- médecine/sciences

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INTRODUCTION
Introduction
Oncogériatrie,
une approche pluridisciplinaire
Jean-Paul Moatti
> Il nous faut en premier lieu rappeler que cette réunion de tra- la chimiothérapie) chez des personnes atteintes de cancer de
vail qui a eu lieu à Marseille le 6 avril 2007 sur l’Oncogériatrie,
et plus généralement tout ce que nous faisons à Marseille dans
ce domaine, nous la devons à l’action initiatrice d’Anne-Chantal
Braud. Elle a été la première à faire le lien entre Lodovico Balducci,
l’un des « pères fondateurs » de l’oncogériatrie à Tampa en Floride
(États-Unis) et ce que les cliniciens, les chercheurs, les personnels
de santé et les bénévoles de la Ligue, essaient de faire dans ce
domaine. Cette journée a été pour l’essentiel un atelier de travail,
dont nous avons souhaité faire ressortir des idées pour des projets
de recherche futurs. Le rapport en est donc relativement restreint
mais d’un format standard « cancéropole PACA », tel que voulu et
pensé par Dominique Maraninchi, c’est-à-dire pluridisciplinaire,
puisqu’il va de la biologie moléculaire à la philosophie. Si un sujet
nécessite une approche pluridisciplinaire, c’est bien en effet l’oncogériatrie. Je vous livrerai deux réflexions sur le travail qui a été
fait par les sciences sociales sur le sujet.
Tout d’abord, il est vrai que des résultats, en première mauvaise
approximation, pourraient justifier une attitude fataliste dans ce
domaine. Par exemple, dans l’enquête réalisée en France auprès
d’un échantillon représentatif de patients atteints de cancer,
sur des échelles de qualité de vie standardisée, on constate
que, globalement, la qualité de vie de ces patients est beaucoup
moins bonne à deux ans du diagnostic que celle de la population
générale de même âge et de même sexe. Quant aux patients plus
âgés, par exemple aux femmes de 65 ans et plus atteintes du
cancer du sein, la comparaison avec des femmes plus jeunes,
montre que la différence, en termes de qualité de vie par rapport
à la population générale de même âge, est moins importante
qu’à des âges plus jeunes. Comme si les patientes âgées avaient
appris à relativiser la maladie cancéreuse et à mieux la vivre.
Toutefois, il ne faudrait pas s’en tenir à une attitude fataliste,
un renoncement à agir pour améliorer la qualité des soins et de
la prise en charge pour les patients les plus âgés !
Sur le second point, permettez-moi de commencer par un rappel
théorique. Depuis Aristote, la distinction entre équité horizontale et équité verticale est fondamentale en théorie de la justice. L’équité horizontale implique de traiter de la même façon
des cas identiques. L’équité verticale consiste à traiter de façon
différente des cas différents. Concernant l’équité horizontale, si
l’on ne traite pas de la même façon des cas identiques, il s’agit
de discrimination. Si les soins sont moins intenses (par exemple
plus de 70 ans, les traite-t-on de façon différente parce que,
cliniquement, les cas sont différents ? Si au contraire il n’y a
pas de différence diagnostique, on est en droit de considérer
qu’il existe une discrimination en raison de l’âge.
Les recherches existantes révèlent clairement des problèmes
d’équité horizontale, notamment en matière d’accès à la chimiothérapie, pour les patients plus âgés. Pour ce qui est de l’équité
verticale, tout dépend du jugement éthique que l’on porte sur le
bien-fondé ou non des écarts que l’on constate entre groupes plus
ou moins favorisés. En général, il importe, comme Hippocrate et
comme les médecins qui s’en réclament, de tendre vers l’égalité.
Il faut donc chercher à réduire les écarts en faveur des plus défavorisés, particulièrement du point de vue de leur état de santé, et
donc à apporter plus à ceux qui ont plus de difficultés.
L’oncogériatrie nous renvoie directement à ces débats éthiques
fondamentaux sur l’équité qui ne peuvent être que pluridisciplinaires et impliquent un dialogue soutenu entre les professionnels, les patients et leur entourage. ‡
Geriatric oncology, a multidisciplinary approach
J.P. Moatti
Professeur à la Faculté des Sciences Économiques
et de Gestion de l’Université de la Méditerranée
depuis janvier 1994. Directeur de l’Unité Inserm 379
(Épidémiologie et Sciences Sociales Appliquées
à l’Innovation Médicale) depuis janvier 2004.
Directeur de l’IFR 134 (Sciences Humaines Économiques
et Sociales de la Santé d’Aix-Marseille)
depuis janvier 2004, Marseille, France.
Inserm U379, Institut Paoli Calmettes
232, boulevard Sainte-Marguerite, BP 156,
13273 Marseille Cedex 9, France.
[email protected]
Université de la Méditerranée, UFR de Sciences Économiques
et Gestion, 14, rue Puvis de Chavannes,
13231 Marseille Cedex 01, France.
[email protected]
TIRÉS À PART
J.-P. Moatti
M/S hors série n° 3, vol. 23, octobre 2007
Article disponible sur le site http://www.medecinesciences.org ou http://dx.doi.org/10.1051/medsci/2007233s11
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M/S hors série n° 3, vol. 23, octobre 2007
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