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ROUPE D
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ETUDES PARLEMENTAIRE
INTERVENTION DE M. Luc FERRY
Aujourd’hui, face à l’allongement de la durée de la vie, les sondages nous indiquent que
lesEuropéens souhaitent pouvoir vivre le plus longtemps possible dans le meilleur état possible, en
partie grâce à la médecine. Luc Ferry précise que cette attitude, cette volonté de durer n’a pas
toujours été un idéal. En effet, la vie la plus longue possible n’était pas recherchée par les
philosophes grecs pour lesquels une vie bonne pouvait être une vie courte.
Pour expliquer ce changement d’idéal, Luc Ferry évoque l’histoire d’Ulysse. Le mythe d’Ulysse
développe une représentation de la sagesse et de la « vie bonne », au sens d’une vie en harmonie
avec les siens et l’ordre du monde, qui s’accommode d’une vie brève.
Après dix années d’une guerre qui avait pour origine la pomme de discorde jetée par Eris, déesse
de la discorde, à la table du mariage des futurs parents d’Achille auquel elle n’avait pas été invitée,
Ulysse cherche à rentrer chez lui, à retrouver Ithaque et sa famille. Mais ses ennuis ne font que
commencer. Son voyage de retour va durer de nouveau dix ans et il sera rempli d’une série
d’obstacles tous destinés à lui faire oublier le sens de la vie. La nourriture des Lotophages, le chant
des sirènes, des sommeils funestes sont parmi les formes d’oubli, de perte de conscience qui
menacent Ulysse tout au long de son voyage. Un des obstacles sur son trajet est son séjour sur l’île
de Calypso, sublime divinité qui tombe follement amoureuse de lui. Son île est une sorte de paradis
peuplé de nymphes, où le climat est doux, les nourritures délicieuses et les plaisirs de l’amour
permanents. Cependant, Ulysse y est malheureux. Il n’a pas oublié l’harmonie perdue et veut
rentrer à Ithaque. Pour conserver Ulysse, Calypso lui offre d’accéder à l’immortalité et d’être en
plus doté à jamais de la jeunesse. Malgré cette proposition, Ulysse refuse. Il veut absolument
rentrer car il faut accepter la mort, vaincre ses peurs pour s’ajuster à sa condition humaine. En
cédant à la tentation d’être immortel, il cesserait d’être un homme.
Son refus signifie pour toute une tradition de la philosophie grecque que le but de l’existence
humaine n’est pas de parvenir à l’immortalité car une vie bonne , une vie de mortel réussie passe
par l’acceptation de la mort. Une vie loin des siens, de chez soi est pire que la mort. La vie bonne
est une vie près des siens.
Les philosophes grecs pensaient que le passé et le futur sont les deux maux qui pèsent sur la vie
humaine, ils gâtent la seule dimension de l’existence qui vaille d’être vécue, celle de l’instant
présent. Ils soulignent que le passé n’est plus et le futur n’est pas encore.
A vivre dans des dimensions du temps qui sont du néant, on manque le présent. Le présent non
relativisé par le passé ou le futur devient instant d’éternité.
La vie bonne, c’est la vie sans espérances ni craintes, réconciliée avec ce qui est.