Comprendre les échecs scolaires des dyspraxiques afin d`adapter

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2011-2012 Master 2IDN -"Option Troubles"
Dossier final
Comprendre les échecs scolaires des dyspraxiques afin
d'adapter les apprentissages en technologie.
Sandrine LIRANTE
Professeur certifié de technologie
Enseignante au collège d'Aussonne.
A) La dyspraxie et les apprentissages scolaires
Si dysphasie et dyslexie ont tenu le devant de la scène pendant une longue période pionnière,
les dernières années ont vu se développer les connaissances, les réflexions, les analyses
autour de la dyspraxie.Rappeler aujourd’hui que la dyspraxie se définit comme un trouble
spécifique des apprentissages est particulièrement important, tant dans la compréhension du
trouble que dans les implications pratiques sur le suivi des enfants. La dyspraxie tient
néanmoins une place particulière parmi les troubles spécifiques des apprentissages : le
paradoxe apparent est qu’il s’agit d’un trouble cognitif mais qui s’exprime dans la motricité
fine, le geste, la maîtrise corporelle ; voilà des symptômes avant tout « moteurs » qui
retentissent sur des apprentissages scolaires essentiels comme le graphisme, l’écriture, la
géométrie… alors qu’il n’y a aucune paralysie ou faiblesse de la main !
En outre, l’évolution des idées et la richesse des récents débats font apparaître une grande
complexité voire une certaine confusion dans les concepts abordés. Le rappel de définitions
«officielles » est utile avant d'aborder les implications théorique en classe.
Les troubles du mouvement intentionnel et de la coordination motrice (Albaret, 2000 ;
Corraze, 1999) sont au coeur des troubles psychomoteurs. Depuis très longtemps les
dyspraxies de développement sont décrites suivant des terminologies laissant subsister un
certain nombre d'ambiguïtés. C 'est ainsi que l'on peut rencontrer les termes de “maladresse
anormale” (Orton, 1937), “maladresse congénitale” (Ford, 1960), “dyspraxie de
développement”(Brain, 1961), “apraxie de développement” (Walton et coll, 1962),
“maladresse de développement” (Reuben et Bakwin, 1968), les tableaux “d’agnosie et apraxie
du développement”(Gubbay, 1975), les“dyspraxies-dysgnosies de développement” (Lesny,
1980) et, dernièrement, le trouble d’acquisition des coordinations (DSM IV, 1994) ou le
trouble spécifique du développement moteur (CIM 10, O.M.S. 1992). Cette multiplicité des
appellations souligne bien l’hétérogénéité d’un des principaux troubles psychomoteurs
(Albaret et coll., 1995).
Les dyspraxies de développement se caractérisent par une anomalie du tonus musculaire et
des réflexes. Les travaux de Larkin et Hoare (1992, pour une revue) se sont attachés à
caractériser des anomalies au cours des mouvements. Leur étude porte sur l'analyse
cinématographique de la locomotion chez des enfants dyspraxiques de 5 à 8 ans. Il en résulte
une lenteur, un équilibre dynamique précaire. L'enfant dyspraxique a du mal à concilier et à
coordonner plusieurs degrés de liberté au niveau articulaire. On retrouve à la fois un défaut de
coordination et un manque de force.
En ce qui concerne l’équilibre statique, alors que l’activité EMG diminue avec l’âge chez des
enfants de 4 à 8 ans, ceci ne s’observe pas chez l’enfant maladroit (Williams et coll., 1985). Il
est incapable de maintenir une stabilité posturale permettant de faire face aux modifications
internes ou externes. Il existe certainement un déficit dans l’utilisation des ajustements
posturaux anticipés qui permettent de minimiser les perturbations posturales qui apparaissent
au cours du mouvement (Massion, 1992 et 1993).
On peut donc répertorier 9 particularités des difficultés de coordination motrice de l'enfant
dyspraxique :
• défaut de force et de tonus musculaire qui peut entraîner une mauvaise posture et une
fatigue ;
• manque de coordination entre les deux hémicorps et difficulté à croiser l’axe du
corps comme on peut le constater dans les épreuves main-oeil-oreille de Head (test de PiagetHead in Zazzo, 1972) ;
• difficulté à opérer une rotation du torse et à maintenir l’équilibre ;
• gêne dans des tâches motrices non familières et hésitation dans leur exécution car le
sujet a besoin de penser à chaque mouvement (défaut d’anticipation) ;
• déficit concernant la direction, la localisation et les notions de temps, compréhension
difficile des notions telles que haut-bas, devant-derrière, gauche-droite, avant-après, ce qui
amène de l’insécurité lors de l’effection de mouvements ;
• difficulté dans l’apprentissage d’activités complexes comme s’habiller
ou monter à bicyclette ;
• tendance à confondre ses mains ;
• défaut de coordination entre les yeux et le corps et notamment incoordination
oculomanuelle avec utilisation inefficace des informations visuelles et difficulté consécutive à
lancer, attraper une balle, enfiler des perles ;
• mauvais contrôle de la motricité fine avec difficulté graphomotrices (tenue du
crayon, dessin, coloriage, tracé, copie).
Ces différentes particularités sont atteintes à des degrés divers chez l'enfant dyspraxique, les
épreuves chronométrées font apparaître la lenteur dans l'exécution des tâches aussi bien au
cours de la passation des épreuves psychomotrices que de l'évaluation des capacités
intellectuelles. Cette lenteur se retrouve sur des épreuves graphomotrices due pour certains au
problème d'incoordination motrice.
Les caractéristiques de développement s'apparentent aux apraxies acquises suite à une lésion.
On identifie l'apraxie idéomotrice, la désorganisation peut revêtir deux formes (Poeck, 1993)
: “un déficit dans la sélection des éléments constitutifs d’un mouvement” ou “un déficit de
l’organisation séquentielle de ces éléments”. Le trouble porte sur des gestes simples et
apparaît, au cours de l’examen, dans l’exécution de gestes sur commande verbale ou
sur imitation de ceux de l’observateur. L’apraxie idéatoire se fait par manipulation
d’objets multiples ou isolés (De Renzi, Lucchelli, 1988) : allumer une bougie, ouvrir et fermer
un cadenas, ouvrir une bouteille d’eau avec un décapsuleur et verser de l’eau dans un verre,
préparer une lettre pour la poster, préparer une tasse de café.
Il est également identifié l’apraxie constructive ou visuoconstructive. Celle-ci est définie
par Kleist (in Benton, 1989) comme une perturbation dans des activités telles que assembler,
construire et dessiner. La forme spatiale de la réalisation ne peut être obtenue sans erreur. Ces
enfants ont des troubles de l'orientation spatiale et de l'organisation conceptuelle d'une
séquence.
Ces enfants se retrouvent dans l'incapacité d'appréhender correctement la double tâche
puisqu'ils sont confrontés à un trouble de l'organisation. Ils doivent parallèlement coordonner
lenteur, imprécision et manque de fluidité pour réaliser la tâche complexe préalablement
demandée.
On repère d'autres apraxies comme la dyspraxies de l'habillage que l'on repère surtout dans les
activités de boutonnage et de laçage.
Une rééducation en psychomotricité est nécessaire après un bilan. La rééducation est longue
puisqu'il va s'agir de mettre en place des stratégies d'apprentissage pour passer outre le déficit
de modélisation interne et le défaut d'intégrité du transfert inter-hémisphérique. Cette
rééducation sera faite dans le respect de l'exécution contrôlée pour rééduquer le déficit de
contrôle de la force musculaire.
La perturbation interfère de façon significative avec la réussite scolaire ou les activités de la
vie courante. On comprend alors que la méconnaissance de ces caractéristiques par le monde
enseignant a un impact dévastateur sur le devenir des enfants qui eux sont conscients de leur
différences . Ces enfants dyspraxiques sont encore très mal reconnus dans le système éducatif,
ils font l'objet d'un « packaging » DYS. Les enseignants ne savent pas très bien comment agir
avec ses enfants les classant effectivement très souvent dans “maladresse anormale” (Orton,
1937), voir même « débilité motrice » (Dupré, 1927).
Reconnaître la dyspraxie comme un trouble spécifique des apprentissages constitue un
énorme progrès pour des enfants qui n'étaient pas identifiés auparavant. De multiple questions
restent encore à éclaircir, tant dans les définitions et les aspects théoriques que dans l'approche
diagnostique et le partenariat pédagogie-thérapeutique.
Quelle que soit la définition retenue et les nuances sémiologiques et physiopathologiques
apportées, reconnaître la dyspraxie comme un trouble spécifique des apprentissages implique
un certain nombre de points. Enoncer un diagnostic de dyspraxie, trouble spécifique des
apprentissages, modifie le regard porté sur l’enfant :
- Regard de l’enfant lui-même qui jusqu’alors ne comprenait pas la cause de ses
échecs répétés malgré ses efforts sort enfin du tunnel incompréhensible et met enfin des mots
sur ses déficiences. Les explications fournies, adaptées à l’âge, sont souvent un
premier pas vers une reprise de confiance en soi, une revalorisation de l’estime de soi.
- Regard porté par sa famille qui se sent plus éclairée pour adapter exigences
éducatives et aides spécifiques. Avec l'angoisse des résultats des tests, un apaisement s'installe
dans la cellule familiale : enfin le diagnostique permet de comprendre et de ne plus s'acharner
sur l'enfant et l'incompréhension de ses échecs.
- Regard porté par la communauté scolaire pour qui l’enfant apparaissait paresseux ou
opposant.
Le caractère « spécifique » du trouble s’oppose clairement au diagnostic de déficience
mentale ou de retard global de développement et chacun est donc plus attentif aux
compétences préservées.
Reconnaître qu’un enfant dyspraxique présente un trouble spécifique des apprentissages
constitue un défi pour les professionnels de l’éducation . Il s’agit bien d’un enfant avec un
potentiel d’apprentissage parfaitement normal dans certains domaines et dont les échecs
tiennent peut-être en grande partie aux « façons d’enseigner » habituellement proposées et qui
ne lui sont pas adaptées.
Il est illusoire et dangereux de prescrire des « recettes » qui seraient efficaces dans « la »
dyspraxie. L’analyse fine évoquée plus haut doit se confronter aux observations des
enseignants pour discuter des effets de la rééducation, de l’intérêt réel des dispositifs proposés
(adaptations matérielles, pédagogie différenciée).
Il n’y a pas « une » dyspraxie mais des enfants dyspraxiques aux difficultés et compétences
différentes.
De nombreuses associations voient le jour, dont la DMF (Dyspraxique mais Fantastique)qui a
été créée le 10 mai 2003, qui militent pour alerter les pouvoirs publics afin que la dyspraxie
soit reconnue comme handicap à part entière. Il est bon de rappeler qu'en France,
l'enseignement public obligatoire vise à construire un accès égal aux chances.
B) Comment aider un élève dyspraxique dans la réalisation d'une tâche complexe en
technologie
L'objectif, en matière de Dys-, c'est de permettre à l'enfant, en dépit de son trouble, de faire
des apprentissages (et si possible une scolarité) qui lui offre un épanouissement personnel,
puis ultérieurement une inscription sociale et professionnelle satisfaisante.
C'est de l'évaluation du handicap scolaire dont doit dépendre l'aide à la scolarisation : les
moyens déployés, tant en rééducation individuelle qu'en situation scolaire, dépendent
étroitement des objectifs visés.
Très schématiquement nous pouvons distinguer quatre grands types de pronostics scolaires,
selon qu'une scolarité longue peut - ou non – être envisagée :
- scolarité longue (et si possible diplômante)
- classe spécialisée (CLIS ou UPI)
- scolarité courte (brevet, SEGPA)
Devant ces enfants dyspraxiques nous, enseignants, sommes très souvent pris au dépourvu.
Nous avons déjà beaucoup de mal à les identifier et prévenir la famille d'un éventuel handicap
de ce type. Quand tel est le cas on se heurte très souvent à l'ignorance des familles concernant
la dyspraxie. L'orientation vers un bilan psychomoteur est très souvent mal vécu par la famille
et très peu réalisé car contrairement au bilan orthophonique, le bilan psychomoteur n'est pas
pris en charge ( 1H30 à 2H00 de test et environ 140 euros).
Lorsque la dyspraxie est repérée et pris en charge en tant que handicap auprès de la MDPH
c'est le corps enseignant qui n'est pas formé à l'intégration de ces enfants. On ne sait pas
réellement quoi mettre en place pour les aider à progresser vers leur objectif d'orientation.
En effet, il est indispensable pour la scolarité de ces jeunes dyspraxiques d'adapter les
différents supports, inexploitables du fait de leurs difficultés spécifiques (praxiques et
visuospatiales) afin de leur permettre de réaliser leurs acquisitions scolaires dans les mêmes
délais que leurs camarades mais avec des supports (d'apprentissage, de contrôle et d'examen)
accessibles.
Des compétences transversales sont identifiées comme étant importante à la progression de
l'élève : la lecture, l'écriture et l'orthographe.
D'une façon générale, ce qui perturbe l'enfant dyspraxique, ce n'est pas le fond, c'est-à-dire le
contenu pédagogique de ces matières, mais plutôt la forme, c'est à dire la présentation et la
manière dont ces matières sont abordées. Les aides proposées doivent toujours prendre place
dans une stratégie globale de simplification et de clarification de tous les écrits, car cela
constitue le premier et le principal des allègements visuels.
Dans le cadre de la tâche complexe il faut limiter au maximum le nombre de document afin
de réduire la quantité de lecture. L'objectif essentiel est de donner à l'enfant la possibilité de
s'emparer du contenu de manière fiable et rapide afin qu'il puisse se mettre en position
d'apprendre, de réfléchir et produire le travail demandé. Ceci afin de limiter la fatigabilité dû
au handicap neurovisuel.
Il faut limiter au maximum les manipulations et donner des photocopies grands formats de
bonne qualité afin de facilité le repérage de l'enfant et leur proposer le sur-lignage en couleur
des informations importantes.
Leur fournir des documents respectant le même format de présentation tout au long de l'année
pour faciliter le repérage par l'enfant ( si possible dans toutes les matières et quelles que soient
les activités).
Mais tous ces aménagements ne sont qu'une aide primaire et ne permettent pas (suivant
l'enfant) à appréhender la résolution d'une tâche complexe en technologie. Dans « l'enfant
dyspraxique et les apprentissages »(Michel MAZEAU, Claire LE LOSTEC-2010), il est
proposé page 159 des grilles de supports pédagogiques qui pourraient permettre à l'enseignant
une approche clinique et didactique de l'apprentissage de ces enfants. Ces grilles permettent
de mettre à disposition de tous les intervenants les renseignements concernant les interactions
entre handicap et scolarité, surtout lorsque ces dernières ne sont pas évidentes. Ces grilles
permettraient à l'enseignant de pointer directement les difficultés de l'enfant liés à son
handicap pour une activité donnée (lecture de tableau, synthèse de plusieurs activités,
manipulation d'objet et classification des matériaux sont autant de tâches complexes posant
des difficultés en technologie). Effectivement utiliser, interpréter ou construire un schéma fait
appel au figuratif, au spatial. Les élèves dyspraxiques sont donc très gênés, avec quelques fois
des difficultés supplémentaires en fonction des graphies utilisées sur le schéma.
Il est bon de noter que la majorité des enfants dyspraxiques parvient à écrire, parfois même
avec une plus jolie écriture que d’autres enfants de la même classe. Il faut ensemble analyser
au prix de quelle lenteur, de quelle consommation de ressources attentionnelles, de quelle
fatigue en fin de journée cet exploit est possible. Quel en est aussi le plaisir et la fierté de
l’enfant ; ou de son enseignant ?
C’est dans cette réflexion, cette remise en cause de nos certitudes, ces échanges permanents
que l’on se pose les bonnes questions ? Que devons nous, enseignants, exiger de ces enfants ?
Sommes nous réellement conscients de leur difficultés ? Devant tant d'acharnement et de
volonté de la part de ces enfants, il nous semble très souvent que tout soit possible et que l'on
doive exiger le maximum, mais sommes nous vraiment conscient du prix de leurs efforts ?
C) Etude de données
Après l'analyse précédente nous convenons qu'il existe autant de dyspraxies que d'enfant
dyspraxiques, et nous, enseignants, sommes très déstabilisés dans nos classes pour mettre en
place une aide individualisée. On sait que ces enfants sont très perturbés par la double tâche, il
faut leur alléger au maximum les consignes, leur expliquer oralement et leur permettre
(lorsque cela est possible) de répondre oralement aux questions posées .
Il est préconisé de leur donner la trace écrite et j'ai voulu essayer en classe l'utilisation de
l'ordinateur pour ces enfants en remplacement de la feuille de papier et du stylo.Ceci afin de
les rendre plus actif. Je me suis rendu compte que cet outil est inadapté à des enfants de
collège pour une utilisation de ce type. Les enfants perdent énormément de temps sur le
clavier et ne sont plus du tout attentif à ce qui se dit dans la classe. Ils sont de nouveau exclu
du groupe.
Je suis donc revenu à un cours classique avec distribution de la trace écrite et surligneur pour
l'élève. Le travail devient donc « apprendre à repérer » le vocabulaire ou les phrases
importantes pour les surligner. L'enfant a tendance à surligner tout son document. Je me suis
rendu compte de la lassitude de cet enfant à suivre le cours, il avait besoin d'être démonstratif
et pendant ce temps le cours n'avançait pas,on s'occupait de lui en répondant à ses
interrogations qui parfois n'avaient absolument rien à voir avec ce que je disais précisément.
Je me suis souvent senti démuni face à ces enfants, n'arrivant pas toujours à comprendre leur
handicap. Parfois une notion que l'on croyait acquise d'un seul coup, ne sachant pour quelle
raison apparente, ne l'était plus ! Je devais donc ré-expliquer jusqu'à ce que de nouveau
l'enfant retrouve le sens de cette notion. Finalement que devons nous mettre en place dans nos
classes ?
L'enfant dyspraxique a un véritable manque de confiance en soi. Très intelligent il connaît les
les étapes lui permettant d'atteindre l'objectif demandé par le professeur, il possède la volonté
et l'énergie pour y arriver mais malheureusement il n’obtient pas les résultats escomptés.
Ces enfants ont donc toujours le sentiment de ne jamais être sûre d'y arriver, ils ont très
souvent l'angoisse de se tromper. On comprend donc la nécessité d'un petit coup de pouce de
l'enseignant pour redonner confiance ! Ces enfants ont un véritable besoin d'estime de soi.
Pour réussir, pour prendre des risques, pour apprendre tout simplement ,ils ont besoin de
penser qu'ils peuvent réussir plutôt que d'imaginer qu'ils vont une nouvelle fois se tromper.
L'enseignant doit pouvoir mettre chaque élève en situation de réussite afin de lui permettre
d'échouer en confiance.
C'est ainsi que plusieurs théories de la motivation « tournent autour » de ce concept avec des
mots variés : Murray parle d' « estime de soi », Deci et Ryan, de « compétence perçue »,
Nicholls reprend le terme d' « ego ».
La motivation de l'enfant va véritablement dépendre de la valorisation d'un savoir faire de cet
enfant. L'enfant dyspraxique (voir le cas de Jordan cité en annexe 1) que l'on valorisera
socialement fera accroître sa motivation et poussera très loin les limites de ses possibilités.
L'enfant dyspraxique conscient de ses difficultés (il sait ce qu'il faut faire, fait, mais n’atteint
pas son but) peut s'épuiser s'il n'est pas récompensé affectivement. Le cas de Jordan est
époustouflant ! Comment un enfant dyspraxique qui n'arrivait pas à schématiser sur une
feuille A3 le principe de fonctionnement du vélo (cf annxe3) peut-il réaliser un casse-tête
complexe en trois dimensions (voir fiche de réalisation en annexe 2) ?
Le cube a été pour Jordan un fabuleux moyen pour lui redonner confiance . En effet le cube,
de par sa complexité, impressionne beaucoup de personne lorsque l'on sait le faire. J'ai pu
remarqué que beaucoup d'enfants perdent patience, s'agacent et ne prennent pas le temps de
comprendre. Les enfants dyspraxiques sont intelligents et malgré des troubles visuo-spatiales
ils arrivent à mettre en place des stratégies de compensation : ici apprendre par cœur des
formules suivant la configuration du cube. Réaliser le cube devient alors un jeu
d'observation : au début très compliqué pour un dyspraxique (comme lors de la réalisation
d'un puzzle), mais les configurations du cube sont finalement très vite identifiables lorsque
l'on pratique régulièrement et les formules très vite mémorisables. C'est ce qu'explique Albert
Bandura, inventeur du concept d'apprentissage vicariant, c'est à dire en observant le
comportement des autres et les conséquences qui en résultent pour eux. Le fait de pouvoir
apprendre par observation rend en effet les individus capables d'acquérir des comportements
ou des savoir-faire sans avoir à les élaborer graduellement par un processus d'essais et
d'erreurs. Observer les autres en train de faire permet d'estimer si on peut faire soi-même.
C'est ce que A.Bandura (2007) appelle le sentiment d'auto-efficacité.
Dans le cadre de ma discipline, la technologie, le cube m'a permis de capter l'attention de
Jordan. La réussite dans ce club lui a donné confiance et lui permet une vrai prise d'autonomie
en cours. Il est beaucoup plus attentif. Il fait partie d'un équipe dans laquelle il a trouvé sa
place et finalement il trouve aussi sa place en classe. Lors de séance d'informatique c'est un
enfant qui ira volontier aider un camarade même s'il a beaucoup de mal à expliquer
simplement ce qu'il faut faire.
Après ces quelques expériences personnelles et les données récentes sur la dyspraxie je
m'interroge sur l'aide réelle à apporter à ces enfants atteints de ce trouble et pouvant très
rapidement « tomber» dans l'échec scolaire?
D) Perspectives
En technologie, dès les tout premiers apprentissages, les prises d’informations visuelles et
l’habileté gestuelle sont sollicitées et les enfants dyspraxiques sont en difficulté. Suivant les
cas, différents types d’adaptation sont envisageables : faciliter la prise d’informations visuelle
(en leur donnant des objets techniques simples), favoriser la prise d’informations par d’autres
canaux (maquette didactiques informatiques et interractives- Logiciel JEULIN), pallier la
maladresse et la lenteur d’exécution (leur fournir des schémas à compléter plutôt qu'un dessin
à réaliser sur un système de fonctionnement), inciter à d’autres stratégies que celles qui
s’appuient sur la perception, en mobilisant notamment le raisonnement et l’abstraction. Toutes
ces actions ont déjà été énoncées précédemment, comme leur donner la trace écrite, leur
apprendre l'usage du stabilo et éviter les documents trop chargés en information.....
Le sentiment de sa valeur propre permet à l’enfant un “ investissement légitime de soi comme
sujet capable de penser, de créer, de désirer ” (A. Birraux,1992, p. 151). Il conditionne son
engagement dans des apprentissages. Or il fait souvent défaut aux jeunes porteurs d’une
dyspraxie. L'expérience de Jordan montre l'importance de l'estime de soi et de la
reconnaissance par le groupe surtout à l'adolescence. La prise de conscience par l’élève de ses
difficultés doit s’accompagner de l’identification de stratégies compensatrices et personnelles.
On pourrait imaginer un projet inter-displinaire et pourquoi ne pas intégrer ce projet au sein
d'un PAI pour favoriser la prise d'autonomie de l'élève et l'estime de soi . Le rôle de
l'enseignant est d' accompagner au mieux ces enfants en confiance dans leur scolarité et leur
orientation.
E) "Références bibliographiques"
Jean Michel ALBARET.,« Evaluation psychomotrice des dyspraxies de développement »1995.
J-M ALBARET, P-G ZANONE, P. DE CASTELNAU., « Une approche dynamique du
trouble d'acquisition de la coordination ». - A.N.A.E, 2000
J-M ALBARET, Carine COUDERC, « Etalonnage du test des bâtonnets chez des enfants
de 7 à 11 ans ». - A.N.A.E, 2003
P.DE CASTELNAU, J. BENESTEAU, Y. CHAIX, C. KARSENTY, E. MONSAN, J-M.
ALBARET. , « Incapacité d'apprentissage non verbal : à propos d'un cas ». - A.N.A.E, 2003
Amanda KIRBY et Lynne PETERS. , - « 100 idées pour aider les dyspraxiques »- édition
Tom pousse – 2010
Michel MAZEAU, Claire LE LOSTEC., « l'enfant dyspraxique et les apprentissages » ElsevierMasson – 2010.
Alain LIEURY, Fabien FENOUILLET, « Motivation et réussite scolaire »-2006
Revue « Réadaptation » n°522/juillet/août 2005 » de l’ONISEP
Edith Conte, Anne de Sagey-Lecompte, Valérie Traband, Pascale Rosezweig,
Laetitia Stephanopoli , « La Dyspraxie Un trouble du « Comment faire ».
Alain LIEURY, Fabien FENOUILLET , « Motivation et réussite scolaire »-2006
Nicole DELVOLVE, « Stop à l'échec scolaire »-2010
Albert BANDURA, « Auto-efficacité »-2007
ANNEXE 1 : l'histoire de jordan
Dès la rentrée de septembre en 6ème un jeune garçon, Jordan, a retenu toute mon attention.
Pendant mon cours (de technologie) il est très agité, dynamique, un besoin intense que l'on
s'interresse à lui. Il répond de manière anarchique à mes questions posées à la classe. Au
risque de perturber le cours il donne à chaque fois des réponses très perspicaces et
intelligentes. Il devient très vite agaçant car son besoin de reconnaissance est intense et
étouffe le reste de la classe. Au premier contrôle je suis surprise de constater que c'est la
catastrophe. Après discussion avec l'équipe pédagogique, les parents et le médecin scolaire il
s'avère que cet enfant est dypraxique avec de grosses difficultés d'apprentissage scolaire
depuis le CP. L'équipe pédagogique met en place un PAI : trace écrite pour Jordan et tiers
temps pour les contrôles. Jordan a conscience de son trouble, il est plutôt content d'avoir la
trace écrite mais fait tout de même l'effort de noter ce qu'il peut du cours, mais son attitude est
pertubante. Il n'arrive absolument pas à se concentrer il est en perpetuelle demande d'attention
et n'arrive absolument pas à se contrôler. En classe avec 30 élèves, je dois absolument lui faire
comprendre qu'il doit rentrer « dans la norme » : lever le doigts pour la prise de parole, rester
attentif à ce que je dis. Mais les contrôles de leçons s'enchaînent, et le tiers temps n'y fait rien,
il me dit ne pas être capable d'apprendre, et je le crois ! Mais il va se passer une chose
incroyable pour Jordan qui va remettre en cause ma manière de concevoir mes séquences pour
les enfants dyspraxiques et peut être finalement pour tous mes élèves.
Début novembre je monte un club « Rubiks cube » via Inter rubik's qui organise une
compétition nationale du fameux cube hongrois. Jordan ,qui est un enfant très curieux, intègre
ce club et finalement fait parti des 20 élèves choisis. Il est bon de préciser que ce cube est un
casse-tête géométrique à trois dimensions. Jordan ne comprend absolument rien à la
réalisation de ce cube mais tout doucement il apprend les gestes. Il me ramène le cube de son
grand père, et au fil des semaines je vois sont comportement changer en cours de technologie.
Il a le cube dans sa poche et il arrive a avoir enfin son classeur de technologie ordonné dans
son sac à chaque cours. Je l'autorise en classe à avoir son cube sur la table et il arrive à se
concentrer et à lever le doigt pour prendre la parole. Il arrive à se reprendre lui même lorsqu'il
« s'observe » déborder. Les contrôles de leçons demeurent malgré tout difficiles mais je note
aujourd'hui (en avril) un réel progrès dans la restitution des notions apprises.
Mais plus étonnant, en décembre, devant la pression de la compétition Jordan voyant qu'il
n'arrivait pas à avancer aussi vite que les autres pour la réalisation du cube est venu me voir :
« - madame, je vais quitter le club parce que je vais vous ralentir et vous faire perdre ! »
Je lui est alors expliqué que gagner était un travail d'équipe (on doit pouvoir réaliser 50 cubes
en équipe) et qu'il devait persévérer et aider l'équipe et que je comptais sur lui. Aujourd'hui
Jordan s'est faire le cube en entier. On peut dire que c’est un véritable exploit et un vrai
travail réalisé par jordan quand on sait que la dyspraxie est un trouble de la planification et de
la coordination des mouvements qui sont nécessaires pour réaliser une action nouvelle.
Aujourd'hui Jordan a automatisé la réalisation de ce cube et rigole lui même quand il essaye
d'expliquer comment il fait parce qu'il n'arrive pas à expliquer ses gestes !
Jordan a pris confiance en lui et a réussi une prouesse sociale, tous les élèves du club ne
savent pas faire ce cube, il a trouvé une place et se sent valorisé. En cours de technologie il a
gagné en confiance et en prise d'initiative. Je lui donne bien sûre la trace écrite adapte les
contrôle de connaissance, mais il a gagné en concentration.
ANNEXE 2
A IDE
MÉMOIRE POUR RÉSOUDRE LE CUBE EN MOINS DE
2 MINUTES
ET
8
MOUVEMENTS
16 NOVEMBRE 2011
P REMIÈRE COURONNE
La face Blanche est opposée à la face Jaune
La face Bleue est opposée à la face Verte
La face Rouge est opposée à la face Orange
D EUXIÈME COURONNE
A comme Avant, H comme Haut, D comme Droite, G comme Gauche, P comme postérieur, B comme Bas.
A, H, D, G, P, B désignent un quart de tour dans le sens des aiguilles d’une montre.
Ā, H̄ , D̄, Ḡ, P¯, B̄ désignent un quart de tour dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
1
1
2
2
HD H̄ D̄. H̄ ĀHA
H̄ ḠHG . HA H̄ Ā
LA
CROIX DÉSORDONNÉE
3
2
2
1
A.DH D̄ H̄ . Ā
1
P̄.D̄ H̄DH.P
3
2
3
1
2
2
H D̄H D. H D̄HD
L ES COINS ORDONNÉS
5
2
1
6
3
3
4
1
2
3
A. DH D̄ H̄ . Ā
(
)
Ḡ. HD H̄ .G . H D̄ H̄
LE
FINAL
2
4
1
3
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ANNEXE 3
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