
après l’ouverture de leur magasin. C’est le cas par exemple pour un commerçant en
alimentation qui, après s’être installé en janvier 1919, fait faillite pour les raisons suivantes :
« Installé depuis le 10 janvier 1919 à Nice et tenant un commerce d’alimentation dans
un magasin loué, il avait l’espoir de pouvoir travailler à un moment où on pouvait compter
que les affaires reprennent un cours normal. Mais l’état de guerre subsistait encore avec
toutes ses restrictions, ses inconvénients et notamment la crise perpétuelle des transports.
Tout cela a entraîné des pertes considérables dont il n’a pu se relever.7 »
Le chômage frappe également la région à la sortie de la guerre et ce jusqu’en 1922. En
effet, les conséquences immédiates du conflit, manque de matières premières, difficulté des
transports, position excentrée du département, plus le retour des démobilisés font que le
nombre de chômeurs augmente à cette époque. En plus des causes nationales, une conjoncture
tout à fait spéciale dans la région aggrave la situation : la hausse du nombre d’Italiens
cherchant un emploi et le retour des démobilisés au moment même où la saison touristique
finissait. Le nombre de chômeurs atteint le chiffre de 18 000 à 19 000 en 19198. En plus de la
hausse des prix, le chômage ne peut que saper encore davantage les revenus des personnes et
cela s’en ressent au niveau de leur consommation.
La guerre a déclenché des mécanismes qui ne s’arrêteront plus et parmi eux le
dérèglement total du système monétaire mondial traditionnel, l’inflation.
Ces éléments conjoncturels influent sur la vie économique de la région. En effet, les
causes principales données par les commerçants pour justifier de leur état de faillite sont la
crise commerciale que traverse le pays au début des années vingt et les variations des prix.
Ainsi, beaucoup se plaignent au départ de la hausse des prix qui n'est pas sans effet
dans leurs affaires. En plus de cette hausse des prix à la fin du conflit, la lente progression des
salaires n’est pas faite pour arranger les affaires des commerçants.
Mais à partir de 1920 se produit un violent changement de conjoncture : les prix
baissent et ceci est une conséquence directe de la crise de 1921, une des plus complexes de
l’époque. C’est à partir de cette date que les commerçants niçois emploient le terme de crise
commerciale dans leur lettre. La baisse des prix qui frappe leurs marchandises ne leur permet
plus de faire face aux échéances et engagements pris auprès de divers fournisseurs. Ce
phénomène devient la principale cause mentionnée par les commerçants pour justifier leur
état de faillite. Ils se plaignent, pour la majorité, de la crise qui sévit sur tous les commerces,
de la période de marasme traversée ces derniers mois, du mauvais état général des affaires. Le
témoignage d’un négociant en tissus vient illustrer de manière parfaite les variations des prix
et des changes entre 1919 et 1922 :
« En prévision de la saison d’hiver 1920-1921, il a fait des provisions de marchandises
en draperies anglaises et françaises : payées au cours plus qu’élevé, en raison de la hausse
produite, il a subi les effets du change et de son cours énorme sur beaucoup de marchandises.
Mais la baisse de 30 à 40% sur les prix d’achat survenue en 1921 l’a paralysé dans ses
affaires et il a dû vendre en dessous du cours d’achat pour conserver sa clientèle9. »
Même le tourisme hivernal, qui avait donné au littoral sa richesse et son prestige,
ressent nettement les effets de la récession mondiale qui sévit lors de la saison 1920-1921,
alors que dès 1919, son redressement se confirmait tandis que pour d’autres activités le
marasme persistait. En effet, les premières saisons qui suivent le retour de la paix connaissent
le succès, bien que les prix aient fortement augmenté et que de nombreuses difficultés
subsistent10. Par conséquent, la crise de 1921 venant même jusqu’à ébranler la première
7 Archives départementales, fonds du tribunal de commerce de Nice, 06U 04/0831.
8 P. Falconnier, Le monde du travail dans les Alpes-Maritimes de 1919 à 1929, M.M Nice, 1974.
9 Archives départementales, fonds du tribunal de commerce de Nice, 06U 04/0832.
10 R. Schor, Nice et les Alpes-Maritimes de 1914 à 1945, Nice, Centre régional de document pédagogique,
1974.