indications et resultats des reparations isthmiques

Article original
INDICATIONS ET RESULTATS DES REPARATIONS
ISTHMIQUES LOMBAIRES CHEZ L’ADULTE
T. David
Unité de chirurgie du rachis
Polyclinique de Bois Bernard, 62320 Bois Bernard
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Ilest admis que la lyse isthmique lombaire est une
fracture de fatigue (11,22) favorisée par des
conditions anatomiques particulières de la char-
nière lombosacrée (dysplasie de l’arc postérieur de L5,
spina occulta, incidence élevée) et par des contraintes
professionnelles ou sportives en hyperlordose. Cette
fracture peut donc aussi survenir à l’âge adulte et si
elle est bilatérale, entrainer un déplacement de L5 vers
l’avant ou spondylolisthésis d’importance le plus sou-
vent modéré, contrairement à l’enfant en croissance,
étant donné l’absence de déformation du sacrum. Elle
touche donc souvent les travailleurs de force ou les
grands sportifs, peut rester longtemps asymptoma-
tique mais peut aussi entrainer des lombalgies voire
des sciatalgies invalidantes et parfois rebelles aux trai-
tements conservateurs.
Les spondylolisthésis par lyse isthmique lombaire
chez l’adulte s’accompagnent le plus souvent de dégé-
nerescence discale avec pincement plus ou moins
importants qui peuvent aggraver la compression radi-
culaire ; le glissement est plus souvent modéré grade I
ou II maximum de Meyerding avec angle lombosacré
élevé et sacrum horizontal. Ceci les distingue des lyses
de l’enfance, où la fracture et l’instabilité peuvent
entrainer des déformations en dôme du sacrum cartila-
gineux avec cyphose lombo-sacrée permettant les glis-
sements très importants jusqu’à la spondyloptose.
Nous ne parlerons pas des grandes déformations dans
cet article, la réparation de la fracture est très difficile
et ne corrige pas la cyphose. Néanmoins, un exemple
récent d’une jeune fille de 11 ans suivie jusqu’en fin
de croissance avec un spondylolisthésis de L5 par lyse
de grade II, une amorce de cyphose lombosacrée avec
sacrum déformé et une double discopathie L4/L5
L5/S1 prouvée à l’IRM, fait réfléchir…
En effet, à la demande expresse de sa maman qui refu-
sait l’arthrodèse à 2 niveaux, il fut réalisé une répara-
tion de la fracture avec instrumentation et on a consta-
té en fin de croissance une reconstitution du sacrum
avec suppression de tout glissement vers l’avant et
disparition de la cyphose lombo-sacrée. Cette jeune
fille mène une vie normale et aborde l’âge adulte sans
arthrodèse à 2 étages, ce que tout les chirurgiens
consultés à l’époque voulaient lui réaliser avec ou sans
correction. Cette observation très intéressante, présen-
tée récemment au GES de NICE, nous interpelle sur
plusieurs points : la déformation du sacrum en dôme et
la cyphose lombo-sacrée pourraient être une consé-
quence de la fracture et de l’instabilité chez un enfant
en croissance avec un angle lombosacré élevé (>90°),
elle serait réversible si on répare la fracture à ce stade
et ceci a été constaté aussi par J. Dubousset après trai-
tement orthopédique. On peut légitimement se deman-
der si la réparation isthmique des fractures de l’enfant
faite de façon précoce dans les formes jugées évoluti-
ves ne pourrait pas supprimer définitivement les glis-
sements importants ?
INDICATIONS DES
REPARATIONS ISTHMIQUES
CHEZ L’ADULTE
L’indication chirurgicale chez l’adulte ne se pose qu’a-
près échec du traitement conservateur bien conduit :
limitation ou arrêt des activités lordosantes, traitement
anti-inflammatoire et décontracturant, rééducation en
musculation et assouplissement favorisant la délordo-
se lombaire voire immobilisation temporaire de la
charnière lombo-sacrée.
Les patients qui relèvent de la chirurgie sont non seu-
lement lombalgiques chroniques avec des douleurs de
type mécanique en extension mais aussi sciatalgiques
selon un trajet radiculaire le plus souvent incomplet,la
racine étant irritée au contact de la lyse par le tissu fib-
reux plus ou moins calcifié de la pseudarthrose. Une
hernie discale est toujours possible et modifie alors le
type et le trajet radiculaire, soit hernie modérée du
niveau sus jacent à la lyse, soit hernie ascendante fora-
minale du niveau sous jacent aggravant dans les deux
cas la compression de la racine au contact de la lyse.
Le bilan radiographique pré opératoire doit comporter
des clichés grand format du rachis debout de face et de
profil en charge avec les têtes fémorales, des clichés
centrés standards et dynamiques de la charnière
lombo-sacrée, un scanner lombaire spiralé analysant la
zone de pseudarthrose atrophique ou hypertrophique
et surtout une IRM qui étudie l’état des disques adja-
cents à la lyse.
En cas de dégénérescence discale autour de la zone de
lyse la très grande majorité des chirurgiens recomman-
dent chez l’adulte une fusion vertébrale incluant tous
les disques dégénérés parfois même un disque normal
L5/S1, sous une lyse L5 si L4L5 est dégénéré !
Pourquoi une chirurgie aussi extensive,chez des sujets
souvent jeunes et actifs ?
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T. David
La déformation du plan sagittal étant minime chez l’a-
dulte, on doit essentiellement traiter la symptomatolo-
gie du patient et non ses radiographies. Le problème
est de connaître du mieux possible l’origine de la dou-
leur. On sait par des études histologiques du tissu de la
lyse (7, 17) que celui-ci est innervé et peut être respon-
sable de douleurs lombaires. Par ailleurs la dégénéres-
cence discale bien que très commune chez l’adulte de
plus de 35 ans peut, elle aussi, être responsable des
lombalgies. C’est cet argument qui fait imposer chez
la plupart des auteurs comme seul traitement chirurgi-
cal des spondylolisthésis par lyse de l’adulte, l’arthro-
dèse plus ou moins étendue incluant tous les disques
dégénérés. Mais comment expliquer que de nombreux
adultes, dont je fais partie, ont un ou plusieurs disques
dégénérés au niveau lombaire et sont indemmes de
toute lombalgie ? …
Ceci rejoint les conclusions de Schlenska et Cok (18),
dans leur article comparant les résultats des réparation
isthmiques à ceux des arthrodèses courtes dans les
spondylolyses ou les spondylolisthésis à faible dépla-
cement de l’adulte jeune : “il n’y a aucune relation
entre le résultat final et l’existence ou non d’une dégé-
nérescence discale”. Par contre ils restent très modérés
dans leurs conclusions, car ils ne recommandent la
réparation que chez les sujets de moins de 25 ans, alors
que la dégénérescence discale est beaucoup plus fré-
quente et asymptomatique après 35 ans !
Depuis 1990, j’ai essayé de limiter les indications
d’arthrodèse dans les spondylolisthésis lytiques de l’a-
dulte. J’ai commencé à réparer les fractures isth-
miques chez les patients lombalgiques anciens mais
modérés qui présentaient une sciatique aigue par her-
nie discale d’un niveau adjacent à la lyse, radiculalgie
sévère rebelle au traitement médical et imposant la
chirurgie. Le résultat fut bon sur la sciatique après cure
de la hernie mais surtout excellent sur la lombalgie
ancienne ce qui a fait progressivement pousser plus
loin les indications de réparation.
Pour schématiser les indications actuelles, prenons le
cas d’un spondylolisthésis de L5 par lyse de grade I de
Meyerding. Le patient peut être lombalgique prédomi-
nant ou sciatalgique. Si la sciatique est aigue avec tra-
jet radiculaire précis, en rapport avec une hernie dis-
cale, l’indication de réparation isthmique associée au
geste de libération radiculaire avec cure de la hernie
dépend du siège de celle-ci à l’IRM. Il faut réparer
l’isthme en cas de hernie médiane et latérale L4L5 et
de hernie foraminale ascendante L5S1 car le geste de
libération radiculaire L5 vaaugmenter l’instabilité et
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INDICATIONS ET RESULTATS DES REPARATIONS ISTHMIQUES LOMBAIRES CHEZ L’ADULTE
le tissu fibreux de la zone de lyse et à nouveau com-
primer la racine à plus ou moins long terme. Par cont-
re en cas de hernie L5S1 latérale ou migrée en bas
chez un sujet peu lombalgique avant, il ne faut faire
qu’une libération radiculaire sans réparation isthmique
associée.
Plus complexe est le cas du sujet lombalgique chro-
nique avec sciatalgie modérée sans trajet radiculaire
précis. Il faut essayer de connaître l’origine de la dou-
leur : en plus du bilan radiographique pré-cité, deux
examens aident au diagnostic : l’infiltration sous sco-
pie ou scanner de la zone de lyse isthmique avec anes-
thésique et corticoides et la ou les discographies. La
valeur pronostique de l’infiltration a déjà décrite (20),
elle n’est positive que si le sujet est soulagé complète-
ment même pour une durée limitée de sa lombalgie et
de ses radiculalgies.
Dans notre expérience, elle est pratiquée en première
intention si des arguments cliniques (douleur non dis-
cale, travailleur de force ou grand sportif) ou radiogra-
phiques (dégénérescence discale étendue à l’IRM)
font à priori préférer un traitement chirurgical répara-
teur à une arthrodèse extensive. En cas de soulagement
complet mais non durable, l’indication de réparation
isthmique s’impose à l’arthrodèse. De même en cas de
dégénérescence L4-L5 avec disque L5S1 normal, il
faut éviter de pratiquer une arthrodèse L4 sacrum,
réaliser la réparation de première intention en négli-
geant la discopathie si l’infiltration est positive. Dans
deux cas seulement une prothèse discale L4-L5 fut
nécessaire en complèment à la réparation ou avant
celle-ci chez deux jeunes femmes : l’une de 23 ans
opérée pour sciatique aigue d’une hernie discale L4-
L5 par voie postérieure associée à une réparation isth-
mique, présente des lombalgies invalidantes avec blo-
cages à répétition dans les suites, la discographie L4-
L5 est très positive et elle ne fut soulagée qu’après
remplacement prothétique (Figure 1). L’autre présen-
tait une lyse L4, avec instabilité majeure en spondylo-
listhésis sur les clichés dynamiques, à l’IRM une dis-
copathie type Modic I des plateaux vertébraux adja-
cents. Après discographie - test très positif, il fut déci-
dé d’implanter une prothèse discale L4-L5 en négli-
geant la lyse mais la lombo-sciatalgie récidivant, un an
après elle ne fut soulagée qu’après réparation isth-
mique de la fracture L4. Ces deux jeunes femmes qui
sont très actives mènent près de 5 ans après leur chi-
rurgie “réparatrice” une vie normale qu’elles n’au-
raient sans doute pas eu après arthrodèse à deux
étages.
Le cas le plus difficile à trancher entre réparation de la
lyse et arthrodèse à 1 étage est la discopathie isolée
L5-S1 sous une lyse L5. En effet dans ces cas les
arthrodèses donnent généralement de bons résultats
cliniques. Il faut là encore rechercher l’origine de la
lombalgie et commencer par une discographie test L5-
S1 : si celle-ci est douloureuse, déclenchant la douleur
habituelle l’arthrodèse est indiquée, dans le cas
contraire après infiltration test de la lyse, si celle-ci est
positive, on pourra se “contenter” d’une réparation
isthmique de L5 avec de grandes chances de succès
même en cas de pincement discal sévère.
Après plus de dix années d’expérience des réparations
Figure 1 : Jeune femme de 23 ans. Spondylolyse connue de L5,
lombalgies chroniques modérée. Sciatique aiguë L5 droite par hernie
discale prouvée. Chirurgie de cure de hernie discale avec réparation
isthmique dans le même temps. Bon résultat sur la sciatique mais
lombalgies résiduelles importantes avec blocages lombaires
àrépétition. Discographie L4-L5 très positive avec reproduction de la
douleur habituelle. Décision chirurgicale de prothèse discale L4-L5
SB Charité. Radiographies face et profil de contrôle 1 an après la
réparation et 6 mois après prothèse. Bon résultat clinique.
T. David
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isthmiques des spondylolisthésis de l’adulte, c’est
maintenant 90% des patients opérés qui bénéficient
d’une réparation isthmique quel que soit leur âge (la
plus âgée à 68 ans) et jusqu’au grade II inclus de
Meyerding. (Figure 2).
TECHNIQUE DE REPARATION
ISTHMIQUE
La réparation est réalisée par voie postérieure, sous
anesthésie générale en position ventrale avec liberté
abdominale la plus complète possible.
Pour exposer une fracture isthmique de L5, la plus fré-
quente, il faut comme l’a décrit René Louis (12) résé-
quer de chaque côté la moitié inférieure de l’articulai-
re inférieure de L4, souvent trop longue. On peut alors
nettoyer la zone de pseudarthrose très oblique et plus
ou moins large, en décortiquer les bords et la combler
avec de l’os cortico-spongieux issu de l’arthrectomie
partielle si l’écart est faible ou prélevé sur la crête
iliaque par décollement si l’espace entre les fragments
est important. Dans tous les cas même si le patient
n’est que lombalgique, il faut libérer la racine sus
jacente à la lyse (L5 dans l’exemple), en incisant le
ligament jaune de chaque côté et en visualisant la raci-
ne sous son pédicule souvent après avoir enlevé le
Figure2:Contrôle radiographique à 18 mois post-opératoire d’une réparation isthmique de L5 sur spondylolisthesis grade II avec discopathie
isolée L5-S1 non douloureuse à la discographie. Comblement de la zone de pseudarthrose par greffons iliaques. Matériel en place, consolidation
acquise de la lyse. Très bon résultat clinique avec reprise de ses activités normales de lingère.
tissu de pseudarthrose plus ou moins ossifié, célèbres
nodules de Gill. En effet si on ne le fait pas, après avoir
comblé la zone par des greffons, on peut augmenter la
compression sur une racine et avoir une sciatique en
post opératoire.
Comme pour toutes les pseudarthroses en orthopédie,
il faut essayer de placer cette greffe en compression
avec une instrumentation. Quelle instrumentation uti-
liser ? La première décrite dans la littérature fut le vis-
sage direct de Buck en 1970 (4), les résultats ont été
analysés avec du recul dans des articles plus récents (2,
23) avec comme reproche principal le taux de pseu-
darthrose avec risque de fracture de la vis qui,de par
son passage à travers le foyer, limite la surface de gref-
fe. Une fixation entre les transverses et l’arc postérieur
par serrage de fils d’acier fut décrite par Nicol et Scott
(13) analysée ou modifiée par la suite (3, 9) mais de
réalisation difficile chez l’adulte car la transverse lom-
baire est souvent fragile. Plus récemment fut décrite
l’instrumentation de Morscher (Synthes®)entre une
vis à la base de l’articulaire de L5 et un crochet sous
la lame avec effet de compression de la fracture par un
ressort. Ce système est intéressant chez l’enfant car
peu encombrant mais pas assez solide chez l’adulte (1,
10). Nous l’avons utilisé pour 39 patients entre 1990 et
1994, avec de bons résultats initiaux mais 5 cas de
pseudarthrose, surtout un recul du matériel à long
terme du fait de la traction permanente du ressortsur
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INDICATIONS ET RESULTATS DES REPARATIONS ISTHMIQUES LOMBAIRES CHEZ L’ADULTE
Figure 3 : Controle radiographique à 3 ans post-opératoire d’une réparation isthmique de L5 sus spondylolyse sans glissement avec disque L5-S1
de bonne hauteur, en début de dégénérescence. Bonne consolidation. Bon résultat clinique.
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