I. Première partie : le frisson 1. Fêtes foraines et frissons. 2

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Michaël Balint
« Les voies de la régression »1
Balint commence par poser le constat d’une évolution du langage psychanalytique
qui est dans l’introduction du terme de relation d’objet et de l’intérêt pour la recherche
sur les relations d’objet primitif à l’usage qui remonte à Freud dans les Trois Essais
selon lui et d’autre part, l’intérêt pour les instincts qui n’a cessé de décroître dans la
préoccupation de la théorie psychanalytique. Or, sa thèse est précisément que le
développement de la relation d’objet et celui des buts instinctuels, s’ils ne cessent de
s’influencer, n’en sont pas moins des processus psychiques différents.
Cet ouvrage se présente en deux parties.
Une première partie où Balint examine un certain nombre d’observations dont nos
conceptions théoriques sont prisonnières ; il crée une refondation de ses relations
primitives et de ses relations d’objets primitifs ; il propose deux nouveaux termes (
"ocnophillie" et "philobatisme") en référence à Ferenczi.
Dans la seconde partie, Balint examine comment cette nouvelle approche des
relations d’objets primitifs qu’il propose permet de comprendre certaines
observations cliniques, notamment certains phénomènes habituellement classés
dans la rubrique régression. Donc une première partie : le frisson, et une deuxième
partie : les régressions.
I. Première partie : le frisson
1. Fêtes foraines et frissons.
Balint prend l’exemple des fêtes foraines et des frissons que les différentes activités
ludiques proposées provoquent chez le public et en quoi tous ces jeux présentent
une occasion de régression ou de possibilité de décharge finalement offerte à un
niveau assez primitif dans des conditions de sécurité. Il cite les sensations
d’étourdissement et de vertige mais aussi l’entrainement à la destructivité avec un
environnement qui est en harmonie avec ses exigences et ses plaisirs qui rappellent
un autre âge endo-génétique à savoir l’amour primaire, défini ici comme « une
relation d’objets où seul l’un des partenaires peut faire des demandes et avoir des
exigences ; l’autre partenaire (c’est-à-dire le monde) ne doit avoir ni intérêts, ni
désirs, ni exigences propres ». Ce mélange de peur et de plaisir, d’espoir confiant à
face à un danger externe constitue les éléments fondamentaux de tout frisson (thrill).
Le mot thrill est difficile à traduire en français ; il rappelle tout un autre ordre
d’exemple, les jeux d’enfants comme le jeu du chat.
2. Philobatisme et ocnophilie.
Ce sont deux nouveaux termes créés par Balint pour spécifier deux expériences
humaines fondamentales qui se structureraient d’après lui dès les liens primitifs à la
mère. Ce sont des termes créés comme par exemple à partir du mot acrobate qui
signifie celui qui marche sur les extrémités, loin de la terre ferme, philobate c’est celui
qui prend plaisir à ce genre de frisson, celui qui aime les balançoires, les manèges,
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Petite Bibliothèque Payot, 2000. Le titre original du livre tel qu’il est paru à Londres en1958 est
« Thrills and regressions ».
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toutes ces fêtes foraines. Le philobate aime les espaces. Au contraire, l’ocnophile a
besoin de s’accrocher à quelque chose de solide et c’est le terme d’ocnophile qui
dérive du grec ocneo, se cramponner, ocnophilie, avoir avec soi un objet ocnophile
signifie posséder un pénis puissant, jamais défaillant. Les frissons philobatiques
représent en quelque sorte la scène primitive.
3. Relations d’objet et angoisses.
Les formes pures de l’ocnophilie et du philobatisme sont assez rares et on a donc
affaire à des mélanges variés de ces deux relations d’objet. Redéfinition de
l’ocnophilie qui est cette tendance à s’accrocher à l’objet.
Le monde de l’ocnophile se compose d’objets séparés par des espaces vides et
effrayants de sorte que l’ocnophile va sans cesse d’objets en objets et abrège le plus
possible son séjour dans les espaces vides. L’accrochage ocnophile est la relation
d’objets que la psychanalyse a le mieux étudié et entraîne inévitablement la
frustration.
Pour le philobate au contraire, le monde dans son ensemble apparaît sous un jour
différent puisqu’il se compose d’espaces entre les objets qui sont des espaces amis
et au contraire plus ou moins parsemés d’objets dangereux et imprévisibles. Le
philobate vit dans les espaces en évitant soigneusement tout contact, lien, avec
l’objet. Alors que le monde ocnophile est structuré par la proximité physique et le
toucher, le monde philobatique est structuré par la bonne distance et la vue. Si
l’ocnophile vit dans l’illusion d’être lui-même en sécurité tant qu’il garde le contact
avec un objet sûr, le philobate par contre nourrit l’illusion de n’avoir pas besoin
d’objet. Le philobate est apparemment indépendant, assuré et autonome. Ocnophilie
et philobatisme représentent des attitudes primitives.
4. Agressivité et auto-érotisme.
L’agressivité est présente dans l’activité philobatique comme le fait de la balançoire
et le fait des frissons (thrill) en général. Le héros philobatique, robuste, solide,
triomphant, indépendant, sans crainte du danger. Il s’agit donc d’une forme primitive
d’agressivité qui renvoie à la grande passivité du nourrisson, être balancé et à un
auto-érotisme primaire qui évoque les activités auto-érotiques qui sont du grattage à
la masturbation.
5. Amour et haine.
L’ocnophile a besoin de ses objets, on l’a vu, alors que le philobate les évite. Mais en
fait, ocnophile et philobate entretiennent comme dans toute relation primitive des
relations ambivalentes avec leurs objets, par exemple, l’ocnophile se méprise pour
sa faiblesse, va déplacer son mépris et se mettre à haïr son objet d’amour à cause
de sa dépendance à son égard.
6. L’épreuve de réalité.
Qu’en est-il de cette épreuve de la réalité pour l’ocnophile et le philobate ? Pour
Balint, l’épreuve de réalité est un processus qui se déroule par quatre étapes :
• La première consiste à déterminer si une sensation donnée provient de
l’intérieur ou de l’extérieur.
• La seconde consiste à déduire ce qui est en est la cause à partir de ces
sensations.
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• La troisième étape est de découvrir la signification de la sensation, qu’est-ce
que cela veut dire pour moi de percevoir ceci, c’est déjà l’interprétation ou la
découverte du sens.
• La quatrième étape consiste à trouver la réaction appropriée à la sensation
perçue en fonction du sens dont les opinions religieuses, politiques,
scientifiques contradictoires.
Philobates et ocnophiles s’y prennent de la même manière pour effectuer les deux
premières étapes, leur divergence porte sur la troisième étape : la découverte du
sens, l’interprétation de leurs sensations, mais les études psychanalytiques ont
montré qu’en deça des sensations et des perceptions il y a l’affect et que c’est aussi
une épreuve de réalité que ce champ des émotions et des affects.
II. Deuxième partie : Régressions
1. Objet et sujet.
a. Le sens des mots "sujet" et "objet"
Balint remarque au passage que dans le choix de ce terme objet et sujet, il y a tout
ce que ces termes contiennent d’agressivité dans leur acceptation latine qui
n’apparaissait pas dans les terminologies grecques dont ils sont originaires.
En grec, la chose ou la personne à propos de laquelle on énonçait était appelée
υποκειµενον, ce qui voulait dire qui est « placé en dessous » et qui a donné
« sujet ». Le mot « objet » c’était αυτικειµενον ou προκειµενον, "ce qui est mis en
travers".
Dans la traduction latine, le mot sujet veut dire jet, c’est déjà une signification à la fois
plus mobile, mais aussi plus agressive. Toutes les langues européennes ont repris
cette terminologie latine. Freud, dans les « Trois essais sur la théorie de la
sexualité » a organisé le champ des pulsions avec le but, l’objet, la source. L’objet
c’est quelque chose de solide contre quoi nous pouvons exercer notre force. D’où le
mot projection. Mais ici, dit Balint, ce sont exclusivement les conceptions primitives
du sujet et de l’objet qui nous intéresse. Le sens d’obstacle résistant du mot objet
semble être plus primitif que celui de but. Pour reprendre la terminologie grecque,
c’est plutôt le mot « substance » qui reprendrait cette notion de « ce qui est mis
sous », ce qui est étendu sous, par opposition, le mot matière dérive de la racine
indo-germanique courante qui signifie la mère.
b. le sujet, le monde et la mère
Il est difficile de ne pas conclure qu’à une certaine époque, il existait dans la psyché
un mélange harmonieux entre le monde environnant et nous-mêmes et que notre
mère y était impliquée. C’est donc la thèse que pose Balint dans la nature secondaire
des objets et le fait que, dans l’ontogénèse, les objets émergent progressivement
d’une matrice et que les deux sens principaux qui formaient les premières
perceptions du bébé sont la vue et le toucher. L’objet est ainsi construit à l’extérieur
du corps. Par oppositon, il y a deux sens plus inférieurs qui fonctionnent dès la
naissance qui sont l’odeur et la saveur qui eux sont dirigés vers l’intérieur du corps
dans la bouche et dans le nez. Ils ne vont pas dans le sens de la projection de la vue
et du toucher qui créent les objets à l’extérieur mais au contraire, dans des
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sensations qui créent des substances à l’intérieur. C’est un mélange de monde
externe et de monde interne dont l’interaction va constituer des phénomènes
cliniques où la limite entre les deux mondes s’estompe comme l’illusion,
l’hallucination, la confusion, la dépersonnalisation sans oublier les toxicomanies. "En
gros, dit Balint, nous avons tendance à nous comporter comme si tout ce qui est bon
était en nous (introjection) et tout ce qui est pénible ou déplaisant dans le monde
extérieur (projection)".
c. La régression : un retour vers l'harmonie primitive
L’attrait de l'harmonie primitive et primaire avant cette opposition constitue
précisément la régression. Au cours des traitements psychanalytiques, on constate
où se produit ce processus de régression, où est entretenu le fantasme d’une
harmonie primaire qui devrait revenir de droit et qui aurait été détruite par la
machination d’autrui ou la cruauté du destin. La satisfaction de cette aspiration
régressive à une harmonie parfaite entre le sujet et son environnement ne peut plus
être approchée ensuite que dans la vie sexuelle. La difficulté d’évoquer avec des
mots cette harmonie primitive suggère qu’elle se situe effectivement à une époque
où les mots n’existaient pas encore.
La psychanalyse, d'après Balint, a élaboré trois théories pour expliquer ces états de
régression :
• Le narcissisme primaire.
• La durée de l’omnipotence absolue de l’enfance
• La relation de l’objet primaire ou amour primaire.
La relation à l’air qui nous entoure fournit un bon exemple de ces états de mélange
primitif harmonieux entre le dedans et le dehors qui reste une expérience, une image
primitive du monde. Et c’est la découverte par l’enfant qu’il existe des objets
indépendants, solides et séparés qui va détruire cette illusion d’harmonie primitive.
C’est là une découverte traumatique : il faut reconnaître l’existence d’objets
extérieurs.
Il existe essentiellement deux façons de réagir à cette découverte traumatique :
• l'une consiste à créer un monde ocnophilie fondé sur le fantasme que les
objets solides sont bienveillants
• l’autre est de créer un monde philobatique qui est un retour régressif à la vie
qui précède l’expérience de l’émergence des objets destructeurs de
l’harmonie des espaces sans limites ni contours précis.
Balint dit que cette conception pourrait expliquer pourquoi on a donné un nom
ambivalent aux objets. Ils constituent : "objection pour le philobate" et des "objectifs
pour l’ocnophile".
2. Rêves de vols et écran du rêve.
a. Avant le langage
Il s’agit ici d’aller plus loin et de découvrir ce qui se passe dans les périodes préverbales de la prime enfance ou/et dans les états profonds de regression profonde.
Ce sont des états où la dépendance à l’environnement constitue un élément
essentiel. Le jeune enfant et le patient régressé vivent dans un état pré-verbal, ce
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sont des états où la communication est chargée d’affects, c’est l’expérience des
propres états pré-verbaux, infantiles ou régressive donc difficile à exprimer dans la
langue des adultes. Balint évoque ici L’interprétation des rêves où Freud signalait
que certaines personnes faisaient des rêves où elles volaient dans les airs. Freud
appelle ces rêves les "flugträume". Des rêves de flottement qui évoquent aussi des
jeux de mouvements, le balancement si agréable aux enfants. Balint les rapproche
de ce que dit Freud à propos de l’eau et du fantasme primitif du retour in utero. Balint
évoque aussi ce que dit Ferenczi dans Thalassa à propos de ce fantasme primitif et
du sentiment océanique.
b. L'état amoureux
Un autre exemple cette fois physiologique de régression à cette harmonie primitive,
citée par Freud dans le chapitre VII de la Traumdeutung : l’état amoureux que Freud
fait remonter à ce sentiment d’union du nourrisson avec l’univers. Il apparaît évident
de considérer les rêves de vol, de sentiment océanique comme une répétition de la
relation primitive mère-enfant voire de retour in utero et pour Balint, les epaces amis
qui figurent dans sa théorie philobatique ne sont alors que des souvenirs de ces états
visant à satisfaire le désir. Ces états suscitent une forte tendance à la régression.
Pour Balint, la position philobatique est plus régressive que la position ocnophile et
ce rapprochement avec l’interprétation des rêves de Freud vise à illustrer ce fait que
la relation des objets concrets particuliers est secondaire par rapport à une relation
prévalente primitive où les espaces sont indifférenciés et amis.
3. Chronologie de l’ocnophilie et du philobatisme.
a. D'abord l'ocnophile ?
La question est la suivante : laquelle de ces deux visions du monde est la plus
précoce du point de vue chronologique ou ontologique ? Elle indique apparemment
que l’accrochage pourrait être la plus primitive puisqu’elle est l’expression d’une
angoisse et d’une tentative pour empêcher l’irruption de cette angoise. Cette
angoisse survient après la découverte du caractère distinct de l’objet. Les choses ne
sont pas si simples parce qu’en s’accrochant, on s’éloigne de plus en plus de la
satisfaction du besoin initial qui est d’être fermement tenu : plus on s’accroche, moins
on est tenu. En fait, Balint relie ceci à la pensée magique et au fait que le sort
ocnophile repose sur ce type de pensée magique et investit l’objet de qualités
extraordinaires et secourables.
b. Le philobate serait antérieur
L’attitude philobatique nous paraît elle extrêmement évoluée. Le philobate a accepté
la réalité de l’existence indépendante des objets et devient capable de les éviter et il
met donc une certaine habileté. Cette habileté est largement décrite par Balint
("skill"), c’est une capacité importante qu’a le philobate de faire face aux situations
extérieures réelles donc une meilleure adaptation à la réalité. Une des conditions
importantes pour acquérir cette habileté est la capacité de gérer la dépression
suscitée par la prise de conscience que les objets sont séparés et indépendants. De
cette distance investie entre les objets pourra se développer des sublimations, voire
certaines capacités d’autocritique, distance par rapport à soi-même. Cette habileté
personnelle est l’essence du philobatisme : pas de philobatisme sans habileté.
Lorsque le philobate est parvenu à cet art consommé, la réalité peut se transformer
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effectivement en une sorte de pays enchanté. Cette habileté consommée du
philobatique vise à recréer dans la réalité un peu de cette harmonie qui existait avant
la découverte des objets séparés. Le monde philobatique constitue un nouvel
exemple d’omnipotence non entièrement justifié, là encore fondé sur la régression.
Mais, la régression semble dans ce cas remonter plus loin que la découverte de
l’existence d’objets séparés, individualisés. Cette attitude est donc probablement la
forme la plus primitive de relation au monde. Le philobate croit fermement que les
espaces amis qui l’enveloppent en toute sécurité exactement comme il était tenu
avant l’apparition des objets perfides.
4. Progresser en vue de régresser
L’ocnophilie peut être considérée comme une fixation à la première réaction
provoquée par un traumatisme majeur. Le philobate a subi le même traumatisme,
mais il a su acquérir l’aptitude nécessaire pour recréer dans une certaine mesure
l’harmonie détruite entre le monde et lui. Le prix à payer semble être une répétition
interminable du traumatisme originaire, une sorte de névrose traumatique, mélange
de plaisir et de souffrance, c’est ce qui définit le thrill, le frisson. Balint dit avoir choisi
ces termes parce qu’ils contiennent tous deux la racine amour, ocnophilie,
philobatisme, en référence à Abraham et à Ferenczi et à sa conviction de l’existence
d’un état primaire pré-ambivalent qu’il appelle amour primaire et pour éviter les
termes de sadisme et de masochisme qui ont fait fortune par ailleurs alors que les
termes de Balint sont tombés en désuétude. Mais par contre, tout comme le sadisme
et le masochisme, il est absurde de se demander laquelle de ces deux attitudes
ocnophilie ou philobatisme est la plus saine puisqu’il s’agit souvent, comme dit
précédement, d’états intermédiaires.
5. La régresssion dans la situation analytique.
a. L'acting
Le patient en analyse répond donc par un mélange d’ocnophilie et de philobatisme.
Balint évoque à titre d’exemple un moment qui arrive souvent dans une cure où le
patient éprouve une impulsion intense de se lever du divan ce qui rappelle les états
philobatiques genre d’acting out philobatique, visant à sortir de la dépendance. Pour
Balint le choix du setting, qui ici est traduit par le mot "climat", l’atmosphère,
éclairage, la température et l’attitude de l’analyste, est important. Dans le choix du
setting, où s’organise le lien par rapport à tel ou tel patient, c’est-à-dire, en fait, divan
ou face à face, il est important d’inventorier préalablement ses tendances ocnophiles
et philopatiques.
b. Le mutisme
Un autre exemple de régression dans la situation analytique qu’étudie ici Balint, c’est
le patient silencieux en cure. Il signale sa nature régressive et la confrontation chez
ce patient à l’expérience terrifiante d’un vide horrible imprégné d’hostilité, de rejet,
d’agressivité, le silence peut-être tendu, angoissant et excitant ou au contraire,
apaisant et calmant comme pour n’importe quelle musique. Balint attire l’attention,
rappelle qu’il a fait une communication en 1932 au Congrès de Wiesbaden où il a
décrit pour la première fois ces états de régression et l’extrême importance de leur
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considération dans la technique analytique. Et il se rend compte combien sa
conception a évolué et combien le besoin régressif de s’accrocher est réactionnel à
un traumatisme. Tous ces états de régression sont des tentatives d’approcher l’état
d’amour primaire.
6. Déformation ocnophile ou philobate de notre théorie et de
notre technique.
Balint pose l’assertion selon laquelle la théorie analytique serait entachée d’un
préjugé ocnophile et le paradoxe entre cette tendance générale de l’analyse à créer
ou à renforcer des attitudes ocnophiles chez les patients et au contraire la fréquence
avec laquelle les patients recourent à une imagerie du philobatisme pour décrire
l’expérience de la fin du traitement.
Pour lui une technique à tendance philobatique userait d’interprétation avec grande
parcimonie, d’un point de vue détaché, où le patient est invité à se fondre dans les
espaces amis. Le risque de cette technique philobatique où l’on espère ainsi
permettre au patient d’aborder la situation traumatique que recrée la cure, trouver luimême les perlaborations de ses propres angoisses et développer ses aptitudes
personnelles de la vie adulte, ce risque est de le laisser assumer une charge trop
lourde en l’obligeant à trop d’indépendance précoce. Comme dans la technique
ocnophile, ceci risque d’aboutir à l’introduction de l’agresseur.
L’attitude ocnophile au contraire c’est donc d’interpréter sysmatiquement. Là encore,
on retombe infailliblement sur ce risque d’identification à l’agresseur.
Avant de choisir telle ou telle technique, il importe d’arriver à en savoir davantage sur
l’impérieux besoin de régression du patient et sur le sens des voies de régression
qu’il emprunte. Les régressions dans la situation analytique constituent un mélange
des tendances ocnophiles et philobates et derrière celle-ci se cache le scénario de
l’amour primaire.
III. Troisième partie : appendice
1. Notes que quelques sujets connexes
a. Données sur l’histoire des frissons (thrills) physiques.
Il est refait allusion aux fêtes foraines et à l’acrobate professionnel qui doit évaluer
lui-même les risques qu’il peut et qu’il ose prendre.
b. Sublimation et Art.
L’art, comme la sublimation, sont des formes d’adaptation alloplastique aux objets.
Comme Freud l’a déjà montré, les réalisations des artistes, les créations artistiques
sont en fait des moyens détournés pour conquérir des objets humains, des
personnes sans admettre que c’est là le but véritable.
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c. Le pouvoir curatif de l’eau pure et de l’air pur.
Cet esprit thérapeutique réside dans les fantasmes régressifs concernant l’exitence
dans l’eau ou l’absorption d’eau, toujours à condition que l’eau soit pure c’est-à-dire
exempte de tout objet aléatoire, de même pour l’air, changer d’air était très bénéfique
dans les médecines anciennes. Ceci, la pureté que ce soit de l’eau ou de l’air traduit
l’absence d’objet suspect et aléatoire dans les espaces amis.
d. La psychologie de la motilité.
Balint étudie ici les voies de régression qui prennent la forme du mouvement. Un
exemple parmi d’autres, c’est le somnambulisme qui fait aussi allusion au test de
Freud dans l’Au-delà du principe de plaisir avec le jeu de la bobine : tenter de
maitriser une situation traumatique subie passivement en la produisant et
reproduisant soi-même, où Balint appelle une progression en vue de régresser.
Balint, comme Freud, arrive à la conclusion qu’un des moyens les plus efficaces
d’affronter les conséquences d’un traumatisme est de le reproduire activement et
délibérément. C’est ce que fait l’acrobate en créant des frissons chez les
spectateurs, c’est ce que fait le philobate en tentant de se rassurer. Il fait encore
référence à Freud et à la nature excitante du mouvement.
e. L’eau, le sable et les mots.
L’eau et le sable, quand on les voit manipulés par des enfants, ne nous apparaissent
pas comme des objets véritables mais des sortes de précurseurs des objets. Les
mots, de même, occupent une position limite entre les deux mondes, avant et après
la découverte de l’indépendance des objets. On pourrait dire qu’ils sont postdépressifs. Ils apparaissent plus tard, ils sont donc plus évolués, plus évolutifs, Ils
créent l’ordre symbolique, contrairement aux symboles pré-verbaux que seraient les
gestes et les mouvements.
f. Le drame en trois actes dans la sexualité.
Il est reproduit dans le drame en trois actes du frisson. Dans le premier acte,
l’individu est poussé à abandonner la zone de sécurité, à s’exposer. Il va libérer la
tension gratifiant ses impulsions et finalement il pourra retourner sain et sauf à la
sécurité de son existence paisible, cette similitude qui existe avec les plaisirs sexuels
dont le but est de restaurer avec l’objet aimé l’harmonieux mélange qui existait dans
le monde pré-objectal. L’acmé du plaisir étant le sentiment extatique de l’harmonie
parfaite entre soi et le monde.
g. Matériel prévisuel du fantasme.
Balint l’a déjà dit : l’ocnophile ne regarde pas. Par contre, le philobate regarde parce
que lui est à distance. Balint fait encore le lien avec certaines phases de la cure
analytique où le patient éprouve leur environnement, y compris l’analyste comme
étant en harmonie avec eux et d’autres phases, au contraire où ils se sentent seuls,
abandonnés dans un espace vide et désertique, une sorte de balancement entre
octophilie et philobatisme.
2. Distance dans l’espace et dans le temps. Par Enid Balint.
Dans ce chapître sont illustrées différentes situations cliniques à partir de la
distinction que réexpose Elint Balint du philopbate et de l’ocnophile en tentant de
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répondre à la question de : que signifient ces deux attitudes ? En fait, il semble que
les patients montrent par ces attitudes ocnophile et philobatique clairement en
analyse, il les manifeste par la manière dont ils se comportent envers la régression.
IV. Quatrième partie : conclusion
Balint reprend le raisonnement en se demandant à partir de cette nouvelle définition
clinique qu’il propose, ce nouveau système, quel peut en être le but pratique : est-ce
que finalement les patients auront de meilleures chances de guérison ?
Il fait allusion aux théories de Jung avec les introvertis et les extravertis, en
classification de Kretschmer, schizoïde et cyclique ou différents types que Freud a
introduit lui-même, à plusieurs reprises, aux classifications qui ont été aussi
introduites par Fenichel entre phobique et contre-phobique.
Il montre que son propre système permet de distinguer ces attitudes qui représentent
des ré-investissements secondaires constatés dans la cure, d’attitudes primitives
plus anciennes et que l’intérêt de sa contribution se trouve dans l’étude de ces
attitudes primitives. Un autre intérêt est une lecture différente aux nouvelles formes
de la pathologie : l’ocnophilie étant liée à l’angoisse sous sa forme agoraphobique
tandis que le philobatisme sera lié aux attitudes paranoïdes et à la claustrophobie.
Balint fait une critique de l’origine biologique des théories freudiennes en termes
d’instinct. Il voit dans la nouvelle classification qu’il propose une mise à distance de
ses origines instinctuelles biologiques. Il conclue par la reprise de son illustration de
la fête foraine qui recrée les conditions primitives où les personnes ont le droit d’être
agressifs et destructeurs dans les conditions tolérées par l’environnement et assurant
leur propre sécurité. Il fait la comparaison avec la cure analytique qui permet
également des expériences importantes dans des conditions de sécurité où les
patients peuvent abréagir une fraction du grand traumatisme originaire et ensuite
acquérir une aptitude nouvelle à éprouver un peu plus de plaisir. Il s’agit donc dans la
cure de changer une attitude irrationnelle et fausse qui gâche ou fait échouer les
relations du patient en exposant à une fraction calculée du traumatisme qui a
engendré l’attitude faussée et le retour de la capacité d’habileté personnelle pour
jouir de la vie.
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