L’INTERVIEW DU MOIS “ La diplomatie économique est un outil majeur de la compétition internationale des États. ” Claude Revel, Ancienne élève de l’ENA (promotion Voltaire), elle compte parmi les grands spécialistes français de l’influence. Professeur à la Skema Business School, conseil de groupes internationaux, elle est l’auteur de plusieurs essais, dont La France : un pays sous influences ?, Vuibert, 2012. LA DIPLOMATIE ÉCONOMIQUE AU CŒUR DE L’INFLUENCE Soft power, influence power, advocacy, lobbying, think tank, story telling, public et business diplomacy… La gouvernance qui s’est mise en place au niveau mondial facilite et légitime des influences de toutes sortes. Celles-ci agissent directement sur nos règles de vie et sur la formation de nos opinions. Faut-il s’inquiéter ou s’emparer du concept de diplomatie économique ? Éclairage par Claude Revel, intervenue sur ce sujet au côté d’Edith Cresson lors de la Semaine du réseau. Que recouvre le concept de diplomatie économique ? pas oublier un élément essentiel : la diplomatie économique est un outil majeur de la compétition internationale des États. La diplomatie économique est une notion très large qui recouvre plusieurs réalités. D’abord, la partie économique de la diplomatie, c’est-à-dire l’ensemble des activités de l’État visant à influencer les décisions internationales à caractère économique. Ensuite, la partie commerciale de la diplomatie d’État, c’est-à-dire la promotion des intérêts de nos entreprises via l’action de nos réseaux à l’étranger. Enfin, la diplomatie d’entreprise, celle exercée par les entreprises elles-mêmes, car la diplomatie n’est plus réservée aux États. Il s’agit des politiques de relations extérieures des entreprises et de leurs associations, qui deviennent obligatoires avec l’accroissement de leur rôle dans la vie internationale. En fait, en exagérant à peine, on peut se demander si la diplomatie économique n’est pas le nouveau nom de la diplomatie, puisque l’importance prise par les marchés dans les décisions internationales ainsi que leur interdépendance met l’économie au centre de toutes les décisions. Il faut ajouter que la diplomatie économique ne doit pas être isolée du reste des relations extérieures, elle se nourrit de l’influence globale et de ses relais, culturels, scientifiques, etc. La notion de soft power contient la diplomatie économique et, en sens inverse, celle-ci se nourrit du soft power. D’un point de vue opérationnel, la diplomatie économique est une ingénierie professionnelle de l’influence, qui repose sur une action permanente, régulière, à travers des réseaux multiples, des partenariats et de la coopétition, c’est-à-dire la capacité de travailler sur certains sujets avec ses concurrents. C’est pour cela qu’elle doit impérativement être liée à l’intelligence économique, car pour coopérer avec son concurrent, il faut très bien le connaître. Aujourd’hui, la diplomatie économique doit aussi s’adresser à un public mondial de consommateurs avides d’images et d‘information, et nourri aux réseaux sociaux. Enfin, il ne faut En la matière, la France parvient-elle à exercer son rôle d’influenceur sur l’échiquier mondial ? En France, beaucoup reste à faire pour que l’Etat et les autres acteurs économiques se positionnent sur des rôles complémentaires et apprennent à réellement travailler ensemble, ce qui fait la force des diplomaties économiques de plusieurs de nos concurrents. Chacun a sa place. Par ailleurs, la diplomatie quotidienne devrait idéalement s’inscrire dans des stratégies sur le long terme, établies en cohérence, et transversales. Il faut également un centre qui détermine les priorités d’intérêt public pur, celles d’intérêt commun où l’État et les entreprises peuvent s’entraider et celles où les entreprises peuvent travailler seules. Dans les moyens, un manque crucial est observé dans la capacité d’animation de mobilisation des réseaux français et francophiles. Enfin, nous devons apprendre à gérer professionnellement notre capital d’image au profit de notre économie. Les domaines du développement et de la diplomatie économique sont-ils compatibles ? Oui, résolument. Pour des raisons complémentaires : l’aide au développement est un instrument parmi les autres de l’accompagnement de l’action économique d’un pays et de ses entreprises ; la diplomatie économique se grandit quand elle est accompagnée au service des populations. Enfin, l’aide publique au développement peut non seulement améliorer des conditions matérielles mais aussi promouvoir des principes, comme doit le faire la diplomatie, même économique.