Marc%Thomassey.%HK3%______________________________________________________________%201252013%
prolongement judiciaire », le circuit normal reprend. Dans le cas inverse, l'enquête de police est
approfondie, avec une autopsie pratiquée sur le corps à l’Institut médico-légal qui établira le diagnostic
final destiné aux autorités judiciaires. Les deux auteurs expliquent que toutes ces « circuits », notamment
ceux concernant les cas de morts suspectes, sont possibles en France grâce à l'article 81, qui permet de
déterminer les causes d'un décès violent dans certaines situations. D'autre part, les procédures
administratives rendent impossible toute dissimulation de suicide, quelles que soient les circonstances.
Certes, c'est une affaire privée, mais le constat du décès est public. En outre, les données statistiques
présentées par les deux auteurs juste après dans la page 62, montrent que l'idée d'une dissimulation de
suicides n'est pas très solide car les données sur le suicide sont très importantes. Par ailleurs, l'affirmation
des détracteurs de Durkheim selon laquelle la propension à dissimuler le suicide accroît avec la
réprobation du phénomène, est invalidée par des exemples données par les deux auteurs, notamment le
taux de suicide important en Bretagne pourtant majoritairement catholique, et la faible proportion de
suicidés dans le Midi qui avait été influencée par les éthiques protestantes, franc-maçonne et laïque.
Ensuite, une autre des critiques portés à la portée de la pensée durkheimienne sur le suicide est que
l’élévation du taux de suicide vient de l'amélioration technique des moyens d'enregistrement. Or, c'est
l'inverse qui s'est produit, c'est-à-dire une stagnation, voire une régression de ces taux. Les régularités
mises en évidence dans l'étude du suicide seraient biaisées. Les deux auteurs raisonnent cette critique et
mettent en avant le fait que la dissimulation est avant tout celle des causes de la mort. Or, en mettant en
évidence des données statistiques, celles des noyades de 1976 et des empoissonnements médicaux, ils
montrent que l'idée de la dissimulation des suicides de femmes est exagérée. Ils en concluent que la
dissimulation du suicide est un phénomène à l'ampleur limitée et que les biais qu'elle imprime sont bien
évidents qu'on pouvait le supposer à première vue. La dernière critique pouvant être adressée aux sources
statistiques du suicide sont qu'elles ne donnent pas la même estimation. Les deux auteurs présentent alors
les deux principales sources de mesures du suicide que sont les Causes Médicales de Décès et
l'administration de la justice criminelle. Ils expliquent ensuite les différences pouvant exister entre les
deux types de recensement du suicide, notamment les causes des différences importantes existantes entre
1906 et 1961, liés au fait que la justice criminelle, à la différence des Causes Médicales de Décès,
comptabilisait jusqu'en 1961 à la fois les suicides réussis et manqués. Néanmoins, la différence est par la
suite assez faible. Cependant, des différences importantes entre les deux sources de comptage sont décrits
peu après. Certaines de ces écarts, notamment celles au niveau national, sont défavorables pour les
données de l'administration judiciaire, alors que d'autres au niveau local le sont pour les Causes Médicales
de Décès. Roger Establet et Christian Baudelot expliquent ces différences par le fait que certains des
suicides comptabilisés par l'administration judiciaire ne sont pas transmis à l'état civil. Cependant, il est
impossible d'additionner les deux sources, car d'une part certains des suicides comptabilisés par la justice
se retrouvent dans les comptes de l'INSERM. D'autre part, la gendarmerie et la police ne comptabilisent de
la même manière les suicides à cause de leurs attributions territoriales et leur conduite professionnelle de
ce fait. Cela implique une proportion de suicides comptabilisés plus importante dans les campagnes que
dans les villes. La notion de dissimulation ne saurait donc tenir compte dans ces conditions de toutes les
déperditions de l'enregistrement, ici dues au fonctionnement de l'administration. La solution pour corriger
les écarts serait d'obtenir à terme des Instituts médico-légaux qu'ils transmettent à l'INSERM les résultats
de leurs examens. Les deux auteurs mentionnent alors deux comptages de redressements statistiques
réalisés en 1978 à Paris et en 1980 à Lyon. Les données obtenues dans ces régions fortement urbanisées
montrent que les taux de suicide calculés ont été multipliés par deux. De manière globale, le nombre de
suicide a augmenté de 25%, sans modifier les écarts entre sexe, âge, et catégories sociales urbaines. Les
deux auteurs, de leurs précédentes analyses sur l'origine du sous-enregistrement des suicides, en déduisent
deux éléments importants. D'abord, corriger les données et construire des tableaux ayant trait au suicide en
France qui neutralisent les effets du sous-enregistrement. La seconde conclusion est qu'il faut faire une
comparaison des relations entre suicide et contexte social observé avant la correction et après, qui ici
montre que les différentes relations mises en évidence par Durkheim sont maintenues. Par conséquent, le
sous-enregistrement n'affecte pas la nature et le sens des distributions du suicide. Ce qui change, c'est le
niveau des suicides enregistrés d'un appareil statistique à un autre. « Tel aujourd'hui l'état des données