
Chaque  janvier  se  tient 
la  conférence  éducative 
de  l’Ecole  internationale: 
avec deux ex ministres au pro-
gramme,  cette  année,  on  crai-
gnait le pire. A tort, même si le 
rendez-vous  entre  les  écoles 
privées et  publiques  a été  raté: 
hormis  un  électron  libre  de  la 
Haute  école  de  travail  social, 
une égarée de l’Ecole de culture 
générale  et  une  cadre  du  Dé-
partement  de  l’instruction  pu-
blique,  Charles  Beer  était  seul 
de sa religion parmi les presque 
deux cents inscrits. Bref, le «pu-
blic» et le «privé» font plus que 
jamais  bande  à  part,  malgré 
la  tentative  de  Beer  pour  faire 
saisir  à  la  salle  la  logique  de 
nos  institutions.  Même  la  lan-
gue  faisait  obstacle:  pas  celle 
qui  empêcha  francophones  et 
anglophones de fraterniser à la 
pause  du  repas.  C’est  plutôt  le 
galimatias administratif genevois 
qui a sonné aux oreilles de l’au-
dience comme une langue touf-
fue,  même  émaillé  du  familier 
«Mesdames  et  Messieurs,  per-
mettez-moi de vous dire (…)» ty-
pique des orateurs officiels. Les 
interprètes  sont  sorties  de  leur 
cabine épuisées par l’exercice, à 
l’heure du café. On a juste com-
pris  que  Charles  Beer  trouvait 
les classements PISA aussi ab-
surdes  que tous  les  autres dé-
bats médiatiques sur l’éducation. 
Devenu président de Pro Helve-
tia, l’ex-syndicaliste Beer va – on 
l’espère - retrouver son naturel, 
auquel  sa  fonction  d’Etat  avait 
tant nui. 
La terre manque 
d’air?
Autre  ministre  invité,  le  Fran-
çais Luc Ferry – qui officia sous 
Jean-Pierre Raffarin – a renvoyé 
dos  à  dos  les  «soixante-hui-
tards» de l’enfant-roi et les «ré-
publicains» de l’enfant sage. Ce 
traducteur de Kant a fini par voir 
dans son auteur de choc la clef 
de la question éducative, et dans 
«Les  déracinés»  de  Maurice 
Barrès («hélas! tombé dans l’ou-
bli»),  le  grand  dilemme  du  XXe 
siècle. Entre le culte des racines 
et la fuite dans le progrès, Ferry 
voit  une  troisième  voie,  ni  jeu 
ni  ennui:  le  plaisir  d’apprendre 
par  la  discipline  au  travail.  Pas 
d’éducation spontanée – malgré 
l’estime de Ferry pour Rousseau 
– ni de nostalgie scolaire – à la 
Finkielkraut, Chevènement, voire 
Debray  –  mais  une  évidence: 
rien  ne  peut  marcher  tant  que 
les familles donnent à l’enfant un 
statut syndical face aux parents 
patrons.  «Ne  négociez  pas tout 
le  temps».  Un  réac,  donc,  Luc 
Ferry,  mais  dans  le  bon  sens: 
pour lui, le jeunisme de gauche 
mine la culture; et la globalisation 
de droite aussi… car elle illustre 
la «destruction créatrice» chère 
à  l’économiste  Schumpeter.  Et 
de citer la fameuse boutade «le 
journal de la veille est plus vieux 
que l’Odyssée», à l’ère des nou-
velles.  Enfin,  «la  créativité,  en 
français,  c’est  les  fautes  d’or-
thographe»,  ironisa  Luc  Ferry, 
qui en conclut que le français et 
la politesse sont les mamelles du 
savoir. Meilleur penseur que mi-
nistre, peut-être, Luc Ferry, mais 
ses livres aident à prendre de la 
hauteur  (hole-in-the-wall.com 
aussi, même si les idées qu’on y 
trouve – d’un orateur à l’Ecolint 
l’an  dernier  -  vont  dans  l’autre 
sens).
L’avenir sera génial
D’autres  soucis  sont  sortis  des 
propos de Luc Ferry, comme la 
baisse  de  l’intérêt  des  jeunes 
pour les sciences… ce qui nous 
tend  la  perche pour  parler  des 
oratrices de ce forum, et surtout 
de Lynn Erickson (l’autre était la 
directrice  de l’Ecolint, qui a ex-
pliqué  le  sujet  nuancé,  puisque 
le  titre  anglais  de  la  Journée 
demandait  «What  do  we  really 
mean  by  child-centred  educa-
tion?»).  Lynn  (lynnerickson.net) 
vient d’Alaska et milite pour une 
école centrée sur des «concepts 
durables»  plutôt  que  du  savoir 
statique.  Pour  illustrer  sa  pen-
sée,  elle  a  toutefois  choisi  des 
exemples  ambigus:  «Un  élève 
doit  connaître  les  causes  de  la 
Deuxième  Guerre  mondiale… 
par  contre,  il  doit  comprendre 
pourquoi  les  intérêts  nationaux 
peuvent causer une intervention 
militaire».  Curieux  aussi,  l’ora-
trice  a  cité  les  lois  physiques 
(disons…  la  gravitation)  parmi 
les  choses  à  «savoir»  plutôt 
qu’à  «comprendre».  Malgré  ce 
flou sur les exemples et un ton 
un peu prêcheur (ou grâce à ce 
flou), l’auteur américain (comme 
sa collègue Lois A. Lanning) fait 
réfléchir,  bien  après  qu’on  a 
quitté les lieux. Et dans le bus, on 
retourne  ces  mots  magiques… 
Hebdomadaire  distribué  gracieusement  à  tous  les  ménages  du 
Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de  toutes les 
autres  communes  de  la  Zone  économique  11  (Triangle  Genève-
Gland-Saint Cergue). 170 259 exemplaires certifiés REMP/FRP. 
Edité par Plurality Presse S.A. Paraît le lundi 
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