Michaël Balint « Les voies de la régression »1 Balint commence par poser le constat d’une évolution du langage psychanalytique qui est dans l’introduction du terme de relation d’objet et de l’intérêt pour la recherche sur les relations d’objet primitif à l’usage qui remonte à Freud dans les Trois Essais selon lui et d’autre part, l’intérêt pour les instincts qui n’a cessé de décroître dans la préoccupation de la théorie psychanalytique. Or, sa thèse est précisément que le développement de la relation d’objet et celui des buts instinctuels, s’ils ne cessent de s’influencer, n’en sont pas moins des processus psychiques différents. Cet ouvrage se présente en deux parties. Une première partie où Balint examine un certain nombre d’observations dont nos conceptions théoriques sont prisonnières ; il crée une refondation de ses relations primitives et de ses relations d’objets primitifs ; il propose deux nouveaux termes ( "ocnophillie" et "philobatisme") en référence à Ferenczi. Dans la seconde partie, Balint examine comment cette nouvelle approche des relations d’objets primitifs qu’il propose permet de comprendre certaines observations cliniques, notamment certains phénomènes habituellement classés dans la rubrique régression. Donc une première partie : le frisson, et une deuxième partie : les régressions. I. Première partie : le frisson 1. Fêtes foraines et frissons. Balint prend l’exemple des fêtes foraines et des frissons que les différentes activités ludiques proposées provoquent chez le public et en quoi tous ces jeux présentent une occasion de régression ou de possibilité de décharge finalement offerte à un niveau assez primitif dans des conditions de sécurité. Il cite les sensations d’étourdissement et de vertige mais aussi l’entrainement à la destructivité avec un environnement qui est en harmonie avec ses exigences et ses plaisirs qui rappellent un autre âge endo-génétique à savoir l’amour primaire, défini ici comme « une relation d’objets où seul l’un des partenaires peut faire des demandes et avoir des exigences ; l’autre partenaire (c’est-à-dire le monde) ne doit avoir ni intérêts, ni désirs, ni exigences propres ». Ce mélange de peur et de plaisir, d’espoir confiant à face à un danger externe constitue les éléments fondamentaux de tout frisson (thrill). Le mot thrill est difficile à traduire en français ; il rappelle tout un autre ordre d’exemple, les jeux d’enfants comme le jeu du chat. 2. Philobatisme et ocnophilie. Ce sont deux nouveaux termes créés par Balint pour spécifier deux expériences humaines fondamentales qui se structureraient d’après lui dès les liens primitifs à la mère. Ce sont des termes créés comme par exemple à partir du mot acrobate qui signifie celui qui marche sur les extrémités, loin de la terre ferme, philobate c’est celui qui prend plaisir à ce genre de frisson, celui qui aime les balançoires, les manèges, 1 Petite Bibliothèque Payot, 2000. Le titre original du livre tel qu’il est paru à Londres en1958 est « Thrills and regressions ». 1 toutes ces fêtes foraines. Le philobate aime les espaces. Au contraire, l’ocnophile a besoin de s’accrocher à quelque chose de solide et c’est le terme d’ocnophile qui dérive du grec ocneo, se cramponner, ocnophilie, avoir avec soi un objet ocnophile signifie posséder un pénis puissant, jamais défaillant. Les frissons philobatiques représent en quelque sorte la scène primitive. 3. Relations d’objet et angoisses. Les formes pures de l’ocnophilie et du philobatisme sont assez rares et on a donc affaire à des mélanges variés de ces deux relations d’objet. Redéfinition de l’ocnophilie qui est cette tendance à s’accrocher à l’objet. Le monde de l’ocnophile se compose d’objets séparés par des espaces vides et effrayants de sorte que l’ocnophile va sans cesse d’objets en objets et abrège le plus possible son séjour dans les espaces vides. L’accrochage ocnophile est la relation d’objets que la psychanalyse a le mieux étudié et entraîne inévitablement la frustration. Pour le philobate au contraire, le monde dans son ensemble apparaît sous un jour différent puisqu’il se compose d’espaces entre les objets qui sont des espaces amis et au contraire plus ou moins parsemés d’objets dangereux et imprévisibles. Le philobate vit dans les espaces en évitant soigneusement tout contact, lien, avec l’objet. Alors que le monde ocnophile est structuré par la proximité physique et le toucher, le monde philobatique est structuré par la bonne distance et la vue. Si l’ocnophile vit dans l’illusion d’être lui-même en sécurité tant qu’il garde le contact avec un objet sûr, le philobate par contre nourrit l’illusion de n’avoir pas besoin d’objet. Le philobate est apparemment indépendant, assuré et autonome. Ocnophilie et philobatisme représentent des attitudes primitives. 4. Agressivité et auto-érotisme. L’agressivité est présente dans l’activité philobatique comme le fait de la balançoire et le fait des frissons (thrill) en général. Le héros philobatique, robuste, solide, triomphant, indépendant, sans crainte du danger. Il s’agit donc d’une forme primitive d’agressivité qui renvoie à la grande passivité du nourrisson, être balancé et à un auto-érotisme primaire qui évoque les activités auto-érotiques qui sont du grattage à la masturbation. 5. Amour et haine. L’ocnophile a besoin de ses objets, on l’a vu, alors que le philobate les évite. Mais en fait, ocnophile et philobate entretiennent comme dans toute relation primitive des relations ambivalentes avec leurs objets, par exemple, l’ocnophile se méprise pour sa faiblesse, va déplacer son mépris et se mettre à haïr son objet d’amour à cause de sa dépendance à son égard. 6. L’épreuve de réalité. Qu’en est-il de cette épreuve de la réalité pour l’ocnophile et le philobate ? Pour Balint, l’épreuve de réalité est un processus qui se déroule par quatre étapes : • La première consiste à déterminer si une sensation donnée provient de l’intérieur ou de l’extérieur. • La seconde consiste à déduire ce qui est en est la cause à partir de ces sensations. 2 • La troisième étape est de découvrir la signification de la sensation, qu’est-ce que cela veut dire pour moi de percevoir ceci, c’est déjà l’interprétation ou la découverte du sens. • La quatrième étape consiste à trouver la réaction appropriée à la sensation perçue en fonction du sens dont les opinions religieuses, politiques, scientifiques contradictoires. Philobates et ocnophiles s’y prennent de la même manière pour effectuer les deux premières étapes, leur divergence porte sur la troisième étape : la découverte du sens, l’interprétation de leurs sensations, mais les études psychanalytiques ont montré qu’en deça des sensations et des perceptions il y a l’affect et que c’est aussi une épreuve de réalité que ce champ des émotions et des affects. II. Deuxième partie : Régressions 1. Objet et sujet. a. Le sens des mots "sujet" et "objet" Balint remarque au passage que dans le choix de ce terme objet et sujet, il y a tout ce que ces termes contiennent d’agressivité dans leur acceptation latine qui n’apparaissait pas dans les terminologies grecques dont ils sont originaires. En grec, la chose ou la personne à propos de laquelle on énonçait était appelée υποκειµενον, ce qui voulait dire qui est « placé en dessous » et qui a donné « sujet ». Le mot « objet » c’était αυτικειµενον ou προκειµενον, "ce qui est mis en travers". Dans la traduction latine, le mot sujet veut dire jet, c’est déjà une signification à la fois plus mobile, mais aussi plus agressive. Toutes les langues européennes ont repris cette terminologie latine. Freud, dans les « Trois essais sur la théorie de la sexualité » a organisé le champ des pulsions avec le but, l’objet, la source. L’objet c’est quelque chose de solide contre quoi nous pouvons exercer notre force. D’où le mot projection. Mais ici, dit Balint, ce sont exclusivement les conceptions primitives du sujet et de l’objet qui nous intéresse. Le sens d’obstacle résistant du mot objet semble être plus primitif que celui de but. Pour reprendre la terminologie grecque, c’est plutôt le mot « substance » qui reprendrait cette notion de « ce qui est mis sous », ce qui est étendu sous, par opposition, le mot matière dérive de la racine indo-germanique courante qui signifie la mère. b. le sujet, le monde et la mère Il est difficile de ne pas conclure qu’à une certaine époque, il existait dans la psyché un mélange harmonieux entre le monde environnant et nous-mêmes et que notre mère y était impliquée. C’est donc la thèse que pose Balint dans la nature secondaire des objets et le fait que, dans l’ontogénèse, les objets émergent progressivement d’une matrice et que les deux sens principaux qui formaient les premières perceptions du bébé sont la vue et le toucher. L’objet est ainsi construit à l’extérieur du corps. Par oppositon, il y a deux sens plus inférieurs qui fonctionnent dès la naissance qui sont l’odeur et la saveur qui eux sont dirigés vers l’intérieur du corps dans la bouche et dans le nez. Ils ne vont pas dans le sens de la projection de la vue et du toucher qui créent les objets à l’extérieur mais au contraire, dans des 3 sensations qui créent des substances à l’intérieur. C’est un mélange de monde externe et de monde interne dont l’interaction va constituer des phénomènes cliniques où la limite entre les deux mondes s’estompe comme l’illusion, l’hallucination, la confusion, la dépersonnalisation sans oublier les toxicomanies. "En gros, dit Balint, nous avons tendance à nous comporter comme si tout ce qui est bon était en nous (introjection) et tout ce qui est pénible ou déplaisant dans le monde extérieur (projection)". c. La régression : un retour vers l'harmonie primitive L’attrait de l'harmonie primitive et primaire avant cette opposition constitue précisément la régression. Au cours des traitements psychanalytiques, on constate où se produit ce processus de régression, où est entretenu le fantasme d’une harmonie primaire qui devrait revenir de droit et qui aurait été détruite par la machination d’autrui ou la cruauté du destin. La satisfaction de cette aspiration régressive à une harmonie parfaite entre le sujet et son environnement ne peut plus être approchée ensuite que dans la vie sexuelle. La difficulté d’évoquer avec des mots cette harmonie primitive suggère qu’elle se situe effectivement à une époque où les mots n’existaient pas encore. La psychanalyse, d'après Balint, a élaboré trois théories pour expliquer ces états de régression : • Le narcissisme primaire. • La durée de l’omnipotence absolue de l’enfance • La relation de l’objet primaire ou amour primaire. La relation à l’air qui nous entoure fournit un bon exemple de ces états de mélange primitif harmonieux entre le dedans et le dehors qui reste une expérience, une image primitive du monde. Et c’est la découverte par l’enfant qu’il existe des objets indépendants, solides et séparés qui va détruire cette illusion d’harmonie primitive. C’est là une découverte traumatique : il faut reconnaître l’existence d’objets extérieurs. Il existe essentiellement deux façons de réagir à cette découverte traumatique : • l'une consiste à créer un monde ocnophilie fondé sur le fantasme que les objets solides sont bienveillants • l’autre est de créer un monde philobatique qui est un retour régressif à la vie qui précède l’expérience de l’émergence des objets destructeurs de l’harmonie des espaces sans limites ni contours précis. Balint dit que cette conception pourrait expliquer pourquoi on a donné un nom ambivalent aux objets. Ils constituent : "objection pour le philobate" et des "objectifs pour l’ocnophile". 2. Rêves de vols et écran du rêve. a. Avant le langage Il s’agit ici d’aller plus loin et de découvrir ce qui se passe dans les périodes préverbales de la prime enfance ou/et dans les états profonds de regression profonde. Ce sont des états où la dépendance à l’environnement constitue un élément essentiel. Le jeune enfant et le patient régressé vivent dans un état pré-verbal, ce 4 sont des états où la communication est chargée d’affects, c’est l’expérience des propres états pré-verbaux, infantiles ou régressive donc difficile à exprimer dans la langue des adultes. Balint évoque ici L’interprétation des rêves où Freud signalait que certaines personnes faisaient des rêves où elles volaient dans les airs. Freud appelle ces rêves les "flugträume". Des rêves de flottement qui évoquent aussi des jeux de mouvements, le balancement si agréable aux enfants. Balint les rapproche de ce que dit Freud à propos de l’eau et du fantasme primitif du retour in utero. Balint évoque aussi ce que dit Ferenczi dans Thalassa à propos de ce fantasme primitif et du sentiment océanique. b. L'état amoureux Un autre exemple cette fois physiologique de régression à cette harmonie primitive, citée par Freud dans le chapitre VII de la Traumdeutung : l’état amoureux que Freud fait remonter à ce sentiment d’union du nourrisson avec l’univers. Il apparaît évident de considérer les rêves de vol, de sentiment océanique comme une répétition de la relation primitive mère-enfant voire de retour in utero et pour Balint, les epaces amis qui figurent dans sa théorie philobatique ne sont alors que des souvenirs de ces états visant à satisfaire le désir. Ces états suscitent une forte tendance à la régression. Pour Balint, la position philobatique est plus régressive que la position ocnophile et ce rapprochement avec l’interprétation des rêves de Freud vise à illustrer ce fait que la relation des objets concrets particuliers est secondaire par rapport à une relation prévalente primitive où les espaces sont indifférenciés et amis. 3. Chronologie de l’ocnophilie et du philobatisme. a. D'abord l'ocnophile ? La question est la suivante : laquelle de ces deux visions du monde est la plus précoce du point de vue chronologique ou ontologique ? Elle indique apparemment que l’accrochage pourrait être la plus primitive puisqu’elle est l’expression d’une angoisse et d’une tentative pour empêcher l’irruption de cette angoise. Cette angoisse survient après la découverte du caractère distinct de l’objet. Les choses ne sont pas si simples parce qu’en s’accrochant, on s’éloigne de plus en plus de la satisfaction du besoin initial qui est d’être fermement tenu : plus on s’accroche, moins on est tenu. En fait, Balint relie ceci à la pensée magique et au fait que le sort ocnophile repose sur ce type de pensée magique et investit l’objet de qualités extraordinaires et secourables. b. Le philobate serait antérieur L’attitude philobatique nous paraît elle extrêmement évoluée. Le philobate a accepté la réalité de l’existence indépendante des objets et devient capable de les éviter et il met donc une certaine habileté. Cette habileté est largement décrite par Balint ("skill"), c’est une capacité importante qu’a le philobate de faire face aux situations extérieures réelles donc une meilleure adaptation à la réalité. Une des conditions importantes pour acquérir cette habileté est la capacité de gérer la dépression suscitée par la prise de conscience que les objets sont séparés et indépendants. De cette distance investie entre les objets pourra se développer des sublimations, voire certaines capacités d’autocritique, distance par rapport à soi-même. Cette habileté personnelle est l’essence du philobatisme : pas de philobatisme sans habileté. Lorsque le philobate est parvenu à cet art consommé, la réalité peut se transformer 5 effectivement en une sorte de pays enchanté. Cette habileté consommée du philobatique vise à recréer dans la réalité un peu de cette harmonie qui existait avant la découverte des objets séparés. Le monde philobatique constitue un nouvel exemple d’omnipotence non entièrement justifié, là encore fondé sur la régression. Mais, la régression semble dans ce cas remonter plus loin que la découverte de l’existence d’objets séparés, individualisés. Cette attitude est donc probablement la forme la plus primitive de relation au monde. Le philobate croit fermement que les espaces amis qui l’enveloppent en toute sécurité exactement comme il était tenu avant l’apparition des objets perfides. 4. Progresser en vue de régresser L’ocnophilie peut être considérée comme une fixation à la première réaction provoquée par un traumatisme majeur. Le philobate a subi le même traumatisme, mais il a su acquérir l’aptitude nécessaire pour recréer dans une certaine mesure l’harmonie détruite entre le monde et lui. Le prix à payer semble être une répétition interminable du traumatisme originaire, une sorte de névrose traumatique, mélange de plaisir et de souffrance, c’est ce qui définit le thrill, le frisson. Balint dit avoir choisi ces termes parce qu’ils contiennent tous deux la racine amour, ocnophilie, philobatisme, en référence à Abraham et à Ferenczi et à sa conviction de l’existence d’un état primaire pré-ambivalent qu’il appelle amour primaire et pour éviter les termes de sadisme et de masochisme qui ont fait fortune par ailleurs alors que les termes de Balint sont tombés en désuétude. Mais par contre, tout comme le sadisme et le masochisme, il est absurde de se demander laquelle de ces deux attitudes ocnophilie ou philobatisme est la plus saine puisqu’il s’agit souvent, comme dit précédement, d’états intermédiaires. 5. La régresssion dans la situation analytique. a. L'acting Le patient en analyse répond donc par un mélange d’ocnophilie et de philobatisme. Balint évoque à titre d’exemple un moment qui arrive souvent dans une cure où le patient éprouve une impulsion intense de se lever du divan ce qui rappelle les états philobatiques genre d’acting out philobatique, visant à sortir de la dépendance. Pour Balint le choix du setting, qui ici est traduit par le mot "climat", l’atmosphère, éclairage, la température et l’attitude de l’analyste, est important. Dans le choix du setting, où s’organise le lien par rapport à tel ou tel patient, c’est-à-dire, en fait, divan ou face à face, il est important d’inventorier préalablement ses tendances ocnophiles et philopatiques. b. Le mutisme Un autre exemple de régression dans la situation analytique qu’étudie ici Balint, c’est le patient silencieux en cure. Il signale sa nature régressive et la confrontation chez ce patient à l’expérience terrifiante d’un vide horrible imprégné d’hostilité, de rejet, d’agressivité, le silence peut-être tendu, angoissant et excitant ou au contraire, apaisant et calmant comme pour n’importe quelle musique. Balint attire l’attention, rappelle qu’il a fait une communication en 1932 au Congrès de Wiesbaden où il a décrit pour la première fois ces états de régression et l’extrême importance de leur 6 considération dans la technique analytique. Et il se rend compte combien sa conception a évolué et combien le besoin régressif de s’accrocher est réactionnel à un traumatisme. Tous ces états de régression sont des tentatives d’approcher l’état d’amour primaire. 6. Déformation ocnophile ou philobate de notre théorie et de notre technique. Balint pose l’assertion selon laquelle la théorie analytique serait entachée d’un préjugé ocnophile et le paradoxe entre cette tendance générale de l’analyse à créer ou à renforcer des attitudes ocnophiles chez les patients et au contraire la fréquence avec laquelle les patients recourent à une imagerie du philobatisme pour décrire l’expérience de la fin du traitement. Pour lui une technique à tendance philobatique userait d’interprétation avec grande parcimonie, d’un point de vue détaché, où le patient est invité à se fondre dans les espaces amis. Le risque de cette technique philobatique où l’on espère ainsi permettre au patient d’aborder la situation traumatique que recrée la cure, trouver luimême les perlaborations de ses propres angoisses et développer ses aptitudes personnelles de la vie adulte, ce risque est de le laisser assumer une charge trop lourde en l’obligeant à trop d’indépendance précoce. Comme dans la technique ocnophile, ceci risque d’aboutir à l’introduction de l’agresseur. L’attitude ocnophile au contraire c’est donc d’interpréter sysmatiquement. Là encore, on retombe infailliblement sur ce risque d’identification à l’agresseur. Avant de choisir telle ou telle technique, il importe d’arriver à en savoir davantage sur l’impérieux besoin de régression du patient et sur le sens des voies de régression qu’il emprunte. Les régressions dans la situation analytique constituent un mélange des tendances ocnophiles et philobates et derrière celle-ci se cache le scénario de l’amour primaire. III. Troisième partie : appendice 1. Notes que quelques sujets connexes a. Données sur l’histoire des frissons (thrills) physiques. Il est refait allusion aux fêtes foraines et à l’acrobate professionnel qui doit évaluer lui-même les risques qu’il peut et qu’il ose prendre. b. Sublimation et Art. L’art, comme la sublimation, sont des formes d’adaptation alloplastique aux objets. Comme Freud l’a déjà montré, les réalisations des artistes, les créations artistiques sont en fait des moyens détournés pour conquérir des objets humains, des personnes sans admettre que c’est là le but véritable. 7 c. Le pouvoir curatif de l’eau pure et de l’air pur. Cet esprit thérapeutique réside dans les fantasmes régressifs concernant l’exitence dans l’eau ou l’absorption d’eau, toujours à condition que l’eau soit pure c’est-à-dire exempte de tout objet aléatoire, de même pour l’air, changer d’air était très bénéfique dans les médecines anciennes. Ceci, la pureté que ce soit de l’eau ou de l’air traduit l’absence d’objet suspect et aléatoire dans les espaces amis. d. La psychologie de la motilité. Balint étudie ici les voies de régression qui prennent la forme du mouvement. Un exemple parmi d’autres, c’est le somnambulisme qui fait aussi allusion au test de Freud dans l’Au-delà du principe de plaisir avec le jeu de la bobine : tenter de maitriser une situation traumatique subie passivement en la produisant et reproduisant soi-même, où Balint appelle une progression en vue de régresser. Balint, comme Freud, arrive à la conclusion qu’un des moyens les plus efficaces d’affronter les conséquences d’un traumatisme est de le reproduire activement et délibérément. C’est ce que fait l’acrobate en créant des frissons chez les spectateurs, c’est ce que fait le philobate en tentant de se rassurer. Il fait encore référence à Freud et à la nature excitante du mouvement. e. L’eau, le sable et les mots. L’eau et le sable, quand on les voit manipulés par des enfants, ne nous apparaissent pas comme des objets véritables mais des sortes de précurseurs des objets. Les mots, de même, occupent une position limite entre les deux mondes, avant et après la découverte de l’indépendance des objets. On pourrait dire qu’ils sont postdépressifs. Ils apparaissent plus tard, ils sont donc plus évolués, plus évolutifs, Ils créent l’ordre symbolique, contrairement aux symboles pré-verbaux que seraient les gestes et les mouvements. f. Le drame en trois actes dans la sexualité. Il est reproduit dans le drame en trois actes du frisson. Dans le premier acte, l’individu est poussé à abandonner la zone de sécurité, à s’exposer. Il va libérer la tension gratifiant ses impulsions et finalement il pourra retourner sain et sauf à la sécurité de son existence paisible, cette similitude qui existe avec les plaisirs sexuels dont le but est de restaurer avec l’objet aimé l’harmonieux mélange qui existait dans le monde pré-objectal. L’acmé du plaisir étant le sentiment extatique de l’harmonie parfaite entre soi et le monde. g. Matériel prévisuel du fantasme. Balint l’a déjà dit : l’ocnophile ne regarde pas. Par contre, le philobate regarde parce que lui est à distance. Balint fait encore le lien avec certaines phases de la cure analytique où le patient éprouve leur environnement, y compris l’analyste comme étant en harmonie avec eux et d’autres phases, au contraire où ils se sentent seuls, abandonnés dans un espace vide et désertique, une sorte de balancement entre octophilie et philobatisme. 2. Distance dans l’espace et dans le temps. Par Enid Balint. Dans ce chapître sont illustrées différentes situations cliniques à partir de la distinction que réexpose Elint Balint du philopbate et de l’ocnophile en tentant de 8 répondre à la question de : que signifient ces deux attitudes ? En fait, il semble que les patients montrent par ces attitudes ocnophile et philobatique clairement en analyse, il les manifeste par la manière dont ils se comportent envers la régression. IV. Quatrième partie : conclusion Balint reprend le raisonnement en se demandant à partir de cette nouvelle définition clinique qu’il propose, ce nouveau système, quel peut en être le but pratique : est-ce que finalement les patients auront de meilleures chances de guérison ? Il fait allusion aux théories de Jung avec les introvertis et les extravertis, en classification de Kretschmer, schizoïde et cyclique ou différents types que Freud a introduit lui-même, à plusieurs reprises, aux classifications qui ont été aussi introduites par Fenichel entre phobique et contre-phobique. Il montre que son propre système permet de distinguer ces attitudes qui représentent des ré-investissements secondaires constatés dans la cure, d’attitudes primitives plus anciennes et que l’intérêt de sa contribution se trouve dans l’étude de ces attitudes primitives. Un autre intérêt est une lecture différente aux nouvelles formes de la pathologie : l’ocnophilie étant liée à l’angoisse sous sa forme agoraphobique tandis que le philobatisme sera lié aux attitudes paranoïdes et à la claustrophobie. Balint fait une critique de l’origine biologique des théories freudiennes en termes d’instinct. Il voit dans la nouvelle classification qu’il propose une mise à distance de ses origines instinctuelles biologiques. Il conclue par la reprise de son illustration de la fête foraine qui recrée les conditions primitives où les personnes ont le droit d’être agressifs et destructeurs dans les conditions tolérées par l’environnement et assurant leur propre sécurité. Il fait la comparaison avec la cure analytique qui permet également des expériences importantes dans des conditions de sécurité où les patients peuvent abréagir une fraction du grand traumatisme originaire et ensuite acquérir une aptitude nouvelle à éprouver un peu plus de plaisir. Il s’agit donc dans la cure de changer une attitude irrationnelle et fausse qui gâche ou fait échouer les relations du patient en exposant à une fraction calculée du traumatisme qui a engendré l’attitude faussée et le retour de la capacité d’habileté personnelle pour jouir de la vie. ____________ 9