Comprendre les échecs scolaires des dyspraxiques afin d`adapter

2011-2012 Master 2IDN -"Option Troubles"
Dossier final
Comprendre les échecs scolaires des dyspraxiques afin
d'adapter les apprentissages en technologie.
Sandrine LIRANTE
Professeur certifié de technologie
Enseignante au collège d'Aussonne.
A) La dyspraxie et les apprentissages scolaires
Si dysphasie et dyslexie ont tenu le devant de la scène pendant une longue période pionnière,
les dernières années ont vu se développer les connaissances, les réflexions, les analyses
autour de la dyspraxie.Rappeler aujourd’hui que la dyspraxie se définit comme un trouble
spécifique des apprentissages est particulièrement important, tant dans la compréhension du
trouble que dans les implications pratiques sur le suivi des enfants. La dyspraxie tient
néanmoins une place particulière parmi les troubles spécifiques des apprentissages : le
paradoxe apparent est qu’il s’agit d’un trouble cognitif mais qui s’exprime dans la motricité
fine, le geste, la maîtrise corporelle ; voilà des symptômes avant tout « moteurs » qui
retentissent sur des apprentissages scolaires essentiels comme le graphisme, l’écriture, la
géométrie… alors qu’il n’y a aucune paralysie ou faiblesse de la main !
En outre, l’évolution des idées et la richesse des récents débats font apparaître une grande
complexité voire une certaine confusion dans les concepts abordés. Le rappel de définitions
«officielles » est utile avant d'aborder les implications théorique en classe.
Les troubles du mouvement intentionnel et de la coordination motrice (Albaret, 2000 ;
Corraze, 1999) sont au coeur des troubles psychomoteurs. Depuis très longtemps les
dyspraxies de développement sont décrites suivant des terminologies laissant subsister un
certain nombre d'ambiguïtés. C 'est ainsi que l'on peut rencontrer les termes de maladresse
anormale (Orton, 1937), “maladresse congénitale” (Ford, 1960), “dyspraxie de
développement”(Brain, 1961), “apraxie de développement” (Walton et coll, 1962),
“maladresse de développement” (Reuben et Bakwin, 1968), les tableaux “d’agnosie et apraxie
du développement”(Gubbay, 1975), les“dyspraxies-dysgnosies de développement” (Lesny,
1980) et, dernièrement, le trouble d’acquisition des coordinations (DSM IV, 1994) ou le
trouble spécifique du développement moteur (CIM 10, O.M.S. 1992). Cette multiplicité des
appellations souligne bien l’hétérogénéité d’un des principaux troubles psychomoteurs
(Albaret et coll., 1995).
Les dyspraxies de développement se caractérisent par une anomalie du tonus musculaire et
des réflexes. Les travaux de Larkin et Hoare (1992, pour une revue) se sont attachés à
caractériser des anomalies au cours des mouvements. Leur étude porte sur l'analyse
cinématographique de la locomotion chez des enfants dyspraxiques de 5 à 8 ans. Il en résulte
une lenteur, un équilibre dynamique précaire. L'enfant dyspraxique a du mal à concilier et à
coordonner plusieurs degrés de liberté au niveau articulaire. On retrouve à la fois un défaut de
coordination et un manque de force.
En ce qui concerne l’équilibre statique, alors que l’activité EMG diminue avec l’âge chez des
enfants de 4 à 8 ans, ceci ne s’observe pas chez l’enfant maladroit (Williams et coll., 1985). Il
est incapable de maintenir une stabilité posturale permettant de faire face aux modifications
internes ou externes. Il existe certainement un déficit dans l’utilisation des ajustements
posturaux anticipés qui permettent de minimiser les perturbations posturales qui apparaissent
au cours du mouvement (Massion, 1992 et 1993).
On peut donc répertorier 9 particularités des difficultés de coordination motrice de l'enfant
dyspraxique :
• défaut de force et de tonus musculaire qui peut entraîner une mauvaise posture et une
fatigue ;
• manque de coordination entre les deux hémicorps et difficulté à croiser l’axe du
corps comme on peut le constater dans les épreuves main-oeil-oreille de Head (test de Piaget-
Head in Zazzo, 1972) ;
• difficulté à opérer une rotation du torse et à maintenir l’équilibre ;
• gêne dans des tâches motrices non familières et hésitation dans leur exécution car le
sujet a besoin de penser à chaque mouvement (défaut d’anticipation) ;
• déficit concernant la direction, la localisation et les notions de temps, compréhension
difficile des notions telles que haut-bas, devant-derrière, gauche-droite, avant-après, ce qui
amène de l’insécurité lors de l’effection de mouvements ;
• difficulté dans l’apprentissage d’activités complexes comme s’habiller
ou monter à bicyclette ;
• tendance à confondre ses mains ;
• défaut de coordination entre les yeux et le corps et notamment incoordination
oculomanuelle avec utilisation inefficace des informations visuelles et difficulté consécutive à
lancer, attraper une balle, enfiler des perles ;
• mauvais contrôle de la motricité fine avec difficulté graphomotrices (tenue du
crayon, dessin, coloriage, tracé, copie).
Ces différentes particularités sont atteintes à des degrés divers chez l'enfant dyspraxique, les
épreuves chronométrées font apparaître la lenteur dans l'exécution des tâches aussi bien au
cours de la passation des épreuves psychomotrices que de l'évaluation des capacités
intellectuelles. Cette lenteur se retrouve sur des épreuves graphomotrices due pour certains au
problème d'incoordination motrice.
Les caractéristiques de développement s'apparentent aux apraxies acquises suite à une lésion.
On identifie l'apraxie idéomotrice, la désorganisation peut revêtir deux formes (Poeck, 1993)
: “un déficit dans la sélection des éléments constitutifs d’un mouvement ou “un déficit de
l’organisation séquentielle de ces éléments”. Le trouble porte sur des gestes simples et
apparaît, au cours de l’examen, dans l’exécution de gestes sur commande verbale ou
sur imitation de ceux de l’observateur. Lapraxie idéatoire se fait par manipulation
d’objets multiples ou isolés (De Renzi, Lucchelli, 1988) : allumer une bougie, ouvrir et fermer
un cadenas, ouvrir une bouteille d’eau avec un décapsuleur et verser de l’eau dans un verre,
préparer une lettre pour la poster, préparer une tasse de café.
Il est également identifié l’apraxie constructive ou visuoconstructive. Celle-ci est définie
par Kleist (in Benton, 1989) comme une perturbation dans des activités telles que assembler,
construire et dessiner. La forme spatiale de la réalisation ne peut être obtenue sans erreur. Ces
enfants ont des troubles de l'orientation spatiale et de l'organisation conceptuelle d'une
séquence.
Ces enfants se retrouvent dans l'incapacité d'appréhender correctement la double tâche
puisqu'ils sont confrontés à un trouble de l'organisation. Ils doivent parallèlement coordonner
lenteur, imprécision et manque de fluidité pour réaliser la tâche complexe préalablement
demandée.
On repère d'autres apraxies comme la dyspraxies de l'habillage que l'on repère surtout dans les
activités de boutonnage et de laçage.
Une rééducation en psychomotricité est nécessaire après un bilan. La rééducation est longue
puisqu'il va s'agir de mettre en place des stratégies d'apprentissage pour passer outre le déficit
de modélisation interne et le défaut d'intégrité du transfert inter-hémisphérique. Cette
rééducation sera faite dans le respect de l'exécution contrôlée pour rééduquer le déficit de
contrôle de la force musculaire.
La perturbation interfère de façon significative avec la réussite scolaire ou les activités de la
vie courante. On comprend alors que la méconnaissance de ces caractéristiques par le monde
enseignant a un impact dévastateur sur le devenir des enfants qui eux sont conscients de leur
différences . Ces enfants dyspraxiques sont encore très mal reconnus dans le système éducatif,
ils font l'objet d'un « packaging » DYS. Les enseignants ne savent pas très bien comment agir
avec ses enfants les classant effectivement très souvent dans “maladresse anormale” (Orton,
1937), voir même « débilité motrice » (Dupré, 1927).
Reconnaître la dyspraxie comme un trouble spécifique des apprentissages constitue un
énorme progrès pour des enfants qui n'étaient pas identifiés auparavant. De multiple questions
restent encore à éclaircir, tant dans les définitions et les aspects théoriques que dans l'approche
diagnostique et le partenariat pédagogie-thérapeutique.
Quelle que soit la définition retenue et les nuances sémiologiques et physiopathologiques
apportées, reconnaître la dyspraxie comme un trouble spécifique des apprentissages implique
un certain nombre de points. Enoncer un diagnostic de dyspraxie, trouble spécifique des
apprentissages, modifie le regard porté sur l’enfant :
- Regard de l’enfant lui-même qui jusqu’alors ne comprenait pas la cause de ses
échecs répétés malgré ses efforts sort enfin du tunnel incompréhensible et met enfin des mots
sur ses déficiences. Les explications fournies, adaptées à l’âge, sont souvent un
premier pas vers une reprise de confiance en soi, une revalorisation de l’estime de soi.
- Regard porté par sa famille qui se sent plus éclairée pour adapter exigences
éducatives et aides spécifiques. Avec l'angoisse des résultats des tests, un apaisement s'installe
dans la cellule familiale : enfin le diagnostique permet de comprendre et de ne plus s'acharner
sur l'enfant et l'incompréhension de ses échecs.
- Regard porté par la communauté scolaire pour qui l’enfant apparaissait paresseux ou
opposant.
Le caractère « spécifique » du trouble s’oppose clairement au diagnostic de déficience
mentale ou de retard global de développement et chacun est donc plus attentif aux
compétences préservées.
Reconnaître qu’un enfant dyspraxique présente un trouble spécifique des apprentissages
constitue un défi pour les professionnels de l’éducation . Il s’agit bien d’un enfant avec un
potentiel d’apprentissage parfaitement normal dans certains domaines et dont les échecs
tiennent peut-être en grande partie aux « façons d’enseigner » habituellement proposées et qui
ne lui sont pas adaptées.
Il est illusoire et dangereux de prescrire des « recettes » qui seraient efficaces dans « la »
dyspraxie. L’analyse fine évoquée plus haut doit se confronter aux observations des
enseignants pour discuter des effets de la rééducation, de l’intérêt réel des dispositifs proposés
(adaptations matérielles, pédagogie différenciée).
Il n’y a pas « une » dyspraxie mais des enfants dyspraxiques aux difficultés et compétences
différentes.
De nombreuses associations voient le jour, dont la DMF (Dyspraxique mais Fantastique)qui a
été créée le 10 mai 2003, qui militent pour alerter les pouvoirs publics afin que la dyspraxie
soit reconnue comme handicap à part entière. Il est bon de rappeler qu'en France,
l'enseignement public obligatoire vise à construire un accès égal aux chances.
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