ValeurS
Les biens
Un magazine d’information de l’Office fédéral de la statistique – Numéro 2/2013
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Editorial
Dans la plupart des langues, le concept de «bien» renvoie à l’adverbe «bien» ou à l’adjectif «bo.
En effet, la qualité première des «biens» est d’être utile à l’homme; c’est parce qu’ils sont utilisés
qu’ils sont bons. En sciences économiques, la distinction est faite entre les biens libres, disponibles
gratuitement en n’importe quelle quantité, et les biens de consommation ou les services acquis à un
prix donné, qu’ils servent à la production dautres biens ou à la satisfaction immédiate de la demande
des consommateurs.
Les biens sont partout: dans nos chariots de supermarché, dans les transports, à la maison, au travail,
dans les vitrines et les publicités. Ils sont produits, transpors, vendus, consommés, puis éliminés et
détruits... ou encore classés à des fins statistiques. A travers les flux et les circuits économiques, les
biens font l’objet d’interactions et de transactions économiques sur les plans national et international.
On les retrouve par conséquent aussi en statistique publique, dans les domaines et les contextes les
plus variés.
Dans ce nouveau numéro de ValeurS, nous vous dévoilons le monde extrêmement complexe et
diversifié des biens, et celui des flux et des transactions auxquels ils donnent lieu. Nous présentons
les comptes nationaux (CN), qui décrivent le circuit économique et les interactions entre l’Etat, les
ménages, les entreprises et le reste du monde, ainsi que les flux de matières et les flux monétaires.
Les comptes de flux de matières enregistrent quant à eux le volume des déplacements de matériaux
et la consommation de ressources naturelles dans une société. En 2011, 110 millions de tonnes de
matériaux, soit 15 tonnes par habitant, ont ainsi été consommés en Suisse. La même année, les
prestations de transport ont représenté au total quelque 27,0 milliards de tonnes-kilomètres. Cela
équivaut, par habitant, au trajet Genève-le et retour d’un camion moyennement chargé.
L’article intitulé «Energie – de la matre première au bien de consommation» montre comment
l’énergie primaire est transformée en énergie finale, prête à être consommée. Un autre article
commente le parcours que suit le lait, de la ferme au réfrigérateur, avant d’être transformé en
yogourt. Dans leur contribution, nos collègues de l’office statistique du canton du Tessin (Ustat)
expliquent
quelle est lévolution du commerce extérieur du Tessin.
Plusieurs modules statistiques de l’OFS mettent en évidence les chiffres des commandes, de la
production et des stocks de difrents secteurs économiques, ainsi que lévolution des ventes dans
le commerce de détail. Enfin, larticle sur l’indice des prix à la production pour le secteur des services
illustre les nombreuses réflexions qui conduisent, du point de vue méthodologique, à la production
d’une statistique.
Du bien aux biens
Georges-Simon Ulrich
Directeur de l’Office fédéral de la statistique
Neuchâtel/Suisse
Je souhaite une agréable et intéressante lecture.
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La notion de «biens» en économie: pas si simple…
L’expérience quotidienne suffit à convaincre que nous vivons entourés de «biens». Ils sont partout: dans nos
paniers dans les supermarchés, dans les wagons et camions croisés sur les routes, dans les maisons, sur les
étalages et dans les publicités. Nos sociétés consacrent beaucoup d’énergie et de temps à la production, au
transport, à l’utilisation, à la consommation et, parfois aussi, à la destruction de «biens». A l’évidence, les «biens»
sont au cœur de l’activité économique, pourtant du point de vue théorique, la portée de ce concept est moins
évidente. Paul H. Dembinski
Bon parce que utile
Dans beaucoup de langues, le concept
de «biens» utilisé en économie renvoie à
l’adverbe «bien» et à l’adjectif «bon». En
effet, la qualité première des «biens» est
d’être utile à l’homme; c’est parce qu’utili-
sés qu’ils sont «bons» et, par conséquent,
peuvent avoir de la valeur. Létymologie
rappelle ainsi que le concept de «biens»,
central en économie, renvoie à une réfé-
rence morale. La pensée aussi bien que
les pratiques économiques contempo-
raines passent volontiers sous silence cet
aspect, par ailleurs, fondamental.
Quand il est question de «biens» en
économie, le terme englobe à la fois
les objets matériels, l’immatériel et les
services. Dans la réalité quotidienne ces
trois formes économiques se combinent
de manière parfois inextricable. Ainsi, un
repas au restaurant conjugue la dimen-
sion matérielle du repas avec le fait qu’il
est servi dans un endroit et à une heure
donnée. Ici, les objets et les services
concourent à l’utilité du client. De même,
en achetant une bouteille de boisson
gazeuse à l’étiquette rouge & blanc on
acquiert certes un liquide mais ce dernier
est estampillé par une marque qui relève
de l’immatériel et et contribue à l’utilité
globale de cette boisson.
Quelle que soit leur forme précise
(matérielle, immatérielle ou service), les
«biens» définis selon l’économie sont
porteurs d’utilité sans que pour autant
l’économie ait le monopole de ce qui
est important pour l’homme. En effet,
les sources d’utilité aussi essentielles à
la vie que l’air, les paysages, l’amitié et
l’amour, etc. se trouvent à l’évidence
hors du champ de l’économique.
Ce qui fait qu’un «bien» est économique
Pour qu’une source d’utilité (objet, imma-
tériel ou service) relève de la logique
économique et soit donc considérée
comme un «bien économique», deux
conditions doivent être remplies simulta-
nément. Lobjet ou le service en question
doit être admis à la production et/ou à la
vente. Il s’agit d’une condition à la fois
culturelle et légale. Elle fixe la limite de
ce qui peut, potentiellement, relever de
la logique économique. Cette frontière
peut être déplacée en fonction des choix
de société. Les discussions actuelles sur
l’acceptabilité du commerce de drogues
de certains produits dérivés des cellules
humaines illustrent bien l’importance de
cette première condition. La deuxième
condition tient au fait que l’utilité du bien
en question doit être reconnue par des
tiers, c’est-à-dire par une demande sol-
vable susceptible de payer pour l’obtenir.
En effet, la notion de choix et de «sacri-
fice» librement consenti qu’implique le
paiement est un élément central de la
logique économique.
La conjonction de ces deux conditions
trace le périmètre de l’économique et
appelle deux commentaires. Les «biens
économiques» doivent être distingués
des «biens libres». Ces derniers, tout en
étant porteurs d’utilité, sont largement et
aisément disponibles. Il s’agit (encore) de
l’air, de l’eau ou de l’espace qui relèvent
tous des dons de la nature. Il s’ensuit
que la caractéristique essentielle du bien
économique est l’effort qu’implique son
acquisition et/ou sa production. Les éco-
nomistes parlent alors d’un coût, lequel
toutefois ne doit pas nécessairement
être monétaire. Il peut s’agir d’un effort
de production avec l’utilisation des res-
sources à la clé, ou d’un effort au sens de
sacrifice de la contrepartie qu’implique
l’échange. Quelle qu’en soit la forme,
tout coût implique la renonciation à l’uti-
lisation alternative des ressources corres-
pondantes. Pour cette raison, les écono-
mistes parlent de «coût d’opportunité».
Lappropriation exclusive de certains
biens économiques peut être plus ou
moins facile, elle évolue en fonction des
données techniques et aussi juridiques.
Les droits de propriété intellectuelle sont
un excellent exemple: leur utilité est
liée à l’existence d’un appareil juridique
susceptible de protéger les détenteurs.
Sans ce dernier, ces droits perdent leur
pertinence économique. Quand l’appro-
priation exclusive n’est pas possible, la
logique de l’économie de marché pri-
vée devient inopérante. Deux situations
doivent être distinguées: celle de biens
libres mentionnés plus haut qui restent
temporairement hors de la sphère éco-
nomique faute de demande solvable et
celle des biens publics qui seront four-
nis par la sphère publique et dont il sera
question plus bas.
Biens publics et biens marchands
Dans les économies contemporaines,
deux catégories de biens sont produits:
les «biens marchands» qui relèvent de
la logique privée et les «biens non mar-
chands» que les entreprises privées ne
sont pas en mesure ou pas intéressées à
vendre. Il en va ainsi de l’éclairage public
qui est utile à tous sans qu’il soit toutefois
possible d’exclure certains bénéficiaires
et sans que les passants ressentent une
gêne du fait que d’autres profitent en
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même temps qu’eux de l’éclairage. Alors
que l’éclairage est une source indiscu-
table d’utilité, les entreprises privées ne
sont pas en mesure de le vendre aux pri-
vés parce qu’elles ne peuvent pas sanc-
tionner les resquilleurs. En conséquence,
il sera produit par ou sur mandat de la
puissance publique qui en assurera le
financement.
La distinction précédente porte sur les
limites de la logique économique privée
qui suppose l’appropriation. Dans les
faits, la répartition des tâches entre le
secteur privé et le secteur public s’écarte
souvent de la ligne de démarcation théo-
rique à cause de choix politiques. Ainsi,
le secteur public produit parfois des
biens économiques que les entreprises
privées pourraient aussi produire tels
que les logements, les soins et services
de santé ou l’électricité. C’est la raison
pour laquelle les débats sur le bien-fondé
des transferts de tâches (privatisation ou
socialisation) entre le secteur privé et le
secteur public font partie du paysage
politique contemporain.
Ceci étant, le cœur de la raison d’être
économique du secteur public consiste
en la production de biens que le sec-
teur privé nest pas capable de produire
à l’instar de la défense, de la justice ou
de la sécurité. Il s’agit alors de biens
non marchands, ou biens collectifs dont
le secteur public est le seul à pouvoir
prendre la responsabilité. Ainsi, ces biens
peuvent être produits soit directement
par l’Etat, soit par des entreprises privées
financées et organisées par l’Etat.
Les statistiques économiques offi-
cielles, plus précisément la comptabilité
nationale, s’attellent à mesurer le flux des
biens produits et consommés dans un
territoire pendant une année. Plutôt que
de compter les biens en unités physiques
(tâche aujourd’hui impossible), la comp-
tabilité nationale en mesure la valeur soit
aux prix de marché (biens privés) soit aux
coûts de production (biens publics). Sur
cette base sont construits les agrégats
bien connus tels que le Produit Intérieur
Brut (PIB) ou le Revenu national.
Des typologies multiples
A l’intérieur de ces frontières concep-
tuelles, les économistes, les comptables
nationaux et les spécialistes en marke-
ting retiennent des critères variés pour
bâtir des typologies de biens, en fonction
de leurs besoins théoriques ou pratiques.
La distinction la plus générale est celle
qui sépare les biens «intermédiaires»,
c’est-à-dire ceux qui servent à produire
d’autres biens, des biens «finaux» qui
viennent répondre à la demande finale.
Une deuxième typologie, courante en
macro-économie, prolonge la précédente
parce qu’elle distingue les biens selon
qu’ils répondent aux deux composantes
de la demande finale (consommation et
investissement). Ainsi, sont distingués les
«biens de consommation» (y compris les
biens de consommation durables) des
«biens de production» (ou d’investisse-
ment). Les premiers sont achetés par les
ménages, les seconds par les entreprises
dans le cadre de leurs projets d’investis-
sement. Ces deux typologies sont avant
tout analytiques et ne peuvent servir de
base à une classification précise de la
production d’une économie. En effet,
une voiture si elle est achetée par une
entreprise, sert à produire d’autres biens
alors qu’elle devient bien de consom-
mation quand elle est achetée par un
ménage.
D’autres typologies sont utilisées
en micro-économie, notamment celle
qui dis tingue les biens en fonction des
besoins des consommateurs: on parle
alors des biens de première nécessité
dont la demande s’accroît jusqu’à ce que
le consommateur ait atteint un seuil de
satiété; et des biens de luxe ou d’image
dont la demande est insatiable. Les spé-
cialistes en marketing affinent sans cesse
ces typologies et en font les outils de leur
profession.
Paul H. Dembinski, professeur à la Faculté de
Sciences Economiques et Sociales de l’Université
de Fribourg, directeur de l’Observatoire de la Finance
à Genève
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