POLITIQUE DE L’AMC L’EUTHANASIE ET L’AIDE AU SUICIDE (MISE À JOUR 2014) Ce document remplace deux politiques antérieures, L’aide médicale à la mort (1995) et l’euthanasie et l’aide au suicide (1998). Au sens du présent document, l’euthanasie et l’aide au suicide doivent se distinguer de l’inexécution ou du retrait d’interventions médicales inappropriées, futiles ou indésirées, ainsi que de la prestation de soins palliatifs humanitaires, même lorsque ces pratiques abrègent la vie. L’AMC n’appuie ni l’euthanasie ni l’aide au suicide. Elle exhorte ses membres à adhérer aux principes des soins palliatifs. L'énoncé de politique qui suit définit l’euthanasie et l’aide au suicide, donne le contexte de la question et énonce les principes déontologiques fondamentaux ainsi que les préoccupations des médecins relativement à la légalisation de l’euthanasie et de l’aide au suicide. Définitions concernant les soins de fin de vie : On parle d’aide médicale à mourir dans une situation où un médecin participe intentionnellement à la mort d’un patient, soit en administrant lui-même une substance, soit en fournissant les moyens qui permettront à un patient de s’auto-administrer une substance, qui entraînera la mort. Euthanasie veut dire poser un acte sciemment et intentionnellement, avec ou sans consentement, dans le but explicite de mettre fin à la vie d’une autre personne, dans les circonstances suivantes : la personne en cause est atteinte d’une maladie incurable; l’intermédiaire est au courant de l’état de la personne, pose un acte dont le but premier est de mettre fin à la vie de cette personne et pose l’acte avec empathie et compassion et n’en tire aucun avantage personnel. L’expression aide médicale au suicide signifie qu’un médecin, sciemment et intentionnellement, fournit à une personne les connaissances et(ou) les moyens nécessaires pour mettre fin à sa propre vie, notamment en lui donnant des conseils au sujet de doses mortelles de médicaments, en lui fournissant l’ordonnance nécessaire pour obtenir les doses mortelles en question ou en lui fournissant les médicaments. On considère souvent que l’euthanasie et l’aide médicale au suicide s’équivalent sur le plan moral, même s’il existe clairement entre les deux une distinction sur le plan pratique de même que devant la loi. L’expression « sédation palliative » s’entend de l’utilisation de médicaments sédatifs chez un patient atteint d’une maladie en phase terminale, dans l’intention de soulager la souffrance et de © 2014 Association médicale canadienne. Vous pouvez, à des fins personnelles non commerciales, reproduire en tout ou en partie, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, un nombre illimité de copies des énoncés de politique de l'AMC, à condition d’en accorder le crédit à l’auteur original. Pour toute autre utilisation, y compris la republication, la redistribution, le stockage dans un système de consultation ou l’affichage sur un autre site web, vous devez demander explicitement l'autorisation de l’AMC. Veuillez communiquer avec le Coordonnateur des autorisations, Publications AMC, 1867, promenade Alta Vista, Ottawa (Ontario) K1G 5W8; télécopieur : 613 565-2382; courriel : [email protected]. Veuillez adresser toute correspondance et demande d’exemplaires supplémentaires au Centre des services aux membres, Association médicale canadienne, 1867, promenade Alta Vista, Ottawa (Ontario) K1G 5W8; téléphone : 888 855-2555 ou 613 731-8610, poste 2307; télécopieur : 613 236-8864. La version électronique des politiques de l’AMC est versée sur le site web de l’Association (AMC En direct, adresse www.amc.ca) gérer les symptômes. L’intention n’est pas d’accélérer le décès, bien que la mort puisse être une conséquence prévisible mais non voulue de l’utilisation de tels médicaments. Il ne s’agit PAS d’euthanasie ou d’aide médicale au suicide. Le retrait ou la non-administration d’interventions de maintien de la vie, telles la ventilation ou la nutrition artificielles qui gardent le patient en vie mais ne sont plus voulues ou indiquées, ne sont PAS des gestes d’euthanasie ou d’aide médicale au suicide. L’expression « mourir dans la dignité » qualifie un décès qui se produit selon les paramètres généraux souhaités par le patient en ce qui concerne ses soins de fin de vie. Elle n’est PAS synonyme d’euthanasie ou d’aide médicale au suicide. La planification préalable des soins de fin de vie est un processus par lequel une personne exprime ses objectifs et préférences en ce qui concerne les soins qu’elle recevra en fin de vie. Ces souhaits peuvent prendre la forme d’une directive écrite ou d’un plan de soin préparé au préalable, document que l’on désigne aussi, notamment, par les expressions « testament de vie », « testament biologique » ou encore « directives de fin de vie ». L’expression «soins palliatifs » désigne une démarche d’amélioration de la qualité de vie des patients et de leurs familles face aux problèmes associés à une maladie qui menace la vie. Il s’agit de prévenir et de soulager la souffrance par l’identification, l’évaluation et le traitement précoces de la douleur et des autres symptômes physiques, psychosociaux et spirituels. Contexte Presque toutes les associations médicales nationales s’opposent à l’euthanasie et à l’aide au suicide et les codes de droit de presque tous les pays l’interdisent. Un changement de statut de ces pratiques devant la loi au Canada représenterait une évolution radicale des politiques et du comportement de la société. Pour que la profession médicale appuie un tel changement et participe à de telles pratiques par la suite, une remise en question fondamentale de la déontologie médicale classique s’imposerait. Les médecins, les autres professionnels de la santé, les universitaires, les groupes d’intérêt, les médias, les législateurs et l’appareil judiciaire sont tous profondément divisés quant à l’opportunité de modifier les mesures législatives qui interdisent actuellement l’euthanasie et l’aide au suicide. À cause de la nature controversée de ces pratiques, de leur importance indéniable pour les médecins et de leurs effets imprévisibles sur la pratique de la médecine, la profession et la société ont raison d’aborder la question avec précaution et réflexion. Principes déontologiques fondamentaux Même si le Code de déontologie de l’AMC ne mentionne pas explicitement l’euthanasie ou l’aide au suicide, les articles suivants du Code sont pertinents à la politique de l’AMC en la matière. 1. «Tenir compte d’abord du mieux-être du patient.» Ceci signifie faire passer avant tout le soin des patients, en l’occurrence des personnes qui sont en phase terminale ou qui font face à une durée de vie indéfinie marquée par la souffrance ou l’absence de sens. 2. «Voir à ce que votre patient reçoive tous les soins nécessaires, y compris le réconfort physique et l’appui spirituel et psychosocial, même lorsqu’il est impossible de le guérir.» 3. «Fournir à vos patients l’information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées au sujet de leurs soins de santé et répondre à leurs questions au meilleur de vos compétences.» 4. «Respecter le droit d’un patient apte d’accepter ou de refuser tout soin médical recommandé.» 5. «Déterminer, dans la mesure du possible, et reconnaître les désirs de votre patient au sujet de la mise en œuvre, du maintien ou de l’interruption des traitements essentiels au maintien de la vie.» 6. «Reconnaître la responsabilité de la profession envers la société à l’égard des questions qui ont trait (...) à la législation qui 2 touche la santé ou le mieux-être de la communauté (...).» 7. «Prévenir votre patient lorsque vos valeurs personnelles auraient un effet sur la recommandation de toute intervention médicale que le patient souhaite ou dont il a besoin, ou sur la pratique de celle-ci.» Ces principes ne peuvent à eux seuls trancher la question de savoir s’il faudrait permettre l’euthanasie et l’aide au suicide. Ils sont toutefois pertinents au débat dans la mesure où les cinq premiers établissent l’importance du mieux être et de l’autonomie des patients, le sixième intègre la responsabilité à l’égard de la société et le septième défend l’autonomie des médecins en cas de changement législatif. Politique de l’AMC sur la participation des médecins à l’euthanasie et à l’aide au suicide Les médecins du Canada devraient s’abstenir de participer à l’euthanasie ou à l’aide au suicide. Préoccupations des médecins au sujet de la légalisation de l’euthanasie et de l’aide au suicide L’AMC reconnaît que la société a la prérogative de décider s’il faut modifier les lois qui régissent l’euthanasie et l’aide au suicide. L’AMC souhaite contribuer la perspective de la profession médicale à l’examen des aspects juridiques, sociaux et éthiques de ces pratiques. Avant qu’on envisage de changer le statut légal de l’euthanasie ou de l’aide au suicide, l’AMC souhaite vivement que l’on réponde aux préoccupations suivantes. 1. Il faut offrir à tous les Canadiens des services adéquats de soins palliatifs. Le Conseil général de 1994 de l’AMC a approuvé à l’unanimité une motion portant que les médecins du Canada devraient adhérer aux principes des soins palliatifs. Le public a démontré clairement que le soin des mourants le préoccupe. Il faut considérer la prestation de soins palliatifs à tous ceux qui en ont besoin comme une condition préalable obligatoire avant d’envisager d’assouplir la législation. Il faut intensifier les efforts pour étendre la disponibilité des soins palliatifs au Canada. 2. Il faudrait maintenir et renforcer au besoin les programmes de prévention du suicide. Même s’il n’est pas illégal d’essayer de se suicider, une tentative de suicide découle souvent d’une dépression ou d’un malheur temporaire. La société appuie les efforts de prévention du suicide et l’on s’attend à ce que les médecins interviennent pour tenter de maintenir en vie les personnes qui ont essayé de se suicider. Dans tout débat sur l’aide au suicide qui vise à soulager les souffrances de patients incurables, il faut protéger les intérêts des personnes qui risquent d’essayer de se suicider pour d’autres raisons. 3. Il faudrait entreprendre une étude canadienne sur la prise de décisions médicales au cours de l’agonie. Nous savons relativement peu de choses sur la fréquence avec laquelle diverses décisions médicales sont prises vers la fin de la vie, sur la façon dont elles sont prises et sur la satisfaction des patients, des membres de leur famille, des médecins et des autres soignants à l’égard du processus décisionnel et des résultats. Les médecins participent aux décisions d’interrompre ou de retenir ou non des traitements et d’administrer ou non des sédatifs et des analgésiques en doses qui peuvent abréger la vie. On soutient que des médecins pratiquent l’euthanasie ou l’aide au suicide. Une étude de la pratique canadienne relative à la prise de décisions médicales au cours de l’agonie s’impose si l’on veut évaluer l’état actuel de la pratique dans ce domaine. Cette évaluation aiderait énormément à déterminer les besoins possibles de changements et à définir les changements en question. Si l’étude offrait aux médecins qui y participaient l’immunité contre les poursuites découlant des renseignements fournis, comme ce qui s’est fait dans le cas de la Commission Remmelink aux Pays-Bas, elle pourrait répondre aux affirmations répétées selon lesquelles on pratique déjà l’euthanasie et l’aide au suicide. 4. Le public doit avoir amplement l’occasion de commenter toute modification législative proposée. La loi devrait émaner des vœux de la société exprimés par l'entremise du Parlement et non de décisions des tribunaux. 3 5. Il faudrait envisager la capacité de toute législation1 proposée de limiter l’euthanasie et l’aide au suicide aux cas indiqués. Des recherches effectuées aux Pays-Bas et en Oregon ont démontré qu'une grande proportion des patients qui demandent de l'aide à la mort le font dans le but de préserver leur dignité et leur autonomie Si l’on permet l’euthanasie ou l’aide au suicide dans le cas des patients en phase terminale qui sont lucides et souffrent, des contestations judiciaires fondées sur la Charte des droits et libertés de la personne pourraient viser à étendre ces pratiques à des personnes inaptes, qui ne souffrent pas ou qui ne sont pas en phase terminale. Ces applications constituent «la pente glissante» que beaucoup de gens craignent. On pourrait demander aux tribunaux d’entendre des cas de demandes d’euthanasie pour des personnes inaptes, demandes fondées sur des directives préalables ou présentées par des mandataires. Ces cas pourraient être ceux de patients victimes d’atteintes neurologiques ou de nouveau-nés atteints de graves anomalies congénitales. Le «protocole de Groningen», qui énumère cinq critères d'euthanasie pour les bébés atteints de maladies incurables, a été adopté en Hollande. Les psychiatres reconnaissent qu’une personne lucide et autrement en bonne santé peut opter pour le suicide. Une telle personne pourrait présenter aux tribunaux une requête afin d’obtenir qu’un médecin l’aide à se suicider. Conclusion L’AMC a élaboré cette politique afin d’aider les médecins, le public et les politiciens à participer à une nouvelle analyse de la loi qui interdit actuellement l’euthanasie et l’aide au suicide, et à parvenir à une solution qui soit dans le meilleur intérêt des Canadiens. 1 Par ex., Statuts révisés de l'Oregon. The Oregon Death with Dignity Act. § 127.800 - §127.995. 4