Durkheim et le suicide (Roger Establet et Christian Baudelot, édition

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Durkheim et le suicide (Roger Establet et Christian Baudelot, édition PUF,
philosophies, 8ème édition 2011, 1ère édition : 1984)
Dans l'introduction, les deux auteurs expliquent l'importance du travail de Durkheim sur le suicide
dans son livre Le suicide dans les sciences sociales. Ils en décrivent brièvement le contenu en le présentant
en quatre points. Ils expliquent enfin en quoi va consister leur lecture de l’œuvre de Durkheim dans ce
domaine, notamment en testant la validité des tendances mises à jour par Durkheim. Enfin, le plan, dont
est organisé le livre, est annoncé à la fin de l'introduction. Celui-ci est divisé en quatre grandes parties.
Dans leur première partie, Christian Baudelot et Roger Establet expliquent qu'il faut saisir la
théorie de Durkheim à travers les tableaux qu'il a réalisé, et qui se trouvent dans leur livre. Le début du
chapitre rappelle d'abord que Durkheim n'avait pour moyen d'estimer le suicide que l'arithmétique. Trois
tableaux sont présentés. Pour le premier, qui présente la constance du suicide en France en valeur absolu
et en moyenne, les auteurs expliquent l'utilité des statistiques pour montrer que le suicide est un fait social,
et non pas un cas individuel pour les causes qu'on invoque. Il s'agit dans le contexte d'une multiplication
des statistiques au cours du vingtième siècle, de garder à l'esprit les facultés durkheimiennes d'étonnement.
Le taux de suicide est ensuite défini comme un phénomène complexe et régulier, complexe et prévisible.
Les premières comptabilisations du suicide du dix-neuvième siècle avaient déjà révélé des régularités des
effectifs globaux du suicide. Les régularités mises au jour par Durkheim sont aussi présentées, comme
celle du suicide et de l'âge. L'ensemble de ces régularités montrent que le suicide est un fait social. Les
deux auteurs énoncent ensuite quelques phénomènes pouvant être inclus dans la définition de Durkheim,
et précise que cette définition est exclusif, ce qui amène un paradoxe car certains des faits se déroulant
dans la socié ne sont pas nécessairement des faits sociaux et objets d'étude pour la sociologie. La
définition durkheimienne du fait social semble en désaccord avec la prévisibilité et la régularité que
présentent en réalité ces faits sociaux. Mais c'est parce que la société modèle par différentes contraintes les
comportements individuels que la trace sur l'appareil statistique en est si peu capricieuse. D'où la nécessité
d'utiliser les statistiques. Ensuite, les deux auteurs vont une explication sur le taux de suicide féminin du
mercredi et présente un exercice que le lecteur peut réaliser. Cet exercice est de répartir les différents
départements français selon leur taux de suicide en trois catégories différentes. Le deuxième tableau
présente le taux de suicide des hommes et des femmes selon l'âge, leur état civil et leur lieu de résidence.
Roger Establet et Christian Baudelot analysent ce tableau en présentant d'abord les causes souvent
invoquées pour expliquer le suicide et qui sont réfutées par Durkheim. encore, les statistiques sont
nécessaires pour pouvoir éliminer les facteurs d'hétérogénéité afin de mettre en évidence des corrélations
entre le taux de suicide et d'autres variables, dans ce cas la famille. Les deux auteurs expliquent alors la
composition du tableau et mettent en évidence quatre types de relations : le suicide et l'âge, le suicide et
l'état civil, le suicide et le sexe, le suicide et le lieu de résidence. Cela amène à penser que la famille
protège du suicide, par les liens forts que celle-ci créé entre les différents membres la composant. La
famille fournit ainsi à Durkheim un modèle réduit de la société dans son ensemble. Après ces relations
mises en évidence, le passage présente un extrait du livre de Durkheim sur le suicide, sur les relations
entre des variables sociales et le suicide. Un second exercice est ensuite donné au lecteur sur le calcul des
coefficients de préservation au suicide des hommes et des femmes selon le lieu de résidence et l'âge, avec
en plus une précision sur la manière de calculer ce coefficient. Le troisième tableau servant à l'explication
de Durkheim qui est présenté est celui qui montre les rapports entre le taux de suicide et le nombre de
divorces suivant les pays. Avec ce tableau, les deux auteurs proposent aux lecteurs un troisième exercice
ayant rapport avec ce tableau. Ensuite, ils présentent les explications de Durkheim, notamment sur le lien
entre nombre de divorces et taux de suicide des mariés, avec les concepts de régulation et d'anomie. Mais
ils montrent aussi qu'il existe un problème avec les effets différents exercés par l'anomie conjugale sur
l'homme et la femme. Deux passages du livre de Durkheim sont alors utilisés dans le chapitre, révélant un
manquement de Durkheim à son principe d'étude du social par le social. Roger Establet et Christian
Baudelot expliquent cette situation par le fait que Durkheim fut confronté à une contradiction importante
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qui est que « le desserre ment des contraintes traditionnelles ne rend pas les sociétés plus lumineuses, ni
les individus plus épanouis ». A la page 43 est montré le tableau de la catégorisation des départements
selon leur taux de suicide tel qu'il aurait été fait pour le premier exercice. Les deux pages suivantes
terminent le chapitre et présentent le corrigé des exercices un et trois.
La deuxième partie commence par la présentation des sources statistiques qui sont de deux types.
Certaines, comme les séries de météorologie, sont incontestées. D'autres,comme la délinquance ou le
suicide, sont plus contestées, à cause des possibles sous- ou sur-déclaration des populations. Mais les
problèmes techniques dissimulent des enjeux de fond, de nature politique par exemple pour les immigrés.
Mais la question se pose sur le suicide. Les deux auteurs expliquent que « s'attaquer aux chiffres du
suicide pour s'en prendre à Durkheim n'est pas un mauvais », car les statistiques sont cœur de la sociologie
durkheimienne du suicide et le principal outil de l'analyse. Ils décrivent ensuite les différentes raisons
d'utiliser les chiffres du suicide, notamment le peu de prise directe que le phénomène offre à l'observation
directe ou à l'entretien. D'autre part, les statistique permettent de présenter le suicide comme un fait social
et non comme un événement psychologique individuel. Cependant, l'usage des statistique pose la question
de leur fiabilité ou si elles cachent une dissimulation, et de leur homogénéité selon les régions et les pays.
Or, sur ce point, ces questions ont souvent été tranchées et Durkheim, ainsi que d'autres sociologues qui le
suivront, semblent accorder du crédit aux séries statistiques qu'ils ont étudiées, même si elles sont de
sources différentes et que les nombres absolus sous-estiment l'ampleur du phénomène. Mais les
détracteurs de Durkheim n'avancent pas plus de preuves empiriques à leurs critiques que Durkheim n'en
avançait pour justifier sa confiance dans les statistiques. L'une des critiques les plus systématiques à la
vision durkheimienne du suicide est celle du sociologue américain D.Douglas. Pour lui, il n'y a pas de
définition universelle du suicide, et les écarts peuvent être importants entre les approches théoriques des
sociologues et les données statistiques. Par ailleurs, il s'agirait d'un phénomène dont il est difficile de tenir
une comptabilité exacte à cause d'une dissimulation plus ou moins importante selon les groupes sociaux et
les moyens matériels, liées à des raisons morales. Enfin, les différentes sources statistiques ne coïncident
pas entre elles. Pour examiner ces critiques, les deux auteurs rappellent et décrivent la définition
durkheimienne du suicide. Ils donnent aussi une critique de cette théorie sur le fait qu'il existe un écart
entre la théorie et ce que montre l'expérience, liée à la manière dont les institutions concernées par le
phénomène le conçoivent. En outre, les personnes travaillant dans ces institutions, lorsqu'ils ont affaire à
des morts suspectes, ont davantage la loi en tête que les notions de Durkheim. L'enjeu est aussi juridique
et judiciaire. Néanmoins, malgré les limites de l'application de la définition durkheimienne du suicide, le
phénomène est plus facilement définissable et mesurable par les statistiques, au contraire par exemple de
la linquance. En effet, alors que les données sur la criminalité sont à la fois biaies et partielles, celles
du suicide comptabilisent l'ensemble des cas de suicides, même si certains peuvent être mal catégorisés.
Le paradoxe vient du fait que les chiffres du suicide passent facilement auprès du public au contraire de
ceux du suicide. Revenant aux critiques de Doublas sur le fossé existant entre le suicide théorique et le
suicide enregistré, Roger Establet et Christian Baudelot expliquent que les données enregistrées sur le
suicide, sont en fait des « compétences différentielles à le dissimuler » (page 57). Ces critiques sont bien
accueillies car elles reproduisent sous une forme savante et articulée l'ensemble des opinions forgées par
chacun sur la question. Néanmoins, elles sont moins fondées sur les faits qu'il n'y paraît. En effet, elles
supposeraient l'existence d'un consensus entre les institutions et les familles concernées sur cette
dissimulation de certains suicides à l'échelle nationale, voire internationale. Or, étant donné les régularités
statistiques sur le suicide mises en évidence, il faudrait admettre que l'ensemble des valeurs liées au
suicide, au statut de la femme, à la richesse et aux statistiques soient les mêmes d'une époque à une autre,
d'un pays à un autre. En fait, il n'est pas si facile de cacher un mort et les circonstances de son décès,
notamment dans le cas d'un suicide. Les deux auteurs décrivent alors les différentes types de procédures
administratives pour constater le décès. Le « circuit normal » débute avec l'officier civil, continue avec les
médecins et se termine avec l'INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche médicale).
Lorsque le médecin est confronté à un cas de mort violente, les autorités de police ou de gendarmerie se
chargent d'enquêter sur les circonstances de la mort. Si l'enquête conclut que la mort est exclusif de tout
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prolongement judiciaire », le circuit normal reprend. Dans le cas inverse, l'enquête de police est
approfondie, avec une autopsie pratiquée sur le corps à l’Institut médico-légal qui établira le diagnostic
final destiné aux autorités judiciaires. Les deux auteurs expliquent que toutes ces « circuits », notamment
ceux concernant les cas de morts suspectes, sont possibles en France grâce à l'article 81, qui permet de
déterminer les causes d'un décès violent dans certaines situations. D'autre part, les procédures
administratives rendent impossible toute dissimulation de suicide, quelles que soient les circonstances.
Certes, c'est une affaire privée, mais le constat du décès est public. En outre, les données statistiques
présentées par les deux auteurs juste après dans la page 62, montrent que l'idée d'une dissimulation de
suicides n'est pas très solide car les données sur le suicide sont très importantes. Par ailleurs, l'affirmation
des détracteurs de Durkheim selon laquelle la propension à dissimuler le suicide accroît avec la
réprobation du phénomène, est invalidée par des exemples données par les deux auteurs, notamment le
taux de suicide important en Bretagne pourtant majoritairement catholique, et la faible proportion de
suicidés dans le Midi qui avait été influencée par les éthiques protestantes, franc-maçonne et laïque.
Ensuite, une autre des critiques portés à la portée de la pensée durkheimienne sur le suicide est que
l’élévation du taux de suicide vient de l'amélioration technique des moyens d'enregistrement. Or, c'est
l'inverse qui s'est produit, c'est-à-dire une stagnation, voire une régression de ces taux. Les régularités
mises en évidence dans l'étude du suicide seraient biaisées. Les deux auteurs raisonnent cette critique et
mettent en avant le fait que la dissimulation est avant tout celle des causes de la mort. Or, en mettant en
évidence des données statistiques, celles des noyades de 1976 et des empoissonnements médicaux, ils
montrent que l'idée de la dissimulation des suicides de femmes est exagérée. Ils en concluent que la
dissimulation du suicide est un phénomène à l'ampleur limitée et que les biais qu'elle imprime sont bien
évidents qu'on pouvait le supposer à première vue. La dernière critique pouvant être adressée aux sources
statistiques du suicide sont qu'elles ne donnent pas la même estimation. Les deux auteurs présentent alors
les deux principales sources de mesures du suicide que sont les Causes dicales de Décès et
l'administration de la justice criminelle. Ils expliquent ensuite les différences pouvant exister entre les
deux types de recensement du suicide, notamment les causes des différences importantes existantes entre
1906 et 1961, liés au fait que la justice criminelle, à la différence des Causes Médicales de Décès,
comptabilisait jusqu'en 1961 à la fois les suicides réussis et manqués. Néanmoins, la différence est par la
suite assez faible. Cependant, des différences importantes entre les deux sources de comptage sont décrits
peu après. Certaines de ces écarts, notamment celles au niveau national, sont défavorables pour les
données de l'administration judiciaire, alors que d'autres au niveau local le sont pour les Causes Médicales
de Décès. Roger Establet et Christian Baudelot expliquent ces différences par le fait que certains des
suicides comptabilisés par l'administration judiciaire ne sont pas transmis à l'état civil. Cependant, il est
impossible d'additionner les deux sources, car d'une part certains des suicides comptabilisés par la justice
se retrouvent dans les comptes de l'INSERM. D'autre part, la gendarmerie et la police ne comptabilisent de
la même manière les suicides à cause de leurs attributions territoriales et leur conduite professionnelle de
ce fait. Cela implique une proportion de suicides comptabilisés plus importante dans les campagnes que
dans les villes. La notion de dissimulation ne saurait donc tenir compte dans ces conditions de toutes les
déperditions de l'enregistrement, ici dues au fonctionnement de l'administration. La solution pour corriger
les écarts serait d'obtenir à terme des Instituts médico-légaux qu'ils transmettent à l'INSERM les résultats
de leurs examens. Les deux auteurs mentionnent alors deux comptages de redressements statistiques
réalisés en 1978 à Paris et en 1980 à Lyon. Les données obtenues dans ces régions fortement urbanisées
montrent que les taux de suicide calculés ont été multipliés par deux. De manière globale, le nombre de
suicide a augmenté de 25%, sans modifier les écarts entre sexe, âge, et catégories sociales urbaines. Les
deux auteurs, de leurs précédentes analyses sur l'origine du sous-enregistrement des suicides, en déduisent
deux éléments importants. D'abord, corriger les données et construire des tableaux ayant trait au suicide en
France qui neutralisent les effets du sous-enregistrement. La seconde conclusion est qu'il faut faire une
comparaison des relations entre suicide et contexte social observé avant la correction et après, qui ici
montre que les différentes relations mises en évidence par Durkheim sont maintenues. Par conséquent, le
sous-enregistrement n'affecte pas la nature et le sens des distributions du suicide. Ce qui change, c'est le
niveau des suicides enregistrés d'un appareil statistique à un autre. « Tel aujourd'hui l'état des données
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statistiques ayant trait au suicide » (page 73). Les deux auteurs concluent donc sur les statistiques ayant
trait au suicide, en affirmant que le sous-enregistrement est d'abord lié à des problèmes techniques
surmontables. En attendant, « on est contraint de composer avec les données existantes », ce qui empêche
des comparaisons internationales, car cet exercice est assez périlleux à réaliser. En effet, chaque pays et
chaque époque a son propre système d'enregistrement qui évoluent et s'améliorent selon des rythmes
différents. Tenter des comparaisons serait faire de la spéculation. En revanche, il existe effectivement des
régularités se retrouvant dans la plupart des pays, des époques et des sources statistiques. Il s'agit des
variations du suicide selon l'âge, le sexe, l'état matrimonial et dans une certaine mesure, la catégorie
sociale. Enfin, il existe un ensemble de phénomènes et de variations méritant d'être étudiées avec
circonspection, notamment celles sur l'augmentation des suicides lors des crises ou de la montée du
suicide des jeunes.
Dans leur troisième partie, les deux auteurs considèrent les représentations qu'on a du suicide et le
rapport qu'il y avoir ou pas avec le suicide comme fait social. Du coup, c'est l'occasion de comprendre ce
que Durkheim appelait la prénotion d'un fait social observé de façon objective. De manière générale, les
citoyens ne connaissent le suicide non pas par les statistiques, mais l'expérience directe, la lecture des
journaux, la littérature et l'histoire. D'abord, les deux auteurs expliquent que l'expérience directe du suicide
est limitée et socialement déformée pour deux raisons. D'abord, la comptabilité intuitive du suicide est
souvent faussée par sa charge affective. La deuxième raison est que la généralisation est impossible à
partir des cas directement observés par chacun parce que « la vie sociale est trop segmenté pour que
l'environnement suicidaire d'une personne puisse être un échantillon socialement représentatif ». Ensuite,
avant la mise en place d'une comptabilité systématique du suicide en 1826 par la justice, trop peu de
personnes dans la population savait l'ampleur du phénomène ni sa contribution à la mortalité. Seuls les cas
célèbres dans l'histoire parvenaient à la connaissance, comme les suicides d'Hannibal, de Brutus ou de
Pichegru. Mais l'histoire donne une vision déformante du suicide lié au fait que l'histoire événementielle
attribue à tous les événements de la vie d'une personnalité un cadre mythologique d'ensemble. Quant à la
presse, elle donne une image partielle et biaisée du suicide en passant quasiment sous silence l'ensemble, à
l'exception des cas particuliers liés au mode de perpétration, les caractéristiques sociales de la victime ou
par la futilité apparente de la cause. Mais cette réticence et la différence entre le suicide du quotidien et les
suicides quotidiens peuvent être expliqués par les conditions de travail du journaliste. D'abord, par son
importance, le suicide ne pourrait être narré dans le cimetière imprimé car étant une mort individuelle, elle
devrait être expliquée avec la même précision que les autres types de morts, ce qui occuperait une part
importante des journaux. Ensuite, le suicide est un événement banal, sauf à quelques exceptions, compa
à l'homicide. De plus, l'homicide révolte le journaliste et ses lecteurs, alors que le suicide inquiète parce
que le suicidé « refuse de jouer la partie du jeu social ». Seul le suicide d'exception est présenté, et sa
visibilité extrême finit par masquer le suicide normal. Roger Establet et Christian Baudelot expliquent que
le citoyen par les rares moyens précédemment énoncés de connaître le suicide, ne peut que se faire du
phénomène qu'une représentation particulière. Aux pages 80 et 81, ils donnent des exemples de suicides
énoncés dans le journal qui sont plutôt atypiques par leur déroulement. Enfin, ils expliquent le rôle de la
littérature dans la vision du suicide. Ils présentent comme exemple le cas du suicide improbable d'Emma
Bovary, parce qu'elle cumulait tous les facteurs de préservations du suicide défini par Durkheim. Mais
Flaubert n'avait rien inventé ; il s'était inspiré d'un fait divers. La plupart des suicides littéraires partagent
avec celui d'Emma Bovary son haut degré d'improbabilité. Il s'agit donc de suicides d'exception. De la part
d'auteurs comme Goethe ou Musset, ce n'est guère surprenant car aucun de ces auteurs ne cherchaient à
rivaliser avec l'état civil. En revanche, Zola ou Flaubert qui sont les « champions du réalisme et du
naturalisme »(page 83), cherchant à décrire le plus précisément possible le suicide, décrivent des suicides
qui se produiraient le moins suivant les critères définis par Durkheim. Cela amène à reconsidérer le
réalisme sous un jour nouveau car ses objectifs se confondent avec ceux de la sociologie. Mais il ne suffit
pas de reconstituer un événement réel avec une fidélité maniaque et un profond respect du détail pour
parvenir à un tableau fidèle et représentatif des mœurs d'une société. Ainsi, dans le cas de Flaubert, en
prenant la partie pour le tout dans le cas de Madame Bovary, Flaubert aurait commis une erreur en
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retenant un échantillon non représentatif de la la réalité. En revanche, d'autres auteurs, moins soucieux en
apparence de respecter la matérialité des faits ayant réellement existé, aboutissent à des descriptions plus
conformes à la distribution réelle du suicide. Suit alors l'exemple de La Comédie Humaine de Balzac ou
les Contes de Maupassant. Les deux auteurs concluent sur le fait que les écrivains les plus imaginatifs sont
ceux qui retrouvent en recréant leur univers parallèle les régularités du suicide, au contraire des auteurs
plus soucieux de réalisme.
Dans leur dernière grande partie, les deux auteurs analysent la validité de l'analyse durkheimienne
plus de cent ans après la parution du Suicide. Les deux auteurs présentent tous les données auquel il faut
faire très attention, comme la fiabilité des sources ou les effets de structure. Un siècle après la parution des
travaux de Durkheim sur le suicide, les phénomènes observés ont connu des évolutions diverses. Christian
Baudelot et Roger Establet analysent d'abord ceux ayant connu des évolutions. Ils commencent d'abord
avec les villes et les campagnes en présentant un tableau comparatif de 1975 du taux de suicide en
fonction de la taille de l'agglomération et de l'âge. Après avoir donné des éléments poussant à la prudence,
les deux auteurs mettent en avant le fait que le taux de suicide est à son maximum en zone rurale et à son
minimum à Paris. Il y a donc eu une inversion du rapport entre la fin du dix-neuvième siècle et
aujourd'hui. De même, l'étude du tableau 10 sur le taux de suicide selon l'âge et la catégorie
socioprofessionnelle montre une inversion du rapport de ce taux de suicide vis-à-vis de ces catégories par
rapport à la fin du dix-neuvième siècle, lorsque Durkheim disait que la « misère protège ». Ensuite, les
deux auteurs étudient les évolutions du taux de suicide selon les régions, en précisant que les deux cartes
utilisées pour la comparaison ne sont pas rigoureusement semblables. La comparaison de ces deux cartes
et une troisième servant de montrer les évolutions du taux de suicide des régions selon l'évolution de leur
rang par catégorie met en évidence cinq éléments. Le premier est le maintien d'une opposition entre le
Nord de la France et le Sud. Le second révèle un recul du suicide dans les départements urbains et riches,
comme ceux d’Île-de-France. Il existe aussi un maintien de taux de suicide élevés dans le Nord-Est et en
Normandie. Enfin, il y a une progression du suicide en Bretagne et dans les départements du Centre. Ces
différentes évolutions sont liées soit à l'attractivité des régions, soit aux professions présentes dans ces
départements. Les deux auteurs concluent sur ces évolutions qu'elles permettent d'enrichir dans un sens
culturel l'explication donnée par Durkheim en terme d'intégration. Le régime du suicide n'a évolué que
dans la mesure les valeurs sociales ont évolué. Le modèle culturaliste présenté collerait assez bien et
aux données produites par Durkheim et aux statistiques actuelles. Les deux auteurs analysent ensuite ce
qui a été le cœur de l'explication durkheimienne : la famille. Ils mettent d'abord en évidence le fait que
quel que soient les données, les faits les plus robustes sont ceux qui mettaient en évidence le fait, comme
Durkheim l'a compris, que considérer le suicide comme fait social revenait à faire une microsociologie de
la famille. Les mêmes résultats sont observés aujourd'hui comme au dix-neuvième siècle. Les deux
auteurs se posent alors la question d'intégrer dans cette explication microsociologique le sexe et l'âge,
puisque que l'état matrimonial et ces deux autres variables agissent sur le suicide de manière très régulière
et universelle. Ils reformulent alors une explication unique tirée de Durkheim selon laquelle un individu
est protégé du suicide en fonction du nombre et de la profondeur de ses relations qu'il noue avec son
milieu familial. Ainsi, la différence entre les hommes et les femmes serait liée au fait que les hommes de
manière générale est souvent rattaché aux gens de sa génération et ont donc plus de risques à la solitude,
alors que la femme assure souvent la continuité intergénérationnelle. A la page 103, une figure met en
évidence les tendances récentes du taux de suicide chez les hommes et chez les femmes. Après avoir
expliqué brièvement la raison de considérer l'impact de la variable du sexe des individus sur le suicide
comme fait social, Roger Establet et Christian Baudelot décrivent la raison d'inclure l'âge dans
l'explication microsociologique. D'abord, ils expliquent que grâce aux études du vingtième siècle, les
sociologues comme eux savent que l'âge est non seulement une réalité physiologique ou psychologique
mais est aussi une résultante de facteurs sociaux. Résumant une expérience pédagogique sur une
explication de la vieillesse comme diminution de la personne dans sa situation suivant la catégorie. Cette
explication est démentie par les données du suicide. L'échec de l'explication serait liée au fait que les
personnes âgées n'ont pas la même « quantité d'existence » que les jeunes et auraient plus de facilià le
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