du fascia recto-génital pour les organes génito-urinaires en avant. La dissection et la traction vers l'avant du feuillet postérieur de l’enveloppe postéro-latérale de la graisse périrectale, au niveau de l'espace pré-sacré, mettaient en évidence les afférences parasympathiques du plexus pelvien naissant du plexus sacral, provenant surtout de la racine antérieure du 3ème nerf spinal sacral. Ces branches nerveuses, appelées nerfs pelviens (érecteurs d'Eckhard), traversaient le fascia pelvien pariétal qu'ils soulevaient légèrement à la traction, devant le muscle piriforme et rejoignaient la portion postéro-inférieure du plexus pelvien. Ils cheminaient en la tapissant, sur la face externe du feuillet postérieur de l'enveloppe postéro-latérale de la graisse périrectale (fig. 9). Corrélations anatomie-imagerie Nous avons observé une dilatation à l'extrême du rectum sur toutes ses faces et sur toutes nos coupes, à la fois sur le bassin d'homme et sur le bassin de femme. Cette distension exerçait un effet de masse sur les structures adjacentes et donc comprimait la graisse périrectale sur les parois du petit bassin. Elle rendait impossible une corrélation précise sur la délimitation de cette graisse périrectale entre les coupes anatomiques et les coupes radiologiques. Notre travail s'est limité à une description de l'aspect radiologique de l'enveloppe graisseuse périrectale, telle qu'elle est apparue en tomodensitométrie et sur les 12 différentes séquences T1 et T2 en IRM, à savoir essentiellement une étude de la graisse rétro-rectale. La graisse pré-rectale n'était pas analysable. L'aspect en imagerie de la graisse périrectale était identique sur le bassin d'homme et sur le bassin de femme. Nous avons observé sur toutes nos images, une hétérogénéité des structures graisseuses périviscérales, aussi bien en tomodensitométrie qu'en IRM. Il existait également des différences de densité en tomodensitométrie et de signal en IRM entre les graisses hypodermique, pariétale et périviscérale (figs. 12-15). Les enveloppes fibreuses du "mésorectum" ainsi que leurs rapports nerveux n'étaient identifiables, ni sur les coupes anatomiques, ni sur les images en tomodensitométrie et en IRM (figs. 12-15). Anatomie – tomodensitométrie (figs 12-15) La graisse périrectale apparaissait comme une structure hypodense devant la concavité sacrale entre la 3ème vertèbre sacrale en haut et le plan des muscles élévateurs de l'anus en bas. Cette graisse s'insinuait dans les plis transversaux du rectum et sa limite postéro-latérale était parfois soulignée d'une graisse dont l’hypodensité était plus marquée (fig. 15). Elle était plus homogène devant la face antérieure du sacrum qu'au niveau du mésocôlon sigmoïde. Anatomie – IRM (figs. 12-15) En pondération T1, le mésorectum était en hyposignal, à la fois par rapport à la paroi rectale mais aussi par rapport à la graisse sous-cutanée et aux autres structures graisseuses pariétales du petit bassin. En pondération T2, on différenciait mieux la graisse périrectale des structures musculaires adjacentes et de la paroi rectale. La graisse périrectale apparaissait en hypersignal franc, pseudo-liquidien par rapport à la paroi rectale et aux autres structures graisseuses. La paroi rectale présentait un signal intermédiaire entre les structures musculaires et graisseuses. 13 Discussion Dissection Erreur sémantique, le "mésorectum" est défini par les chirurgiens comme l'enveloppe de graisse entourant les faces postérieure et latérales du rectum souspéritonéal [19]. Sur nos dissections, l'enveloppe graisseuse périrectale est en fait un prolongement autour du rectum, dans l'espace pelvien sous-péritonéal, du contenu conjonctivovasculaire du mésocôlon sigmoïde, au niveau de sa racine primaire (fig. 11b). Cette structure, dénommée "mésorectum" par les chirurgiens depuis la description de Heald [10] et la vulgarisation de sa technique d'exérèse, est une réalité qui ne peut prendre cette appellation anatomique. En effet, le méso est défini anatomiquement comme un repli péritonéal reliant un segment du tube digestif à la paroi et constitué de deux feuillets de péritoine contenant sa vascularisation et son innervation [14]. Le rectum, en effet, est enveloppé à son origine en avant et latéralement par le péritoine qui forme un petit méso qui le rattache à la face antérieure du sacrum [23]. Ce mésorectum est la partie terminale du mésocôlon sigmoïde qui s'arrête à l'extrémité supérieure du rectum. Non utilisé dans les traités classiques d'anatomie, le terme de "mésorectum dorsal" à été employé par certains auteurs [5] en embryologie pour désigner, non pas un vrai mésentère, mais la partie de mésenchyme périrectal, située en arrière du rectum. La dénomination de l'enveloppe graisseuse périrectale sous le terme de "mésorectum" a été discutée par Marchal et al. [16] qui l'ont baptisée "espace périrectal ou lame périrectale". Pour nous, c'est un tissu graisseux périrectal abondant et compact sur les faces postéro-latérales du rectum, mince et lâche sur sa face antérieure (fig. 8). C'est une véritable enveloppe graisseuse périrectale. Cette enveloppe graisseuse périrectale est limitée dans nos dissections, par des lames cellulo-fibreuses constituant son enveloppe : - En dedans, la graisse périrectale est séparée de la couche musculaire longitudinale du rectum par une gaine celluleuse lâche, véritable adventice rectale (fig. 8). Dans la littérature, cette 14 gaine celluleuse rectale n'est pas décrite comme une structure anatomique macroscopique mais, dans les traités d'histologie, le tube digestif possède classiquement quatre couches fonctionnelles distinctes : la muqueuse, la sous-muqueuse, la musculeuse et l'adventice. L'adventice est assimilable à une séreuse (péritoine viscéral) dans la cavité péritonéale et se confond, ailleurs, aux tissus rétro-péritonéaux [2, 27]. - En dehors, la graisse périrectale est entourée par des lames fibreuses qui permettent son individualisation et son clivage. Nos dissections nous ont permis de distinguer ces structures, du fascia pelvien pariétal. Celui-ci est apparu comme un constituant de la paroi pelvienne. Il tapisse ainsi parois et plancher pelviens et ne délimite en dehors que les gros éléments nerveux du plexus sacral et du plexus coccygien (fig. 6). Cette description rejoint celle de Bellocq [3] qui donne à ce fascia plusieurs appellations : "aponévrose pelvienne" ou "fascia pelvien ou endopelvien" ou "fascia pelvis" ou "aponévrose périnéale profonde". Havenga et al. [9], qui ont disséqué trois bassins d’homme et trois bassins de femme de cadavres embaumés, sectionnés sagittalement, décrivent le fascia pelvien pariétal comme recouvrant les muscles piriformes et élévateurs de l'anus et les faces antérieures du sacrum et du coccyx, mais se continuant par une enveloppe fibreuse viscérale. Pour Enker et al. [8], le fascia pariétal est la couche du "fascia pelvien" qui tapisse les muscles et les gros vaisseaux de la paroi pelvienne et qui inclut les nerfs et le plexus pelviens. Le fascia pelvien pariétal que nous décrivons tapisse toutes les parois ostéo-musculaires de l'excavation pelvienne ainsi que le plexus nerveux sacro-coccygien et laisse en dedans les gros vaisseaux, les nerfs et le plexus pelviens. Cette disposition confirme celle de Takahashi et al. [22] qui l'ont appelé "fascia endopelvien pariétal". Pour nous, le fascia pelvien viscéral est l'enveloppe postéro-latérale de la graisse péri rectale. Il se continue en avant et tapisse également, latéralement, les organes 15 génito-urinaires. Il sépare la loge des viscères pelviens et de leurs afférences vasculo-nerveuses, des régions latérales du petit bassin contenant les gros vaisseaux. Il englobe au niveau des faces latérales du rectum moyen et inférieur, le plexus pelvien et ses afférences (fig. 11a). Ce fascia pelvien viscéral que nous décrivons, correspond aux renforcements des formations conjonctives ou fibroconjonctives du petit bassin décrites dans les traités classiques d'anatomie [3, 20] et appelés "gaines fibreuses viscérales". Nommée "gaine fibreuse du rectum" par Bellocq, elle présente, selon lui, quatre parois. Une paroi postérieure ou feuillet rétro-rectal délimite en avant du sacrum, l'espace présacré qualifié de « difficilement décollable », du fascia pelvien pariétal. C'est ce que nous avons retrouvé dans nos dissections lors du décollement du feuillet postérieur de l'enveloppe postéro-latérale du fascia pelvien viscéral. Les parois latérales de cette "gaine rectale" décrite par Bellocq, se confondent aux deux lames sacro-rectogénito-pubiennes, en continuité en dedans avec toutes les gaines viscérales du petit bassin et constituent également la charpente des plexus pelviens; c'est ce que nous avons mis en évidence lors de nos dissections. Selon cet auteur, la paroi antérieure de cette gaine fibreuse du rectum est commune à la loge rectale et génito-vésicale correspondant au "fascia de Denonvilliers". Pour nous, nous n'assimilons pas le fascia recto-génital ou "fascia de Denonvilliers" au fascia pelvien viscéral qui reste une enveloppe uniquement postéro-latérale pour le rectum et la graisse périrectale. Dans la description de Rouvière [29] à propos de ces enveloppes postéro-latérales, le fascia rétro-rectal sépare deux espaces décollables placés l'un en avant, l'autre en arrière. Dans le premier, descendent les vaisseaux rectaux supérieurs, ce qui correspond à la graisse périrectale dans notre description. Le second est l'"espace décollable classique" que limite en arrière un feuillet pré-sacral adhérent au périoste. C’est cet espace qu'a nommé plus tard Bellocq "espace décollable présacré" et qui est un espace non avasculaire situé, dans nos dissections, entre le fascia pelvien pariétal appelé classiquement feuillet pré-sacré et le feuillet postérieur de l'enveloppe postéro-latérale de la graisse périrectale ou fascia pelvien viscéral. 16 Ainsi nous pouvons distinguer deux espaces entre le sacrum et le rectum : (1) un espace rétro-rectal, avasculaire, large, aisément clivable, entre le feuillet postérieur et le feuillet antérieur du fascia pelvien viscéral et (2) un espace présacral étroit, non avasculaire, difficilement décollable entre le feuillet postérieur du fascia pelvien viscéral et le fascia pelvien pariétal (fig. 5, 11). Plus récemment, dans la description de la dissection chirurgicale lors de l'exérèse totale du "mésorectum", les auteurs présentent différemment l'espace rétro-rectal et les limites postéro-latérales de la graisse périrectale. Havenga et al. [9] décrivent un espace rétro-rectal limité latéralement par les vaisseaux iliaques internes, mais les limites antérieure et postérieure de cet espace correspondent à la réflexion du fascia pelvien pariétal présacral en un fascia viscéral rétro-rectal. Ils signalent aussi, un dédoublement du fascia viscéral qu'ils décrivent comme l'enveloppe postéro-latérale de la graisse périrectale, mais uniquement sous le fascia recto-sacral qui correspond à la fusion des fascias pariétal et viscéral devant la 4ème vertèbre sacrale. Nous avons noté également, sur nos dissections, des limites latérales à cet espace correspondant aux vaisseaux iliaques internes, mais comme une fusion des deux feuillets antérieur et postérieur du fascia pelvien viscéral (fig. 11a). Le dédoublement du fascia pelvien viscéral en un feuillet antérieur et un feuillet postérieur existe devant toute la concavité sacrale sur nos dissections (figs. 2, 11c). Nous avons également retrouvé une fusion de ces deux feuillets devant le sacrum, mais au niveau de la 5ème vertèbre sacrale, c'est ce que nous avons nommé fascia accolement (figs. 5, 11c). Le feuillet postérieur du fascia pelvien viscéral, et non le fascia pelvien pariétal, constitue la limite postérieure de l'espace rétro-rectal, sur nos préparations. Sur une étude anatomique par dissections et coupes transversales de pièces d'exérèse rectale associée à des analyses histologiques, Bisset et al. [4] décrivent une enveloppe fibreuse entourant la graisse périrectale qu'ils nomment "fascia propria". Ce "fascia propria" de Bisset et al. pourrait correspondre au feuillet postérieur de l'enveloppe postéro-latérale (fascia pelvien viscéral), sur nos dissections, mais l'espace rétro-rectal tel qu'il est décrit par Bisset et al. correspond à ce que nous avons dénommé "espace non avasculaire pré-sacral". Dans leur analyse histologique, ce "fascia propria" est en fait d'épaisseur variable présentant 17 plusieurs couches en fonction de la face examinée. Cela semble montrer une différence de constitution de cette enveloppe fibreuse. Les termes de fascia pariétal et fascia viscéral employés par beaucoup d'auteurs [8, 9, 24] et parfois même de fascia endopelvien seulement [4], nous paraissent peu clairs. Nous distinguons (1) le fascia pelvien pariétal accolé à la paroi, (2) du fascia pelvien viscéral dont la partie postérieure dédoublée est l’enveloppe de la graisse périrectale. Nous ne retrouvons pas, sur nos dissections, de feuillet unique continu entourant totalement la graisse périrectale. Ainsi la notion de "fascia propria" [4] ou de "fascia recti"[24] n'a pas de correspondance sur nos préparations. Il faut noter que ces entités sont issues de dissections, uniquement, sur des pièces d'exérèse chirurgicale. La cloison recto-génitale limitant la graisse perirectale en avant est totalement clivable sur nos dissections (figs. 3, 4), la graisse périrectale est rare à son niveau. Ce fascia recto-génital est appelé le plus souvent "aponévrose de Denonvilliers". Notre description du fascia recto-génital rejoint celle, princeps, de Denonvilliers [6]. Il contient des fibres musculaires et présente deux fascias secondaires qui délimitent la loge des vésicules séminales. L'origine embryologique du fascia recto-génital, d'après la conception de Tobin [25], semble différente des autres fascias du petit bassin, notamment de l'enveloppe postéro-latérale du "mésorectum". Cet auteur a étudié l'origine embryologique du "fascia de Denonvilliers" chez l'homme par coupes anatomiques et dissections d'embryons, de fœtus, d'enfants et d'adultes. Selon lui, les gaines fibreuses des viscères pelviens dérivent d'une couche de tissu conjonctif indifférencié alors que le "fascia de Denonvilliers" dérive du cul-de-sac péritonéal de Douglas. Ces constatations étayent l'hypothèse de deux enveloppes différentes pour la graisse périrectale : une enveloppe postéro-latérale constituée par le fascia pelvien viscéral et une limite antérieure, véritable cloison recto-génitale, constituée par le "fascia de Denonvilliers". Dans nos dissections, si les nerfs hypogastriques sont décollables de la face postérieure du feuillet postérieur du fascia pelvien viscéral, le plexus pelvien est solidaire du fascia pelvien viscéral dont il constitue la charpente. Latéral au 18 rectum moyen et inférieur, cette lame nerveuse du fascia pelvien viscéral, situé à la jonction de ses deux feuillets correspond à ce qui est décrit dans les traités d'anatomie, comme la partie postérieure des lames sacro-recto-génito-pubiennes de Delbet [3, 7]. Les bandelettes neuro-vasculaires, qui sont le contingent à destinée génitale de ses efférences et décrites par Walsh [26], cheminent devant le fascia recto-génital, dans le paramètre chez la femme et dans la loge des vésicules séminales et de la prostate chez l'homme, limitée par les fascias secondaires que nous avons décrits (fig. 9). Notre conception de la disposition de l'innervation autonome para-rectale (nerfs hypogastriques et plexus pelviens), confirme celle de plusieurs auteurs. Hollabaugh et al. [11] notent que la plupart des nerfs efférents du plexus pelvien perforent ce qu'ils nomment "fascia endopelvien" et que les branches à destinée génito-urinaire cheminent sur la face prostatique du "fascia de Denonvilliers". Latéralement au rectum, le plexus pelvien inclus dans le fascia pelvien viscéral est un rapport direct de la graisse du "mésorectum" sur nos dissections (fig.11a, b). Si cette disposition confirme les travaux de Nano [18], elle est en désaccord avec les résultats de Bisset [4] et la conception d'Aeberhard et Fasolini [1], qui situent les plexus pelviens dans le fascia pariétal en dehors du « fascia propria » ou fascia d'enveloppe du "mésorectum". Les nerfs pelviens (érecteurs d'Eckhard), que nous situons dans l'espace présacral après leur perforation du fascia pelvien pariétal et dont le trajet est tangentiel au feuillet postérieur du fascia pelvien viscéral, sont décrits différemment par les auteurs [1, 9, 16]. Ils les ont identifiés, provenant surtout des 3ème et 4ème racines sacrales et ils les situent entre les deux feuillets de dédoublement, antérieur et postérieur, du fascia viscéral, en dessous du fascia recto-sacral. Ils ont noté de petites branches collatérales de ces nerfs, destinées au rectum. Nous n'avons pas trouvé ces branches collatérales. Les nerfs pelviens étaient des afférences postéroinférieures exclusives du plexus sacral dans nos dissections (fig. 9). La notion de "ligament latéral" du rectum est mieux appréhendée aujourd'hui, à la lumière de travaux de nombreux auteurs [16, 18, 21, 22]. Constitué, sur nos 19 dissections, des afférences vasculo-nerveuses latérales du rectum, entourées du tissu fibreux émanant de la gaine celluleuse rectale, ce "ligament" ou attache latérale du rectum, est aussi une voie de communication entre l'enveloppe graisseuse périrectale ou "mésorectum" et la loge vasculaire du petit bassin (fig.11a, b). Bien étudié par Sato et Sato [21] dans une dissection de 83 hémibassins, ces auteurs lui distinguent deux segments séparés par le plexus pelvien : un segment latéral composé de la portion proximale de l'artère rectale moyenne et des nerfs pelviens et un segment médial composé de la portion distale de l'artère rectale moyenne après sa traversée du plexus pelvien. Nous avons retrouvé plusieurs branches artérielles rectales moyennes après leur traversée du plexus pelvien. Sato et Sato [21] ont noté une artère rectale moyenne dans 22,2 % de leurs cas; son origine et son diamètre étaient très variables et elle traversait également le plexus pelvien. Takahashi et al. [22], reprenant la description de Sato et Sato, définissent le "ligament latéral" comme une condensation de tissu conjonctif autour de l'artère rectale moyenne; ils soulignent l'importance de ce ligament dans le drainage lymphatique du bas rectum et précisent qu'il n'est identifiable que chez le vivant. Par contre, Nano et al. [18], qui l'ont étudié sur 15 cadavres frais et 5 bassins embaumés, signalent, comme décrit dans nos dissections, que le ligament latéral du rectum contient du tissu graisseux qui est en continuité directe avec celui du mésorectum et que, dans les cas où l'artère rectale moyenne n'était pas un tronc unique, elle se présentait sous forme d'une arborisation de plusieurs branches. Ils utilisent le terme de "pédicule neurovasculaire latéral" du rectum, qui nous semble mieux indiqué anatomiquement, que "ligament latéral". Il n’est mis en évidence qu’après forte traction controlatérale sur le rectum. Dans la cavité abdominale pelvienne, le terme de ligament désigne un repli péritonéal qui relie à la paroi des organes intraabdominaux ou pelviens ne faisant pas partie du tube digestif [20]. Le fascia sous-péritonéal isolé, dans la dissection de notre bassin d’homme et absent dans le bassin de femme, n'est pas décrit dans la littérature (fig. 7). Sa dissection et son isolement sous le péritoine pelvien s'expliquent peut-être par la technique de fixation des cadavres qui peut désorganiser les tissus cellulograisseux. 20 Un plan de dissection pour l'exérèse totale de la graisse périrectale appelée communément "mésorectum" a été évoqué à la lumière de nos dissections. Le premier temps de l'exérèse, après section des vaisseaux mésentériques inférieurs, est le curage lymphonodal mésentérique inférieur pré-aortique. Le plan de dissection commence dans la région pré-aortique devant le fascia pelvien viscéral qui contient les nerfs hypogastriques et qui délimite en arrière le tissu conjonctivo-vasculaire de la racine primaire du méso-sigmoïde (fig.11a, c). Le décollement rétro-rectal doit être amorcé après ouverture du feuillet antérieur du fascia pelvien viscéral et engagé dans le plan avasculaire qui sépare ce feuillet antérieur du feuillet postérieur du fascia pelvien viscéral (fig.11c). Le feuillet antérieur constitue l'enveloppe postéro-latérale du mésorectum et son intégrité lors de ce temps est essentielle pour une exérèse totale. Les nerfs hypogastriques sont repérables sur tout leur trajet, au terme de ce temps, par transparence, dans le feuillet postérieur du fascia pelvien viscéral. Ce décollement est d'abord médian, puis latéral jusqu'aux plexus pelviens (fig.11a). Sans chercher à individualiser les "ligaments latéraux du rectum" et sans traction excessive sur le rectum, la dissection se prolonge latéralement au contact et en dedans des plexus pelviens en coagulant et en sectionnant les quelques petites branches vasculo-nerveuses tendues du plexus pelvien au rectum ("pédicule vasculo-nerveux latéral du rectum"). Ce temps comporte nécessairement la section des attaches latérales du feuillet antérieur du fascia pelvien viscéral et de la gaine celluleuse du rectum. À ce niveau l'espace du mésorectum est en communication avec la loge vasculaire latérale du petit bassin (fig.11a, b). L'ouverture du fascia d’accolement entre feuillets antérieur et postérieur du fascia pelvien viscéral vers le bas et sur la ligne médiane complète la dissection postérolatérale du "mésorectum" (fig.11c). En avant, l'incision sur la ligne médiane du cul-de-sac de Douglas et des tissus sous-jacents qui le doublent doit mener à la face antérieure du fascia recto-génital qui est la limite antérieure du "mésorectum" dans nos dissections. Mais ce fascia 21 recto-génital ou "fascia de Denonvilliers" doit être ouvert sur la partie inférieure de sa face antérieure après traction sur le rectum en arrière et la dissection poursuivie sur sa face postérieure pour éviter une lésion des bandelettes neurovasculaires à destinée génito-urinaire (fig.11a, c). Corrélations Notre corrélation anatomie-imagerie est décevante du fait des particularités liées à l'état de cadavre : (1) la graisse périrectale est écrasée par le rectum dilaté, contre la paroi pelvienne, sur toutes nos coupes; (2) la diffusion de la solution de conservation de cadavres dans les tissus a modifié l'aspect de la graisse périrectale. Ces "artéfacts" étaient imprévisibles à cause de l'absence de données de la littérature sur l'aspect du mésorectum en corrélation anatomie-imagerie. Notre travail s'est donc limité à la corrélation de la graisse périrectale, entre les coupes anatomiques et les coupes radiologiques, en arrière du rectum. Sur nos préparations, la graisse périrectale est mieux visualisée en IRM, notamment sur les séquences en pondération T2. Paradoxalement, elle apparaît en hyposignal sur les séquences en pondération T1, en rapport probablement à un certain degré d’imbibition liquidienne, liée à la durée de conservation de nos cadavres. Ces résultats ne sont pas extrapolables chez le vivant. En effet, d'après l’étude de Lorchel et al. [15], la résolution spatiale de la loge rectale est meilleure et les limites du "mésorectum" sont mieux visualisées en tomodensitométrie qu'en IRM, surtout chez les patients qui ont une masse grasse importante. En tomodensitométrie, in vivo, l’ hypodensité du « mésorectum » est homogène et ses limites sont visualisables, la paroi rectale est hyperdense, bien visible après injection de produit de contraste. En IRM, in vivo, la graisse périrectale est discrètement hétérogène et en hypersignal en pondérations T1 et T2; il n'y a pas de différence entre cette graisse et les graisses hypodermiques et pariétales. Remerciements Ce travail a été facilité par une aide financière des laboratoires Coloplast (Péripole 126, 94126 Fontenay-sous-bois, France) 22 Légendes des figures Fig. 1. Hémi-bassin droit, homme. 1, Mésorectum; 2, rectum; 3, vessie; 4, 3ème vertèbre sacrale; 5, prostate; 6, mésocôlon sigmoïde; 7, côlon sigmoïde; 8, jonction recto-sigmoïdienne; 9, vésicule séminale; 10, fascia recto-génital; 11, péritoine Fig. 2. Hémi-bassin gauche, femme. 1, Artère iliaque commune droite; 2, 5ème vertèbre lombale; 3, feuillet postérieur du fascia pelvien viscéral; 4, feuillet antérieur du fascia pelvien viscéral; 5, mésorectum; 6, côlon sigmoïde; 7, rectum; 8, utérus; 9, sacrum Fig. 3. Hémi-bassin gauche, homme. 1, Pubis; 2, paroi antérieure du rectum; 3, vessie; 4, prostate; 5, vésicule séminale; 6, fascia recto-génital; 7, fascias secondaires du fascia recto-génital; 8, noyau fibreux central du périnée Fig. 4. Hémi-bassin gauche, femme. 1, Rectum partiellement réséqué; 2, mésorectum; 3, vessie; 4, col utérin; 5, vagin; 6, péritoine tiré vers le haut; 7, corps utérin; 8, fascia recto-génital; 9, gaine celluleuse du rectum tirée vers le coccyx, après résection rectale; 10, côlon sigmoïde Fig. 5. Hémi-bassin gauche, homme. 1, Rectum récliné; 2, vessie; 3, prostate; 4, coccyx; 5, mésorectum; 6, feuillet antérieur du fascia pelvien viscéral; 7, feuillet postérieur du fascia pelvien viscéral; 8, fascia d’accolement; 9, fascia pelvien pariétal; 10, muscle élévateur de l’anus; 11, espace rétro-rectal; 12, espace pré-sacral Fig. 6. Hémi-bassin droit, femme. 1, Sacrum; 2, coccyx; 3, paroi rectale postérieure; 4, mésorectum recouvert du feuillet antérieur du fascia pelvien viscéral; 5, feuillet postérieur du fascia pelvien viscéral; 6, fascia pelvien pariétal ouvert et soulevé; 7, muscle piriforme Fig. 7. Hémi-bassin gauche, homme. 1, Rectum; 2, mésorectum; 3, vessie; 4, prostate; 5, 3ème vertèbre sacrale; 6, péritoine; 7, tissu cellulaire sous-péritonéal; 8, fascia sous-péritonéal; 9, fascia recto-génital; 10, gaine celluleuse du rectum Fig. 8. Hémi-bassin gauche, femme. 1, Pubis; 2, sacrum; 3, coccyx; 4, paroi antérieure du rectum; 5, paroi postérieure du rectum partiellement réséquée; 6, gaine celluleuse du rectum, tirée vers la ligne médiane et vers le bas; 7, fascia recto-génital; 8, mésorectum; 9, feuillet antérieur du fascia pelvien viscéral; 10, feuillet postérieur du fascia pelvien viscéral; 11, fascia pelvien pariétal; 12, paroi postérieure du vagin; 13, vessie Fig. 9. Hémi-bassin gauche, homme, rectum réséqué. 1, Mésorectum et fascia pelvien viscéral récliné vers le haut et l’avant; 2, nerfs érecteurs; 3, fascia pelvien pariétal; 4, sacrum; 5, conduit déférent; 6, bandelettes neuro-vasculaires de Walsh; 7, fascia recto-génital; 8, vessie; 9, prostate Fig. 10. Hémi-bassin gauche, femme, rectum et fascia pelvien viscéral réséqués. 1, Rectum partiellement réséqué; 2, nerf hypogastrique gauche disséqué et mis sur lacs; 3, uretère; 4, plexus pelvien disséqué et tendu; 5, efférences génito-urinaires du plexus pelvien; 6, artère iliaque interne; 7, paroi postérieure du vagin; 8, sacrum Fig. 11a-c. Représentation schématique des fascias du petit bassin et de leurs rapports chez l’homme. a Coupe transversale. b Coupe frontale. c Coupe sagittale. 1, Mésorectum; 2, plexus pelvien; 3, fascia pelvien pariétal; 4, feuillet postérieur du fascia pelvien viscéral; 5, feuillet antérieur du fascia pelvien viscéral; 6, « ligament latéral » du rectum; 7, péritoine; 8, artère mésentérique inférieure; 9, aorte; 10, artère iliaque interne; 11, fascia recto-génital; 12, plexus sacral; 13, vésicule séminale; 14, prostate; 15, vessie; 16, nerfs hypogastriques; 17, nerf 23 ischiatique; 18, espace rétro-rectal; 19, espace pré-sacral; 20, fascia d’accolement; 21, fascia souspéritonéal; ---, gaine celluleuse du rectum; …(rouge), plan de dissection pour l’exérèse totale du mésorectum Fig. 12a-d. Coupe sagittale N°0, homme. a Anatomie. b Tomodensitométrie. c IRM pondérée T1. d IRM pondérée T2. 1, Rectum; 2, côlon sigmoïde; 3, mésorectum; 4, vessie; 5, uretère; 6, cavité abdominale; 7, paroi rectale; 8, mésocôlon sigmoïde; S3, 3ème vertèbre sacrale; P, pubis Fig. 13a-d. Coupe sagittale N°1, femme. a Anatomie. b Tomodensitométrie. c IRM pondérée T1. d IRM pondérée T2. 1, Rectum; 2, mésorectum; 3, fosse ischio-rectale; 4, paroi rectale; 5, vagin; 6, utérus; 7, vessie; 8, uretère; 9, cavité abdominale; S3, 3ème vertèbre sacrale; P, pubis Fig. 14a-d. Coupe "transversale oblique" N°5, femme. a Anatomie. b Tomodensitométrie. c IRM pondérée T1. d IRM pondérée T2. 1, Rectum; 2, paroi rectale; 3, mésorectum; 4,graisse pariétale; 5, acétabulum après ablation d’une prothèse totale de hanche; 6, col utérin; 7, vessie; 8, muscle obturateur interne; 9, veine iliaque interne; Ilio, branche ilio-pubienne; S, sacrum Fig. 15a-d. Coupe "transversale oblique" N°11, homme. a Anatomie. b Tomodensitométrie. c IRM pondérée T1. d IRM pondérée T2. 1, Rectum; 2, paroi rectale; 3, graisse pariétale; 4, mésorectum; 5, cavité abdominale; 6, vésicule séminale; 7, vessie; 8, artère iliaque externe 24