les déboires ou les applications mal maîtrisées que le concept
d’« industrie industrialisante » – au croisement du concept de pôle de
croissance de Perroux et du tableau d’échanges interindustriels de
Leontief – avait pu générer. Nous avons pu constater cette « empreinte
bernisienne » à l’occasion de plusieurs missions effectuées en Algérie
durant la décennie des années soixante-dix, notamment pour le
concours d’agrégation organisé par ce pays pour recruter ses profes-
seurs d’université en sciences économiques et de gestion, concours que
présidait – naturellement – de Bernis et auquel il avait bien voulu m’as-
socier.
Entre-temps, j’étais en effet devenu un collègue, qui plus est en
ayant préparé aussi ma thèse à l’ISEA. Même si les échanges directs
entre Perroux et Bernis s’étaient un peu distendus, nous avions, via la
section « Économie» du CNRS, de fréquentes relations avec l’IREP
Grenoble créé par Bernis et qui était devenu l’un des plus importants
laboratoires de France dans ce champ disciplinaire. L’IREP et ses cher-
cheurs ont par la suite joué un rôle majeur dans le mouvement qui, au
cours de la décennie soixante-dix, a vu la constitution et la structura-
tion en France de l’économie industrielle : créations de l’ADEFI, des
rencontres de Chantilly, d’un Groupement CNRS, de la Revue d’éco-
nomie industrielle, initiatives françaises se situant en continuité des
impulsions données par les Perroux, Byé, Bartoli, Bernis... et qui pré-
figuraient l’émergence d’une « école française de la régulation », com-
munauté composite dont l’équipe grenobloise, liée à Bernis et ses col-
lègues et élèves, a constitué une branche essentielle.
Deux derniers témoignages-souvenirs pour terminer ce bref hom-
mage rétrospectif :
L’un concerne son attachement à la région méditerranéenne et plus
particulièrement à l’Algérie. Durant la décennie quatre-vingt dix, à la
suite du déchaînement de violences qui ont secoué ce pays et après
l’assassinat de maints intellectuels algériens (dont des élèves et amis
de Bernis), nous avions pris l’initiative de monter, à partir de l’IAM
Montpellier, un programme d’appui à des collègues en difficulté
(bourses, université d’été). Parmi les nombreux concours dont nous
avons bénéficié, j’ai eu le plaisir de compter les collègues grenoblois
(ainsi pour l’accueil du regretté Hamid Ait Amara).
L’autre concerne l’ISMEA et la revue Économies et Sociétés. Ber-
nis, succédant à Perroux, a permis d’assurer la pérennité de cette véné-
rable institution et de cette non moins estimable revue qui fêtera dans
quelques années son millième numéro, ce qui constituera – et de loin –
le plus imposant gisement de publications dans le champ scientifique