A propos de l'IVG : les pistes d'avenir.
Sophie Gaudu, présidente du réseau francilien REVHO, chef de service de la maternité des Bluets
a accepté de répondre aux questions du CNSF.
photo : gynobskb.com
Pour rappel, le REVHO ( Réseau entre la ville et l'hôpital pour
l'orthogénie), a été créé en novembre 2004 (JO du 01 décembre
2004) suite à la parution de la loi du 04 juillet 2001, complétée par
un décret et un arrêté en juillet 2004, puis une circulaire le 26
novembre 2004, ayant finalement permis la pratique d’avortements
en ville. Les actions du réseau sont été de diffuser la méthode
médicamenteuse en ville pour améliorer et faciliter la prise en
charge des femmes.
Les apports du réseau ont été et sont multiples, tant pour les
patientes (accroissement de l’offre de soins et accès aux soins
facilité, information claire sur les modes de prise en charge au sein du réseau, professionnels
formés),que pour les professionnels ( formation initiale garantie du protocole et des procédures de
soins, évaluation des pratiques.), et pour les établissements de santé par l'organisation de réunions
d’information et de journées de formation (formateurs rémunérés par le réseau, participants libéraux
indemnisés), la fourniture d'outils informatiques pour le suivi et l’évaluation, l’organisation de
réunions inter-centres et de réunions de suivi, et enfin le retour de l’information et de l’évaluation.
Le bilan de l’année 2013-2014 (1) (peut-être rajouter une référence) montre que la part des
interruptions volontaires de grossesse (IVG) réalisées en ville augmente chaque année. Plus d’une
IVG sur deux est médicamenteuse et presqu’une sur quatre est réalisée en médecine de ville. Le
réseau compte 353 médecins de ville dont 289 libéraux et 64 salariés, 25 établissements hospitaliers
référents et 68 centres de planification et d'éducation familiale (CPEF)/Centres de santé. Les
médecins généralistes sont majoritaires, ils sont 189 contre 164 gynécologues.
6 184 patientes (mais le chiffre est sous-évalué en raison d'une perte importante des fiches de
liaison) ont été prises en charge en 2013 par les professionnels du réseau. Les patientes sont
majoritairement prises en charge précocement au sein du réseau entre 42 et 48 jours d'aménorrhée
(JA). Le taux de succès de la méthode est de 97,8% avec un faible taux d’aspiration, 2,2% sur les
4108 issues connues.
1261 professionnels ont été formés depuis 2005. 5 formations de formateurs ont été organisées :
celles -ci ont favorisé la création de nouveaux réseaux d’orthogénie en province notamment. En
2013, REVHO a eu l’agrément de l’OGDPC pour les médecins et sages-femmes et est habilité à ce
titre à proposer des programmes de formation validant leur obligation de DPC.
CNSF : On constate depuis quelques années une offensive (positive) des pouvoirs publics pour que
l'IVG soit facilitée pour toute femme. L'IVG médicamenteuse en cabinet libéral, bientôt réalisable
par une sage-femme, fait partie des mesures mises en place. De même la mise en place d'un site
internet (http://www.sante.gouv.fr/ivg) comme la mise en place du numéro vert « Sexualités,
contraception, IVG », 0800 08 11 11.
A ton avis quelles sont encore les pistes d'amélioration pour « faire avancer le droit de choisir »
pour reprendre les termes du communiqué de presse du 28 septembre 2015 du Planning familial ?
Sophie Gaudu : Comment mettre en place un parcours pour l'IVG qui réponde au mieux au souhait
des femmes ?
Il faut étendre l’annuaire numérique IVGlesadresses .org à l’ensemble du territoire national
socle d’une information fiable sur le web. Lors des travaux préparatoires à la campagne de
communication info IVG, deux outils avaient été sélectionnés par le Ministère du droit des femmes
de Mme Vallot-Belkacem : un annuaire numérique le site Ivglesadresses, site francilien qui devenait
national et un numéro vert pour ne pas exclure de l’information les femmes n’ayant pas d’accès
Internet. A la suite du remaniement ministériel de l’automne 2014, le dossier a été confié au
ministère de la santé. Seul le numéro vert a subsisté. C’est une erreur stratégique. 94% des15-35 ans
sont des internautes et Internet est le premier media de recherche sur les questions de santé (INPES,
Baromètre santé jeunes 2010).
La visibilité des services qui réalisent des IVG doit être également renfore dans les
établissements de santé : signalétique, locaux dédiés, ligne téléphonique dédiée, personnels dédiés.
La pratique de l’IVG doit être valorisée, et les médecins qui réalisent des IVG en établissements
de santé obtenir un statut correct.
Les échanges au sein des réseaux de périnatalité doivent aussi se développer. Depuis juillet
2015, faciliter le parcours des femmes en demande d’IVG fait partie du cahier des charges des
réseaux de périnatalité. Cette mission est dans le cahier des charges des réseaux franciliens depuis
plusieurs années. Il en a résulté un important travail, coordonné par l’agence régionale de santé
(ARS) d’Ile de France, de mise en lien des professionnels qui s’occupent des IVG et des
professionnels qui suivent les grossesses, et une facilitation de l’accès à l’IVG (programme FRIDA
(2).
A l’échelle nationale, j’espère que cette prise en compte par les acteurs de la périnatalité de l’IVG,
comme élément du parcours procréatif des femmes, améliorera la prise en charge des patientes. Le
réseau REVHO se positionne comme moteur dans cette évolution et organise au printemps 2017 à
Paris, une rencontre nationale des réseaux IVG /Orthogénie et des professionnels chargés de
faciliter le parcours IVG au sein des réseaux de périnatalité. Les dates seront annoncées
prochainement sur le site www.revho.fr .
Enfin, nous travaillons à la mise en place de l’IVG par aspiration hors établissement de santé.
Cette disposition est contenue dans la loi santé actuellement débattue au parlement en deuxième
lecture. Dès que les décrets d’application seront publiés, nous accompagnerons les centres de santé
qui voudront offrir ce soin. Cette sortie de l’IVG par aspiration de l’hôpital va permettre
d’augmenter l’offre de soins, et surtout de préserver le choix des femmes quant à la méthode.
Actuellement nous pensons que certaines patientes choisissent la méthode médicamenteuse par
défaut.
CNSF : Quelle formation pour la sage-femme ?
Sophie Gaudu : REVHO a formé à la théorie de l’IVG médicamenteuse, en 10 ans, près de 1450
personnels de santé, parmi eux de nombreuses sages-femmes. La formation que nous proposons est
adaptée aux sages-femmes qui possèdent déjà des bases solides en gynécologie. Nous inscrivons
depuis plusieurs années les sages-femmes franciliennes qui le souhaitent à nos formations. Nous
allons donc continuer.
Nous avons aussi déjà formé des sages-femmes à être formatrices à l’IVG médicamenteuses
(animatrices ou expertes selon leur expérience de l’IVG médicamenteuse). Là aussi, Revho a déjà
pris en compte l’intégration de la facilitation du parcours IVG dans les missions des réseaux de
périnatalité. Lors de la dernière formation de formateurs, les 20 et 21 novembre 2015 à Paris
(formation destinée à des professionnels-les de toute la France), nous avons accueilli des sages-
femmes coordinatrices de réseaux, notre objectif étant de leur permettre de prendre en charge leur
nouvelle mission.
Donc pas de formation différente, et progressivement l’intégration de sages-femmes aux trinômes
de formateurs, animateurs.
CNSF : En 2004, avec d'autres professionnels, tu as créé REVHO, qui est un réseau de santé ville-
hôpital (financé par des fonds publics) qui permet aux femmes d’avoir recours à une IVG
médicamenteuse avec leur médecin de ville, et bientôt leur sage-femme, c'est-à-dire à un
avortement fait en dehors d’un établissement de santé.
Quelles sont les prochaines étapes pour ce réseau ?
Sophie Gaudu : La formation des médecins qui font des IVG en établissements de santé à l’IVG
sous anesthésie locale (AL), aux IVG entre 12ème et 14ème semaine d'aménorrhée, et la mise en
place de l’IVG par aspiration sous AL hors établissement de santé.
Nous travaillons également à faciliter l’accès à la contraception sur le territoire de l'Ile-de-France.
Nous cherchons à mettre en lien, sur le modèle du réseau IVG, les professionnels prescripteurs de
contraceptions.
Depuis 2009, les sages-femmes ont ce droit de prescription, et depuis 2013 les infirmiers-ères et les
pharmaciens-nes ont le droit de renouvellement. C’est paradoxalement une tâche plus difficile,
chacun étant attaché à ses prérogatives. Schématiquement, les gynécologues considèrent que les
généralistes ne savent pas faire ; ensemble ils mettent en doute les compétences des sages-femmes ;
et tous s’accordent pour ne pas vouloir laisser de la place aux infirmiers-ères et aux pharmaciens-
nes. Mais comme toujours certains sont moteurs et je pense que nous arriverons à améliorer ces
collaborations entre professionnels.
Il y a en Ile-deFrance une vraie difficulté d’accès à la contraception, c’est un enjeu de santé
publique.
1 http://www.revho.fr/professionnels/documents_pdf/CR_RDS_annuelle_REVHO_2014.pdf
(2)Programme FRIDA : Projet régional pour Favoriser la Réduction des Inégalités d'Accès
à l'Avortement (FRIDA) en Ile-de-France (2014 – 2017).Pour connaître les capacités d’accueil
disponibles dans les services IVG et faciliter l’orientation des patientes, la plateforme d’orientation
FRIDA http://ars-iledefrance.fr/frida/ est accessible à tout professionnel du champ de l’orthogénie
(demander un code d’accès auprès de la coordination de votre réseau périnatal). Participez à
l'amélioration du parcours IVG en témoignant de votre expérience sur http://www.ars-
iledefrance.fr/questionnaireivg. Ouvert aux femmes ayant fait une démarche d’avortement, leurs
proches et aux professionnels.
Sur le web :
http://www.revho.fr
http://www.sante.gouv.fr/ivg
http://ww.ivglesadresses.org
Interview réalisée le 28 novembre 2015 par Christine Blanchot-Isola, sous la forme de réponses à
des questions écrites.
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