N° 5 Octobre 2013 - I usiness evie • 3
Management
était ainsi difficile d’identifier qui en faisait partie,
ce qui s’y traitait, avec quelles approches et quelles
visées. Nous avons donc organisé des communautés
qui travaillent sur des données structurées.
Concrètement, pour créer une communauté, il
faut trois ingrédients indispensables : un sponsor,
une feuille de route et un référent. Aujourd’hui,
nous avons une centaine de communautés qui
représentent à peu près 3 000 membres et plus
de 35 000 documents.
ITBR Quels en sont, selon ous, les facteurs clés de
succès ?
Francis Massé Outre l’implication forte de
la direction des systèmes d’information et de la
modernisation et une bonne intégration technique,
la principale clé de succès réside dans le degré
de liberté que nous avons laissé aux participants
aux communautés. Concrètement, le référent
gère trois niveaux : ce qui est public, ce qui est
partagé par les membres de la communauté et ce
qui est privé, réservé à une partie des membres.
Le référent est systématiquement membre d’une
« communauté des communautés ». Celle-ci est
comme un « laboratoire du Web 2.0 » : les référents
ont le droit de tout essayer, la seule limite étant
la sécurité. Résultat : nous n’avons quasiment
plus de demandes d’outils de la part des métiers.
Quand un besoin s’exprime, les référents testent les
solutions dans leur communauté. C’est un véritable
recentrage sur l’usage et la valeur.
Dans une organisation, toute la transversalité que
l’on peut susciter, en particulier avec un portail,
doit être un « plus » pour les métiers, la stratégie
et la mobilisation des ressources. À la DGAC, nous
y sommes parvenus et nous pouvons désormais
passer à une deuxième étape : un réseau social
d’entreprise qui va s’appuyer sur des données non
structurées, de manière à organiser l’intelligence
collective, et à capter toutes les idées du terrain qui
ne trouvent pas à s’exprimer à travers les structures
et processus traditionnels.
ITBR Cela ne risque-t-il pas de déstabiliser
le management intermédiaire ?
Francis Massé Cela peut être un risque, en effet,
notamment pour le premier niveau de management.
Mais le management que nous valorisons n’est pas
nécessairement fondé sur une expertise technique
singulière. L’objectif est de valoriser les managers
intermédiaires au travers des compétences des
équipes qu’ils encadrent. Nous démontrons
ainsi que s’acharner à détenir toute l’information
n’est guère pertinent et qu’il faut, au contraire,
exploiter de manière collective l’information,
pour libérer l’initiative, exploiter la variété des
approches, permettre aux idées de rebondir, de
se « challenger », pour aller bien au-delà du petit
périmètre commun des « idées-toutes-faites ».
Ainsi, nous contribuons à réconcilier le terrain et le
niveau national. Dans les grandes organisations, on
observe souvent un clivage entre ces deux niveaux :
les personnes, de part et d’autre, se parlent peu.
Mais lorsqu’elles commencent à communiquer,
à travers une communauté ou un réseau social
d’entreprise, la donne change : les collaborateurs de
terrain perçoivent que, finalement, leurs problèmes
s’intègrent dans la vision globale de l’organisation,
et ceux des structures centrales voient remonter
plus facilement de bonnes idées, proches de la
réalité du terrain.
C’est d’ailleurs un des points forts qui était
apparu lors de la démarche de modernisation des
services publics lancée sous Michel Rocard où le
travail en commun entre services déconcentrés et
administration centrale avait été efficace. Il n’y a pas
d’un côté les théoriciens et de l’autre ceux qui mettent
en pratique. En outre, à un moment donné, les
collaborateurs éprouvent le besoin de se rencontrer
physiquement, lorsqu’ils s’aperçoivent que chacun
peut apporter de la valeur dans ses domaines de
compétences. Les strictes frontières hiérarchiques et
géographiques perdent ainsi leur raison d’être et nous
nous créons ainsi peu à peu un service public plus
holomorphique, plus communiquant. Ceci permet
de consolider notre culture du management de la
sécurité, laquelle concerne tout aussi bien le contrôle
du trafic aérien, la construction aéronautique, que la
sécurité et la sûreté de l’aviation civile sans omettre
de citer la formation des ingénieurs, des pilotes et
des contrôleurs que l’Enac assure.
ITBR Vous avez initié avec la direction des
ressources humaines une approche de management
organique : de quoi sagit-il ?