2011-2012 Master 2IDN -"Option Troubles" Dossier final Comprendre les échecs scolaires des dyspraxiques afin d'adapter les apprentissages en technologie. Sandrine LIRANTE Professeur certifié de technologie Enseignante au collège d'Aussonne. A) La dyspraxie et les apprentissages scolaires Si dysphasie et dyslexie ont tenu le devant de la scène pendant une longue période pionnière, les dernières années ont vu se développer les connaissances, les réflexions, les analyses autour de la dyspraxie.Rappeler aujourd’hui que la dyspraxie se définit comme un trouble spécifique des apprentissages est particulièrement important, tant dans la compréhension du trouble que dans les implications pratiques sur le suivi des enfants. La dyspraxie tient néanmoins une place particulière parmi les troubles spécifiques des apprentissages : le paradoxe apparent est qu’il s’agit d’un trouble cognitif mais qui s’exprime dans la motricité fine, le geste, la maîtrise corporelle ; voilà des symptômes avant tout « moteurs » qui retentissent sur des apprentissages scolaires essentiels comme le graphisme, l’écriture, la géométrie… alors qu’il n’y a aucune paralysie ou faiblesse de la main ! En outre, l’évolution des idées et la richesse des récents débats font apparaître une grande complexité voire une certaine confusion dans les concepts abordés. Le rappel de définitions «officielles » est utile avant d'aborder les implications théorique en classe. Les troubles du mouvement intentionnel et de la coordination motrice (Albaret, 2000 ; Corraze, 1999) sont au coeur des troubles psychomoteurs. Depuis très longtemps les dyspraxies de développement sont décrites suivant des terminologies laissant subsister un certain nombre d'ambiguïtés. C 'est ainsi que l'on peut rencontrer les termes de “maladresse anormale” (Orton, 1937), “maladresse congénitale” (Ford, 1960), “dyspraxie de développement”(Brain, 1961), “apraxie de développement” (Walton et coll, 1962), “maladresse de développement” (Reuben et Bakwin, 1968), les tableaux “d’agnosie et apraxie du développement”(Gubbay, 1975), les“dyspraxies-dysgnosies de développement” (Lesny, 1980) et, dernièrement, le trouble d’acquisition des coordinations (DSM IV, 1994) ou le trouble spécifique du développement moteur (CIM 10, O.M.S. 1992). Cette multiplicité des appellations souligne bien l’hétérogénéité d’un des principaux troubles psychomoteurs (Albaret et coll., 1995). Les dyspraxies de développement se caractérisent par une anomalie du tonus musculaire et des réflexes. Les travaux de Larkin et Hoare (1992, pour une revue) se sont attachés à caractériser des anomalies au cours des mouvements. Leur étude porte sur l'analyse cinématographique de la locomotion chez des enfants dyspraxiques de 5 à 8 ans. Il en résulte une lenteur, un équilibre dynamique précaire. L'enfant dyspraxique a du mal à concilier et à coordonner plusieurs degrés de liberté au niveau articulaire. On retrouve à la fois un défaut de coordination et un manque de force. En ce qui concerne l’équilibre statique, alors que l’activité EMG diminue avec l’âge chez des enfants de 4 à 8 ans, ceci ne s’observe pas chez l’enfant maladroit (Williams et coll., 1985). Il est incapable de maintenir une stabilité posturale permettant de faire face aux modifications internes ou externes. Il existe certainement un déficit dans l’utilisation des ajustements posturaux anticipés qui permettent de minimiser les perturbations posturales qui apparaissent au cours du mouvement (Massion, 1992 et 1993). On peut donc répertorier 9 particularités des difficultés de coordination motrice de l'enfant dyspraxique : • défaut de force et de tonus musculaire qui peut entraîner une mauvaise posture et une fatigue ; • manque de coordination entre les deux hémicorps et difficulté à croiser l’axe du corps comme on peut le constater dans les épreuves main-oeil-oreille de Head (test de PiagetHead in Zazzo, 1972) ; • difficulté à opérer une rotation du torse et à maintenir l’équilibre ; • gêne dans des tâches motrices non familières et hésitation dans leur exécution car le sujet a besoin de penser à chaque mouvement (défaut d’anticipation) ; • déficit concernant la direction, la localisation et les notions de temps, compréhension difficile des notions telles que haut-bas, devant-derrière, gauche-droite, avant-après, ce qui amène de l’insécurité lors de l’effection de mouvements ; • difficulté dans l’apprentissage d’activités complexes comme s’habiller ou monter à bicyclette ; • tendance à confondre ses mains ; • défaut de coordination entre les yeux et le corps et notamment incoordination oculomanuelle avec utilisation inefficace des informations visuelles et difficulté consécutive à lancer, attraper une balle, enfiler des perles ; • mauvais contrôle de la motricité fine avec difficulté graphomotrices (tenue du crayon, dessin, coloriage, tracé, copie). Ces différentes particularités sont atteintes à des degrés divers chez l'enfant dyspraxique, les épreuves chronométrées font apparaître la lenteur dans l'exécution des tâches aussi bien au cours de la passation des épreuves psychomotrices que de l'évaluation des capacités intellectuelles. Cette lenteur se retrouve sur des épreuves graphomotrices due pour certains au problème d'incoordination motrice. Les caractéristiques de développement s'apparentent aux apraxies acquises suite à une lésion. On identifie l'apraxie idéomotrice, la désorganisation peut revêtir deux formes (Poeck, 1993) : “un déficit dans la sélection des éléments constitutifs d’un mouvement” ou “un déficit de l’organisation séquentielle de ces éléments”. Le trouble porte sur des gestes simples et apparaît, au cours de l’examen, dans l’exécution de gestes sur commande verbale ou sur imitation de ceux de l’observateur. L’apraxie idéatoire se fait par manipulation d’objets multiples ou isolés (De Renzi, Lucchelli, 1988) : allumer une bougie, ouvrir et fermer un cadenas, ouvrir une bouteille d’eau avec un décapsuleur et verser de l’eau dans un verre, préparer une lettre pour la poster, préparer une tasse de café. Il est également identifié l’apraxie constructive ou visuoconstructive. Celle-ci est définie par Kleist (in Benton, 1989) comme une perturbation dans des activités telles que assembler, construire et dessiner. La forme spatiale de la réalisation ne peut être obtenue sans erreur. Ces enfants ont des troubles de l'orientation spatiale et de l'organisation conceptuelle d'une séquence. Ces enfants se retrouvent dans l'incapacité d'appréhender correctement la double tâche puisqu'ils sont confrontés à un trouble de l'organisation. Ils doivent parallèlement coordonner lenteur, imprécision et manque de fluidité pour réaliser la tâche complexe préalablement demandée. On repère d'autres apraxies comme la dyspraxies de l'habillage que l'on repère surtout dans les activités de boutonnage et de laçage. Une rééducation en psychomotricité est nécessaire après un bilan. La rééducation est longue puisqu'il va s'agir de mettre en place des stratégies d'apprentissage pour passer outre le déficit de modélisation interne et le défaut d'intégrité du transfert inter-hémisphérique. Cette rééducation sera faite dans le respect de l'exécution contrôlée pour rééduquer le déficit de contrôle de la force musculaire. La perturbation interfère de façon significative avec la réussite scolaire ou les activités de la vie courante. On comprend alors que la méconnaissance de ces caractéristiques par le monde enseignant a un impact dévastateur sur le devenir des enfants qui eux sont conscients de leur différences . Ces enfants dyspraxiques sont encore très mal reconnus dans le système éducatif, ils font l'objet d'un « packaging » DYS. Les enseignants ne savent pas très bien comment agir avec ses enfants les classant effectivement très souvent dans “maladresse anormale” (Orton, 1937), voir même « débilité motrice » (Dupré, 1927). Reconnaître la dyspraxie comme un trouble spécifique des apprentissages constitue un énorme progrès pour des enfants qui n'étaient pas identifiés auparavant. De multiple questions restent encore à éclaircir, tant dans les définitions et les aspects théoriques que dans l'approche diagnostique et le partenariat pédagogie-thérapeutique. Quelle que soit la définition retenue et les nuances sémiologiques et physiopathologiques apportées, reconnaître la dyspraxie comme un trouble spécifique des apprentissages implique un certain nombre de points. Enoncer un diagnostic de dyspraxie, trouble spécifique des apprentissages, modifie le regard porté sur l’enfant : - Regard de l’enfant lui-même qui jusqu’alors ne comprenait pas la cause de ses échecs répétés malgré ses efforts sort enfin du tunnel incompréhensible et met enfin des mots sur ses déficiences. Les explications fournies, adaptées à l’âge, sont souvent un premier pas vers une reprise de confiance en soi, une revalorisation de l’estime de soi. - Regard porté par sa famille qui se sent plus éclairée pour adapter exigences éducatives et aides spécifiques. Avec l'angoisse des résultats des tests, un apaisement s'installe dans la cellule familiale : enfin le diagnostique permet de comprendre et de ne plus s'acharner sur l'enfant et l'incompréhension de ses échecs. - Regard porté par la communauté scolaire pour qui l’enfant apparaissait paresseux ou opposant. Le caractère « spécifique » du trouble s’oppose clairement au diagnostic de déficience mentale ou de retard global de développement et chacun est donc plus attentif aux compétences préservées. Reconnaître qu’un enfant dyspraxique présente un trouble spécifique des apprentissages constitue un défi pour les professionnels de l’éducation . Il s’agit bien d’un enfant avec un potentiel d’apprentissage parfaitement normal dans certains domaines et dont les échecs tiennent peut-être en grande partie aux « façons d’enseigner » habituellement proposées et qui ne lui sont pas adaptées. Il est illusoire et dangereux de prescrire des « recettes » qui seraient efficaces dans « la » dyspraxie. L’analyse fine évoquée plus haut doit se confronter aux observations des enseignants pour discuter des effets de la rééducation, de l’intérêt réel des dispositifs proposés (adaptations matérielles, pédagogie différenciée). Il n’y a pas « une » dyspraxie mais des enfants dyspraxiques aux difficultés et compétences différentes. De nombreuses associations voient le jour, dont la DMF (Dyspraxique mais Fantastique)qui a été créée le 10 mai 2003, qui militent pour alerter les pouvoirs publics afin que la dyspraxie soit reconnue comme handicap à part entière. Il est bon de rappeler qu'en France, l'enseignement public obligatoire vise à construire un accès égal aux chances. B) Comment aider un élève dyspraxique dans la réalisation d'une tâche complexe en technologie L'objectif, en matière de Dys-, c'est de permettre à l'enfant, en dépit de son trouble, de faire des apprentissages (et si possible une scolarité) qui lui offre un épanouissement personnel, puis ultérieurement une inscription sociale et professionnelle satisfaisante. C'est de l'évaluation du handicap scolaire dont doit dépendre l'aide à la scolarisation : les moyens déployés, tant en rééducation individuelle qu'en situation scolaire, dépendent étroitement des objectifs visés. Très schématiquement nous pouvons distinguer quatre grands types de pronostics scolaires, selon qu'une scolarité longue peut - ou non – être envisagée : - scolarité longue (et si possible diplômante) - classe spécialisée (CLIS ou UPI) - scolarité courte (brevet, SEGPA) Devant ces enfants dyspraxiques nous, enseignants, sommes très souvent pris au dépourvu. Nous avons déjà beaucoup de mal à les identifier et prévenir la famille d'un éventuel handicap de ce type. Quand tel est le cas on se heurte très souvent à l'ignorance des familles concernant la dyspraxie. L'orientation vers un bilan psychomoteur est très souvent mal vécu par la famille et très peu réalisé car contrairement au bilan orthophonique, le bilan psychomoteur n'est pas pris en charge ( 1H30 à 2H00 de test et environ 140 euros). Lorsque la dyspraxie est repérée et pris en charge en tant que handicap auprès de la MDPH c'est le corps enseignant qui n'est pas formé à l'intégration de ces enfants. On ne sait pas réellement quoi mettre en place pour les aider à progresser vers leur objectif d'orientation. En effet, il est indispensable pour la scolarité de ces jeunes dyspraxiques d'adapter les différents supports, inexploitables du fait de leurs difficultés spécifiques (praxiques et visuospatiales) afin de leur permettre de réaliser leurs acquisitions scolaires dans les mêmes délais que leurs camarades mais avec des supports (d'apprentissage, de contrôle et d'examen) accessibles. Des compétences transversales sont identifiées comme étant importante à la progression de l'élève : la lecture, l'écriture et l'orthographe. D'une façon générale, ce qui perturbe l'enfant dyspraxique, ce n'est pas le fond, c'est-à-dire le contenu pédagogique de ces matières, mais plutôt la forme, c'est à dire la présentation et la manière dont ces matières sont abordées. Les aides proposées doivent toujours prendre place dans une stratégie globale de simplification et de clarification de tous les écrits, car cela constitue le premier et le principal des allègements visuels. Dans le cadre de la tâche complexe il faut limiter au maximum le nombre de document afin de réduire la quantité de lecture. L'objectif essentiel est de donner à l'enfant la possibilité de s'emparer du contenu de manière fiable et rapide afin qu'il puisse se mettre en position d'apprendre, de réfléchir et produire le travail demandé. Ceci afin de limiter la fatigabilité dû au handicap neurovisuel. Il faut limiter au maximum les manipulations et donner des photocopies grands formats de bonne qualité afin de facilité le repérage de l'enfant et leur proposer le sur-lignage en couleur des informations importantes. Leur fournir des documents respectant le même format de présentation tout au long de l'année pour faciliter le repérage par l'enfant ( si possible dans toutes les matières et quelles que soient les activités). Mais tous ces aménagements ne sont qu'une aide primaire et ne permettent pas (suivant l'enfant) à appréhender la résolution d'une tâche complexe en technologie. Dans « l'enfant dyspraxique et les apprentissages »(Michel MAZEAU, Claire LE LOSTEC-2010), il est proposé page 159 des grilles de supports pédagogiques qui pourraient permettre à l'enseignant une approche clinique et didactique de l'apprentissage de ces enfants. Ces grilles permettent de mettre à disposition de tous les intervenants les renseignements concernant les interactions entre handicap et scolarité, surtout lorsque ces dernières ne sont pas évidentes. Ces grilles permettraient à l'enseignant de pointer directement les difficultés de l'enfant liés à son handicap pour une activité donnée (lecture de tableau, synthèse de plusieurs activités, manipulation d'objet et classification des matériaux sont autant de tâches complexes posant des difficultés en technologie). Effectivement utiliser, interpréter ou construire un schéma fait appel au figuratif, au spatial. Les élèves dyspraxiques sont donc très gênés, avec quelques fois des difficultés supplémentaires en fonction des graphies utilisées sur le schéma. Il est bon de noter que la majorité des enfants dyspraxiques parvient à écrire, parfois même avec une plus jolie écriture que d’autres enfants de la même classe. Il faut ensemble analyser au prix de quelle lenteur, de quelle consommation de ressources attentionnelles, de quelle fatigue en fin de journée cet exploit est possible. Quel en est aussi le plaisir et la fierté de l’enfant ; ou de son enseignant ? C’est dans cette réflexion, cette remise en cause de nos certitudes, ces échanges permanents que l’on se pose les bonnes questions ? Que devons nous, enseignants, exiger de ces enfants ? Sommes nous réellement conscients de leur difficultés ? Devant tant d'acharnement et de volonté de la part de ces enfants, il nous semble très souvent que tout soit possible et que l'on doive exiger le maximum, mais sommes nous vraiment conscient du prix de leurs efforts ? C) Etude de données Après l'analyse précédente nous convenons qu'il existe autant de dyspraxies que d'enfant dyspraxiques, et nous, enseignants, sommes très déstabilisés dans nos classes pour mettre en place une aide individualisée. On sait que ces enfants sont très perturbés par la double tâche, il faut leur alléger au maximum les consignes, leur expliquer oralement et leur permettre (lorsque cela est possible) de répondre oralement aux questions posées . Il est préconisé de leur donner la trace écrite et j'ai voulu essayer en classe l'utilisation de l'ordinateur pour ces enfants en remplacement de la feuille de papier et du stylo.Ceci afin de les rendre plus actif. Je me suis rendu compte que cet outil est inadapté à des enfants de collège pour une utilisation de ce type. Les enfants perdent énormément de temps sur le clavier et ne sont plus du tout attentif à ce qui se dit dans la classe. Ils sont de nouveau exclu du groupe. Je suis donc revenu à un cours classique avec distribution de la trace écrite et surligneur pour l'élève. Le travail devient donc « apprendre à repérer » le vocabulaire ou les phrases importantes pour les surligner. L'enfant a tendance à surligner tout son document. Je me suis rendu compte de la lassitude de cet enfant à suivre le cours, il avait besoin d'être démonstratif et pendant ce temps le cours n'avançait pas,on s'occupait de lui en répondant à ses interrogations qui parfois n'avaient absolument rien à voir avec ce que je disais précisément. Je me suis souvent senti démuni face à ces enfants, n'arrivant pas toujours à comprendre leur handicap. Parfois une notion que l'on croyait acquise d'un seul coup, ne sachant pour quelle raison apparente, ne l'était plus ! Je devais donc ré-expliquer jusqu'à ce que de nouveau l'enfant retrouve le sens de cette notion. Finalement que devons nous mettre en place dans nos classes ? L'enfant dyspraxique a un véritable manque de confiance en soi. Très intelligent il connaît les les étapes lui permettant d'atteindre l'objectif demandé par le professeur, il possède la volonté et l'énergie pour y arriver mais malheureusement il n’obtient pas les résultats escomptés. Ces enfants ont donc toujours le sentiment de ne jamais être sûre d'y arriver, ils ont très souvent l'angoisse de se tromper. On comprend donc la nécessité d'un petit coup de pouce de l'enseignant pour redonner confiance ! Ces enfants ont un véritable besoin d'estime de soi. Pour réussir, pour prendre des risques, pour apprendre tout simplement ,ils ont besoin de penser qu'ils peuvent réussir plutôt que d'imaginer qu'ils vont une nouvelle fois se tromper. L'enseignant doit pouvoir mettre chaque élève en situation de réussite afin de lui permettre d'échouer en confiance. C'est ainsi que plusieurs théories de la motivation « tournent autour » de ce concept avec des mots variés : Murray parle d' « estime de soi », Deci et Ryan, de « compétence perçue », Nicholls reprend le terme d' « ego ». La motivation de l'enfant va véritablement dépendre de la valorisation d'un savoir faire de cet enfant. L'enfant dyspraxique (voir le cas de Jordan cité en annexe 1) que l'on valorisera socialement fera accroître sa motivation et poussera très loin les limites de ses possibilités. L'enfant dyspraxique conscient de ses difficultés (il sait ce qu'il faut faire, fait, mais n’atteint pas son but) peut s'épuiser s'il n'est pas récompensé affectivement. Le cas de Jordan est époustouflant ! Comment un enfant dyspraxique qui n'arrivait pas à schématiser sur une feuille A3 le principe de fonctionnement du vélo (cf annxe3) peut-il réaliser un casse-tête complexe en trois dimensions (voir fiche de réalisation en annexe 2) ? Le cube a été pour Jordan un fabuleux moyen pour lui redonner confiance . En effet le cube, de par sa complexité, impressionne beaucoup de personne lorsque l'on sait le faire. J'ai pu remarqué que beaucoup d'enfants perdent patience, s'agacent et ne prennent pas le temps de comprendre. Les enfants dyspraxiques sont intelligents et malgré des troubles visuo-spatiales ils arrivent à mettre en place des stratégies de compensation : ici apprendre par cœur des formules suivant la configuration du cube. Réaliser le cube devient alors un jeu d'observation : au début très compliqué pour un dyspraxique (comme lors de la réalisation d'un puzzle), mais les configurations du cube sont finalement très vite identifiables lorsque l'on pratique régulièrement et les formules très vite mémorisables. C'est ce qu'explique Albert Bandura, inventeur du concept d'apprentissage vicariant, c'est à dire en observant le comportement des autres et les conséquences qui en résultent pour eux. Le fait de pouvoir apprendre par observation rend en effet les individus capables d'acquérir des comportements ou des savoir-faire sans avoir à les élaborer graduellement par un processus d'essais et d'erreurs. Observer les autres en train de faire permet d'estimer si on peut faire soi-même. C'est ce que A.Bandura (2007) appelle le sentiment d'auto-efficacité. Dans le cadre de ma discipline, la technologie, le cube m'a permis de capter l'attention de Jordan. La réussite dans ce club lui a donné confiance et lui permet une vrai prise d'autonomie en cours. Il est beaucoup plus attentif. Il fait partie d'un équipe dans laquelle il a trouvé sa place et finalement il trouve aussi sa place en classe. Lors de séance d'informatique c'est un enfant qui ira volontier aider un camarade même s'il a beaucoup de mal à expliquer simplement ce qu'il faut faire. Après ces quelques expériences personnelles et les données récentes sur la dyspraxie je m'interroge sur l'aide réelle à apporter à ces enfants atteints de ce trouble et pouvant très rapidement « tomber» dans l'échec scolaire? D) Perspectives En technologie, dès les tout premiers apprentissages, les prises d’informations visuelles et l’habileté gestuelle sont sollicitées et les enfants dyspraxiques sont en difficulté. Suivant les cas, différents types d’adaptation sont envisageables : faciliter la prise d’informations visuelle (en leur donnant des objets techniques simples), favoriser la prise d’informations par d’autres canaux (maquette didactiques informatiques et interractives- Logiciel JEULIN), pallier la maladresse et la lenteur d’exécution (leur fournir des schémas à compléter plutôt qu'un dessin à réaliser sur un système de fonctionnement), inciter à d’autres stratégies que celles qui s’appuient sur la perception, en mobilisant notamment le raisonnement et l’abstraction. Toutes ces actions ont déjà été énoncées précédemment, comme leur donner la trace écrite, leur apprendre l'usage du stabilo et éviter les documents trop chargés en information..... Le sentiment de sa valeur propre permet à l’enfant un “ investissement légitime de soi comme sujet capable de penser, de créer, de désirer ” (A. Birraux,1992, p. 151). Il conditionne son engagement dans des apprentissages. Or il fait souvent défaut aux jeunes porteurs d’une dyspraxie. L'expérience de Jordan montre l'importance de l'estime de soi et de la reconnaissance par le groupe surtout à l'adolescence. La prise de conscience par l’élève de ses difficultés doit s’accompagner de l’identification de stratégies compensatrices et personnelles. On pourrait imaginer un projet inter-displinaire et pourquoi ne pas intégrer ce projet au sein d'un PAI pour favoriser la prise d'autonomie de l'élève et l'estime de soi . Le rôle de l'enseignant est d' accompagner au mieux ces enfants en confiance dans leur scolarité et leur orientation. E) "Références bibliographiques" Jean Michel ALBARET.,« Evaluation psychomotrice des dyspraxies de développement »1995. J-M ALBARET, P-G ZANONE, P. DE CASTELNAU., « Une approche dynamique du trouble d'acquisition de la coordination ». - A.N.A.E, 2000 J-M ALBARET, Carine COUDERC, « Etalonnage du test des bâtonnets chez des enfants de 7 à 11 ans ». - A.N.A.E, 2003 P.DE CASTELNAU, J. BENESTEAU, Y. CHAIX, C. KARSENTY, E. MONSAN, J-M. ALBARET. , « Incapacité d'apprentissage non verbal : à propos d'un cas ». - A.N.A.E, 2003 Amanda KIRBY et Lynne PETERS. , - « 100 idées pour aider les dyspraxiques »- édition Tom pousse – 2010 Michel MAZEAU, Claire LE LOSTEC., « l'enfant dyspraxique et les apprentissages » ElsevierMasson – 2010. Alain LIEURY, Fabien FENOUILLET, « Motivation et réussite scolaire »-2006 Revue « Réadaptation » n°522/juillet/août 2005 » de l’ONISEP Edith Conte, Anne de Sagey-Lecompte, Valérie Traband, Pascale Rosezweig, Laetitia Stephanopoli , « La Dyspraxie Un trouble du « Comment faire ». Alain LIEURY, Fabien FENOUILLET , « Motivation et réussite scolaire »-2006 Nicole DELVOLVE, « Stop à l'échec scolaire »-2010 Albert BANDURA, « Auto-efficacité »-2007 ANNEXE 1 : l'histoire de jordan Dès la rentrée de septembre en 6ème un jeune garçon, Jordan, a retenu toute mon attention. Pendant mon cours (de technologie) il est très agité, dynamique, un besoin intense que l'on s'interresse à lui. Il répond de manière anarchique à mes questions posées à la classe. Au risque de perturber le cours il donne à chaque fois des réponses très perspicaces et intelligentes. Il devient très vite agaçant car son besoin de reconnaissance est intense et étouffe le reste de la classe. Au premier contrôle je suis surprise de constater que c'est la catastrophe. Après discussion avec l'équipe pédagogique, les parents et le médecin scolaire il s'avère que cet enfant est dypraxique avec de grosses difficultés d'apprentissage scolaire depuis le CP. L'équipe pédagogique met en place un PAI : trace écrite pour Jordan et tiers temps pour les contrôles. Jordan a conscience de son trouble, il est plutôt content d'avoir la trace écrite mais fait tout de même l'effort de noter ce qu'il peut du cours, mais son attitude est pertubante. Il n'arrive absolument pas à se concentrer il est en perpetuelle demande d'attention et n'arrive absolument pas à se contrôler. En classe avec 30 élèves, je dois absolument lui faire comprendre qu'il doit rentrer « dans la norme » : lever le doigts pour la prise de parole, rester attentif à ce que je dis. Mais les contrôles de leçons s'enchaînent, et le tiers temps n'y fait rien, il me dit ne pas être capable d'apprendre, et je le crois ! Mais il va se passer une chose incroyable pour Jordan qui va remettre en cause ma manière de concevoir mes séquences pour les enfants dyspraxiques et peut être finalement pour tous mes élèves. Début novembre je monte un club « Rubiks cube » via Inter rubik's qui organise une compétition nationale du fameux cube hongrois. Jordan ,qui est un enfant très curieux, intègre ce club et finalement fait parti des 20 élèves choisis. Il est bon de préciser que ce cube est un casse-tête géométrique à trois dimensions. Jordan ne comprend absolument rien à la réalisation de ce cube mais tout doucement il apprend les gestes. Il me ramène le cube de son grand père, et au fil des semaines je vois sont comportement changer en cours de technologie. Il a le cube dans sa poche et il arrive a avoir enfin son classeur de technologie ordonné dans son sac à chaque cours. Je l'autorise en classe à avoir son cube sur la table et il arrive à se concentrer et à lever le doigt pour prendre la parole. Il arrive à se reprendre lui même lorsqu'il « s'observe » déborder. Les contrôles de leçons demeurent malgré tout difficiles mais je note aujourd'hui (en avril) un réel progrès dans la restitution des notions apprises. Mais plus étonnant, en décembre, devant la pression de la compétition Jordan voyant qu'il n'arrivait pas à avancer aussi vite que les autres pour la réalisation du cube est venu me voir : « - madame, je vais quitter le club parce que je vais vous ralentir et vous faire perdre ! » Je lui est alors expliqué que gagner était un travail d'équipe (on doit pouvoir réaliser 50 cubes en équipe) et qu'il devait persévérer et aider l'équipe et que je comptais sur lui. Aujourd'hui Jordan s'est faire le cube en entier. On peut dire que c’est un véritable exploit et un vrai travail réalisé par jordan quand on sait que la dyspraxie est un trouble de la planification et de la coordination des mouvements qui sont nécessaires pour réaliser une action nouvelle. Aujourd'hui Jordan a automatisé la réalisation de ce cube et rigole lui même quand il essaye d'expliquer comment il fait parce qu'il n'arrive pas à expliquer ses gestes ! Jordan a pris confiance en lui et a réussi une prouesse sociale, tous les élèves du club ne savent pas faire ce cube, il a trouvé une place et se sent valorisé. En cours de technologie il a gagné en confiance et en prise d'initiative. Je lui donne bien sûre la trace écrite adapte les contrôle de connaissance, mais il a gagné en concentration. ANNEXE 2 A IDE MÉMOIRE POUR RÉSOUDRE LE CUBE EN MOINS DE 2 MINUTES ET 8 MOUVEMENTS 16 NOVEMBRE 2011 P REMIÈRE COURONNE La face Blanche est opposée à la face Jaune La face Bleue est opposée à la face Verte La face Rouge est opposée à la face Orange D EUXIÈME COURONNE A comme Avant, H comme Haut, D comme Droite, G comme Gauche, P comme postérieur, B comme Bas. A, H, D, G, P, B désignent un quart de tour dans le sens des aiguilles d’une montre. Ā, H̄ , D̄, Ḡ, P¯, B̄ désignent un quart de tour dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. 1 1 2 2 HD H̄ D̄. H̄ ĀHA H̄ ḠHG . HA H̄ Ā LA CROIX DÉSORDONNÉE 3 2 2 1 A.DH D̄ H̄ . Ā 1 P̄.D̄ H̄DH.P 3 2 3 1 2 2 H D̄H D. H D̄HD L ES COINS ORDONNÉS 5 2 1 6 3 3 4 1 2 3 A. DH D̄ H̄ . Ā ( ) Ḡ. HD H̄ .G . H D̄ H̄ LE FINAL 2 4 1 3 ¯¯ ¯¯ ¯ ¯ ¯ ANNEXE 3