et les conséquences de ce choix et l’ambiguïté de sa position, à la frontière de la sphère
économique et de la sphère politique, ont suscité chez nous un très vif intérêt pour Schacht.
Nous avons très tôt constaté certains manques dont souffrent les travaux concernant Schacht.
En effet, si ces derniers sont assez nombreux et non dénués d’intérêt, rares sont ceux qui
reposent sur une base documentaire solide. Ces ouvrages peuvent être classés en deux
catégories opposées : hagiographies et brûlots « anti-Schacht ». Ils ont cependant presque tous
en commun de déconnecter l’analyse de la vie de Schacht de celle du IIIe Reich. Seuls les
ouvrages universitaires de Simpson E. Amos et d’Earl Ray Beck présentent une vision globale
plutôt objective de la vie de Schacht, mais se contentent des archives publiées du procès de
Nuremberg3.
Le plus célèbre des brûlots de l’entre-deux-guerres sur le « magicien des finances4 » est celui
de Norbert Mühlen. Ce Bavarois exilé en Sarre, puis en Suisse et aux États-Unis, économiste
de formation et proche du journaliste social-démocrate Konrad Heiden5, reproche à Schacht
d’avoir ruiné les créanciers internationaux de l’Allemagne pour financer le réarmement6. Pour
Mühlen, Schacht a ruiné la monnaie et le crédit, apporté le troc et détruit la confiance dans le
commerce international. Ces arguments sont en partie repris par Franz Karl Maier, journaliste
allemand qui a également participé aux procédures de dénazification après la guerre. Dans un
pamphlet introduit par Carl Severing, ancien ministre social-démocrate de la République de
Weimar, Ist Schacht ein Verbrecher?7, Maier reproche à Schacht d’avoir conforté le nazisme
grâce à ses talents de banquier. Plus tard, l’ouvrage d’Helmut Müller, motivé par l’actualité
MÉMOIRE DE THÈSE
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3 Amos E. Simpson, Hjalmar Schacht in perspective. Mouton, The Hague, Paris, 1969 et Earl Ray
Beck, Verdict on Schacht, a study in the problem of political guilt. Florida State University,
Tallahassee, 1955.
4 L’expression « magicien des finances » est traduite de l’allemand « der Finanzzauberer » qui
comporte une ambiguïté que la traduction française ne possède pas. En effet, « Zauberer » désigne
autant le magicien que l’illusionniste. Mühlen emploie cette expression dans le sens
d’« illusionniste ». L’expression française est de fait plus favorable à Schacht que le terme allemand.
5 Konrad Heiden, est l’un des premiers biographes de Hitler : Adolf Hitler, eine Biographie, Europa-
Verlag, Zürich, deux volumes, 1936-1937. Il a également écrit l’introduction du livre de Norbert
Mühlen, Der Zauberer. Leben und Anleihen des Dr Hjalmar Horace Greeley Schacht. Europa-Verlag,
Zürich, 1938.
6 Norbert Mühlen, Der Zauberer… op. cit.
7 Franz Karl Maier. Ist Schacht ein Verbrecher? Verlag die Zukunft Reutlingen, Stuttgart, 1947. Cet
ouvrage reproduit la plainte contre Schacht de la procédure de dénazification du Wurtemberg-Bade.