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Trac d’organes
L’enquête exclusive de Dick Marty sur le trac
d’organes au Kosovo
Comprendre le monde du don d’organes
Interview du Docteur Mootien, médecin-réanimateur
au
centre hospitalier de Mulhouse
Inès Boussalem et Margot Boos, élèves de TES au Lycée Jeanne d’Arc de Mulhouse.
Par Joséphine Picard et Charlotte Scherer TES du Lycée Jeanne D’Arc de Mulhouse.
Suite à de nombreux débats en ECJS, à un
documentaire regardé en classe ainsi qu’à
de nombreuses recherches sur le don d’or-
ganes, nous en sommes venus au sujet du
trac d’organes, notamment celui du Kosovo
à partir de 1998. C’est pourquoi nous avons
choisi de traiter ce sujet, qui nous semble
d’actualité et propice à bon nombre de ré-
exions.
Le politicien suisse, Dick Marty, a mené une
enquête et dénonce, dans un rapport, le trac
d’organes, dès 1999, par l’Armée de libéra-
tion du Kosovo. Dick Marty, afrme dans son
rapport qu’un vaste trac d’organes s’était
développé au Kosovo et que Pristina, la capi-
tale, en était la plaque tournante.
Le trac d’organes au Kosovo n’est plus une
rumeur mais une accusation, il aurait été per-
pétré sous l’autorité de l’actuel premier mi-
nistre depuis 2008 du Kosovo, Hashim Thaçi.
Le rapport du conseil de l’Europe décrit la
lière de la maison jaune où les opérations
auraient été pratiquées. Il cite des dates et
des noms notamment celui d’un chirurgien
Albanais qui aurait joué un rôle clé. Le méde-
cin qui ofciait était surnommé à Tirana, le
Dr Vautour. Il opérait aussi dans une clinique
secrète qui a été rasée depuis.
Pour les uns c’est une calomnie pour les
autres, la suspicion du pire crime du XXe
siècle. Un rein pouvait valoir jusqu’à 50 000
euros. Les donneurs ont été des prisonniers
de l’Armée de libération du Kosovo (UCK)
ainsi que de l’Albanie, accusés de collabora-
tion. Ils étaient malgré eux conduits à Kukës,
en Albanie, dans une usine désaffectée où
avaient lieu l’abattage et les prélèvements
de 1998 à 1999. Toujours selon l’enquête de
D. Marty, les prélèvements ont notamment
été effectués dans la fameuse maison jaune
dans le village de Rripë en Albanie. Cette
maison a alors été visitée par les inspecteurs
du TPIY (tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie).
Ils étaient alors abattus d’une balle dans la
tête avant que les organes, principalement
des reins, soient prélevés. Ce trac était
conduit par le « groupe de la Drenica », un
petit noyau de combattants de l’UCK regrou-
pés autour de deux gures clés : M. Hashim
Thaçi, actuel Premier ministre du Kosovo,
et M. Shaip Muja, alors responsable de la
brigade médicale de l’UCK et aujourd’hui
conseiller pour la santé de ce même Hashim
Thaçi. Le rapport de M. Marty laisse beau-
coup de questions sans réponses, notam-
ment le nombre exact de prisonniers victimes
de ce trac. La justice serbe, pour sa part,
parle de 500 personnes déportées en Alba-
nie. On ignore également quels étaient les
partenaires étrangers de ce trac, et surtout
quels en étaient les bénéciaires. Le rapport
relève cependant que 60 patients de l’hôpital
universitaire de Jérusalem auraient béné-
cié d’une transplantation rénale en 2001, un
chiffre exceptionnellement élevé.
Quelles sont les conditions pour donner
un organe ?
« Pour être donneur le patient doit être en mort
encéphalique (mort cérébrale), ce constat
repose sur les signes cliniques (absence de
réponse à la douleur, disparition des réexes
pupillaires, du réexe cornéen, de la respi-
ration) et les signes radiologiques (mesure
l’activité électrique du cerveau). Le donneur
doit aussi avoir une carte de donneur sur lui.
Si ce n’est pas le cas et même s’il possède
cette carte, les médecins demandent l’avis à
la famille, les médecins n’iront jamais à l’en-
contre de la décision de celle-ci. »
Peut-on donner ses organes si l’on est
malade ?
« A part si le donneur a le sida, il n’y a pas de
contre-indications, ce sont les médecins qui
jugent de la qualité de l’organe. Dans le cas
de maladie infectieuse, ils vont administrer
un médicament durant la réanimation (Elle
consiste à maintenir les organes articiel-
lement en état de fonctionner par des tech-
niques de réanimation jusqu’à l’opération de
prélèvement.) »
Pourquoi manque-t-on d’organes à greffer ?
« Les conditions permettant un prélèvement
sont rares car le décès doit avoir lieu dans
un service de réanimation et qu’il s’agisse
d’une mort encéphalique (mort cérébrale).
Cela représente à peine 1% des décès à
l’hôpital. Par ailleurs, près d’un prélèvement
possible sur trois est refusé. Soit par le défunt
lui-même, qui avait déclaré son opposition au
don d’organes. Soit par la famille, qui dans le
deuil ont peur que le corps soit mutilé. »
Que devient le corps du donneur ?
« Le prélèvement des organes est un acte
chirurgical effectué au bloc opératoire, dans
les mêmes conditions et avec le même soin
que pour une personne en vie. Les organes
vont être prélevés dans des conditions très
propres et très respectueuses. Les incisions
sont refermées et recouvertes par des pan-
sements. Une fois l’opération effectuée, le
corps est rendu à la famille, qui peut réaliser
les obsèques qu’elle souhaite. Aucun frais
n’est demandé à la famille du défunt. »
Avez-vous déjà vécu une situation déli-
cate?
« Oui, j’ai vécu plusieurs situations délicates…
(Rire). J’étais encore interne, j’ai accompa-
gné des chirurgiens pour chercher un cœur
dans un autre hôpital. Nous avons emmené
une glacière qui contenait des boissons. En
arrivant, nous avons récupéré le cœur dans
sa glacière. Au retour, une fois arrivés dans
le service, l’ambulancier nous a appelés pour
nous informer qu’on avait oublié la glacière
avec le cœur... ! Nous avions confondu la gla-
cière qui contenait les boissons et celle qui
contenait le cœur ! »
Est-il déjà arrivé que l’anonymat ne soit
pas respecté ?
« En ce qui concerne les patients de l’hôpi-
tal où je travail, non pas à ma connaissance
.Mais il m’est déjà arrivé de savoir qui était le
donneur. »
Qui est prioritaire lors des greffes et com-
ment le décide-t-on ?
« Ce sont tout d’abord les médecins qui
prennent la décision d’une greffe. Puis les
malades en attentes sont inscrits sur une liste
nationale par l’équipe médicale qui les suit.
C’est l’Agence de biomédecine qui gère cette
liste. Parfois l’attente est très longue pour les
malades, car elle dépend toutefois du nombre
de greffons disponibles, de l’organe concer-
né, et de la compatibilité entre donneurs et
receveurs. Les prioritaires sur ces listes sont
les malades qui n’ont que quelques jours
voire quelques heures devant eux. »
Êtes-vous donneur ?
« Oui, bien sur, je suis donneur ! »
MONDE