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Jean-Philippe PAGES
Master 2ème année – 2005/2006
CREER UN BLOG PUBLICITAIRE
Quelles stratégies discursives pour quelles applications marketing ?
Mémoire professionnel
Sous la direction de Stéphane OLIVESI
UNIVERSITE LOUIS LUMIERE – LYON II
Institut de la Communication
Master Professionnel Communication des Organisations
Mention Information et Communication
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
1
Remerciements
J
e tiens tout d’abord à remercier Cécile Soulier, manager du service
Marketing Opérationnel de Euro RSCG Cie à Lyon qui m’a donné la
chance d’intégrer son équipe et de suivre au plus près des dossiers variés et
instructifs. Elle m’a accompagné tout au long de ces quatre mois de stage avec intérêt et
enthousiasme, et a permis que mon expérience au sein de Euro RSCG Cie se passe dans les
meilleures conditions possibles.
Un grand merci à toute l’équipe Compagnie Active (qui porte bien son nom !) qui
m’a accueilli chaleureusement et avec bonne humeur. Merci donc à Emilie Colas, Amandine
Valancogne, Isabelle Viane et Claire Wanert… les « drôles de dames » d’Euro RSCG Cie !
Grâce à elles, marketing direct, marketing relationnel, fidélisation, incentive, marketing
opérationnel, upselling, crosselling, production, et j’en passe n’ont (presque) plus de secrets pour
moi !
Merci également à Yannick Guillon, Geneviève Ferreaux et Audrey Zucchi pour
m’avoir accompagné sur plusieurs dossiers et pour leurs conseils avisés.
Enfin, je tiens à remercier Stéphane Olivési pour avoir dirigé ce mémoire, ainsi
que tous les professeurs et intervenants du Master Communication des Organisations qui ont fait
de cette année une expérience enrichissante.
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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Table des Matières
Introduction ............................................................................................................. 4
PARTIE I. Les blogs comme reflet des évolutions du consommateur et du
discours publicitaire ................................................................................................ 8
Chapitre 1 | Les nouvelles facettes du consommateur ...........................................................8
1.1.a Un consommateur moins sensible aux formes traditionnelles de la publicité.........8
1.1.b Internet, ou la redéfinition du statut du client........................................................11
1.1.c Un nouvel outil de bouche à oreille : les blogs......................................................14
Chapitre 2 | Le blog comme forme aboutie des stratégies publicitaires actuelles. ............16
1.2.a Des stratégies entre starisation du client et « real publicité » ...............................16
1.2.b L’appropriation des nouveaux médias par le marketing .......................................19
1.2.c De l’intérêt des marques pour les blogs.................................................................21
Chapitre 3 | Méthodologie d’analyse et présentation du corpus.........................................25
1.3.a Options méthodologiques d’analyse et concepts fondamentaux ...........................25
1.3.b Les spécificités de l’Internet..................................................................................28
1.3.c Présentation du corpus...........................................................................................30
PARTIE II. Les blogs publicitaires à l’épreuve de l’analyse sémiotique ........ 33
Chapitre 1 | Analyse iconique et iconographique.................................................................33
2.1.a
2.1.b
2.1.c
2.1.d
2.1.e
2.1.f
2.1.g
Les bandeaux thématiques.....................................................................................34
Arrière plan et chromie générale ...........................................................................36
Logo de la marque et de la plateforme de blog .....................................................37
Illustration des articles...........................................................................................38
Autres éléments graphiques et publicités ..............................................................41
Typographie et décorations typographiques ..........................................................42
Organisation spatiale des éléments graphiques .....................................................42
Chapitre 2 | Analyse de l’hypernavigation............................................................................43
2.2.a Nom de domaine et accès au blog .........................................................................43
2.2.b Navigation interne .................................................................................................44
Chapitre 3 | Analyse des articles ............................................................................................45
2.3.a Durée d’activité d’un blog et fréquence des articles .............................................45
2.3.b Structure des articles..............................................................................................48
2.3.c Différents blogs pour différentes stratégies discursives ........................................48
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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Chapitre 4 | Analyse des commentaires.................................................................................56
2.4.a Les politiques de modération.................................................................................57
2.4.b Les commentaires : zones d’échanges ?................................................................58
2.4.c Autres applications des commentaires...................................................................59
III. Du buzz marketing au marketing relationnel : les applications des blogs
publicitaires............................................................................................................ 62
Chapitre 1 | Intégrer les blogs dans une démarche de buzz marketing et de marketing
opérationnel .............................................................................................................................62
3.1.a Les principes généraux du buzz marketing............................................................62
3.1.b Les blogs au service du buzz et du lancement de produits ....................................64
3.1.c Au cœur du buzz marketing et des blogs : les communautés et les leaders
d’opinion............................................................................................................................69
Chapitre 2 | Les blogs au service du marketing relationnel ................................................73
3.2.a Un outil de veille marketing ..................................................................................75
3.2.b Blogs et relation client...........................................................................................76
3.2.c Fidélisation et sentiment d’appartenance...............................................................79
Chapitre 3 | Les autres possibilités d’utilisation des blogs par les marques......................83
3.3.a Les plateformes de blogs : du marketing relationnel au marketing opérationnel..83
3.3.b Les blogs comme support publicitaire pour un annonceur....................................85
3.3.c Les stratégies d’under-cover marketing ................................................................86
Conclusion .............................................................................................................. 89
Bibliographie.......................................................................................................... 92
Index des marques................................................................................................. 95
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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INTRODUCTION
M
yriam a seize ans. Elle a deux frères, Cyril et Xavier et elle habite
en Meurthe et Moselle où elle occupe ses journées à faire du vélo,
beaucoup de vélo, du foot et aussi à aller en cours de 1ère ES.
Myriam adore Zazie, le jaune et le bleu, ne croit ni aux fantômes ni aux aliens ; elle se demande
ce qu’on appelle l’amitié et pourquoi Christel, une fille de sa classe, a trouvé superbe la phrase
« Long choix à mûrir » qu’elle a sortie lors d’une conversation. Ah, Christel ! Quelle amusante
soirée Myriam a passée avec elle, Marie et Sarah le 11 février dernier avec des histoires de
lasagnes et de cactus… !
Mais qui est Myriam ? Simplement une internaute parmi tant d’autres à tenir un
blog1. Le Web compterait à peu près 9 millions de blogs2 français, certains, comme ceux de
Myriam, étant de véritables journaux intimes virtuels où les « ados » (mais pas seulement)
livrent des morceaux d’eux-mêmes et de leur vie quotidienne, d’autres étant comparables à des
sites d’actualités ou encore des lieux de débats, qu’ils soient politiques, philosophiques, etc.…
Le prisme d’utilisation des blogs est vaste. Quoiqu’il en soit, les blogs se sont bel et bien
développés depuis un peu plus de deux ans, un phénomène que l’on peut expliquer entre autre
par la facilité de la mise en ligne de contenus variés comme du texte, du son ou des vidéos (il
n’est pas besoin d’avoir de compétences particulières pour créer son blog) et par le fait que
chaque article peut être commenté par les visiteurs.
Ce qui est sûr, c’est que les blogs n’intéressent pas que les particuliers, les
internautes anonymes désireux de partager leurs passions, leur vie ou leurs opinions. Pour
preuve, certaines personnalités politiques ont créé leur blog, pour, selon leurs dires, instaurer un
dialogue et susciter un débat démocratique avec les citoyens. On trouve même des initiatives
syndicales comme celle du MEDEF avec le blog « keskonattend3 » promouvant l’apprentissage
et les cursus scolaires professionnalisants. Plus original encore, le blog d’un bébé panda4 qui, en
décrivant dans un style enfantin et à la 1ère personne la vie de ce nouveau-né vise à sensibiliser
1
http://lacycliste54.skyblog.com/
http://www.journaldunet.com/diaporama/0604blogs/2.shtml
3
http://keskonattend.skyblog.com/
4
http://blog.sina.com.cn/m/xiongmao
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Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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l'opinion publique, et plus particulièrement les enfants, à la protection de cette espèce menacée.
Bref, faire son blog est dans l’air du temps.
Mais les blogs semblent tellement à la mode que certains sites profitent,
consciemment ou non, de l’intérêt suscité par ce terme. C’est ainsi que l’on retrouve sur le Web
le blog d’Arnaud1, pour la campagne de promotion des métiers de l’artisanat. Oui mais voilà, le
« blog » d’Arnaud n’en est pas un ! Pas de commentaires, pas d’articles réguliers… un site
Internet tout ce qu’il y a de classique. Mieux, Nissan, le constructeur automobile, a baptisé un de
ses modèles la « Nissan Micra Blog ». Quel rapport entre une voiture et un blog ? On se le
demande quand on sait que la marque n’a même pas mis en place de blog publicitaire pour
promouvoir ce modèle…
Car en effet, au même titre que les politiques, les syndicats, ou encore les artistes,
les marques ont investi peu à peu les blogs. Ceux-ci se transforment alors en outils de
communication interne, de relations presse, de gestion de ressources humaines, de
communication institutionnelle ou encore en dispositifs promotionnels, devenant ce que l’on
appelle des blogs publicitaires. Un blog publicitaire est un blog créé spécialement par une
marque pour promouvoir un produit ou une gamme de produits, généralement dans le cadre
d’une campagne de lancement.
C’est à cette dernière forme d’utilisation des blogs par les marques que nous
allons nous consacrer en nous interrogeant sur la problématique suivante : quel potentiel
marketing peuvent avoir les blogs publicitaires pour avoir conduit les marques à s’approprier des
espaces d’expression à l’origine non marchands et à y adopter des stratégies discursives
particulières ?
Notre réflexion nécessite tout d’abord de contextualiser l’apparition des blogs
publicitaires. Quelles évolutions du consommateur ont amené les marques à déployer de
nouvelles stratégies publicitaires ? Comment les blogs publicitaires s’inscrivent comme un
prolongement de ces stratégies ?
Ensuite, dans la diversité des discours envisageables sur les blogs publicitaires,
pouvons-nous dégager des stratégies discursives communes ? Par quels signes iconiques et
1
http://www.artisanat.info/leblogdarnaud/
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textuels se traduisent ces stratégies ? Nous appuierons notre questionnement sur une analyse
d’un corpus de blogs publicitaires grâce à des outils et des méthodologies issus de la sémiotique
et de l’analyse du discours. Cette étude a bien sûr pour objectif de faire remonter à la surface du
sensible les mécaniques discursives des documents constitutifs de notre corpus pour tenter
d’établir une typologie de blogs publicitaires, mais elle a aussi comme vocation de proposer des
éléments de réflexion sur lesquelles les professionnels peuvent se baser pour concevoir un blog
publicitaire. Ces éléments que nous mettrons au jour participent à la définition d’un blog,
dévoilent ce qui est constitutif de cette forme particulière de sites Internet qui s’avère
relativement contraignante pour une marque dans la mise en scène du message publicitaire. Dans
ce contexte, comment les marques peuvent aménager, malgré ces contraintes, des espaces pour
l’expression de leur identité et de l’identité de leur produit ?
Enfin, au-delà même de cette question, nous pouvons nous interroger sur les
applications marketing que peuvent avoir les blogs pour que les marques en acceptent leurs
contraintes. Comment les stratégies discursives des blogs de notre corpus révèlent les
applications marketing possibles des blogs publicitaires ? Comment intégrer ceux-ci dans une
démarche de buzz marketing pour le lancement d’un produit ? Nous verrons qu’à ce potentiel
publicitaire s’ajoute une dimension relationnelle forte capable d’intéresser les marques dans des
objectifs de fidélisation et de relation clients…
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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Partie 1 | Les blogs comme reflet des évolutions du
consommateur et du discours publicitaire
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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I. LES BLOGS COMME REFLET DES EVOLUTIONS DU CONSOMMATEUR ET
DU DISCOURS PUBLICITAIRE
V
ichy, Célio, Nike, Adidas, Ford, Christian Dior… Alors que les
marques semblent de plus en plus nombreuses à vouloir s’essayer aux
blogs
publicitaires,
comment
les
consommateurs
se
sont
progressivement retrouvés à discuter des produits et à chercher des informations sur des blogs ?
Ensuite, comment expliquer que ceux-ci, espaces d’expression personnelle à l’origine, aient pu
devenir des lieux de production de discours sur et par les marques ? Quelles logiques ont amené
les marques à projeter leur discours sous la forme de ce qui n’est en fait qu’un « site perso » ?
L’appropriation de la blogosphère par les entreprises est la traduction d’une
double évolution. D’abord l’évolution du consommateur moins sensible aux formes
traditionnelles de la publicité et qui entretient de nouveaux rapports avec les marques et les
produits, notamment grâce au développement des nouvelles pratiques de l’Internet. Evolution
des stratégies marketing et publicitaires ensuite qui, pour s’adapter à cette redéfinition des
attentes et du statut des consommateurs, ont élaboré des discours sur la mise en avant de
l’anonyme, plus précisément de l’identité personnelle du client ordinaire.
1.1 Les nouvelles facettes du consommateur
1.1.a Un consommateur moins sensible aux formes traditionnelles de la
publicité
Les Français aiment moins la publicité qu’il y a trois ans. Tel est le constat tiré
d’une étude conduite par TNS Sofres / Stratégies1. Sans pour autant être particulièrement
publiphobes, les Français se montrent de plus en plus sévères envers la publicité : ils sont 43 %
en octobre 2005 à y être plutôt opposés ou très opposés contre 36% en 2002, soit un écart de sept
points ! Cette tendance se retrouve même chez les 25-34 ans, traditionnellement tolérants envers
la publicité. Alors à quoi attribuer cette méfiance grandissante des Français vis-à-vis de la
publicité ? Certains avancent que parce que le moral des ménages baisse depuis 2002 et que leur
1
MAUDIEU, 2005.
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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pouvoir d’achat ne fait que diminuer ou stagner, les consommateurs plébisciteraient davantage le
hard discount et se défieraient par le même mouvement des marques et de la publicité, quelque
soit le média utilisé1. Mais ces facteurs contextuels sont-ils suffisants pour expliquer les résultats
de l’enquête TNS Sofres / Stratégies ? Peut-être pouvons nous soumettre des éléments de
réponse issus de l’organisation même de la publicité telle qu’elle se présente aujourd’hui.
Tout d’abord, les consommateurs se trouvent confrontés à des publicités de plus
en plus nombreuses et ce pour deux raisons principales. Premièrement, les médias se sont
fragmentés avec des titres de journaux et de magazines toujours plus nombreux, des chaînes de
télévision qui se comptent désormais par dizaines voire par centaines. Une cible peut donc être
sollicitée par le même message publicitaire plusieurs fois par jour et par le biais de médias
différents. Deuxième facteur expliquant la surexposition du consommateur à la publicité : le
développement de la société de consommation qui a amené une offre de plus en plus large et de
plus en plus segmentée. Cette multiplication de l’offre est certes le fait de l’apparition de
nouvelles marques, mais aussi de la diversification des marques existantes qui déploient leur
offre en gammes de produits, elles-mêmes contenant plusieurs produits différents. Si auparavant
l’on pouvait choisir entre deux ou trois eaux minérales, elles sont aujourd’hui plusieurs dizaines.
L’offre s’élargissant, les messages publicitaires se font naturellement plus nombreux.
En étant toujours plus sollicités, les consommateurs sont de plus en plus éduqués à
décrypter les messages publicitaires auxquels ils sont soumis. Une des conséquences de cette
éducation du consommateur est qu’il est moins sensible aux mécaniques classiques de la
rhétorique publicitaire et à l’homogénéité des stratégies communicationnelles utilisées, ce que
confirment les propos de Bertrand Suchet, président de DDB Paris : « Quand on utilise de
grosses ficelles, les gens ont l'impression qu'on les prend pour des abrutis. Il ne faut donc pas
s'étonner si certaines publicités sont sanctionnées 2». Le consommateur n’est donc pas dupe, il
sait que le message publicitaire est nécessairement orienté à l’avantage du produit notamment
grâce à l’usage d’artifices stylistiques. Cela se retrouve particulièrement dans l’enquête TNS
Sofres / Stratégies où à la question « qu’attendez-vous en priorité d’une publicité ?» 45% des
sondés répond qu’elle doit être claire et facile à comprendre, 35% qu’elle doit être drôle, 35%
qu’elle apporte des informations sur les caractéristiques d’un produit…, contre 17% qui répond
qu’elle doit étonner, 11% qu’elle doit être belle, et 10% qu’elle doit faire rêver. Ces chiffres
1
2
MAUDIEU, 2005
Ibid
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Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
10
mettent bien en évidence que le consommateur, pragmatique et rompu aux techniques classiques
de la publicité, est moins sensible aux effets de styles et qu’il attend moins de superflu s’il ne lui
permet pas soit d’en savoir plus sur le produit, soit de se divertir. Il n’est donc pas favorable à
cette publicité « qui s’emploie à empiler les masques – masquage de son énonciateur véritable,
de son but illocutoire principal, de ses significations essentielles, aussi bien que de ses
mécanismes logiques ».1
Le consommateur est conscient que la publicité ne représente pas la réalité, et il
s’agit là peut être d’un point pouvant expliquer que les Français sont de moins en moins
favorables à la publicité : celle-ci, bien que s’attachant souvent à être vraisemblable, ne serait pas
ancrée dans le réel : la façon dont la société y est représentée n’est que clichés. En effet,
conséquence de la diffusion des publicités par les médias de masse, la marque ne peut s’adresser
aux consommateurs qu’en représentant des personnages stéréotypés sur lesquels un maximum de
personnes peut se projeter - au moins partiellement. L’utilisation des stéréotypes serait aussi une
contrainte liée à la surexposition du consommateur aux publicités dont nous avons parlée : pour
être facilement compréhensibles et repérés dans le flot des messages concurrents, les éléments
constitutifs du message doivent être simples, percutants et participer à ce que nous pourrions
appeler une « saturation sémiotique ». En effet, comme le note George Péninou2, une des
caractéristiques majeures du discours publicitaire est la redondance de l’information, c’est-à-dire
que les signifiants d’un même signifié sont souvent surabondants pour assurer l’intelligibilité du
message. De ce fait, l’utilisation de stéréotypes sociaux permet de rendre plus rapide la
compréhension du message, ce qui est un critère fondamental dans le milieu publicitaire. Mais
voilà, ces figures stéréotypées ne conviennent pas au consommateur qui exige de la marque un
discours personnalisé –un consommateur ne veut pas être un client parmi tant d’autres- et qui, en
vertu d’un principe d’idiosyncrasie intouchable refuse d’être mis derrière les barreaux invisibles
des stéréotypes. La vocation du marketing à « convaincre les masses que c’était normal d’avoir
les mêmes goûts que les autres » mentionnée par Loic Le Meur3 ne satisfait pas le
consommateur. Car si la pratique du stéréotype n’est pas l’apanage de la société actuelle (on
retrouve dans des écrits anciens des stéréotypes que les Grecs avaient sur les Barbares), elle est
bien « une des grandes obsessions des temps modernes4 ». Notons que selon le sondage TNS
Sofres / Stratégies la proportion de ceux qui avouent que la publicité influence la vie quotidienne
1
ADAM et BONHOMME, 1997, p.114
PENINOU, 1972, p.276.
3
LE MEUR, 2006
4
AMOSSY, Les idées reçues : sémiologie du stéréotype ; Nathan : 1991. p.11.
2
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n'a jamais été aussi forte (91%), et que « c'est précisément parce qu'ils se sentent influencés que
les Français supportent mal le décalage persistant entre la publicité et la « vraie vie1 ».
De tout cela résulte une baisse de la capacité de séduction de la publicité qui a
perdu près de six points depuis 20022. Les résultats de l’enquête TNS Sofres /Stratégies nous
amène à conclure davantage sur l’expression d’un besoin de redéfinition des rôles de la publicité
que d’un rejet de celle-ci. Ainsi, face à un consommateur souhaitant plus d’authenticité, de parler
vrai, la publicité ne devrait non plus faire preuve de séduction, mais d’argumentation et
d’information. C’est peut-être pour cette raison que 42% des consommateurs déclarent que la
motivation des achats provient du bouche à oreille…
Le consommateur tend davantage à croire les conseils d’un ami ou d’un membre
de sa famille que les messages véhiculés par la publicité. Et aujourd’hui, force est de constater
qu’Internet a permis au consommateur de s’exprimer et de trouver des avis sur un produit
redéfinissant ainsi son statut et la relation qu’il entretient avec les marques.
1.1.b Internet, ou la redéfinition du statut du client
Au fur et à mesure de son développement et de son appropriation par le
consommateur, Internet est apparu et apparaît encore comme un espace privilégié pour
l’expression d’expériences personnelles, de centres d’intérêt, d’opinions et critiques sur les
marques et leurs produits. Ces nouveaux espaces d’expression ont permis au consommateur,
comme nous allons le voir, d’acquérir un nouveau statut auprès des marques.
La première reconfiguration du statut du consommateur engendrée par l’Internet
réside dans sa capacité à avoir une certaine maîtrise des prix grâce à des sites Web qui
permettent à l’internaute de trouver le produit ou le distributeur le moins cher parmi les critères
qu’il a fixés. Ces comparateurs facilitent grandement une comparaison large et objective de
l’offre et des prix et ils peuvent donc conduire les marques ou les distributeurs à réviser leur
politique de prix pour s’ajuster à la concurrence. Ce nouveau statut du consommateur ayant un
poids sur la définition du prix va plus loin avec les sites d’achats groupés. Leur principe est
simple : au plus le nombre d’internaute commandant un produit est élevé, au plus le prix de ce
1
2
MAUDIEU, 2005.
Ibid
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produit baisse. On voit donc que le réseau consumériste peut devenir une véritable force de
négociation avec ces sites spécialisés dans les achats groupés.
La deuxième reconfiguration du statut du nouveau consommateur consiste dans
son désir et sa capacité à obtenir des produits partiellement ou totalement personnalisés. Les
exemples sont nombreux et leurs modalités d’application variées. Nous distinguerons cependant
un premier niveau où le cyber-consommateur est sollicité pour choisir une variante d’un produit
parmi plusieurs propositions. C’est le cas notamment de la marque de vêtement Célio qui invite
l’internaute à participer au « Tremplin des créateurs1 » où il peut voter pour le motif de T-Shirt
qu’il souhaite voir commercialisé dans les magasins Célio. Le deuxième niveau quant à lui va
plus loin dans la personnalisation de l’offre, puisqu’il s’agit d’interfaces permettant au
consommateur de constituer son produit de A à Z, comme il le désire. Citons par exemple le site
Nike ID2 où le client peut fabriquer sa chaussure de sport Nike en fonction de ses goût : il en
choisi un modèle de base puis décide de la couleur de l’intérieur et des lacets par exemple.
Plus généralement, on retrouve sur le Web l’idée que l’internaute, le
consommateur peut contribuer à la vie d’un produit ou d’un site. Notons comme exemples de cet
internaute producteur de ce qu’il souhaite voir / consommer le site de l’encyclopédie en ligne
Wikipédia3 qui peut être modifiée par n’importe quel internaute, ou encore l’exemple singulier
du journal de Corée du Sud Ohmynews.com4 dont la devise est « un journaliste dans chaque
citoyen » et dont une grande partie des articles est rédigée par les internautes. En somme, nous
voyons bien que dorénavant le cyber-consommateur a un désir de produire de l’information et
d’avoir une influence sur les produits qu’il achète.
Cela nous amène à la troisième reconfiguration du statut du consommateur : celuici a investi l’espace du Web à la fois pour s’exprimer sur une marque ou un produit mais aussi
dans le même mouvement pour s’informer sur cette marque ou ce produit. Cela s’explique par la
défiance des consommateurs vis-à-vis des formes traditionnelles de la publicité que nous avons
évoquée plus haut. Ainsi, « saturé de messages publicitaires, moins sensible aux
communications de masse, le consommateur a changé de comportement. Sélectif, infidèle aux
marques et aux produits, il prend le temps de réfléchir, de comparer, d’arbitrer (…) Il demande
1
http://www.celio.com
http://nikeid.nike.com
3
http://fr.wikipedia.org/wiki/Accueil
4
http://ohmynews.com/
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plus d’informations et exige des services associés à ses achats. Il revendique son droit à
l’expression et souhaite qu’on l’entende, qu’on le comprenne, qu’on réponde rapidement à ses
attentes et qu’on le considère comme un individu à part entière, un client privilégié 1».
Face à la multiplication et à la spécialisation de l’offre, le consommateur ne peut
être expert sur tous les produits dont il a besoin. Surviennent des difficultés en terme d’utilisation
du produit (comment tirer parti des fonctions d’un modèle de téléphone portable par exemple)
mais aussi et avant tout en termes de choix du produit car les critères de sélection sont
nombreux : le prix, le format, les caractéristiques fonctionnelles indiquées, l’allure extérieure,
l’existence d’une garantie pour un produit durable, et la marque2. De plus, « le consommateur est
possédé par la peur de « se faire avoir » par la marque, le vendeur. Il ne veut pas expérimenter
le trauma de l’échec, or la meilleure arme préventive reste l’autonomie 3». Il va donc acquérir
cette autonomie vis-à-vis du discours publicitaire en recherchant des témoignages d’autres
consommateurs, en posant des questions sur des forums dédiés, en consultant des sites
personnels, etc. Il va devenir, pour reprendre une expression de Hussherr, « un expert de la
société de consommation 4». Car comme le note Loïc Le Meur « Nous sommes beaucoup plus
intéressés par les avis des autres consommateurs que par soit la description élogieuse d’une
marque de son produit, soit la publicité qui le met évidemment toujours en valeur. Si vous voulez
acheter un appareil numérique par exemple, le site de la marque sera bien entendu une
information, mais ce que vous voulez vraiment savoir c’est la qualité des prises de vues, la
vitesse, la facilité d’utilisation, bref l’avis des personnes qui ont réellement eu le produit en
mains. Google et les autres moteurs de recherche Web mettent cette information à un clic,
accessibles en quelques secondes 5». En somme, si les entreprises ont longtemps communiqué
uniquement sur les aspects positifs de leurs produits, c’est oublier que depuis la démocratisation
d’Internet n’importe quel internaute peut publier son avis sur ces produits. La démarche est
rapide, simple, immédiate, et parfois encouragée par des sites comme Ciao.fr ou tout simplement
Fnac.com où chacun peut poster un avis sur tel livre ou tel disque. Les clients n’ont plus besoin
d’un 60 millions de consommateurs pour se faire entendre, d’autant plus que « le nouveau
consommateur se différencie en un point fondamental par rapport à ses ancêtres : son aptitude
1
HUSSHERR 1999, p3
KAPFERER, 1989, p93
3
STAMBOULI, 2002, p31
4
HUSSHERR, 1999, p.3
5
LE MEUR, 2006.
2
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et son goût à communiquer de façon permanente1 ». En bref, Internet a doté le consommateur
d’outils puissants de bouche à oreille.
1.1.c Un nouvel outil de bouche à oreille : les blogs
Récemment s’est ajouté à cette palette d’outils un autre dispositif : les blogs.
Ceux-ci n’ont pas d’abord pas eu comme vocation de parler de produits ou de marques.
Rappelons d’abord ce que nous entendons par « blog ». Pour reprendre l’acception donnée par
l’Institut Médiamétrie, un blog est un site Web personnel qui permet à son auteur de s'exprimer
via une interface facilitant la mise en ligne des notes écrites et/ou des contenus audio et vidéo
qu'il soumet aux autres internautes de façon publique ou restreinte, et qui peuvent être
commentées par les autres internautes. Même s’il n’existe aucune mesure officielle pour compter
les blogs, un article du Journal du Net2 fait état de 9 millions de blogs en France dont 2,5
millions actifs3. Cela constitue un ratio de 0,35 blogs par internaute, soit le taux le plus élevé au
monde, puisqu’à titre de comparaison, ce ratio est de 0,24 pour les Etats-Unis (50 millions de
blogs dont 15 millions actifs), 0,32 pour la Chine (36 millions de blogs dont 10 millions actifs)
ou encore 0,17 pour le Royaume Uni (4 millions de blogs dont 1,5 millions actifs). Le nombre de
blogs ne cesse d’augmenter, et la blogosphère (c’est-à-dire cette communauté de blogueurs)
doublerait de volume tout les 5,5 mois4. Elle a connu un essor tout particulier depuis 2004.
Mais ces blogs n’ont pas tous ni la même forme ni les mêmes objectifs. Une
typologie des blogs nous est proposée par Laurent Gloaguen5 qui distingue, par ordre
d’importance : 1) un pôle diariste (sorte de journaux intimes enregistrant les événements d’une
vie ; ce sont les blogs des ados, les blogs littéraires, les récits de voyage, etc.), 2) un pôle
thématique (ce sont des blogs dédiés à un ou plusieurs thèmes comme la cuisine, le jardinage, les
jeux vidéos, etc.), 3) et enfin un pôle weblogue (ce sont des blogs formant un recueil de liens
Web).
La plus forte raison de créer son blog relèverait d’un désir de relation
interpersonnelle pour 47% des blogueurs sondés selon le site Actu-buzz6, mais cette vision
1
STAMBOULI, 2002, p41
http://www.journaldunet.com/diaporama/0604blogs/2.shtml
3
On distingue un blog actif qui est mis à jour régulièrement d’un blog passif qui lui est laissé à l’abandon.
4
http://www.technorati.com/
5
GLOAGUEN, 2006.
6
http://www.actu-buzz.com
2
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
15
sociale du blog semble mise à mal par un article du Monde, qui voit dans les blogs une forme
d’exhibitionnisme, « un besoin d’affirmation de soi et de revendication des blogueurs ». 1
Le blogueur peut donc s’exprimer sur sa vie, ses centres d’intérêts, des questions
de société, mais les blogs ont fini par devenir rapidement des espaces d’information et
d’expression pour les consommateurs. Les blogueurs ont commencé à partager leur expérience
sur un produit, mais surtout, fait plus étonnant, à suivre l’actualité d’une marque (les nouvelles
sorties de produits, les publicités, etc.). Ainsi, selon une étude menée par Technorati et Edelman,
40% des blogueurs écrivent au moins une fois par semaine sur une marque ou un produit.
D’autre part, selon une enquête Médiamétrie du 1er juin 2006, 27% des internautes, soit 7,3
millions d’internautes, auraient consulté au moins un blog par mois en France au premier
trimestre 2006, et 4 millions auraient laissé un commentaire sur un blog, soit 15% des
internautes.
Les blogs constituent donc un puissant outil du bouche à oreille, nous y
reviendrons plus tard, d’autant plus puissants qu’ils répondent au besoin d’authenticité et de
parler vrai exprimé par le consommateur. Malthieu Paldacci, sociologue à l’Ecole des Hautes
Etudes en Sciences Sociales explique que le blog est à la fois une vitrine et un lieu d’échanges où
« l’identité de l’auteur n’est absolument pas virtuelle, c’est pour cela que les blogs marchent »2.
Nous pouvons illustrer cela par le cas très connu des antivols Kryptonyte. Le 12
septembre 2004 un internaute posta un billet sur un blog dédié aux amateurs de vélos. Dans ce
commentaire, il affirma que les antivols U-Shaped de la marque Kryptonite pouvaient être
ouverts en quelques secondes, et ce au moyen d’un simple stylo bille ! Deux jours plus tard, le
blog Engadget3, intéressé par ce commentaire, diffusa une vidéo faisant la démonstration de cette
défaillance. Avertie de ces attaques, mais peu rompue aux règles de la blogosphère, la
compagnie Kryptonyte répondit en affirmant que ses antivols restaient malgré tout une force de
dissuasion aux vols ce qui eut pour conséquence non pas d’apaiser les internautes, mais au
contraire de les rendre encore plus furieux. Les jours suivants, les blogueurs étaient de plus en
plus nombreux à écrire sur cette polémique et à manifester leur mécontentement. Cinq jours
après le premier billet, le New York Times fut attiré par la multiplication des articles sur le sujet. .
1
GHIRINGHELLI, 2005.
Ibid
3
http://www.engadget.com/
2
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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16
Le quotidien américain publia un article sur les défaillances des antivols Kryptonite et sur les
réactions virulentes de la blogosphère. Ayant échoué dans la gestion de la crise, la compagnie
reconnut finalement son erreur de communication et annonça le 22 septembre, soit dix jours
après le premier post, qu’elle remplacerait gratuitement tous les antivols défectueux. Le
magazine Fortune estime aujourd’hui que près de 1,8 millions de consommateurs ont lu les
articles des blogueurs relatifs aux problèmes de ces antivols.
Nous venons de voir que le consommateur est aujourd’hui moins sensible aux
formes traditionnelles du discours publicitaire. Nous avons vu également que le développement
des pratiques de communication sur Internet a permis une reconfiguration du statut du client. Ce
dernier, parce qu’il dispose désormais d’outils facilitant son expression sur le web, ne serait plus
une entité passive dans le schéma de communication – un simple récepteur-, mais un agent
communicant disposant d’une légitimité parfois égale ou supérieur au discours de la marque. Ce
contexte conduit les marques à développer de nouvelles stratégies et à investir de nouveaux
espaces médiatiques pour tenter de séduire ce nouveau consommateur.
1.2 Le blog comme forme aboutie des stratégies publicitaires
actuelles.
1.2.a Des stratégies entre starisation du client et « real publicité »
Le premier élément remarquable dès lors que l’on se penche sur l’évolution du
discours marketing ces trois dernières années est très certainement l’explosion des castings de
consommateurs. Mais comme l’explique Guillemette Sezner, de RMG Connect. « le casting en
soi n'est pas récent. Mais la nouveauté, c'est sa médiatisation poussée par le phénomène téléréalité qui en fait quelque chose de tendance1 ». Kit Kat, Coca-Cola, Reebok, Le Comptoir des
Cotonniers, Brandt, Bébé Cadum, Miko, Lou et même Canard WC2 !… Autant de marques qui,
dans leurs stratégies de marketing opérationnel, ont monté des opérations de castings, opérations
relayées dans les médias ou dans le point de vente avec des dispositifs near-pack (un bulletin de
participation disponible dans le rayon du produit) ou on-pack (une inscription sur le produit lui1
2
LEITUS, 2005.
Retrouvez en annexes l’intégralité des opérations castings citées.
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17
même indiquant la nature du casting). Ces opérations ont donc un objectif de promotion des
ventes en animant la vie du produit et en créant un événement, mais la portée de ces opérations
ne s’arrête pas là. En effet, ces castings sont aussi une façon de créer de la connivence avec le
consommateur, de l’impliquer et de nourrir le territoire de communication de la marque. Miko,
avec son opération « Casting Danse » en partenariat avec NRJ et en choisissant comme président
du jury le chorégraphe Kamel Ouali (un des professeurs de La Star Academy) visait à une
revalorisation de l’image de la marque. Ainsi, toute l'opération « Casting Danse » avait pour but
de faire de Miko « une marque qui bouge », une marque un peu plus jeune.
Les modalités de réalisation de ces castings et les cibles visées sont relativement
variées. Ainsi, on ne s’étonne pas aujourd’hui de lire une annonce pour l’élection du bébé qui
représentera en 2006 la marque Bébé Cadum, un casting de toilettes pour Canard WC ou encore
pour un casting de doudous ! Ce dernier a été organisé par Brandt : les meilleurs doudous furent
utilisés pour les campagnes d’affichage publicitaires des machines à laver de la marque où l’on
pouvait voir la photographie du doudou accompagnée de la mention « seulement 45 minutes de
séparation ». Le Comptoir des Cotonniers, marque de vêtements féminins, cible quant à elle par
ses castings aussi bien des mères que leurs filles puisque elle base son territoire de
communication sur l’intergénérationnel. Toutes les cibles peuvent donc être visées par ces
opérations casting mais il est vrai toutefois qu’elles sont davantage orientées pour toucher les
jeunes. Coca par exemple a organisé un casting auprès des 15-25 ans qui débouchait sur un rôle
dans le prochain spot cinéma de la marque. Les annonceurs n’hésitent pas non plus à mêler
castings et concours comme cela a été le cas avec Kit Kat qui lança il y a deux ans « l’Akadémie
Kit Kat » : pour la réalisation d’un court métrage, la marque organisa un casting d’acteurs et des
concours de synopsis, de scénarii et d’affiches. Nous voyons bien là un discours qui correspond à
la reconfiguration du statut du client dont nous avons parlée. Le consommateur est de plus en
plus habitué à intervenir dans la création d’un produit (rappelons les exemples du Tremplin des
Créateurs de Célio ou le site Nike ID), et l’extension de cela est que le consommateur doit
pouvoir participer à la communication du produit.
Ces opérations castings tiennent cependant un double discours qui frôle le
paradoxe car elles font cohabiter star et anonyme, deux termes pouvant paraître comme
antinomiques. En effet, d’un côté la marque tient un discours, en amont de la création
publicitaire, basé sur la promesse de faire du client anonyme une « star », du moins une personne
exposée dans un ou plusieurs médias. L’autre versant du paradoxe tient au fait que ces mêmes
castings visent au final à représenter la marque par des anonymes, sous-entendant que le produit
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promu est un produit qui ressemble au consommateur de tous les jours et pas à un idéal
publicitaire stéréotypé ! Ces castings remettraient aussi en question l’affirmation de Jacques
Séguélà pour qui « Etre une personne, c’est être personne. Nous ne fabriquons pas des
personnes, nous créons des stars 1».
Quoiqu’il en soit, le succès des opérations castings, tant auprès des
consommateurs qu’auprès des annonceurs, s’appuie sur le désir d’une relation basée sur de la
connivence entre la marque et le consommateur, et elles semblent exprimer à celui-ci le souhait
des entreprises de communiquer sans personnages stéréotypés. C’est encore une illustration de la
recherche d’authenticité et de parler vrai que nous avons abordée. Il s’agit de rapprocher la
marque du consommateur et son quotidien, d’humaniser cette marque. De plus, ce succès des
castings s’explique également par la tendance exhibitionniste amorcée il y a quelques temps par
la télé réalité et accentuée par le phénomène des blogs dans lesquels l’internaute révèle à la face
de visiteurs anonymes ses états d’âmes, des morceaux de sa vie, des photos de ses amis et sa
famille… La campagne «I am what I am2 » est un exemple qui conclut parfaitement notre
démonstration sur ce parallèle entre les castings et les tendances exhibitionnistes du
consommateur. Dans cette campagne Web, l’internaute peut devenir la prochaine star de la
future publicité Internet de Reebok. Pour ce faire, il envoie sa photo et écrit une courte phrase,
ou plutôt un slogan qui le qualifie et le site génère automatiquement une publicité visible de tous.
Ce qui est remarquable c’est d’abord que tous les candidats ont une exposition médiatique (via le
site de l’opération), et c’est ensuite la teneur même de l’opération : ce qui est attendu ce n’est pas
une « belle gueule », un talent particulier ; non c’est un vrai visage, une vraie personne avec
surtout une vision du monde et un langage (avec ses fautes aussi ! touche de réalisme
supplémentaire il faut croire !). Voici quelques slogans pris au hasard : «ce ke tu peu faire
aujourdui, ne le fait pas demain ; rêve ta vie puis vis tes rêves ; moi je suis comme je suis
…etc. ».
Cette campagne « I Am What I Am » avec ses phrases façon « ils ont dit » et
surtout avec ses photos prises par l’internaute lui-même nous conduit vers ce que nous pourrions
appeler une « esthétique de l’authentique ». Ces photos ne sont pas faites par des
professionnels et cela se voit : on décèle des artéfacts ou une pixellisation forte qui montrent que
les photos ont été prises avec une webcam. Les photos d’appareils numériques souffrent
1
2
LENDREVIE, 2001, p.434
Comprendre « Je suis ce que je suis » ; Voir annexes et http://www.rbketoi.fr/
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également de défauts d’amateurs (reflet du flash, yeux rouges, ombres dures, chromie incorrecte,
etc.). C’est ce que nous entendons par « esthétique de l’authentique »1. Il aurait peut être paru
plus juste de parler de « non-esthétique », mais nous pensons qu’une image ne peut pas ne pas
tendre vers une forme d’esthétique, qu’elle soit volontaire ou non. Cette esthétique constitue un
axe de développement important des stratégies publicitaires actuelles. On pourrait appeler cette
tendance la « real publicité » dans la mesure où elle s’inspire de la façon de filmer de la téléréalité, plus précisément de Loft Story. Ce mouvement s’illustre particulièrement avec les films
viraux qui, pour beaucoup, semblent être des films amateurs : pas de lumières additionnelles,
utilisation grossière du zoom, cadrage et prise de son aléatoire, image dure (pas de filtre) et
instable (façon caméscope)... Mais souvent, pour créer de l’humour, des éléments extraordinaires
ou absurdes interviennent dans la trame narrative. Citons comme exemples les films viraux de la
nouvelle Renault Clio2, les films « Opérations Cuisine » d’Ikea3, ou enfin ceux pour le jeu vidéo
Prince Of Persia d’Ubisoft4.
Cette esthétique de l’authentique va dans le sens de discours publicitaires plus
proches de la réalité, peut être pas plus réalistes mais en tout cas plus vraisemblables : avec les
castings, les marques semblent vouloir se défaire des personnages stéréotypés et impliquer le
consommateur dans la vie du produit, et avec l’esthétique de l’authentique, elles paraissent
accorder moins d’importance à la mise en forme du message et se concentrer par le même
mouvement à avoir un discours clair : avec moins d’effets de style, le message serait plus direct
et plus franc, et non plus dissimulé derrière des artifices visuels. Tout cela contribuerait à
diminuer la distanciation que le consommateur peut effectuer en regardant un message
publicitaire. Mais ce serait oublier que cette esthétique de l’authentique n’est qu’apparence : elle
permet à la marque de cacher qu’il s’agit d’un message travaillé selon une stratégie, des objectifs
de communication.
1.2.b L’appropriation des nouveaux médias par le marketing
Si les marques essayent de séduire le consommateur par ces techniques de
starisation du client et des esthétiques de l’authentique, elles tentent également d’attirer son
attention en diffusant leurs messages publicitaires dans les espaces jusque là encore vides des
1
Cf. annexes pour exemples.
http://www.jaiamelioremaclio.com/
3
http://www.operationcuisine.com
4
http://www.2december.co.uk
2
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nouveaux médias. Ainsi voit on apparaître des SMS publicitaires sur nos téléphones portables ou
encore des banderoles vantant telle marque de chaussures dans un jeu vidéo de football…
En effet, le téléphone portable et ses 44,3 millions d’abonnés en France a vite
intéressé les annonceurs. Ce nouveau média dispose de plusieurs atouts. Tout d’abord, comme
l’indique Marc-Henri Magdélénat de Screentonic, « c’est le seul qui appartienne à l’individu et
non foyer 1» qui de surcroît est souvent à portée de main. Des messages peuvent être envoyés
sous forme de teasers constituant de cette manière des points de renvoi vers d’autres supports de
communication. Les marques peuvent également décider de créer des mini-sites compatibles
avec les contraintes de la téléphonie mobile (ce sont les technologies Wap, I-mode, etc.). Le
« mobinaute » peut alors y télécharger des sonneries ou des fonds d’écran pour personnaliser son
mobile, mais aussi y trouver des offres promotionnelles, ou encore, comme le propose Citroën,
de trouver le point de vente ou de réparation le plus proche. C’est d’ailleurs dans cette
perspective de relation client que le téléphone portable laisse entrevoir des possibilités
intéressantes. Notons les exemples de Grand Optical qui informe ses clients par SMS que les
lunettes qu’ils sont venus faire réparer sont prêtes, ou encore Accor Hotels qui envoie un SMS de
confirmation avec les coordonnées de l’hôtel pour les internautes qui ont réservé une chambre
par Internet.
Continuons notre démonstration de l’expansion de la publicité dans les nouveaux
médias avec l’exemple des jeux vidéo. Avec un marché en pleine expansion et une
diversification du profil des joueurs, les marques ont vu dans les jeux vidéo un nouvel espace
d’expression publicitaire. La marque dispose alors de deux solutions : soit elle créé son propre
jeu vidéo, soit elle signe un contrat avec un éditeur pour apparaître dans un jeu. Ford a ainsi créé
un jeu baptisé « Ford Racing » laissant au joueur le plaisir de conduire différents modèles du
constructeur. Mais cette solution n’est pas forcément efficace car elle se révèle chère, et les jeux
produits sont souvent mal réalisés et intéressent peu les joueurs. Les marques préfèrent
apparaître dans un jeu vidéo qui ne leur est pas dédié. C’est la cas de Mac Donald’s ou d’Intel
qui ont versé plusieurs millions de dollars pour être présents dans le jeu vidéo Les Sims. La
publicité constitue alors un élément de réalisme pour certains jeux (comme les jeux de football
où l’on imagine mal un terrain sans publicité).
1
Stratégies, Nouveaux médias
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21
Si nous nous sommes attardés sur ces nouveaux médias que sont les SMS et les
jeux vidéo, c’est pour illustrer l’élan naturel du marketing à infiltrer tous les interstices des
médias numériques laissés béants et encore vierges de toute empreinte des marques. Il est dans la
nature même du marketing de profiter de l’apparition de nouveaux médias. Cette propension du
discours publicitaire à apparaître dans tous les points de contacts possibles avec le consommateur
se vérifie ailleurs que dans les médias numériques. Il est en effet étonnant, peut-être inquiétant,
nous laissons le lecteur en juger, de voir qu’il est désormais possible pour un annonceur de faire
de la publicité sur des oeufs1 (non pas les boîtes à œufs mais les œufs eux-mêmes !), ou encore
dans les toilettes2 d’un restaurant. Bref la publicité est partout ! C’est peut être d’ailleurs un
facteur qui pourrait expliquer les résultats de l’enquête TNS Sofres / Stratégies dont nous avons
parlée auparavant… Les marques s’adaptent donc au remodelage du paysage médiatique et des
comportements des consommateurs.
Ainsi, il ne faut pas s’étonner de voir les marques s’approprier la blogosphère. Les
blogs connaissent un engouement certain depuis plus de deux ans et les médias attirent
l’attention sur ce phénomène en multipliant les articles de presse, les reportages télévisuels ou
radiophoniques. Il est donc naturel que les annonceurs envisagent ces blogs comme un lieu
d’expression publicitaire et nous pouvons rappeler pour soutenir cette idée les propos de Jacques
Lendrevie qui affirme que « pour la publicité, tous les médias, au fur et à mesure qu’ils
apparaissent (et qu’ils lui sont accessibles) sont les bienvenus 3».
1.2.c De l’intérêt des marques pour les blogs.
Si nous avons pris le temps d’analyser les facettes du nouveau consommateur et
les nouvelles stratégies publicitaires, c’est pour contextualiser cet intérêt des marques pour les
blogs. Nous comprenons mieux maintenant en quoi l’apparition des blogs de marques est une
suite logique à l’appropriation des nouveaux espaces médiatiques par la publicité, aux stratégies
de valorisation du client anonyme par les opérations castings et par l’esthétique de l’authentique,
mais aussi à la reconfiguration du statut du consommateur qui dispose désormais d’outils simples
lui permettant de s’exprimer sur ses expériences produits ou sur ses préférences pour ce qu’il
souhaite voir commercialisé. Car comme le souligne Loïc Le Meur, « si votre entreprise ne
1
http://www.foxnews.com/story/0,2933,164919,00.html
http://www.nouveaujour.fr/~blog/2004/09/la-pub-lassaut-des-toilettes-publiques.html
3
LENDREVIE, 2001, p.14
2
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Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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blogue pas, ce sont ses clients qui le feront pour elles 1». Rappelons l’étude de Technorati et
Edelman selon laquelle 40% des blogueurs écrivent au moins une fois par semaine sur une
marque ou un produit. Les entreprises ne souhaitent certainement pas connaître le même sort que
Kryptonite et ses antivols...
Dans ce contexte, les blogs de marques relèvent d’une tentative de réappropriation
partielle du discours tenu sur elles ou leurs produits. Notons que parallèlement à ces blogs de
marques, d’autres applications pour l’entreprise émergent. Le blog peut alors être utilisé comme
un outil de gestion de projets en interne ; il peut aussi être au service des départements de
ressources humaines comme cela est le cas pour le réseau d’agences immobilières Century 212
qui diffuse sur son blog des offres d’emplois et fait découvrir les métiers en agence ; il peut
également être une interface privée de relations presse, en témoigne le blog mis en place par la
SNCF et qui est réservé aux journalistes3. Le spectre d’utilisation des blogs par les entreprises
semble donc très vaste.
Mais revenons à son utilité dans la communication externe d’une marque. Le blog
peut revêtir deux formes majeures : il peut être un blog de marque stricto sensu, c'est-à-dire
servant la communication institutionnelle de la marque dans son ensemble. Ce sont des blogs
généralistes portant sur l’actualité de l’entreprise et qui peuvent parfois être un lieu d’expression
pour ses dirigeants. Un exemple remarquable est le blog de Michel Edouard Leclerc4 . Tout en
abordant l’actualité de ses hypermarchés, Michel Edouard Leclerc exprime sa passion pour la
bande dessinée, commente des faits d’actualité, etc. Le blog peut enfin être un blog publicitaire,
c’est-à-dire spécialement conçu pour promouvoir un produit ou une gamme de produits de la
marque.
Il est intéressant de constater que cette utilisation des blogs dans la
communication externe d’une entreprise n’est absolument pas réservée à une catégorie de
produits ou à un milieu particulier. Quiconque surfe sur Internet pourra trouver le blog d’une
chaîne de parfumeries comme Sephora5, d’une gamme de vêtements comme celle d’Adidas
Clima6, d’un comparateur de prix en ligne comme Kelkoo1, et même d’un grand nom du prêt-à1
LE MEUR, 2006.
http://century21.typepad.com/
Lire à ce sujet l’article « Recrutement : blog mode d’emplois » in Stratégies 1387, 27 Octobre 2005, Frédéric Saliba
3
http://tubbydev.typepad.com/entreprise_et_blog/2005/06/blog_voyagessnc.html
4
http://www.michel-edouard-leclerc.com/blog/m.e.l/index.php
5
http://piiink.blogs.com/
6
http://adidas-clima.skyblog.com/
2
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Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
23
porter et du luxe comme Dior et son blog Plastique de Rêve2. .Encore plus étonnants peut-être,
les blogs pour des brosses à dents 3 et pour une machine à pain Panasonic 4!
Mais les marques françaises ont d’abord été réticentes à s’exposer via un blog. La
raison ? L’expérience douloureuse de Vichy avec son blog « Le Journal de ma peau5 ». Rédigé
par une certaine Claire, ce blog devait permettre à cette consommatrice comme les autres de faire
vivre aux internautes son expérience d’une crème pour la peau Vichy. Mais l'aventure a tourné
court. Les internautes se rendirent compte que Claire n’existait pas, qu’il s’agissait d’un
personnage fictif inventé par Vichy et son agence de communication. Mieux, les commentaires
étaient filtrés et les articles avaient une allure de publi-rédactionnel. Il n’en fallu pas plus pour
que les internautes fassent circuler l’information sur des forums et d’autres blogs afin de
dénoncer la supercherie. Vichy publia un mea culpa. Un membre du service marketing reconnu
que Claire n'existait pas, mais que toutes les remarques des internautes allaient être étudiées
avant de réfléchir à la suite à donner à cette expérience. Aujourd’hui, Le Journal de Ma peau a
été remodelé donnant lieu à une deuxième version.
Le contre-exemple de Vichy illustre en tous cas ce qui peut motiver les marques
qui jouent le jeu et les internautes qui lisent ces blogs officiels : ce serait une opportunité pour la
marque de tenir un discours authentique, spontané, direct et sans artifice, et cela serait une
preuve visible et concrète de la volonté de l’entreprise de valoriser le client en le laissant
s’exprimer pleinement sur les produits de la marque. Si les opérations castings dont nous avons
parlées sont une valorisation du client par l’image, les blogs sont quant à eux une valorisation du
client par la parole. « Cela nous permet d’abord de développer de la complicité avec la clientèle,
Et puis le blog remet de l’humain dans un modèle hyper-communiquant , les clients peuvent se
réapproprier la marque, un peu comme les premiers abonnés de Canal Plus » indique Bertrand
Jouvenot, responsable Marketing de Célio6.
La nature même du blog participe à l’esthétique de l’authentique explicitée plus
haut. En effet, le blog est soumis à la notion de contrat de communication comme toutes les
formes de discours. Par exemple, on attend d’un journal télévisé un autre discours qu’un
1
http://www.kelkooblog.com/kk/
http://plasticity.blogs.com/
3
http://brosseadomicile.typepad.com/
4
http://www.panasonic-blog.fr/servlet/PB/menu/1223695_l3/index.html
5
http://www.journaldemapeau.fr/blog/index.php
6
RAULINE, 2005.
2
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24
programme de divertissement. On attend d’un magazine sur le jardinage des articles et des
conseils pour entretenir son jardin, pas une analyse géopolitique du monde… Pour faire simple,
le cadre du discours modalise les attentes du récepteur sur celui-ci. Ainsi, en consultant un blog,
on s’attend à trouver un discours vrai, un discours personnel. C’est ce que nous appelons le
contrat de communication. En adoptant la forme du blog, la marque s’engage implicitement dans
une démarche d’authenticité et d’humanisation. Reste à savoir ce qui fait qu’un discours paraît
vrai, mais cela est une autre histoire…Si la marque ne joue pas le jeu, le blog aura vite
l’apparence d’un publi-rédactionnel classique, et les conséquences seront les mêmes que pour
Vichy. Comme le rappelle Laurence Girard le blog est « une arme marketing à double tranchant.
Face à un consommateur plus volage, plus averti aussi, pour qui la chasse à la bonne affaire sur
Internet est une activité ludique et qui n'hésite pas à donner son avis sur un produit, les marques
tentent de reprendre la main. Mais, en voulant profiter de la sphère d'influence d'Internet et
susciter une rumeur positive, on peut se retrouver, au contraire, au centre de la polémique 1» ‘
Outre cette volonté de paraître authentique et de poursuivre dans la valorisation du
client, d’autres facteurs expliquent l’intérêt des marques pour les blogs. Ainsi, parce qu’ils sont
souvent riches en contenus et en liens, les blogs sont particulièrement bien référencés dans les
moteurs de recherche. Ils sont également plus faciles à mettre en place qu’un site traditionnel.
Mais plus largement, cet engouement des marques pour les blogs traduit la réorganisation des
priorités accordée aux différents médias. Les stratégies marketing et publicitaires des marques se
réorienteraient-elles vers les médias interpersonnels au détriment des médias de masse ? Cela
conforterait les propos de Arthur Kannas, concepteur de blogs chez l’agence Heaven, pour qui
« au-delà du blog l’avenir est aux médias interpersonnels. Aujourd’hui, 85% du contenu sur le
Web sont produits par des particuliers. Les marques n’auront jamais suffisamment de puissance
pour maîtriser cela. Elles doivent participer à ce mouvement, en prenant la parole sur les blogs,
les forums, les sites persos 2».
Nous venons d’analyser le contexte dans lequel l’émergence des blogs de marques
et des blogs publicitaires a pu avoir lieu. Dans le cadre de notre étude, nous allons nous
intéresser plus particulièrement à ce dernier type de blogs, au(x) discours qu’ils tiennent et à
leurs applications marketing. Pour mener à bien cet objectif, nous allons soumettre un corpus de
blogs publicitaires à une analyse sémiotique comparative.
1
2
GIRARD, 2005.
RAULINE, 2005.
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25
1.3 Méthodologie d’analyse et présentation du corpus
1.3.a Options méthodologiques d’analyse et concepts fondamentaux
Notre objectif d’analyse des stratégies discursives et des applications marketing
d’un ensemble de blogs publicitaires nous amène, dans un premier temps, à définir un blog, et
plus largement un site Web, comme un message scripto-iconique, c’est-à-dire un message
composé, à degrés variables, d’éléments textuels (slogan, marque, texte informatif, etc.) et
d’éléments iconiques (photographie, dessins, schémas, diagrammes, etc.). Néanmoins,
soulignons que cette dichotomie texte/image n’est pas si évidente, et nous le verrons lors de nos
analyses de blogs, puisque comme le signalent Bernard Cocula et Claude Peyroutet, « parfois,
les recherches typographiques font de la lettre et du texte un message esthétique perçu plutôt
comme une image 1». Quoiqu’il en soit, un site web, un blog, comme tout document de
communication est un lieu de significations, un lieu où se construit du sens. En somme, il s’agit
de comprendre comment la combinaison de signes particuliers suscite l’interprétation chez le
récepteur.
Dans Introduction aux sciences de la communication, Daniel Bougnoux reprend
une phrase de Gregory Bateson : « communiquer, c’est entrer dans l’orchestre 2», et poursuit
« vous ne communiquez pas si dissonez, ou si votre musique s’harmonise mal avec les partitions
des autres et les codes en vigueur. Entrer dans l’orchestre, c’est jouer le jeu d’un certain code,
s’inscrire dans une relation compatible avec les canaux, les médias, le réseau disponibles ». Un
blog, parce qu’il s’adresse à une cible particulière, met en relation un ensemble de signes, utilise
un ou des codes particuliers pour être le plus en phase possible avec les attentes de celle-ci. Un
code est un ensemble de règles qui permettent de produire et de déchiffrer des signes ou des
ensembles de signes. Un code est donc un système organisé de signes. Mais qu’est-ce qu’un
signe ? Sur cette question, deux conceptions s’opposent (ou se complètent) : une conception
dyadique du signe partagée par Ferdinand de Saussure et Roland Barthes notamment, et une
conception triadique partagée entre autre par Charles Sander Pierce et Umberto Eco.
1
2
COCULA et PEYROUTET, 1986, p.123.
BOUGNOUX, 1998, p.20.
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26
Pour Ferdinand de Saussure, qui s’intéresse à la nature du signe linguistique
notamment, le signe est une entité psychique à deux faces indissociables : un signifiant et un
signifié, le signifiant étant la matérialité du signe (le mot /chien/1) et le signifié ce à quoi renvoie
cette matérialité (le concept de « chien »). Cette relation signifiant/signifié peut être
conventionnelle (pour les signes linguistiques : le mot /chien/ n’a aucun rapport avec la réalité
« chien »), ou motivée (pour les signes non linguistiques comme la photographie où il y a un
rapport de contiguïté). Barthes s’inspire de cette vision dyadique du signe dans « Rhétorique de
l’image » où, en analysant une publicité pour la marque Panzani (analyse fameuse pour le
concept d’ « italianité » mis en avant par Barthes), il détermine par exemple un signifié « retour
du marché » dont le signifiant serait /filet entrouvert/. Toujours dans Rhétorique de l’image,
Barthes distingue : le message linguistique dans sa dénotation et sa connotation ; le message
iconique non—codé, c’est-à-dire le dénoté ; et enfin le message iconique codé, c’est-à-dire ce
qui relève du culturel, du symbolique, de la connotation. La dichotomie signifiant/signifié peut
être alors prolongée au sein même du signifié avec une subdivision signifié de dénotation (« une
plage ») et signifié de connotation (« les vacances »). De façon générale donc, le signe, dans sa
nature bifaciale, serait l’union de ce que Jean-Marie Floch appelle un « plan de l’expression »
(le signifiant) et « un plan du contenu » (le signifié). Mais comme le souligne Roland Barthes
dans Rhétorique de l’image, le concept d’italianité n’est possible que par rapport à un savoir
français, c’est-à-dire que la mise en relation signifiant/signifié ne serait possible que par une
troisième face du signe.
Le travail du sémioticien Charles Sander Pierce a inauguré une conception
triadique du signe car il montre qu’un signe entretient une relation solidaire entre trois pôles : la
face perceptible du signe qu’il nomme « representamen » (le signifiant), ce que le signe
représente (l’« objet », le référent), et enfin ce que le signe signifie, l’ « interprétant »
(correspond au signifié). Umberto Eco, dans la production des signes (1976), définit le signe
iconique comme la mise en relation de l’objet, du signifiant qui le désigne, et une structure
perceptive mentale capable de faire le lien entre les deux. Cette conception triadique du signe
souligne le rôle d’une structure interprétative qui va effectuer la mise en relation
signifiant/signifié. D’où l’importance du contexte de réception du message publicitaire. Nous
nous opposons ainsi à l’approche de Ferdinand de Saussure et Louis Hjelmslev selon laquelle un
message doit être systématiquement isolé de son contexte de production et de réception en vertu
1
Par convention, un « signifié » sera mis entre guillemets et un /signifiant/ entre deux barres obliques.
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du principe d’immanence. Cette abstraction ne nous apparaît pas pertinente car la publicité est
une forme de communication, et toute communication prend sens dans la situation de
communication particulière dans laquelle elle se réalise, c’est-à-dire le cadre physique, mental et
social dans lequel se retrouvent les partenaires d’échanges déterminés par une identité
psychologique, sociale et culturelle qui pèse sur l’interprétation.
Il convient de rappeler brièvement que Roman Jakobson a défini six fonctions
essentielles de la communication, valables autant pour les messages textuels que pour les
messages iconiques :
•
la fonction référentielle : renvoie aux référents, situationnels et textuels. Englobe les
éléments d’information objective.
•
La fonction expressive : axée sur les impressions, émotions, jugements provenant de
l’émetteur.
•
La fonction conative : attire l’attention du récepteur qui doit se sentir concerné par le
message.
•
La fonction phatique : permet d’établir, maintenir ou interrompre le contact physique et
psychologique avec le récepteur.
•
La fonction métalinguistique : permet d’expliquer le code, le sens des signes.
•
La fonction poétique : liée au plaisir esthétique provoqué par la mise en valeur
particulière de la face « signifiant » d’un signe.
Pour finir, quelques remarques spécifiques au message textuel publicitaire.
Roland Barthes indique que le message textuel peut avoir deux fonctions principales : une
fonction d’ancrage (le texte est redondant, il double les informations du message iconique) ou
une fonction de relais (le texte ajoute une information inédite à l’image) 1. Enfin, dans « Le
message publicitaire », Roland Barthes explique que le message textuel d’une publicité est une
imbrication d’un premier message « naïf », le message littéral dont on ne tient pas vraiment
compte (en lisant le slogan « cuisinez d’or avec Astra », nous savons bien que l’huile Astra ne va
pas transformer notre nourriture en métal « or »), et d’un message plus global « unique » car
« c’est toujours le même, dans tous les messages publicitaires : c’est, en un mot, l’excellence du
produit annoncé ». Le premier message serait, en quelque sorte, caché sous le second message
grâce à l’usage de figures de styles.
1
BARTHES, 1964.
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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28
Nous avons défini quelques concepts fondamentaux de la sémiologie. Mais
l’analyse d’un corpus de blogs induit des concepts propres à l’étude des médias numériques.
1.3.b Les spécificités de l’Internet
Dans leur article « Pour une poétique de l’écrit d’écran 1», Yves Jeanneret et
Emmanuel Souchier développent plusieurs notions propres à l’approche sémiologique des
médias interactifs qui dévoilent à nos yeux ce que les auteurs appellent « l’écrit d’écran ». Outre
le fait de rappeler que l’écrit d’écran fait coexister une pluralité de signes (textuels, iconiques,
sonores…) dans un nouvel espace qui est celui de l’écran, Jeanneret et Souchier soutiennent que
ces médias engendrent une nouvelle économie des signes (écrit, image & son), une nouvelle
rhétorique. Si cette nouvelle économie résulte en partie de l’interactivité permise par ces médias,
les auteurs nuancent cette notion même d’interaction en rappelant que l’ordinateur ne peut
interagir. La machine n’agit pas, elle fonctionne car l’action est « dotée de sens par un sujet dans
un contexte social, historique et culturel 2».
Jeanneret et Souchier distinguent trois concepts fondamentaux à la sémiologie des
médias interactifs : le paratexte, les signes passeurs et l’architexte.
Le paratexte se différencie du texte parce qu’il couvre un « ensemble d’éléments
fonctionnels (textuels ou iconiques) qui permettent la bonne gestion du texte ». Cette zone de
paratexte reçoit ce que Jeanneret et Souchier nomment des « signes passeurs » que l’on pourrait
qualifier d’ « indices de textes à révéler3 », au sens sémiologique du terme indice. En effet, si
l’accès au texte dans un livre réside dans un geste purement ergonomique (tourner une page),
l’accès au texte de l’écran résulte lui d’un acte d’interprétation. Par exemple, sur une page web
ces signes passeurs se matérialisent par des icônes (un agenda pour accéder à un choix de dates),
des boutons (un encart « ok » à la fin d’un formulaire de recherche pour afficher les résultats),
une image fixe ou animée (comme une bannière publicitaire), ou plus communément une portion
de texte mise en valeur (un mot en gras, souligné ou d’une couleur différente du texte indique
1
Jeanneret et Souchier, 1999.
Ibid
3
Ibid
2
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29
qu’il est cliquable). L’on voit bien qu’une des spécificités de l’écrit d’écran est que le lecteur
devient un « acteur-scripteur » projeté dans une situation à la fois de distanciation (car l’écran
dématérialise l’acte de tourner une page, l’écran sépare le texte du lecteur) et d’engagement (car
le lecteur, en cliquant sur des zones précises, manipule le texte et sa lecture faisant du clic « un
acte de lecture-écriture 1»). Grâce au paratexte et aux signes passeurs, le texte devient
dynamique, peut être changé en permanence et doit donc attirer notre attention sur la navigation
proposée par un média interactif qui définit la scénarisation du texte.
Dernier
concept,
développé
dans
l’article
de
Jeanneret
et
Souchier :
l’ « architexte ». Les auteurs mentionnent que « le texte est placé en abîme dans une autre
structure textuelle, un architexte, qui le régit et qui lui permet d’exister ». En d’autres termes, la
réalisation de l’écrit d’écran nécessite une interface, un programme, un logiciel. Du simple
Microsoft Word aux logiciels comme Dreamweaver pour la création de pages Web en passant
par l’interface de sa boîte mail, tous modalisent l’écrit d’écran, le balisent en en définissant les
possibilités et les limites. En somme, « la forme de ces écritures de l’écriture détermine les
limites du scriptible2 ».
Ce concept d’architexte est d’autant plus important qu’il va se manifester
particulièrement dans nos analyses de blogs. En effet, un blog se caractérise surtout par
l’interface qui permet à quiconque de le mettre à jour facilement, ce qui induit une mise en forme
plutôt rigide, pré formatée et donc relativement identique quelque soit le blog visité. Avec les
blogs, la notion d’architexte prend toute son ampleur et suscite plusieurs interrogations.
Comment se caractérise l’organisation topologique et graphique de l’information dans un blog
publicitaire ? Comment les marques peuvent jouer des contraintes formelles que supposent les
blogs ? Quels avantages peuvent-elles en tirer ? Plus largement, quelles stratégies discursives les
marques adoptent-elles avec leur blog et quels objectifs marketing leur accordent-elles ? Nous
allons tenter de répondre à ces questions en analysant un corpus de quatre blogs publicitaires.
1
2
Jeanneret et Souchier, 1999.
Ibid
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30
1.3.c Présentation du corpus
Avant d’expliciter notre méthodologie d’analyse, il convient d’exposer la
démarche choisie pour la sélection des blogs constitutifs de notre corpus. Le premier critère est
que le blog doit être un blog publicitaire dédié à un produit tel que nous l’avons défini plus haut
et non un blog de marque institutionnel. Ensuite, nous avons cherché à avoir des blogs qui a
priori ont des approches différentes que ce soit en termes de graphisme, de gestion des
commentaires, de ligne éditoriale, etc.. Enfin, nous avons voulu des blogs sur des catégories de
produits variées allant du bien culturel au produit alimentaire, en passant par une voiture et une
crème cosmétique d’une marque de luxe. Bien sûr, la phase de sélection des blogs relève d’une
part de subjectivité que nous ne pouvons occulter.
Pour analyser les blogs de notre corpus, nous adapterons aux spécificités de notre
sujet une grille d’analyse développée pour les images publicitaires par Bernard Cocula et Claude
Peyroutet1 qui préconisent d’adopter dans un premier temps une approche intuitive du document
publicitaire pour ensuite détacher les signifiants, puis les signifiés de dénotation et enfin les
signifiés de connotation. Partant de ce principe, nous déploierons cette grille sur trois axes
principaux, à savoir : une analyse iconique et iconographique des blogs, une analyse de la
navigation proposée par ceux-ci ; enfin une analyse textuelle à la quelle nous soumettrons
naturellement les articles du blogs mais aussi les commentaires faits sur ces articles.
Notre analyse portera sur les quatre blogs publicitaires suivant :
•
J’suis un wouf : lancé en mars 2006, le blog J’suis un wouf s’intègre dans la
campagne de buzz marketing pour le hot dog des restaurants rapides Quick qui
comprend également un site dédié « I Love Hot Dog 2».
Lien web : http://jsuis-un-wouf.skyblog.com/
•
S-Max Experience : il ne s’agit pas en fait d’un blog mais plutôt d’un ensemble de
dix blogs rédigés par dix consommateurs testeurs du monospace S-Max de Ford. Ces
blogs faisaient l’objet d’un double concours : dans un premier temps un tirage au sort
sur le site officiel de Ford permettait de définir les dix consommateurs qui allaient
1
2
COCULA et PEYROUTET, 1986, Chapitre « Méthode d’analyse du message visuel fixe » p.109-122.
http://www.ilovehotdog.com/
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pouvoir raconter leur expérience avec le Ford S-Max. Deuxième phase du concours,
ces dix blogs étaient soumis aux votes des internautes. Le blog ayant reçu le plus de
voix faisait gagner à son auteur un monospace Ford S-Max. Pour les analyses
approfondies, nous nous concentrerons sur le blog du gagnant du concours, à savoir le
blog de Vincent.
Lien web : http://fr.cars.yahoo.com/promo/ford/smax/index.html Avril 2006.
Lien blog Vincent : http://fr.360.yahoo.com/ford.smaxexperienceid10
•
La Chocolaterie Wonka : ce blog accompagnait la sortie des différentes éditions
DVD du film de Tim Burton : Charlie et La Chocolaterie.
http://www.chocolateriewonka.com/
•
Plastique de Rêve : inauguré en février 2006, le blog Plastique de Rêve est rédigé par
Sophie Kune – blogueuse professionnelle1 – et il est consacré à une crème
amincissante de Christian Dior : « Plasticity ». Si Sophie Kune est la rédactrice en
chef de ce blog, notons que douze blogueuses interviennent comme testeuses du
produit.
Lien web :http://plasticity.blogs.com/
Maintenant que nous avons explicité les concepts fondamentaux sur lesquels nous
nous appuierons et la méthodologie de recueil des blogs, nous pouvons soumettre les documents
de notre corpus à l’analyse sémiotique comparative.
1
Sophie Kune, de l’agence JESUISUNIQUE est responsable de plusieurs blogs notamment ceux de Célio et de
Vichy.
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Partie 2 | Les blogs publicitaires à l’épreuve de l’analyse
sémiotique comparative
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II. LES BLOGS PUBLICITAIRES A L’EPREUVE DE L’ANALYSE SEMIOTIQUE
L
’objectif de ces analyses est double : il s’agit à la fois de dégager les
stratégies discursives des quatre blogs publicitaires de notre corpus,
mais aussi de construire une grille d’analyse qui peut être reprise par un
annonceur ou son agence pour la création d’un blog publicitaire. En effet, en basant notre
recherche sur une méthodologie détaillée, nous attirons l’attention des communicants et des
concepteurs Web sur une série de points dont il faut tenir compte pour la réalisation d’un blog
publicitaire, et les résultats de nos analyses peuvent servir comme des premiers éléments de
réflexion.
2.1 Analyse iconique et iconographique
Commençons notre analyse sémiotique par une étude iconique et iconographique
des blogs de notre corpus. Nous avons abordé plus haut le cas du premier blog de Vichy, où la
marque a été accusée de vouloir manipuler les internautes en cachant le caractère commercial et
publicitaire du blog. Le logo des marques ou du produit apparaît-il de façon claire dans les blogs
de notre corpus ? Ensuite, alors que des sites « classiques » - entendons qui ne sont pas des blogs
- permettent à une marque d’imaginer toutes sortes de scénarii et de mises en scènes pour se
représenter, les blogs sont des sites dont l’apparence est formatée et plus ou moins paramétrable.
Les blogs posent alors des questions corollaires à l’identité graphique de la marque ou du
produit : tout d’abord comment se manifeste ce formatage graphique dans les blogs ? Comment
coexistent l’identité graphique du produit et celle de la plateforme1 qui héberge le blog de ce
produit ? Enfin, de quelle latitude et de quels moyens la marque dispose-t-elle pour accorder
l’identité graphique de son produit à cette mise en page blog et à ces contraintes formelles ?
.
1
Pour rappel, les blogs sont hébergés par des plateformes comme Skyblog, TypePad, Six Apart… Nous pouvons
dire que ces plateformes ont des identités graphiques propres dans le sens où les blogs de Skyblogs n’ont pas la
même apparence que ceux de TypePad par exemple. Cela pose donc la question de l’équilibre entre l’identité
graphique de la marque et l’identité de la plateforme hébergeant le blog.
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2.1.a Les bandeaux thématiques
Nous appellerons « bandeaux thématiques » les images principales qui se
retrouvent sur toutes les pages du blog, généralement en haut mais pas obligatoirement, et qui
illustrent non pas un article particulier mais bel et bien le blog dans son intégralité, sa
thématique, son univers. Ces bandeaux thématiques peuvent avoir des tailles très différentes
selon les plateformes d’hébergement. Cela va du bandeau très mince pour Plastique de Rêve
(environ 100 pixels de hauteur), au bandeau moyen pour Ford S-Max Experience (135 pixels
environ) jusqu’au bandeau très grand pour La Chocolaterie Wonka puisqu’il fait près de 350
pixels soit presque la moitié de l’écran1 ! Notons en revanche que la présence d’un bandeau n’est
pas obligatoire comme cela est le cas pour J’suis un Wouf : les skyblogs n’autorisent qu’une
petite illustration sur la gauche du blog. Ici, cet espace est occupé simplement par le logo « Hot
Dog ». Cependant, signalons l’ambiguïté de la bannière se trouvant en haut du blog J’suis un
Wouf. Cette bannière est interprétée comme une publicité classique : elle se situe dans un espace
traditionnellement réservé aux publicités sur les skyblogs, elle véhicule un message publicitaire
invitant à se rendre sur le site www.ilovehotdog.com, et enfin elle est détachée visuellement du
reste du blog car elle est dans une zone noire que l’internaute pourra interpréter comme une zone
de paratexte distincte du contenu du blog (qui lui est sur fond gris). Pourtant, cette publicité peut
être assimilée, dans une certaine mesure, à un bandeau thématique tel que nous l’avons défini car
elle reprend clairement le logo « Hot Dog » et parce qu’elle met en scène les chiens dont il est
question dans le blog…
Quoiqu’il en soit, la façon dont sont traités les bandeaux thématiques par les
différentes plateformes de blogs doit amener la marque à réfléchir sur l’importance qu’elle veut
accorder à l’univers graphique de son produit. Ces bandeaux thématiques sont en effet le
dispositif graphique principal pour établir l’identité du produit et l’ambiance du blog. Ainsi pour
J’suis un Wouf, le simple logo en noir sur fond blanc avec sa typographie dite de classe gothique
–très en vogue dans la culture hip hop - permet d’évoquer le monde de la rue, du rap, de la
culture underground et subversive. Cela colle parfaitement avec l’esprit du blog qui raconte la
vie d’un chien rappeur et frimeur qui s’appelle Hot Dog (littéralement « chien chaud » mais la
traduction « chien sexy » est ici plus juste).
1
Pour une résolution d’écran de 1024x768
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Pour Ford S-Max Experience, le bandeau thématique est une animation basée sur
un montage photographique presque bichromique dont les signifiants convergent vers l’idée
d’évasion, de nature et d’urbanité. On retrouve dans une même image la montagne, la mer et la
ville, éléments reliés par un filet de nuages qui a également pour fonction de joindre le logo SMax experience et le logo Ford. Le ciel crépusculaire et orangé suggère quant à lui dynamisme
et évasion (en étant une représentation métonymique du soleil à l’horizon, symbole d’évasion).
Le bandeau suggère donc que le Ford S-Max est le monospace idéal pour les familles urbaines
en quête d’évasion car il est aussi performant en ville que sur des terrains plus sauvages. Mais ce
bandeau que l’on retrouve dans son intégralité dans les pages d’accueil de l’opération S-Max
Experience se voit scindé à l’intérieur des blogs : la partie haute des blogs accueille le ciel du
bandeau tandis que le reste de celui-ci se trouve en bas de chaque blog.
Le bandeau Plastique de Rêve quant à lui se compose d’un aplat bleu/gris sur les
2/3 de l’espace, le tiers restant étant occupé par un élément photographique. Sur l’aplat bleu/gris
on trouve le titre « PLASTIQUE DE RÊVE » qui par sa typographie à empattement et ses lettres
en majuscules blanches et légèrement ombrées évoque la finesse et le luxe, faisant référence
ainsi à la marque Dior et le caractère amincissant de son gel Plasticity. Trois occurrences d’un
même symbole -une sorte de viseur carré - apparaissent également sur cet aplat bleu pouvant
symboliser l’efficacité et la précision presque chirurgicale de la technologie du gel amincissant
Plasticity. Mais la couleur bleu/gris du bandeau, outre le fait qu’elle fasse écho au flacon du
produit, apporte une touche de douceur à cette efficacité en évoquant la douceur aquatique, mais
aussi la nuit et le rêve comme le confirme le titre du blog. D’autre part, il faut savoir que le bleu
est une couleur très utilisée dans le domaine de la cosmétique et de l’hygiène. En ce qui concerne
l’élément photographique, s’il n’occupe qu’un tiers du bandeau, il est très riche en symboles et
en connotations. Cette photographie semble représenter une femme à la silhouette fine allongée
sur des draps de satin, constituant une représentation visuelle du titre « Plastique de Rêve »
(« Plastique » se matérialisant par les formes parfaites de la femme et « Rêve » étant associé aux
signifiés de dénotation « position allongée » et « draps », synecdoques du lit). Mais cet élément
photographique tient également lieu de promesse car plusieurs signes soulignent les vertus
amincissantes du gel Plasticity. En effet, il y a une vraie opposition graphique entre l’aspect fripé
des draps (accentué par les jeux d’ombre et les reflets spéculaires intenses) et la peau lisse de la
femme (renforcé par un éclairage diffus et des reflets spéculaires doux). Cette opposition est
accentuée par un contraste de couleur (couleur chaude du corps VS couleur froide du satin), et
par les plis du drap qui s’organisent en rayon autour des hanches de la femme, mettant celle-ci en
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valeur. Pour finir, cette organisation en rayon peut mener l’internaute à voir dans ces draps un
symbole d’une fleur (Plasticity est un gel parfumé, et il est beaucoup question de fleurs dans le
blog. Les blogueuses testeuses du produit sont d’ailleurs appelées « Les fleurs de Satin » dans
l’article du 13 février.)
Enfin, en ce qui concerne le bandeau de La Chocolaterie Wonka, nous avons déjà
évoqué sa très grande taille. Cela peut s’expliquer par le fait que le produit auquel ce blog est
consacré est le DVD d’un film, c’est-à-dire un univers, des personnages, des lieux et des
références visuelles. Le bandeau de La Chocolaterie Wonka est peut-être le plus complexe de
notre corpus car il se compose de cinq éléments : 1/ un titre de couleur marron (évocation du
chocolat) et dont la typographie rappelle celle du titre du film ; 2/ A gauche, et dans un
médaillon dont le contour semble fait de sucre d’orge, la photo de Willy Wonka, le propriétaire
de la Chocolaterie Wonka, tenant son chapeau comme pour saluer l’internaute ; 3/ A droite du
bandeau une sorte de blason rouge avec un dessin d’une « industrie Wonka » : ce blason labellise
le site comme appartenant officiellement à la Chocolaterie Wonka ; 4/ l’illustration principale
mêlant un décor et des personnages en costumes rouges brillants dans plusieurs positions que
l’internaute ayant vu Charlie et La Chocolaterie aura reconnus (il s’agit d’un intérieur de la
Chocolaterie Wonka et des assistants de Willy Wonka, appelés les « Oompas Loompas ») ; 5/ Le
dernier élément ne se retrouve pas dans les autres blogs de notre corpus puisqu’il s’agit de trois
boutons, « accueil », « vos idées friandises » et « Wonka recrute » composant un menu. Le
bandeau thématique peut se faire alors paratexte. En bref, le bandeau de La Chocolaterie Wonka
s’appuie sur une saturation de signes pour recréer l’univers diégétique du film de Tim Burton.
On le voit bien, qu’ils prennent une place importante comme sur La Chocolaterie
Wonka ou qu’ils soient réduits à leur minimum comme sur J’suis un Wouf, les bandeaux
thématiques sont souvent le moyen graphique principal pour instaurer l’univers de la marque et
du produit.
2.1.b Arrière plan et chromie générale
Pour instaurer l’identité graphique du produit malgré les contraintes formelles des
blogs, les marques peuvent jouer également sur la chromie générale et l’arrière plan1. Ainsi,
1
Attention ! L’arrière plan d’un site ou d’un blog peut ne pas apparaître sur des écrans à faible résolution.
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Plastique de Rêve a un arrière plan blanc, couleur dominante avec le bleu et le gris. Cet accord
chromatique connote la pureté, l’hygiène, la fraîcheur, la modernité et les produits cosmétiques.
Dans le cas de S-Max Experience, l’arrière plan est un aplat gris translucide qui laisse apparaître
le bandeau thématique et qui peut évoquer l’urbanité, la mécanique, la modernité, tandis que le
orange, autre couleur dominante apporte une touche de chaleur à cet univers. L’utilisation d’un
aplat uni se retrouve également dans J’suis un Wouf dont l’arrière plan est gris foncé pour le
contenu du blog et noir pour les zones de paratexte. Ces deux couleurs, ou plutôt non-couleurs
installent une ambiance de rue, de subversion, coïncidant avec l’esprit « Gangsta rap1 » du blog.
L’exemple de La Chocolaterie Wonka quant à lui met en évidence que l’on peut opter pour un
arrière plan plus élaboré. L’arrière plan de ce blog est en effet un motif rouge dans lequel on
perçoit des friandises. Le rouge est d’ailleurs la couleur dominante de ce blog, avec le blanc et le
vert, rappelant les couleurs du bandeau thématique.
L’arrière plan peut à première vue paraître anodin, mais nous voyons qu’il peut
enrichir l’expression graphique de la marque sans nuire à la lisibilité du blog.
2.1.c Logo de la marque et de la plateforme de blog
La question de la cohabitation de l’identité de la marque ou du produit avec
l’identité de la plateforme de blogs choisie pose le problème de l’affiche du logo de la marque et
de la plateforme d’hébergement. Faut-il exposer clairement son logo ? Quel rôle peut jouer le
logo de la plateforme de blogs ?
En fait, les combinaisons sont multiples : le logo de la marque peut apparaître aux
côtés de celui de la plateforme de blog (S-Max Experience), il peut également apparaître seul
(Plastique de Rêve) ou ne pas apparaître du tout (La Chocolaterie Wonka : le titre Charlie et la
Chocolaterie n’apparaît pas explicitement), ou enfin, il peut aussi n’y avoir que le logo de la
plateforme (J’suis un Wouf : la marque Quick n’apparaît nulle part, il n’y a que le logo Skyblog).
Le cas de Vichy développé plus haut montre néanmoins qu’il est préférable de
faire apparaître clairement la marque à laquelle le blog est affilié pour ne pas être accusé de
tentative de manipulation. Pour ce qui est du logo de la plateforme de blogs, il ne semble pas y
1
Gangsta Rap est un terme faisant référence à une branche du rap s’appuyant sur des origines nord américaines,
particulièrement des quartiers pauvres et des gangs américains.
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avoir de règles. Les blogs publicitaires peuvent être en marque blanche, c’est-à-dire sans le logo
de la plateforme de blogs. Soulignons cependant que le logo de la plateforme d’hébergement
peut dans certains cas jouer deux rôles principaux : afficher le caractère publicitaire du blog et
créer un esprit communautaire pour nourrir le territoire de communication de la marque si la
plateforme rassemble un profil particulier d’internautes. Ces deux rôles s’illustrent parfaitement
dans J’suis un Wouf. Effectivement, le logo « Skyblog » se voit rajouter la mention « officiel »
avec un aspect coup de tampon rouge. Le terme officiel oppose ce blog aux skyblogs personnels,
et indique donc le caractère commercial et publicitaire de J’suis un Wouf. Notons que dans SMax Experience, une bulle dans laquelle est inscrit « publi-rédactionnel » a cette fonction
discriminante. Le deuxième rôle que peut avoir le logo de la plateforme de blogs est, nous
l’avons dit, lié à la notion de communauté. Dans J’suis un Wouf, le logo Skyblog renvoie
implicitement à la communauté des auditeurs de la radio Skyrock qui est dédiée au rap, au hip
hop et au R’n’B.. Les skyblogs sont généralement tenus par des adolescents et/ou amateurs de
rap, ce qui semble bien être la cible que vise J’suis un Wouf.
2.1.d Illustration des articles
Il n’est pas question ici de faire une analyse sémiotique de toutes les illustrations
des articles des blogs de notre corpus : cela serait long, voire impossible, et surtout inutile. En
revanche, nous pouvons en dégager les traits principaux, les récurrences et les différences et
observer comment elles participent aux stratégies discursives des blogs de notre corpus.
Tout d’abord, presque l’intégralité des articles des blogs est accompagnée d’une
illustration ce qui souligne l’importance de l’image dans un média que l’on pourrait croire
davantage axé sur le texte. Cependant, le rôle donné à l’image n’est pas le même selon les blogs,
et il nous est possible en fait de distinguer deux types de blogs principaux auxquels
correspondent deux fonctions d’image.
Il y a premièrement ce que nous pourrions appeler les « blogs textes » : dans ces
blogs, la priorité est donnée au texte tandis que les images ont un rôle ornemental. Le texte prend
en général une place plus grande que l’illustration et n’y fait pas directement référence. L’image
quant à elle donne l’ambiance de l’article. Ce type de blogs se retrouve parfaitement dans
Plastique de Rêve ou S-Max Experience. Par exemple, dans l’article « Gel au Raisin » de
Plastique de Rêve (22 mars 2006), le texte est accompagné d’une image d’une grappe de raisin…
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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Dans l’article « Partagez votre énergie » de S-Max Experience, l’illustration représente le
blogueur en train de courir avec à ses côtés le Ford S-Max et un SpeedSail, sorte de planche à
voile à roulette. L’image a bien dans ces cas une fonction ornementale.
Il y a ensuite les « blogs images » où cette fois-ci ce sont les illustrations qui
constituent la matière première du blog. Le texte se fait alors légende, il a - pour faire référence
aux travaux de Roland Barthes - une fonction d’ancrage et il peut multiplier les déictiques, les
démonstratifs. On le voit bien dans J’suis un Wouf avec par exemple l’article « Hot Dog et sa
meuf » (page 3) ou « Récompenses » (page 5). Le cas de La Chocolaterie Wonka est
particulièrement intéressant car la quasi-totalité du blog est constituée de photomontages réalisés
par les internautes eux-mêmes et mettant en scène des Oompas Loompas dans des situations
diverses (au festival de Cannes, dans un nid de cigognes…). Le blog est alors envisagé comme
une galerie photos participative : les internautes font parvenir leur photomontage et l’auteur du
blog les commente lors de leur publication. Notons que les images peuvent être remplacées par
des fichiers audio ou des vidéos qui, s’ils sont majoritaires, donnent lieu alors à des blogs audio
ou des blogs vidéo.
Cette distinction « blog textes » / « blog images » est néanmoins à nuancer car un
même blog peut jouer des deux fonctions. Ainsi, si la rubrique « Wonka recrute » de La
Chocolaterie Wonka est un « blog images » avec les photomontages des internautes, la catégorie
«Vos idées friandises » tient plutôt du « blog textes » en donnant la priorité aux recettes de
bonbons imaginaires envoyées par les internautes et où l’illustration n’a qu’un rôle ornemental.
Les marques souhaitant communiquer sur un produit via un blog doivent ensuite
s’interroger sur la présence de photographies de leur produit et sur l’esthétique à adopter pour les
illustrations.
Le produit peut ne pas apparaître du tout comme dans J’suis un Wouf où l’on ne
voit jamais ni la marque ni le nouveau hot dog de Quick. On remarque tout de même la présence
du visuel utilisé pour les campagnes d’affichage pour cette opération (article « J’suis un Wouf :
les lyrics » page 6) qui peut amener l’internaute à associer ce blog à Quick. Toutes les autres
photographies mettent en scène le chien Hot Dog, star du rap dans diverses situations (sur le
tournage de son clip, avec sa copine, etc.) et des éléments supposés lui appartenir (ses disques
d’or, sa voiture, sa chambre, ses amis…). Alors que ce blog est totalement fantaisiste avec ce
chien star du rap, les photographies sont pleinement dans l’esthétique de l’authentique avec des
sujets non cadrés, des éclairages naturels, etc. C’est ce décalage entre le réalisme du traitement
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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photographique et les situations improbables qui crée l’humour du blog (chiens roses, avec des
lunettes de soleil ou avec des chaînes en or et conduisant une voiture…).
Dans La Chocolaterie Wonka, la présence visuelle du produit est permanente :
d’abord par les références explicites au film qui constituent la charte graphique du blog (Willy
Wonka, bonbons, Oompas Loompas, etc.) mais aussi parce que le DVD du film Charlie et la
Chocolaterie est tout le temps présent grâce à un encart publicitaire sur la droite du blog avec la
mention « Le 8 février en DVD ». A cet encart s’ajoute un article du 30 janvier 2006 présentant
les différentes éditions du DVD avec les prix. Les illustrations des articles sont nous l’avons dit,
des photomontages réalisés par les internautes.
Pour Plastique de Rêve en revanche, le produit se fait visuellement plus discret et
n’apparaît que dans trois articles (« Une plastique de Rêve sans liposuccion » du 22 février ; « Ze
News » du 01 mars 2006 et « J’aime ta couleur café » du 20 mars 2006). Les deux premiers
articles reprennent les visuels publicitaires du produit tandis que le troisième est clairement une
photo numérique avec ce que nous avons appelé l’esthétique de l’authentique (éclairage naturel,
cadrage amateur, etc.). Les illustrations des autres articles sont trop différentes pour en extraire
une esthétique commune. On notera simplement leur caractère professionnel, validé par la
mention « crédit photo » en bas de chaque article.
Dans S-Max Experience enfin, le monospace est presque omniprésent. Le
blogueur Vincent montre le S-Max dans des situations de la vie quotidienne (pique-nique, sur la
route, avec sa famille à l’intérieur, avec le chien). Les photographies étant prises par Vincent,
elles relèvent elles aussi de l’esthétique de l’authentique. Cela donne l’impression de rentrer dans
l’intimité de la vie de Vincent et d’avoir une vision réelle du monospace dans la vie de tous les
jours.
Pour finir, abordons brièvement la question de la photographie du blogueur. Le
blogueur apparaît-il et si oui de quelle manière ? Sur les quatre blogs de notre corpus, deux ne
montrent pas le blogueur (J’suis un Wouf et La Chocolaterie Wonka), tandis que les deux autres
oui. Dans S-Max Experience Vincent est presque sur toutes les photographies, tandis que pour
Plastique de Rêve, Sophie Kune ne se montre qu’une seule fois, dans un article du 14 février
2006 intitulé « Sophie face au Miroir ». Que ce soit pour S-Max Experience ou pour Plastique de
Rêve, la photographie du blogueur correspond toujours à l’esthétique de l’authentique : une
photographie professionnelle pourrait en effet faire douter sur l’existence de ces blogueurs, du
moins sur leur véritable identité. L’esthétique de l’authentique pour les photographies des
blogueurs est une façon de certifier l’authenticité de ces personnes. Notons un point intriguant
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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pour Plastique de Rêve : il y a à gauche du blog une zone « A propos de l’auteur », mais au lieu
de montrer une photographie de Sophie Kune nous avons une reprise tronquée du visuel du
bandeau thématique . Peut-être est-ce pour ne pas induire le visiteur en erreur et ne pas faire de
ce blog publicitaire un blog personnel.
2.1.e Autres éléments graphiques et publicités
D’autres éléments graphiques, outre les bandeaux, les arrières plans et les
illustrations peuvent instaurer l’identité de la marque et l’univers du produit. Cela se voit
particulièrement dans deux blogs de notre corpus : J’suis un Wouf et La Chocolaterie Wonka.
En effet, La Chocolaterie Wonka multiplie les éléments graphiques ornementaux
comme des séparateurs d’articles en sucre d’orge ou des Oompas Loompas sur les onglets des
menus dans les colonnes de droite et de gauche. Mais ce n’est pas tout : une image d’une
pancarte aux contours déchirés « Chers citoyens du monde » (qui est un élément du film) appelle
les internautes à déposer sur le blog leurs idées friandises, et une animation intitulée « The
Wonka Factory Needs You 1» dans la colonne de droite invite les visiteurs à capturer des Oompas
Loompas (fonction conative de Jakobson). Notons que certains éléments graphiques de La
Chocolaterie Wonka ne font pas partie de l’univers du film : on peut trouver dans la colonne de
droite du blog le logo de la radio NRJ, apparemment partenaire de l’opération.
Pour J’suis un Wouf, nous en avons déjà un peu parlé, la bannière publicitaire
constitue un enrichissement graphique et sémantique du blog. L’animation met en scène le chien
Hot Dog frimant avec deux chiennes dans une voiture, on y voit des symboles de dollars
extrudés à la manière des typographies des années 70, mais aussi un chien montrant ses crocs et
avec un une arme à feu, des buildings…Cette bannière prolonge bien l’univers de J’suis un
Wouf, à savoir une ambiance de gangs des villes nord-américaines des seventies.
Il y a donc beaucoup d’autres façons d’illustrer son blog outre les illustrations
d’article et les bandeaux thématiques, et le cas de J’suis un Wouf nous amène à réfléchir sur la
présence de publicités sur un blog publicitaire (pour un produit ou un site de la marque bien sûr :
1
On remarquera le traitement graphique qui fait inévitablement penser à la célèbre illustration de l’Oncle Sam
disant « I Want You ». Cf. annexe.
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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on n’imagine mal une publicité pour un produit concurrent !). En effet, la publicité, même
fausse, peut apporter une touche de réalisme car un certain nombre de blogs personnels arborent
des publicités, même si cela dépend des plateformes de blogs. Néanmoins, la publicité doit rester
dans l’univers du blog et du produit, auquel cas la démarche pourrait être mal perçue par les
internautes.
2.1.f Typographie et décorations typographiques
Malgré les contraintes techniques du Web qui font que les blogs ne peuvent
comporter que des polices universelles et classiques comme le Times ou l’Arial, les choix
typographiques et les décorations de texte peuvent renforcer l’univers du produit.
Par exemple, le blog Plastique de Rêve n’utilise que très rarement le gras, ce qui,
avec des couleurs claires (gris et bleu), entretient la notion de minceur liée au gel Plasticity.
J’suis un Wouf use et abuse de décorations typographiques : des textes multicolores en dégradé
avec des couleurs vives provoquant parfois des contrastes de complémentaires, des textes
surlignés… Ces effets typographiques s’accordent parfaitement avec l’humour décalé et kitsch
du blog.
2.1.g Organisation spatiale des éléments graphiques
On le voit, malgré les contraintes des blogs, la latitude des marques dans
l’expression de leur identité graphique est relativement large. Pourtant, comment expliquer alors
que l’on puisse dire que tel site ressemble à un blog ? Peut-être qu’un blog c’est avant tout une
certaine organisation spatiale des informations visuelles et textuelles. En effet, de l’analyse
iconique de notre corpus se dégagent des récurrences dans la topographie des éléments
graphiques et des articles, de telle sorte que l’on pourrait définir un schéma d’organisation de
base avec ses variantes.
En règle générale, on trouve un bandeau thématique en haut du blog avec en
dessous de ce bandeau les articles qui se suivent. Cela constitue la colonne principale de tout
blog (pour J’suis un Wouf également même s’il n’y a pas de bandeau thématique à proprement
parler). Cette colonne principale peut être accompagnée d’une colonne à droite ou à gauche
(J’suis un Wouf, S-Max Experience), voire les deux (Plastique de Rêve, La Chocolaterie Wonka).
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Le haut d’un blog est donc en général une zone graphique, le centre est une zone d’articles et les
côtés sont des zones de paratexte, de navigation. Bien sûr il existe des variantes à ce schéma
mais cela est en tous cas la manifestation de la notion d’architexte que nous avons abordée
auparavant. Les blogs sont donc une certaine façon de présenter l’information, mais aussi, et par
extension, une certaine manière de naviguer et d’accéder à cette information.
2.2 Analyse de l’hypernavigation
2.2.a Nom de domaine et accès au blog
Avant de traiter de la navigation interne des blogs, il est intéressant de nous
pencher rapidement sur les noms de domaines des blogs et les modes d’accès à ces derniers.
Parmi les adresses web de nos blogs, à savoir http://jsuis-un-wouf.skyblog.com/,
http://fr.360.yahoo.com/ford.smaxexperienceid10,
http://plasticity.blogs.com/
et
http://www.chocolateriewonka.com/, nous apercevons rapidement que deux possibilités s’offrent
à la marque : elle peut décider de conserver l’adresse Web proposée par défaut par la plateforme
hébergeant le blog (c’est le cas de J’suis un Wouf, S-Max Experience et Plastique de Rêve) ou
bien opter pour une adresse classique du type www.nom.com comme pour La Chocolaterie
Wonka. L’avantage de conserver l’adresse Web par défaut est que celle-ci confère au blog une
touche d’authenticité car elle définit le site comme étant un blog ou appartenant à une plateforme
de blogs comme Skyblog ou Yahoo 360.
Cette adresse Web permet d’accéder directement au blog et il n’y a jamais de page
d’introduction comme cela peut être le cas avec les sites traditionnels. L’exception dans notre
corpus est le blog de Vincent pour S-Max Exeprience, mais il s’agit d’une situation particulière
car il s’intègre dans une opération de concours de blogs avec un mini site englobant les dix blogs
du concours. Notons également que pour J’suis un Wouf, un encart sur la page d’accueil de la
plateforme Skyblogs1 permet de mettre en avant les blogs publicitaires hébergés par Skyblogs et
d’en avoir une liste complète.
1
http://www.skyblogs.com
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2.2.b Navigation interne
La navigation proposée dans les blogs peut avoir un ou deux niveaux maximum.
La navigation avec un seul niveau, c’est celle de J’suis un Wouf et S-Max Exeprience où, pour
accéder aux articles, il faut faire défiler les pages avec des liens du type « page 1-2-3… »
(navigation saltatoire) ou « page suivante –précédente » (navigation linéaire). La navigation à
deux niveaux, c’est celle de Plastique de Rêve et La Chocolaterie Wonka où l’internaute peut
choisir de n’afficher que les articles d’un mois précis ou d’une catégorie particulière. Ainsi, dans
Plastique de Rêve par exemple, l’internaute peut consulter les articles de février 2006 ou les
articles de la catégorie « Me faire belle ». Mais notons que les articles d’une catégorie se
retrouvent nécessairement dans les archives du blog. Les catégories ne proposent pas des articles
exclusifs, il s’agit simplement de critères de tri pour l’affichage.
La navigation des blogs est donc relativement sommaire ce qui se traduit par des
pages Web pouvant être très longues dans certains cas (La Chocolaterie Wonka et Plastique de
Rêve). Mais ce qui interpelle davantage, c’est le classement des articles : ceux-ci sont
nécessairement présentés dans un ordre chronologique ou ante-chronologique, ce qui s’explique
par la vocation première des blogs, c’est-à-dire être des journaux intimes ou des carnets de bords
en ligne1.
Ensuite, les zones de paratexte des blogs accueillent souvent le même type de
rubriques comme « notes récentes », « commentaires récents », « catégories », « archives », ou
encore « liens amis ». Ces liens amis peuvent être soit un dispositif pour circuler au sein d’une
plateforme de blogs comme S-Max Experience (les liens amis renvoient vers les neuf autres
blogs de l’opération), ou bien ils peuvent être un moyen d’enrichir implicitement le blog en
mettant en lien d’autres blogs dont le centre d’intérêt ou l’univers complète celui du produit.
Ainsi les liens amis de Plastique de Rêve renvoient vers les blogs des testeuses de Plasticity.
Les blogs apparaissent donc comme des structures ouvertes et riches en liens
externes, mais avec une navigation qui se veut simple et articulée autour d’une notion
primordiale : le temps. En effet, le premier critère de classement des articles est leur récence, à
l’inverse des sites de produits ou de marques traditionnels où les informations sont
compartimentées dans des structures thématiques souvent plus complexes. Nous verrons plus
1
Blog est une contraction du terme weblog, signifiant journal de bord en ligne.
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tard comment cette navigation orientée vers la temporalité peut participer à des stratégies
marketing particulières.
Enfin, la navigation simple des blogs fait apparaître le discours sur le produit
comme direct, accessible, et assimilable à un journal intime dont on feuilletterait les pages à
loisir.
2.3 Analyse des articles
2.3.a Durée d’activité d’un blog et fréquence des articles
Nous avons vu l’importance du temps dans la conception de la navigation des
blogs. De ce fait, il semble nécessaire de mettre au jour quelques données qui y sont liées comme
le nombre d’articles postés sur les blogs et leur période de parution. Nous allons voir que
différentes politiques éditoriales peuvent être mises en place, et nous développerons dans la
troisième partie de cet écrit comment celles-ci peuvent participer à des stratégies de buzz
marketing.
Tout d’abord, la durée d’activité d’un blog publicitaire semble s’étaler entre
quelques jours et quelques mois. Nous entendons par « durée d’activité » la période pendant
laquelle le blog est mis à jour avec de nouveaux articles. Ainsi, le blog de notre corpus ayant la
longévité la plus grande est La Chocolaterie Wonka puisqu’il a été inauguré le 29 Janvier 2006
et qu’il s’est terminé un peu plus de cinq mois plus tard, le 02 Juin 2006. Nous avons ensuite
Plastique de Rêve avec une durée de trois mois (du 12 février 2006 au 14 avril 2006) et S-Max
Experience actif pendant près d’un mois (du 27 avril 2006 au 22 mai 2006). Le cas J’suis un
Wouf est quant à lui nettement plus surprenant : le blog n’a eu une durée de vie que de quelques
jours, plus exactement du 02 mars 2006 au 06 mars 2006 ! Pourtant, ce blog est loin d’être vide.
On dénombre pas moins de 32 articles écrits en trois jours (hors samedi et dimanche), ce qui fait
une moyenne de plus de dix articles par jour ! On pourrait donc qualifier ce blog de « one shot1 »
tant son activité est concentrée et très réduite. En ce qui concerne la quantité d’articles des autres
blogs, on voit se détacher clairement la volonté des blogueurs d’enrichir régulièrement leur
1
La traduction litérale est « un seul coup », c’est-à-dire que la marque mise tout sur une action ponctuelle.
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blog1 : la mise à jour du blog de Vincent pour S-Max Experience est quasi quotidienne (22
articles en 25 jours), elle l’est presque pour La Chocolaterie Wonka avec une moyenne de 4
articles par semaine si l’on ne compte pas les six semaines d’inactivité du blog entre début avril
et fin mai (et 2,7 articles si l’on prend compte de ce temps mort). Pour Plastique de rêve,
l’activité est moins intense avec 2,5 articles par semaine, mais elle est régulière, le blog ne
compte pas de période d’inactivité à l’inverse de La Chocolaterie Wonka. Quoiqu’il en soit, il
ressort de ces données une animation régulière du contenu des blogs.
Dans tous les cas, des articles viennent signifier le commencement et surtout la fin
du blog (avec en général un rappel sur le but initial du blog et des remerciements aux
internautes), à l’exception de J’suis un Wouf, mais cela peut s’expliquer par sa durée d’activité
très courte. Cependant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, on notera que les articles
d’introduction ne sont pas toujours les premiers ! Plastique de Rêve et La Chocolaterie Wonka
en sont des exemples : l’article introduisant réellement La Chocolaterie Wonka (intitulé « La
chocolaterie Wonka ouvre son blog ») est précédé de deux articles (les mentions légales et une
brève histoire des Oompas Loompas). Plastique de Rêve suit à peu près le même schéma car le
premier article est en fait la charte d’utilisation du blog avec la politique de modération des
commentaires. Ce n’est qu’après cet article « La règle du Jeu » que le blog commence
réellement.
Quoiqu’il en soit, ces messages d’introduction permettent installer l’univers du
blog, du produit et le cas de Plasticity et son article « Un dimanche d’automne » du 13 février
2006 en est un parfait exemple. L’auteur du blog, Sophie Kune, introduit très habilement la
marque Dior en faisant un lien entre sa visite personnelle dans la villa de Christian Dior à
Granville et sa profession actuelle de rédactrice pour le blog de la marque. Cela lui permet de
constituer son article autour de la métaphore filée de la villa : le blog est un prolongement de la
villa de Dior, un lieu de parfums et surtout d’intimité. En effet, Sophie Kune écrit à propos du
blog que c’est « un petit salon conçu pour recevoir vos confidences, comme si j’avais voulu
amener un peu de Granville avec moi. » Elle poursuit en en faisant une description très fine qui,
avec la photographie illustrant l’article, permet à l’internaute de s’en faire une représentation
mentale : « Ce lieu, je l’ai voulu rempli de charme et de caractère. Je l’ai rêvé très cosy, et tous
ses détails ont été passés en revue (moulures, parquet, cheminée surmontée d’un trumeau, fidèle
1
Les chiffres annoncés sont des moyennes et ne tiennent pas compte des périodes d’inactivité du blog
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reflet de notre image). Je l’ai décoré telle une loge d’actrice de cinéma : Rideaux de soie
couleur du temps (le temps et la couleur de vos humeurs), méridienne, canapés accueillants… ».
L’ambiance se veut donc chaleureuse, intime, conviviale, mais aussi luxueuse, Dior oblige…
Intime, l’article d’introduction du blog de Vincent pour S-Max Experience l’est
tout autant voire plus, en tout cas dans un autre registre. Vincent nous présente en effet sa fille
Abigaïl via une petite anecdote : sa fille aurait rêvé d’une voiture avec laquelle on pourrait tout
faire. Un S-Max peut-être ? Cela plante le décor, invite l’internaute à pénétrer dans la l’intimité
de la sphère familiale, puisque Vincent explique que le Ford S-Max sera une expérience à vivre
en famille…
L’article d’introduction est en revanche nettement plus sobre pour La
Chocolaterie Wonka qui se contente de « La chocolaterie Wonka à l'honneur de vous ouvrir les
portes de son blog ! Découvrez le monde de Willy Wonka à travers ses nombreuses sucreries et
ses habitants mystérieux: les Oompa Loompas ! ». Cet article est différent des précédents dans la
mesure où on pourrait le qualifier de performatif 1.
Si nous prenons le soin de relever les dates de début et de fin de chaque blog, c’est
parce qu’il faut bien comprendre que ceux-ci prennent place dans un dispositif marketing et
publicitaire global visant au lancement d’un produit. Partant, ces blogs sont intégrés au plan
média et leur parution est donc nécessairement décidée en fonction de la date de mise en vente
du produit. La durée d’activité d’un blog n’est donc pas anodine. On constate que les blogs de
notre corpus ont été inaugurés plus ou moins longtemps avant la sortie du produit. Ainsi, J’suis
un Wouf a été lancé juste quelques jours avant la commercialisation du hot dog par Quick. De
même pour La Chocolaterie Wonka qui a débuté un peu plus d’une semaine avant la sortie en
DVD du film Charlie et La Chocolaterie le 8 février 2006. Plastique de Rêve pour sa part a été
mis en place un peu plus de deux semaines avant la commercialisation de Plasticity le 1er mars
2006 (à noter l’article de la même date intitulé « Ze News » qui mentionne cette
commercialisation) Enfin, les blogs S-Max Exeprience ont commencé un mois avant la sortie du
du monospace le 17 mai.
1
Emile Benveniste et John L. Austin ont appelé « verbes performatifs » les verbes qui accomplissent ce qu’ils
énoncent comme « je vous remercie », ou « je vous promets », etc. Nous renvoyons le lecteur pour plus
d’informations vers l’ouvrage de John L. Austin, Quand dire c’est faire, Paris, Le Seuil, 1970.
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2.3.b Structure des articles
Si les stratégies éditoriales sont variées, la structure des articles, elle, ne l’est pas
du fait même de la nature générique des blogs. Nous en avons déjà parlé, mais l’architexte,
l’interface permettant la création et la mise à jour des blogs modalise et formate la structure des
articles et par conséquent leur lecture. De ce fait, quelque soit le blog étudié, nous retrouvons de
façon systématique, mais pas forcément à la même place, un titre, l’article proprement dit, une
illustration éventuelle (mais fréquente), une zone de paratexte variable (proposant selon les cas
d’ajouter un commentaire, de visionner les articles classés dans la même catégorie, etc.) et enfin
la date de publication de l’article. Les articles sont en effet nécessairement datés, ce qui met bien
en évidence que le blog se démarque des sites traditionnels parce qu’il est véritablement un
média du temps qui se donne à lire comme un carnet de bord, un journal intime, une collection
de billets d’humeur.
La structure des articles est donc toujours la même, en revanche la longueur de
ceux-ci ne semble pas suivre de règle particulière. Nous rappellerons juste la distinction que nous
avions faite sur les rôles du texte lorsque nous avons étudié la place des illustrations dans les
articles de blogs. En effet, on remarquera que les textes de ce que nous avons appelé « blog
images » sont généralement assez courts se réduisant parfois à de simples légendes comme cela
est le cas pour J’suis un Wouf où les articles ne font souvent que deux phrases pour une centaine
de caractères. Inversement, les articles des « blogs textes » sont naturellement plus longs (voir
Plastique de Rêve et S-Max Expérience) et peuvent dépasser très souvent le millier de caractères.
2.3.c Différents blogs pour différentes stratégies discursives
Les différences dans les stratégies discursives des blogs publicitaires se
manifestent dans un premier temps par la définition ou non d’un locuteur identifiable. Qui parle
dans le blog ? Qui s’exprime dans les articles ? Le locuteur est-il clairement identifiable ou
s’agit-il d’une entité abstraite et anonyme ? Cette dernière question prend d’autant plus de sens
dans notre étude que les blogs sont, à l’origine, des sites personnels qui laissent donc souvent
transparaître l’identité du blogueur, sa personnalité, ses goûts, des moments importants ou non
de sa vie. Dans cette perspective, nous comprenons l’importance du locuteur pour un blog
publicitaire : la marque doit-elle publier un blog « anonyme » où aucun énonciateur
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n’apparaîtrait clairement ou bien doit-elle au contraire opter pour un blog tenu par une personne
qui exposerait son d’identité au regard de l’internaute? Dans ce cas, qui choisir pour se faire
ambassadeur ou porte-parole de la marque et du produit ? Le choix ne peut se faire de façon
anodine car il semble important que les univers du blogueur et du produit (et par extension de la
marque) soient compatibles ou, mieux, se complètent. En effet, si un locuteur apparaît
clairement, ce qui constitue son individualité et sa personnalité sera projeté consciemment ou
inconsciemment par l’internaute sur le produit et/ou la marque. Il est également important de
choisir des personnes qui peuvent avoir une influence sur la cible que le blog publicitaire vise,
autrement dit ce que l’on appelle à tort ou à raison des « leaders d’opinions », mais nous aurons
l’occasion de revenir sur cette notion. Voyons comment ces différentes questions trouvent leurs
réponses dans les quatre blogs de notre corpus.
En observant de plus près J’suis un wouf, S-Max Experience, La Chocolaterie
Wonka et Plastique de Rêve, deux stratégies distinctes se dégagent.
Il y a tout d’abord les blogs qui comme Plastique de Rêve ou S-Max Experience
ont des auteurs explicites : Sophie Kune pour le blog de Dior et Vincent pour le blog de Ford.
Dans les articles de ces blogs, l’embrayeur1 « je » renvoie de façon claire à ces deux personnes.
L’identité de ces blogueurs est connue dès le début du blog avec un article dédié en guise
d’introduction et/ou au fil du temps et des articles où les blogueurs dévoilent des expériences
personnelles, de leurs goûts. Dans le cas de Plastique de Rêve, Sophie Kune se présente sous la
forme de questions/réponses dès le troisième article (« Sophie face au miroir », du 14 février
2006), après avoir défini les règles de modération du blog et après un article introductif visant à
établir la relation avec les internautes en créant l’ambiance, l’atmosphère de son « boudoir ».
Une présentation particulièrement importante pour établir la confiance entre elle et les
internautes et pour définir ses relations commerciales et professionnelles avec la marque Dior.
Le jeu de questions/réponses permet de mettre en avant une certaine volonté de transparence qui
se retrouve par l’omniprésence d’un encart à gauche sur le blog mentionnant que le blog est à
l’initiative de Dior mais qu’il est rédigé par Sophie Kune de l’agence Je Suis Unique. Sophie
Kune fait part de certains moments de sa vie au fil des articles. On relève par exemple : « je me
suis personnellement retrouvée confrontée à des problèmes de poids très jeune (…) et j’ai
également été très précoce en matière de fabrication de cellulite, indésirable. J’aurais préféré
1
L’embrayeur est un élément lexical qui a comme spécificité d’avoir des référents très différents et variables en
fonction de la situation de l’énonciation. Des mot comme « je », « aujourd’hui », « ton » sont donc des embrayeurs.
Le 18 avril 1981 Lucie dit « mon fils est né aujourd’hui » et le 16 décembre 2003 Ludwig dit « mon fils est né
aujourd’hui » : les mots « mon » et « aujourd’hui » ne se comprennent que par rapport à la situation d’énonciation.
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être précoce dans un autre domaine mais bon, c’est celui-ci qui m’a été donné » (« Sophie face
au miroir »14 février 2006) ou encore « nulle à l’école et d’ailleurs très vite dispensée because
forte crise d’asthme (…) puis fréquentation assidue, aux alentours de mes 30 ans, d’un club
« jolie ligne mistinguette »… » etc.(« Tonic Body Award » 25 mars 2006)
Pour Vincent de S-Max Exeprience, sa position est différente puisqu’il n’est pas
engagé par Ford : il a gagné un concours pour pouvoir tester en avant première le monospace de
Ford et il acquiert donc logiquement la confiance des internautes plus rapidement. De ce fait, sa
présentation se fait moins solennelle et elle s’étale davantage sur le long terme. On remarquera
tout de même que l’onglet accueil sur le blog mène vers une page présentant ses centres
d’intérêt, sa profession et son profil. Mais c’est au fil des articles que l’internaute est amené à
connaître des éléments de la vie quotidienne de Vincent. Il présente sa fille, sa femme, ses amis,
ses voisins… Vincent fait part de sa balade romantique ou de sa journée pique nique en famille
grâce au S-Max. Mieux, l’internaute apprend à la fin du blog que la femme de Vincent attend un
deuxième enfant… On le voit, le degré d’intimité dévoilé dans un blog publicitaire peut tout de
même aller relativement loin.
De l’autre côté, nous avons les blogs J’suis un Wouf et La Chocolaterie Wonka où
le locuteur principal n’est pas identifiable. Le cas de La Chocolaterie Wonka est remarquable
dans le sens où nous trouvons dans la plupart des articles des embrayeurs tels que « nous, nos,
notre » mais nous ne connaissons jamais le référent de ces pronoms personnels et possessifs.
S’agit-il de Willy Wonka qui parlerait au nom de son entreprise et de ses employés ? Des
éléments nous permettent de remettre cette théorie en question. En effet, citons deux articles
(« La Chocolaterie Wonka ouvre son blog », et « Reportage exclusif au coeur de la chocolaterie
Wonka ! » tous deux du 30 janvier 2006) où les phrases «Découvrez le monde de Willy Wonka à
travers ses nombreuses sucreries » et « Pilotée par l'extravagant Willy Wonka, la fabrique est
devenue depuis longtemps source de plaisir » placent Willy Wonka dans une situation extérieure
à l’acte d’énonciation. Willy Wonka n’est pas sujet, il est objet. Se peut-il alors que les
embrayeurs que nous avons évoqués renvoient aux Oompas Loompas, la main d’œuvre de La
Chocolaterie ? Cela semble peu probable également : nous avons par exemple dans l’article
« Comment reconnaître un Oompa-Loompa ? » du 31 janvier 2006, le pronom personnel « ils »
pour désigner les Oompas Loompas au lieu de « nous ». Pourtant, des indices conduisent à
interpréter les embrayeurs « nous, nos, notre » du blog comme des références à des personnes
travaillant pour La Chocolaterie Wonka. Le locuteur, à propos des recettes envoyées par les
internautes, indique souvent qu’elles seront testées dans leur laboratoire (voir par exemple
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
51
l’article du 20 février 2006 « Les idées de Juliette »). Ce même locuteur lance une session de
recrutement de Oompas Loompas, ce qui prouve bien qu’il fait partie de La Chocolaterie.
Pourtant, à part Willy Wonka et les Oompas Loompas, il n’y a personne d’autre qu’y
travaille…La stratégie définie pour le blog La Chocolaterie Wonka est donc instable et
incohérente.
J’suis un wouf opte pour un locuteur abstrait, qui n’intervient presque jamais dans
les articles. Effectivement, sur les trente deux articles que compte ce blog, seul un comporte un
embrayeur « nous » (« En exclu pour vous, Hot nous a reçu chez lui dans sa chienne de niche ! »
dans l’article « Hot Dog’s Mansion » page 1). Qui est ce « nous » ? Cela est impossible à
déterminer. Les autres articles sont à la troisième personne et accumulent les déictiques («là c’est
toutes les récompenses du lascar », « c’est le fameux danseur de break Shabba Teckel », etc.) ce
qui n’est pas étonnant vu qu’il s’agit, comme nous l’avons dit, d’un « blog images » où le texte a
une fonction d’ancrage, de légende. Ce blog est donc bel et bien biographique et non pas
autobiographique car il n’est pas tenu par Hot Dog.
Nous le voyons, plusieurs stratégies d’énonciation s’offrent aux marques. Mais
une fois le locuteur choisi, quelle(s) expérience(s) proposer aux internautes ? Quel ton est adopté
et pour quelle finalité ? Quelle place tient le produit dans les articles du blog ? Ici, il n’y a pas de
catégorisation possible, et la seule limite est celle de l’imagination des marques pour investir les
blogs de la façon la plus cohérente avec la cible visée et/ou la plus originale. Qu’en est-il pour
les blogs de notre corpus ?
Commençons par le blog de Vincent pour S-Max Experience. Ce blog se veut être
un véritable test en situation du monospace de Ford. Quoi de mieux pour convaincre l’internaute
que de proposer les impressions sur le S-Max d’un vrai consommateur qui n’a aucune attache
avec la marque ? La quasi intégralité des articles est consacrée au monospace, et ceux-ci
permettent de présenter les caractéristiques du véhicule sous deux angles principaux : ils
permettent à Vincent de donner des résultats de différents tests de « pros » du S-Max, mais ils lui
permettent aussi et surtout de présenter le monospace en situation avec sa famille. Nous avons
ainsi des articles comme « Le test des tests » (15 mai 2006 – test par les employés d’une
concession Ford) ou encore « Le test qui en dit long » (12 mai 2006 – test par un ami de Vincent
et consultant formateur en sécurité routière, avec une notation à la fin). Dans ce dernier, le
consultant en sécurité routière utilise un « freinographe », il nous parle de « seuils de
décélération », de « courbe de freinage », de « transfert de masse ». Bref, il y a une
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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accumulation de signifiants connotant l’expertise et la scientificité du test. Mieux, à cette rigueur
scientifique vient s’ajouter une touche de sensibilité avec la phrase « pour un père de famille, la
sécurité c’est une priorité absolue » qui joue comme un rail mental de persuasion chez
l’internaute en mêlant le danger, la sécurité et la fragilité des enfants. De cette manière
l’internaute ne peut douter des résultats du test et de la bonne foi de Vincent.
De l’autre côté nous avons des articles dans ce blog qui insistent sur la mise en
situation réelle du S-Max comme par exemple l’article « Circuit automobile » du 10 mai 2006 :
avec son S-Max, Vincent a pu partir en pique nique avec sa femme et quatre enfants précisant
que « Le S-Max est idéal pour cette configuration », et que malgré la pluie il a suffit de « deux
minutes (pour) transformer le S-Max en salle à manger, puis en salle de jeu ». Le blog de
Vincent pour S-Max Experience constitue donc ce que nous pourrions appeler un « blog
testimonial » qui au final serait comparable aux publi-rédactionnels que nous trouvons dans les
magazines.
Pour Plastique de Rêve, la fonction de témoignage du blog est également présente
mais dans une moindre mesure étant donné que le gel Plasticity n’est l’objet que de huit articles
sur la trentaine que compte le blog. Certes Sophie Kune fait part de ses expériences avec des
recettes, des régimes ou des habits mais cela ne constitue pas des témoignages sur le produit de
Dior. Non, la fonction principale des articles de Plastique de Rêve n’est pas de proposer des
témoignages sur le produit (nous verrons plus tard que c’est le rôle des commentaires), mais
plutôt de jouer sur le plan de l’accompagnement personnel, du coaching. Ainsi, Plastique de
Rêve adopte une ligne éditoriale proche de celle d’un magazine féminin. On y trouve en effet des
conseils vestimentaires (pour aller à la plage dans l’article « Belle à la plage » du 06 avril 2006,
ou pour choisir l’habit qui correspond le mieux à sa morphologie avec par exemple l’article
« Effet trompe l’œil » du 24 mars 2006 ) des conseils régimes (article « Fashion Diet » du 13
mars 2006), des astuces bien être (article « Mes formes en chocolat » du 27 février) avec même
un programme pour le week end : « Ce week end, Cléopatre je serai » du 31 mars 2006.
Quoiqu’il en soit, tous ces articles s’articulent autour de la silhouette, de l’apparence et de la
cellulite, bref des thèmes en parfaite corrélation avec l’univers du gel Plasticity. Cela permet
d’atténuer grandement (en apparence) la dimension commerciale de ce blog où il n’y a, comme
nous l’avons dit, que huit articles mentionnant le gel Plasticity. Sophie Kune donne même des
astuces pour combattre la cellulite qui ne font pas forcément appel à Plasticity. De plus le fait
qu’elle reconnaisse avoir « été très précoce en matière de fabrication de cellulite, indésirable »
(« Sophie face au miroir », 14 février 2006) vient légitimer sa prise de parole sur le produit et le
problème de la cellulite. La dimension de coaching du blog se retrouve aussi dans certains
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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articles dans lesquels des notions scientifiques sont abordées de façon pédagogique et avec une
volonté de vulgarisation affirmée par l’utilisation de puces, de retraits de paragraphe, de phrases
comme « ce que j’en retiens : » (voir « Une plastique de rêve sans liposuccion » du 24 février
2006).
Mieux, Sophie Kune semble même vouloir motiver ses internautes avec des
phrases comme « Allez les filles, un peu de courage et suivez-moi, la réussite est au bout du
chemin » (24 février 2006) ou « D'autre part, savez vous ce qui fera qu’ensemble, nous
réussirons à atteindre notre but : une plastique de rêve pour cet été ? » ( « Aujourd’hui je
fonce » du 20 février). Plastique de Rêve met donc clairement l’accent sur la capacité d’un blog à
accompagner le consommateur dans l’utilisation d’un produit, la satisfaction d’un désir, d’un
besoin.
La Chocolaterie Wonka joue sur un registre complètement différent des deux
blogs précédents. Tout d’abord, le produit promu, c’est-à-dire le DVD de Charlie et La
Chocolaterie de Tim Burton, n’est l’objet que d’un article présentant les différentes éditions, le
reste étant consacré à la chasse aux Oompas Loompas et aux recettes de bonbons imaginées par
les internautes. Il ne s’agit pas par conséquent de proposer des témoignages sur le film ou encore
de donner des conseils sur le DVD. Non, il s’agit plutôt de recréer l’univers du film, ou plutôt de
le prolonger grâce à l’imagination des internautes. Le rôle de ce blog est bien là : mettre en
valeur l’internaute tout en proposant des éléments inédits rattachés au film de Tim Burton. En
s’appuyant sur les contributions des internautes, La Chocolaterie Wonka est ce que l’on pourrait
appeler un « blog participatif ». Les photos de Oompas Loompas et les recettes envoyées par les
internautes constituent la matière première du blog. De ce fait, les articles mettent bien en
évidence le prénom de l’internaute ayant envoyé sa photo de Oompa Loompa ou sa recette. Le
prénom se détache visuellement du reste du texte (couleur différente ou utilisation du gras), et
l’internaute est systématiquement remercié et tutoyé. Parfois les articles contiennent même du
discours rapporté en citant les propos des internautes comme on le voit avec « Pacifique Oompa
Loompa » du 21 février 2006 ou bien avec « A l’eau » du 22 février 2006. A cette notion de
participation vient s’ajouter une dimension ludique évidente, une touche d’humour et de jovialité
comme le démontre l’utilisation presque abusive des tournures exclamatives.
Pour finir, J’suis un Wouf est le blog qui va le plus loin dans l’humour en
multipliant les références décalées au rap, à la culture hip hop, au kitsch. Ce blog est en effet une
sorte de biographie de Hot Dog, un chien star du gangsta-rap et dragueur. Les références aux
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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cultures urbaines et au hip hop sont nombreuses et c’est peut-être de leur accumulation excessive
que provient en partie l’humour de J’suis Un Wouf. On notera par exemple l’utilisation du verlan
ne serait-ce que dans le titre où « Wouf » fait à la fois penser au cri du chien mais aussi à « ouf »
et donc « fou ». Les articles ne sont pas en reste. Citons par exemple « il organise des grosses résoi1 pour tous ses potes » (« Hot Dog’s Mansion »), ou encore « téma2 3 fans de Hot Dog » (« 3
fans de Hot Dog »). A l’utilisation du verlan s’ajoute un registre familier et des termes ou
expressions connotant la culture de rue comme « lascar » (« Récompenses »), « tuerie » (« J’suis
un Wouf le clip »). Les paroles de la chanson de Hot Dog sont un véritable condensé du langage
utilisé dans le site (voir article « J’suis un wouf : les lyrics »). Le blog décrit des situations
amusantes comme « c’est le fameux danseur de break Shabba Teckel, le seul à savoir tourner
sur le museau et sans les pattes », appuyées par de photographies qui le sont tout autant et par
une esthétique totalement kitsch (dégradés de couleurs vives, etc.). Tout gravite autour du terme
« Hot Dog », qui renvoie généralement à un sandwich à base de saucisses mais qui dans le cas de
J’suis un Wouf est pris dans sa traduction littérale : « Chien Chaud » ou plutôt « Chien Sexy ».
L’humour vient du décalage dans l’axe paradigmatique, c'est-à-dire dans le choix des signes : si
le personnage central du blog était un rappeur connu, il n’y aurait pas eu de décalage, et partant,
pas d’humour. Les situations et les références culturelles à elles seules ne créent pas l’humour.
Celui-ci vient en général d’un décalage. La fonction de ce blog est donc de s’offrir comme un
objet de pur divertissement aux yeux de l’internaute et l’on ne retrouve pas d’informations sur le
produit. Peut être qu’en fin de compte ce blog n’a pas pour vocation de promouvoir directement
le hot dog commercialisé chez Quick, mais plutôt d’amener l’internaute à se rendre sur le site
viral de l’opération : I Love Hot Dog3. Dans tous les cas, J’suis un Wouf est ce que nous
appellerons un « blog fiction » c’est-à-dire un blog reposant sur des éléments qui ne sont pas
issus de la réalité mais qui peuvent en avoir l’apparence.
Nous avons vu par une analyse de texte que le prisme des stratégies discursives
des blogs publicitaire peut se révéler assez large. Des choix doivent se faire dans l’identité du
locuteur et aussi dans la fonction, le but que l’on souhaite accorder au blog. Mais une dernière
variable est à prendre en compte pour mieux saisir les différences dans les stratégies discursives
des blogs publicitaires : la volonté ou non d’établir un contact avec l’internaute, volonté qui se
traduit par une prédominance de la fonction conative de Jakobson.
1
Comprendre “soirée”
Comprendre « mate », c’est-à-dire « regarde »
3
www.ilovehotdog.com
2
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En fait, tous les blogs de notre corpus déploient des dispositifs pour interpeller le
lecteur mais cela se fait à des degrés divers et dans des buts différents. Plastique de Rêve est
peut-être le blog qui fait le plus preuve d’énergie pour susciter une réaction de l’internaute (un
commentaire). Sophie Kune semble en effet vouloir instaurer un véritable dialogue avec
l’internaute. On dénombre effectivement de très nombreuses interrogations ouvertes en fin
d’article : « Alors à lundi, prêtes pour de nouvelles aventures ? » (« Une jolie fleur », 17 février
2006), « Et vous, quelles sensations allez-vous ici partager ? » ( « Aujourd’hui je fonce », 20
février 2006), « Alors, comment vous sentez-vous après que je vous ai livré mon humeur
gourmande ? » (« Mes formes en chocolat », 27 février 2006) « Enfin, l'interro du jour : que
faire d'après vous en cas de jambes très longues (ce qui est rarement un problème, enfin je
crois), en cas de jambes très courtes, en cas de jambes très minces? » (« Beauty gambettes », 31
Mars 2006), « Vous comptez faire quoi à Pâques au fait ? »(« Joyeuses Pâques », 10 avril 2006).
Certaines tournures sont des interrogations rhétoriques mais qui sont aussi une manifestation de
la prise en compte du lectorat par Sophie Kune : « Ce dont je parle ? » (« Gel au raisin », 22
mars 2006), « La définition de "Tonic body award" s’il vous plaît Miss Sophie? » (« Tonic Body
Award » ,27 mars 2006) « Alors, me direz-vous, que faire de tout cela? « (« J’aime ta couleur
café », 20 mars 2006). En voulant provoquer un dialogue, Sophie Kune génère de la connivence,
un certain lien affectif avec les lectrices. D’ailleurs, cette connivence transparaît à plusieurs
reprises dans le blog avec des phrases comme « Bravo à vous toutes pour ces belles
performances sportives. Résultat : vous avez toutes gagné un "tonic award" et surtout le droit de
continuer sur votre lancée » (« Tonic Body Award ») ou encore « bonne piscine ou plage aux
chanceuses qui partent en vacances de Pâques et surtout profitez en bien » (« Belle à la plage,
06 avril 2006). Pour finir sur ce désir d’engager le dialogue avec les internautes, remarquons que
Sophie Kune répond parfois à certains commentaires par le biais d’articles! Cela est visible par
exemple avec l’article « What ? » du 12 avril 2006 : « Je me disais en lisant le commentaire de
Lydia qu'il y avait sans doute des questions concernant Plasticity que vous auriez aimé me
poser »
Pour les autres blogs de notre corpus, les fonctions expressive et référentielle de
Jakobson dominent, la prise en compte de l’internaute est moins marquée, presque inexistante
dans certains cas, et surtout elle n’a pas comme Plastique de Rêve l’objectif de susciter un
dialogue. Dans La Chocolaterie Wonka, quelques articles en début de blog invitent l’internaute à
participer au recrutement des Oompas Loompas et au concours de recettes de friandises, mais la
majorité des textes n’établit
pas de contact. Cela peut sembler paradoxal pour un blog
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participatif qui s’appuie sur les contributions des internautes, mais cela est en fait du à sa nature
de blog image qui réduit trop souvent le texte à une fonction de légende. Dans J’suis un Wouf,
les interpellations de l’internaute n’ont qu’une vocation publicitaire pour que le visiteur se rende
sur le site viral I Love Hot Dog (« plus de temps à perdre, CLICK ICI ! », « Hot Dog Mansion »,
« Mate le site officiel de Hot Dog », « Hot Dog », page 1 ; ) ou alors n’ont qu’une fonction
rhétorique ayant pour but d’attirer l’attention de l’internaute (« tu l’as reconnu ? », « Shabba
Teckel », page 3). Dans S-Max Exeprience, quelques embrayeurs « vous, vos, votre » font
référence à l’internaute mais il ne s’agit que d’une minorité d’articles. Notons que dans ce blog
chaque article se termine par « Votez pour ma chronique Cliquez-ici » qui est en fait une zone
commune à tous les blogs de l’opération S-Max Experience et qui ne manifestent pas la volonté
d’établir un contact avec l’internaute.
Nous le voyons, la place accordée à l’internaute peut varier selon les stratégies
choisies et celui-ci peut être soit un véritable acteur de dialogue ou alors simple spectateur. Cette
question nous amène naturellement à observer de plus près la place que jouent les commentaires
dans les blogs de notre corpus.
2.4 Analyse des commentaires
Les blogs se définissent entre autre par le fait que les internautes peuvent
commenter les articles qui y sont publiés. Tout en étant des espaces d’expression pour les
internautes, les commentaires s’inscrivent aussi dans la stratégie discursive du blog même s’il est
évident que la marque n’a pas la même emprise sur les commentaires que sur les articles de son
blog. Si la marque ne peut donc pas vraiment contrôler ce qui se dit dans les commentaires, elle
peut néanmoins décider d’adopter ou non un discours incitant l’internaute à participer via les
commentaires. C’est le cas de Plastique de Rêve qui, avec ses très nombreuses questions
ouvertes en fin d’articles, accorde une place importante à la parole de l’internaute. Par contre,
même si J’suis Un Wouf n’a aucun discours incitant les internautes à laisser leurs impressions,
on ne peut que constater le nombre impressionnant de commentaires que peuvent recueillir
certains articles (379 commentaires pour le premier article !). Plus étonnant, d’autres blogs
comme S-Max Experience suppriment cette fonctionnalité de commentaires alors qu’elle est
souvent considérée comme étant à la base de tous blogs…
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Quoiqu’il en soit, cela amène plusieurs questions : y a-t-il une politique de
modération clairement exprimée ? Les commentaires sont-ils envisagés comme des zones
d’interaction ? Et si oui, quels types d’interactions peuvent-être observés ?
2.4.a Les politiques de modération.
La modération des commentaires est un élément primordial qui doit apparaître
clairement, auquel cas les internautes pourraient soupçonner la marque de supprimer certains
commentaires qui ne seraient pas en faveur du produit. On se rappellera l’exemple du Journal
de ma Peau de Vichy, où les commentaires étaient filtrés sans pour autant que cela soit annoncé
par la marque, ce qui suscita rapidement l’indignation de la blogosphère.
Dans notre corpus, les politiques de modération sont plus ou moins explicites et
ne sont parfois même qu’à l’origine de la plateforme d’hébergement et non de la marque ellemême. Effectivement, dans J’suis Un Wouf, nous ne retrouvons qu’une mention qui apparaît
systématiquement sur l’interface de commentaires et qui est commune à tous les Skyblogs. Cette
mention indique : : « N'oublie pas que les propos injurieux, racistes, etc. sont interdits par les
conditions d'utilisation de Skyblog et que tu peux être identifié(e) par ton adresse Internet si
quelqu'un porte plainte. Rappel : Tu ne dois jamais communiquer tes données personnelles
(nom, adresse, n° de téléphone) ! ». Mais outre cette modération qui est liée à des contraintes
légales, J’suis un Wouf ne semble pas modéré car on retrouve des commentaires n’ayant pas de
rapport direct avec le blog comme « slt si tu ve rire, va sur www.ministredescons.skyblog.com.
merci d'avance(laisse des comms stp(si tu y va,mais ça ne coute rien d'essayer!).tcho » (article
« Hot Dog : sa biographie! », commentaire du Jeudi 30 mars 2006)
La Chocolaterie Wonka a également une mention qui apparaît de façon
automatique lorsque l’internaute veut laisser un commentaire, mais remarquons la présence de
l’article du 29 Janvier 2006, intitulé « Mentions Légales ». Cet article précise qu’ « en raison
d'une forte augmentation de la demande pour les friandises Wonka, la chocolaterie s'excuse par
avance pour les délais incompressibles de traitement de vos commentaires sur son blog ». Une
mention trop évasive pour définir de vraies règles de modération. Cependant, ce même article
renvoie vers le site de Warner Bros pour des conditions d’utilisation plus précises.
Enfin, Sophie Kune de Plastique de Rêve opte pour une transparence totale avec
un article conséquent en début de blog. Dans « La règle du jeu » du 12 février 2006, Sophie
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Kune mentionne de façon claire que certains commentaires pourront être supprimés en fonction
de plusieurs critères définis.
A noter que la marque peut choisir de désactiver l’utilisation des commentaires
lorsque le blog n’est plus actif comme pour Plastique de Rêve. Lorsque le blog se termine, il
semble prudent de désactiver les commentaires (mais toujours permettre à l’internaute de lire
ceux qui ont déjà été postés) car la modération n’est plus possible.
2.4.b Les commentaires : zones d’échanges ?
Les commentaires peuvent être de deux types. Il y a tout d’abord des
commentaires fermés, c’est-à-dire qui sont la simple expression d’une opinion d’un internaute
sans chercher à susciter des échanges avec le blogueur ou avec les autres internautes. Ces
commentaires sont les plus fréquents dans J’suis un Wouf et La Chocolaterie Wonka, où ils
semblent fermés sur eux-mêmes. Citons par exemple dans J’suis un Wouf le commentaire du
Mardi 04 avril de Damien qui écrit : « tro styler le dog sa dechire. putain il demonte le blog »
(nous laisserons au lecteur le soin d’apprécier le registre et l’orthographe de ce commentaire qui
est loin d’être une exception). Ce type de commentaire se retrouve aussi dans La Chocolaterie
Wonka, où par exemple une certaine Klaire commente l’article « La Chocolaterie Wonka ouvre
son blog » du 30 Janvier 2006, en disant : « tro for votr film!surtt lé musik d Oompa lOompa sa
fer tro triP !! jespere kyora une suite... allez bisou a+++++++++++!G kiffer votr film il clak a
mor ». Certains commentaires fermés peuvent tout de même dépasser cette expression
égocentrée d’un avis en tentant de prolonger l’univers créé par le blog. Ainsi, toujours dans le
même article de La Chocolateire Wonka, nous pouvons relever le commentaire de Princessbv
qui se présente en forme de lettre : « Cher M.Wonka, Je me présente, je suis Princessebv,
Princesse régnante d'un pays merveilleux situé entre le pays des merveilles et le pays d'Oz (pour
lesquels je suis princesse honoraire et citoyenne d'honneur". Je souhaiterais vous inviter en
grandes pompes à venir nous rendre visite, dans le but de peut-être installer une de vos
formidables chocolateries, mais surtout pour vous faire citoyen d'honneur de mon royaume.
A très bientôt j'espère. Cordialement ». Certains commentaires fermés peuvent donc enrichir
dans une certaine mesure l’univers du blog.
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Face à ces commentaires fermés, il y a des commentaires ouverts, c’est-à-dire des
commentaires qui suscitent l’échange d’opinions, qui sont l’expression d’une interrogation, une
réponse à une demande d’aide, etc. Ce type de commentaires donne lieu à deux sortes
d’interactions : les interactions entre le blogueur et l’internaute, et enfin les interactions entre les
internautes eux-mêmes. Ces commentaires ouverts sont particulièrement présents dans Plastique
de Rêve où les internautes se lisent entre eux et se répondent. Prenons au hasard l’article « Les
angoisses de la cellulite » du 04 avril 2006 avec le commentaire de Blonde Attitude qui dit :
« d'accord avec toi Frogita, il faut se plaire avant tout ! Je ne connais pas ces bouquins sur la
cellulite, ça existe ??? ». Les commentaires peuvent être alors considérés comme de véritables
espaces d’échanges, comparables à de mini-forums dans lesquels le blogueur peut intervenir et
correspondre avec les internautes pour répondre à leurs questions ou pour animer la discussion
(comme le fait Sophie Kune), ou bien il peut être totalement absent, ce qui est le cas des autres
blogs de notre corpus.
2.4.c Autres applications des commentaires
Dans le prolongement de cette idée de zones de commentaires comparables à des
forums, il faut souligner l’initiative de Plastique de Rêve qui donne une autre dimension aux
commentaires en en faisant presque des articles alternatifs. En effet, on apprend avec l’article
« Elles sont douze » du 15 février 2006, que douze consommatrices/blogueuses ont été choisies
pour tester le gel amincissant Plasticity de Dior et pour faire part de leurs impressions et de leurs
conseils sur le blog Plastique de Rêve. Oui mais voilà, ces testeuses ne s’expriment pas par le
biais des articles du blog, qui sont intégralement rédigés par Sophie Kune, mais grâce aux
commentaires ! Ce peut être en effet une solution pour une marque qui souhaiterait organiser un
test de son produit auprès de plusieurs personnes (qui n’ont pas forcément les compétences
journalistiques pour écrire des articles) sans pour autant avoir à gérer des droits d’administration
multiples pour la publication des articles. Cela permet de garder le contrôle de la ligne éditoriale
des articles tout en proposant des tests de façon habile et finalement indépendante de la parole du
blogueur ce qui pourrait être un gage d’objectivité. Cette supposée liberté de parole semble être
un élément important car dans l’article « Quinze Jours déjà » du 03 mars, Sophie Kune met au
clair certains points, notamment l’indépendance des testeuses : « Les blogueuses qui postent des
commentaires sont mes salariées (ou celles de Dior, selon les sources) : FAUX! Elles ne sont
pas salariées et n¹ont aucun lien de subordination avec la marque Dior Parfums ni avec
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l¹agence jesuisunique et sont libres de commenter ou non. ». Le fait donc de proposer les tests de
ces blogueuses en commentaires permet de signifier d’une certaine façon cette indépendance.
Grâce à des outils et des méthodologies issues de la sémiotique et de l’analyse du
discours, nous avons pu mettre au jour les stratégies discursives des blogs constitutifs de notre
corpus. Nous avons ainsi défini comment les marques pouvaient s’adapter aux contraintes
formelles et navigationnelles des blogs et donner lieu ainsi à des blogs testimoniaux ou des blogs
coaching/informatifs, en passant par des blogs participatifs et des blogs fictionnels.
Voyons maintenant comment ces stratégies discursives s’inscrivent dans les
démarches marketing et publicitaires des marques. En effet, quels peuvent être le potentiel et les
applications marketing des blogs pour amener les marques à investir des espaces d’expression
personnelle originellement non-marchands ?
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Partie 3 | Du buzz marketing au marketing relationnel :
les applications des blogs publicitaires
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III. DU BUZZ MARKETING AU MARKETING RELATIONNEL : LES
APPLICATIONS DES BLOGS PUBLICITAIRES
L
’appropriation de la blogosphère par les marques et par le discours
publicitaire aurait conduit à ce que certains appellent aujourd’hui le
« blog marketing », comme si ce type particulier de sites Internet
donnait naissance à un marketing d’un genre nouveau. Nous pensons que plutôt que d’engendrer
une vision inédite des enjeux marketing, les blogs servent des stratégies bien établies. Si nous
avons étudié dans la partie précédente comment les blogs peuvent donner lieu à différentes
stratégies discursives, nous allons voir maintenant comment ils s’intègrent dans des démarches
de buzz marketing et de marketing relationnel. Cette troisième partie sera également l’occasion
pour nous d’expliquer comment les marques peuvent promouvoir un produit via les blogs sans
avoir à créer de blog publicitaire spécifique.
3.1 Intégrer les blogs dans une démarche de buzz marketing et de
marketing opérationnel
Pour comprendre comment les blogs peuvent être des outils au service d’actions
de buzz marketing, il convient de s’arrêter sur la notion même de buzz marketing, sur ce qui la
caractérise et notamment sur les concepts de communauté et de leader d’opinion. En partant d’un
point de vue général, nous verrons comment les blogs répondent à ces principes fondateurs du
buzz marketing et ce qui en fait leur spécificité.
3.1.a Les principes généraux du buzz marketing
Pour Stambouli et Brionès, le buzz marketing peut être défini comme
« l’application de stratégies de mise en œuvre de l’ensemble des moyens qui permettent de créer,
de propager ou d’augmenter partout et tout le temps le bouche-à-oreille entre
consommateurs1 ». Cette définition semble alors considérer marketing viral et buzz marketing
comme des synonymes, alors que des nuances sont à faire. D’un point de vue théorique, le buzz
marketing vise à faire parler les consommateurs d'un produit ou d'un service, à créer une rumeur,
1
STAMBOULI et BRIONES, 2002, p100
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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un bruit de fond médiatique avant un événement ou la sortie du produit. Le buzz entretient le
mystère, suscite les interrogations, surprend les audiences et exploite les contextes de
consommation pour stimuler le comportement souhaité. Il peut être online (créer un site
énigmatique) ou offline (créer un événement spectaculaire dans une rue par exemple). Le
marketing viral lui utilise nécessairement des outils de communication interpersonnels (e-mail,
sms…) pour faire passer le message de la marque à une large audience, rapidement et à moindre
coût. Nous considèrerons donc que la distinction entre ces deux marketings tient à la notion de
médiatisation, de facilitation du bouche-à-oreille par la mise en place ou non de systèmes de
recommandation, de jeux, de ce que l’on appelle des goodies (fonds d’écran pour l’ordinateur),
ou bien de films viraux que les internautes peuvent télécharger et se transmettent parce qu’ils les
auront jugés drôles, surprenants…
Comment expliquer l’intérêt des marques pour le buzz marketing ? Tout d’abord il
faut noter le faible coût de transmission de l’information puisque envoyer un e-mail ou laisser un
message sur un forum ne coûte rien pour l’internaute. Ce caractère négligeable du coût d'envoi
d'un message ou d'une recommandation favorise les actions de l'individu, mais également la mise
en place de modules spécifiques du coté de l'entreprise. Dans le prolongement de cette idée, il
faut mettre en avant la facilité de transmission et de création des recommandations. En effet, les
fonctions classiques des logiciels de messagerie (transmettre, carnet d'adresses,..) évitent de
ressaisir l'information et réduisent d'autant l'effort nécessaire à la propagation de l'information.
Le lien hypertexte joue également un rôle facilitateur mais cette fois du coté du destinataire d'une
recommandation, car qu’il soit dans le corps d'un e-mail ou sur une page web, le lien hypertexte
permet de se rendre sans effort et immédiatement sur la page ou le contenu faisant l'objet d'une
recommandation. Autre facteur expliquant l’efficacité du buzz : les caractéristiques intrinsèques
à l’Internet qui permettent une diffusion de l'information pyramidale, dans le sens où chaque
personne avertie en informe à son tour plusieurs.
Ces facteurs expliquent l’intérêt du buzz marketing pour les marques. Mais quelle
que soit la forme du buzz choisie par une marque, le bouche-à-oreille ne peut se faire que s'il
existe un facteur de motivation qui déclenche chez l’internaute l’envie de recommander un
produit, un site de buzz. Cette motivation peut trouver sa source dans plusieurs éléments
combinés ou utilisés seuls. Un site buzz peut d’abord proposer des récompenses financières pour
motiver l’internaute, mais cette pratique est coûteuse, peu contrôlable et ramène la relation de
l’internaute envers la marque à une dimension commerciale et marchande. Ce qui pour nous est
le facteur de motivation le plus important réside dans la valeur même du site buzz. En effet, un
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site buzz peut avoir une valeur utilitaire, une valeur ludique et/ou enfin une valeur de nouveauté
qui va conduire l’internaute à communiquer sur cette opération de buzz.
La valeur utilitaire d’un site c’est lorsque celui-ci apporte des conseils pratiques,
des astuces pour se faciliter la vie, mieux utiliser un produit, etc.
La valeur ludique quant à elle, concerne au sens strict les applications virales
prenant la forme de jeux. Cependant, dans un sens plus large, elle peut concerner également
toutes les applications humoristiques de type vidéos ou animations. Mais si le facteur ludique est
particulièrement motivant, il est difficile de le maîtriser.
La valeur de nouveauté enfin est liée à l’originalité du site, de son contenu. Plus il
revêt un fort caractère novateur sur le plan de la création ou sur un plan technique, plus il a de
chances de faire l’objet de bouche à oreille. Etant donné que l'effet de nouveauté est par
définition temporaire, il peut être dangereux de vouloir reproduire une mécanique de buzz qui a
déjà fait ses preuves. Cette valeur de nouveauté est extrêmement importante pour des campagnes
de buzz marketing et joue comme un facteur de motivation majeur car il s’appuie sur ce que l’on
pourrait appeler la théorie de « l’initié » ou, pour prendre un terme anglo-saxon, de « l’insider ».
Nous entendons par là le phénomène psychologique par lequel un individu se valorise,
consciemment ou non, d'être le premier à prendre connaissance ou à faire découvrir une
nouvelle, une application, une blague. En effet, le nouveau est valorisant pour l’internaute, il lui
confère un statut d’initié, de personne étant à la pointe de la tendance. Cela met au jour un
paradoxe pour le moins intéressant : nous avons dit dans la première partie de ce mémoire que
les consommateurs sont de moins en moins sensibles aux formes traditionnelles de la publicité.
Pourtant, on voit avec le buzz marketing que la publicité peut être un facteur de lien social et de
valorisation de l’individu par « l’effet de l’initié »…
3.1.b Les blogs au service du buzz et du lancement de produits
Nous avons vu lors de nos analyses sémiotiques comparatives que les blogs de
notre corpus débutaient plusieurs jours avant la commercialisation d’un produit. Cela démontre,
si cela était nécessaire, que les blogs publicitaires sont un dispositif de buzz marketing dans une
optique de lancement de produit. Ce qui attire notre attention c’est que s’ils visent à générer du
buzz, ils ne mettent pourtant pas en place d’outils de marketing viral, de modules de
recommandation. Effectivement, parmi les quatre blogs de notre corpus, seul J’suis un Wouf
intègre un système de recommandation que l’on retrouve sur la gauche du blog avec le lien « fais
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tourner ce blog ». Ce module permet d’envoyer le lien du blog J’suis un Wouf à cinq adresses
mail différentes, ce qui illustre ce que nous disions auparavant sur la facilité de la transmission
de l’information à un grand nombre de personnes comme facteur de succès d’une opération de
buzz sur le web. Cependant, ce module de recommandation n’est pas spécifique à J’suis un wouf
puisqu’il est systématiquement présent sur chaque skyblog.
Il est donc étonnant de voir que les autres blogs de notre corpus ne profitent pas
de ce genre de dispositif pour accroître leur visibilité et leur impact. En fait, les blogs semblent
s’appuyer presque exclusivement sur leur potentiel utilitaire, ludique et/ou de nouveauté. Ces
trois valeurs que nous avons développées plus haut trouvent leur correspondance dans les blogs
de notre corpus. Ainsi, la valeur utilitaire d’un blog publicitaire se retrouve particulièrement dans
Plastique de Rêve : une consommatrice, jugeant utiles les conseils prodigués par Sophie Kune
pour affiner sa silhouette, pourra prévenir de l’existence de ce blog une amie, une personne de sa
famille concernée par la question.
Ensuite, un blog publicitaire peut se baser sur sa valeur ludique pour motiver
l’internaute à propager le buzz. C’est le cas de La Chocolaterie Wonka qui incite les visiteurs à
envoyer des recettes de bonbons imaginaires ou à réaliser un photomontage mettant en scène un
Oompa Loompa. Certes il ne s’agit pas de jeux online à proprement parler, mais cela n’empêche
pas le blog de projeter l’internaute dans un environnement ludique où la notion de jeu et
d’amusement est très présente.
Enfin, les marques peuvent se saisir de la valeur de nouveauté, d’originalité de
leur blog pour espérer créer un buzz à la hauteur de leur espérance. Le blog J’suis un Wouf en
est un parfait exemple. Proposer à l’internaute un blog biographique d’un chien frimeur et star de
rap n’est en effet pas chose courante. L’effet de surprise est au rendez-vous.
Bien entendu, ces trois valeurs sur lesquelles s’appuient les blogs publicitaires ne
sont pas hermétiques et peuvent très bien cohabiter dans des proportions variables.
Nous avons dégagé en soumettant notre corpus à l’analyse sémiotique quatre
stratégies discursives principales. Les blogs publicitaires peuvent être participatifs, fictionnels,
testimoniaux, ou de coaching/informatifs et se baser sur les trois valeurs énoncés plus haut pour
motiver l’internaute à en parler. Parmi ceux-ci, les blogs les plus favorables au buzz sont les
blogs fictionnels qui offrent un objet de divertissement aux internautes, et enfin les blogs
participatifs parce qu’ils peuvent parfaitement s’intégrer dans une logique de marketing
opérationnel en étant l’objet de concours.
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Commençons par les blogs fictionnels qui constituent souvent un espace où la
marque peut attirer l’attention des visiteurs en se basant sur des ressorts du comique et de
l’humour. Cela est bien évidement le cas de J’suis Un Wouf, qui se présente comme un site
parodique. Mais les blogs fictionnels peuvent aussi jouer sur l’humour tout en se basant sur ce
qui est l’essence même des blogs, c'est-à-dire la supposée authenticité qui leur est attachée
(puisqu’un blog est à l’origine une forme de sites personnels). De ce fait, des marques
choisissent de mêler les registres de l’humour et de réalisme. En effet, certains blogs
publicitaires peuvent miser sur l’esthétique de l’authentique en mettant en scène un blogueur
anonyme qui n’est en fait qu’un personnage imaginé par la marque. Hewlett Packard s’est
illustrée par deux fois sur ce registre du réalisme. Une première fois avec un blog dédié à un
nouveau téléviseur HP1. Ce blog était censé être rédigé par Ted, marié à Rhonda. Ted décide
d’ouvrir son blog pour partager son expérience sur l’achat d’un nouveau téléviseur. Le blog
fictionnel est alors un moyen habile pour exposer les caractéristiques du nouveau produit mais il
s’agit là d’un choix très risqué car les internautes pourraient considérer la démarche comme une
tentative de manipulation. Malgré ce réalisme, ce blog avait tout de même une dimension de
divertissement lorsque Ted fait part à l’internaute de : « the persuader », un module viral qui
générait une lettre après avoir répondu à quelques questions pour aider l’internaute à convaincre
son épouse d’acheter une nouvelle télévision HP. Le deuxième blog de Hewlett Packard devait
promouvoir les micro-ordinateurs de la marque tout en présentant les caractéristiques d’un blog
personnel. Ainsi, spécialisé dans la démonstration de jongles à la manière du football mais en se
servant de la main et d’une boule de papier, le blog Fingerskilz2 proposait plusieurs vidéos où
l’on pouvait admirer les exploits du blogueur. Pour encourager ses visiteurs à se mettre au
jonglage avec les doigts, l’auteur proposait même un petit guide pratique avec photos à l’appui
pour leur apprendre à fabriquer une mini balle avec différents ustensiles (post-it, élastiques,
ficelle, papier, scotch…) et des petites baskets (avec du scotch et des trombones) à mettre au
bout des doigts. Le blog se voulait donc à la fois réaliste dans son esthétique et assez drôle par
son contenu. Après être restée incognito pendant deux mois, la marque HP est apparue
récemment sur le blog de Fingerskilz notamment en redesignant son interface.
Cela nous amène à un autre type de blogs fictionnels particulièrement intéressants
pour des campagnes de buzz marketing : les blogs teasing. Le teasing, c’est jouer sur le mystère,
avec une première phase où le but est d’attirer l’attention du consommateur sur un élément
intriguant et mystérieux, et une deuxième phase dite de « reveal » où la marque et le produit sont
1
2
http://ilovemyhptv.com
http://www.fingerkilz.tv/dasblog/
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révélés au grand jour. En règle générale, le blog est un outil parmi un dispositif plus global
(annonces presses, messages intrigants sur des forums, etc.). Nous pouvons citer comme
exemple la dernière campagne de promotion pour le jeu Halo 2 sur la console Xbox, où un site
troublant dédié à la ferme Margaret’s Honey 1 renvoie le visiteur vers un blog lui-même très
énigmatique2. Les blogs sont particulièrement intéressants pour des stratégies de teasing au sein
d’une campagne de buzz marketing et ce pour deux raisons majeures. La première, c’est
l’esthétique de l’authentique inhérente aux blogs. Ceux-ci, en étant généralement des sites
personnels, s’articulent sur les notions d’authenticité et de vraisemblance qui sont les piliers de
toute action de teasing : un mystère est une perturbation du réel, mais il doit s’appuyer sur des
éléments comme pouvant appartenir à la réalité, des éléments vraisemblables auquel cas le
discours proposé sera vite interprété comme une fiction irréaliste. Le deuxième avantage des
blogs comme outil de teasing réside dans leur navigation anti-chronologique et la fréquence de
leur mise à jour. Les blogs ont l’apparence de journaux intimes, ils sont constitués d’un
enchaînement d’articles distincts où l’on suivrait au jour le jour les événements de la vie du
blogueur. Tout cela est propice à la scénarisation, à la création d’un récit avec une intrigue, des
personnages, un dénouement et une chute. Chaque article est alors un épisode d’un véritable
feuilleton. Un parfait exemple de cela est certainement le blog Inconnue3 qu’avait conçu Thierry
Mugler pour le lancement de son parfum Alien. Ce blog narrait les péripéties et aventures d’un
homme à la recherche d’une femme qu’il avait croisée dans le métro. Pour cette opération, un
faux avis de recherche avait même était publié dans le journal Libération, ce qui montre
l’ampleur que peuvent prendre les dispositifs de teasing par les blogs.
On le voit, les blogs fictionnels, qu’ils jouent sur les registres de l’humour, du
réalisme ou du mystère se prêtent particulièrement bien aux objectifs du buzz marketing, mais ce
ne sont pas les seuls. En effet, les blogs participatifs sont également des outils pouvant contribuer
au buzz autour d’un produit et de son lancement, notamment parce qu’ils peuvent être envisagés
dans une optique proche du marketing opérationnel en faisant l’objet de concours. Dans notre
corpus de blogs, La Chocolaterie Wonka se rapproche de cette idée de concours, puisqu’un
encart permanent mentionne : « Chers citoyens du monde, La chocolaterie Wonka a décidé de
faire appel à votre créativité pour créer des friandises originales. En outre, l'un des auteurs de
ces friandises recevra un prix spécial, au-delà de votre imagination ». Les recettes de friandises
1
http://www.ilovebees.com
http://ilovebees.blogspot.com/
3
http://www.inconnue.fr : le blog n’est plus actif mais nous en proposons des extraits en annexes.
2
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semblent donc faire l’objet d’un concours, et pourtant, il n’y a nulle part d’autres mentions se
référant au gain, aux critères de sélection pour déterminer le vainqueur ! De plus, nous avons vu
que la phase d’activité de ce blog est aujourd’hui terminée, mais il n’ a y eu aucun article
clôturant ce concours, pas de classement, pas de gagnant… L’opération Ford S-Max Experience
est également une action de marketing opérationnel par l’organisation d’un concours à travers les
blogs. Cette opération s’est faite en deux temps : dans un premier temps les consommateurs
étaient invités à se rendre sur un site de Ford pour s’inscrire à un tirage au sort qui déterminerait
dix vainqueurs ayant le privilège de tester en avant première le monospace S-Max et de faire part
de leurs impressions sur un blog dédié. Le deuxième temps concernait ces mêmes blogs : les
visiteurs des blogs des dix testeurs pouvaient voter chaque jour pour leur blog préféré. Le testeur
dont le blog avait reçu le plus de votes se voyait offrir le monospace de Ford.
Prenons un autre exemple pour illustrer l’utilité des blogs participatifs dans des
actions de buzz marketing : le cas de Glowria, leader français de la location de DVD sur Internet.
Pour promouvoir son site, Glowria a profité du Festival de Cannes et de l’ambiance strass et
paillettes de l’événement pour créer son blog intitulé « Blog me, I’m famous 1». Le principe en
était simple et plutôt attractif : l’internaute envoyait une photo de ce qui se passait sur la
Croisette, et celle-ci était publiée en temps réel sur le blog de Glowria. Cela permettait de
proposer un fil d’actualités aux visiteurs (les soirées, les stars présentes, les rumeurs et scoops,
etc.). Les visiteurs pouvaient également envoyer des vidéos les mettant en scène et dans
lesquelles ils expliquaient leur passion pour Cannes… Chaque jour, Glowria récompensait une
photo en offrant un tee-shirt « Blog me I’m famous ».
Nous voyons bien que les blogs participatifs, en faisant l’objet de concours,
alimentent le buzz autour du produit et de la marque par l’idée du gain possible, mais aussi par la
mise en valeur de la contribution de l’internaute. La publication d’une participation de
l’internaute peut être considérée comme une valorisation de ce dernier et donc un facteur
motivant la transmission du buzz.
Pour finir, signalons que les blogs, qu’ils soient fictionnels ou participatifs,
peuvent participer à deux types de buzz. Nous nous inspirons ici de la typologie définie par
Stambouli et Brionès dans leur ouvrage « Buzz Marketing : les stratégies du bouche-à-oreille ».
Les auteurs distinguent d’une part le buzz image, qui est « l’ensemble des discussions entre
consommateurs qui ont pour sujet l’image de la marque 2», et le buzz produit qui est « le
1
2
http://cannes.glowria.fr
STAMBOULI et BRIONES, 2002.
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témoignage du consommateur par rapport à l’usage d’un produit 1». J’suis un Wouf et La
Chocolaterie Wonka rentrent dans la première catégorie tandis que Plastique de Rêve et S-Max
Exeprience sont davantage orientés vers le buzz produit.
Cette dernière catégorie nous amène vers ce qui fait l’intérêt du buzz tant pour les
marques que pour les consommateurs : un prospect fera davantage confiance à un avis, un
témoignage d’un proche, d’un ami, d’une personne référence dans la communauté dans laquelle
il s’inscrit, qu’à une publicité ordinaire dont il sait que le discours est nécessairement dirigé vers
un objectif de séduction plus que de conviction. Etant à la base du buzz marketing, il est utile de
s’interroger brièvement sur les notions de communautés et de leaders d’opinions et de voir
comment ces concepts sont appréhendés par les blogs publicitaires.
3.1.c Au cœur du buzz marketing et des blogs : les communautés et les leaders
d’opinion
Pour se propager, les actions du buzz marketing se basent sur l’existence
d’espaces dits communautaires sur Internet, c’est-à-dire les forums, les espaces de discussions
sur les sites spécialisés…. Par exemple, même si l’objet du buzz n’était pas un blog ou un site,
Volvo, pour le lancement de sa S40, avait demandé à quatre personnes de son agence de
communication de se faire passer pour de simples internautes et de se connecter sous une fausse
identité sur des forums et des blogs dédiés à l’automobile pour lancer des rumeurs autour du
chiffre 32, chiffre sur lequel était basée la campagne de buzz et de teasing2. Les espaces
communautaires proposés par l’Internet comme les forums et les blogs peuvent donc constituer
des relais précieux pour une campagne de buzz marketing. La marque peut poster un message
directement sur un forum ou blog, mais, et c’est là toute la difficulté de la manœuvre, elle doit
faire attention à ne pas heurter les membres de ces communautés par un discours excessivement
commercial. Le plus prudent reste peut être de ne pas intervenir directement sur un forum, mais
de laisser faire un processus naturel de « contamination » des forums par les membres existants.
Cela peut être d’ailleurs plus efficace qu’une intervention directe justement parce que la marque
n’est pas associée comme étant l’émetteur du message. Comme nous l’avons dit, une personne
1
Ibid
Trente-deux des habitants de ce village du nord-ouest de Stockholm (Suède) ont acheté le même modèle de voiture
le même jour. Que s'est-il passé ? Voir documents en annexes.
2
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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sera plus sensible à une recommandation d’un proche ou d’un membre de sa communauté qu’au
discours de la marque qu’il sait biaisée.
Quels outils peuvent être mis en place pour favoriser la contamination d’un
forum ou d’un blog ? Tout d’abord, la marque peut se servir de fichiers « d’influenceurs
diffuseurs » (des internautes identifiés comme sensibles aux opérations de buzz et
particulièrement actifs dans les phénomènes de propagation). L’autre moyen de contaminer les
forums est en fait simplement d’envoyer un communiquer de presse. La presse et les sites web
sont en effet friands de campagnes publicitaires originales, et une amplification de l’opération
peut se produire avec ce que Pierre Bourdieu a appelé « la circulation circulaire de
l’information1 » : les médias sont à la recherche de scoops, mais les journalistes se lisent entre
eux pour savoir ce qui a été dit, ce qui va se dire, etc. ce qui explique l’homogénéité des
contenus journalistiques. Si un concurrent parle d’une action de buzz originale, je me dois d’en
parler aussi. Une opération de buzz traitée d’abord par un seul site pourra donc faire l’objet de
différents articles sur plusieurs sites. Or, il y a de fortes chances pour qu’une personne qui
participe à un forum consulte d’autres sites, d’autres sources d’informations et, trouvant un
article sur une opération de buzz pouvant être intéressante pour sa communauté, elle diffusera
l’information sur un forum.
Ainsi, le lancement d’un blog publicitaire peut tirer avantage de ce flux
informationnel présent dans les communautés virtuelles, mais les blogs ajoutent d’autres
éléments à cette dimension communautaire de la circulation de l’information. Effectivement, les
blogs peuvent d’abord jouer sur des symboles communautaires pour que l’objet du buzz soit plus
facilement approprié par les communautés ciblées. C’est le cas de J’suis un Wouf qui accumule
les symboles liés à la communauté hip hop (typographie du logo, verlan, etc.). D’ailleurs comme
le fait remarquer Loïc Le Meur, la blogosphère a une langue : « les blogueurs ont tendance à se
comprendre entre eux et à développer des codes communs, par exemple un vocabulaire
nouveau2 ». La marque a donc tout intérêt à comprendre ces codes pour optimiser l’impact de
son blog publicitaire.
De plus, les plateformes de blogs tendent à se thématiser, ne serait-ce que parce
que les sites Internet sont de plus en plus nombreux à proposer leur propre plateforme de blog.
Publier un blog publicitaire sur un site spécialisé permet de cibler son action et d’acquérir une
plus grande visibilité en profitant du trafic naturel du site hébergeur. Ainsi, on aurait pu imaginer
1
2
BOURDIEU Pierre, Sur la télévision, Editions Raisons d’Agir, 1996.
GHIRINGHELLI, 2005.
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Plastique de Rêve sur la plateforme de blogs de Auféminin.com ou de Elle.com. La Chocolaterie
Wonka aurait pu être publiée sur la plateforme de blogs du site Allociné.com.. J’suis un Wouf est
le seul blog de notre corpus à profiter de cette dimension communautaire des plateformes de
blogs puisqu’il est publié sur Skyblog, un hébergeur lié à Skyrock, la radio française de rap, hip
hop et R’n’b. Cela lui permet de toucher plus facilement les jeunes amateurs de ce genre musical
et de signifier l’appartenance de la marque à cette communauté.
Enfin, les blogs s’intègrent dans la dimension communautaire de la
communication et du buzz marketing avec les « trackbacks ». Les trackbacks sont en quelque
sorte des liens intelligents présents à chaque fin d’article. Ils permettent aux auteurs de relier des
billets de blogs différents et de voir les sites qui font référence à un article de leur blog.
Concrètement, un lien est donné pour chaque article d’un blog A et un blogueur, en intégrant ce
lien dans un article sur un blog B, verra que son article apparaît sur le blog A. Par exemple, dans
La Chocolaterie Wonka, on remarque en cliquant sur le lien « trackbacks » de l’article
« Reportage exclusif au coeur de la chocolaterie Wonka ! 1» du 30 janvier 2006 que le site
Fubiz.net fait référence à cet l’article.
On le voit, la diffusion des actions de buzz marketing comme les blogs
publicitaires s’appuie sur l’organisation pyramidale des communautés et, nous le répétons, un
internaute accepte plus facilement un avis d’un proche ou d’un membre de sa communauté que
d’une publicité. Il semble donc important d’aborder cette notion d’influence, de leader d’opinion
afin de comprendre comment toucher ces leaders pour qu’ils diffusent l’existence d’une action
de buzz, mais aussi parce qu’une marque peut choisir de publier un blog qui serait tenu par une
personne jugée comme experte par une communauté donnée.
Comment définir un leader d’opinion ? Deux conceptions s’opposent : la première
cherche à caractériser le leader d’opinion en brossant son portrait type (le leader serait une
personne possédant des connaissances et une expertise sur un sujet particulier, il est donc une
source d’informations et de conseils appropriée). La deuxième conception du leader d’opinion
met davantage l’accent sur les conséquences de son comportement. Il serait alors, pour reprendre
la définition donnée par Katz et Lazarsfeld « une personne qui à travers des contacts quotidiens
avec son entourage influence de manière régulière l’opinion et la décision des gens dans
quelques domaines particuliers 2». Cette acception nous amène à définir l’influence
interpersonnelle comme le processus par lequel des contacts vont induire chez l’individu des
1
2
http://www.chocolateriewonka.com/2006/01/the_chocolate_f.html#trackback
LAZARSFELD et KATZ, 1955
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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modifications qui ne seraient pas intervenues sans ces contacts. Cette influence peut être
informationnelle ou normative. L’influence informationnelle c’est quand le consommateur
accepte les recommandations qui sont faites par certains référents. Le consommateur délègue son
pouvoir de vérification à une personne qu’il juge experte dans ce domaine. L’influence
normative, elle, c’est la démarche d’ajustement des choix pour anticiper des jugements négatifs
ou positifs de référents subis ou choisis.
Les blogs de notre corpus mettent en évidence trois points en ce qui concerne
cette notion d’influence.
Premièrement l’importance de l’homophilie c'est-à-dire le degré de ressemblance
- sociodémographique en général - entre l’influenceur et l’influencé, et son degré d’expertise.
Plus une source est jugée experte, plus elle est jugée crédible, et plus l’influenceur partage le
profil sociodémographique du consommateur plus l’influence sera grande. Ainsi, dans Plastique
de Rêve, Sophie Kune est présentée comme experte dans le domaine de la mode notamment, et
elle partage comme nous l’avons vu certaines caractéristiques de la cible supposée du blog à
savoir les femmes entre trente et quarante ans préoccupées par des questions liées à
l’amincissement. Pour ces raisons, les visiteurs du blog Plastique de Rêve auront tendance à
accorder leur confiance dans le discours de Sophie Kune. Pour S-Max Experience, les dix
blogueurs testeurs ne sont certes pas experts en automobile, mais leur statut de père de famille va
permettre de toucher plus facilement les personnes ciblées par cette opération, à savoir des
jeunes pères de famille. Notons que le degré d’influence n’est pas bien sûr uniquement lié à
l’influenceur, mais aussi à la sensibilité du consommateur à la parole des leaders d’opinions.
Ensuite, Plastique de Rêve et S-Max Experience soulignent que le degré
d’influence peut être lié à la nature impliquante du produit. Le gel amincissant Plasticity et le
monospace de Ford font partie de ce que l’on pourrait appeler les « produits ostentatoires 1 ». Ils
sont associés à l’image que l’on donne de soi et sont à ce titre des produits impliquants. Pour
cette raison, le consommateur portera une attention particulière aux opinions émises par le
groupe social auquel il appartient ou s’identifie, et surtout par les prescripteurs de ces
communautés qui en définissent dans une certaine mesure les normes.
Le dernier point est que pour un blog publicitaire, un leader d’opinion peut ne pas
s’exprimer dans les articles du blog mais dans les commentaires, comme cela est le cas dans
Plastique de Rêve avec les douze consommatrices / testeuses. Comme le note à juste titre Loïc
1
LENDREVIE, 2001, p118
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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Le Meur « les commentaires sur les blogs les plus populaires deviennent parfois plus importants
que les notes de l’auteur lui-même 1». D’où l’importance particulière que doivent porter les
marques sur les commentaires de personnes jugées comme leader dans leur domaine et leur
communauté.
Nous venons de développer comment les blogs publicitaires des marques peuvent
s’inscrire dans des actions de buzz marketing et participer au lancement d’un produit. Mais audelà de l’aspect événementiel d’un blog qui peut engendrer le bouche-à-oreille, les blogs
publicitaires permettent aux marques d’établir une dimension relationnelle forte en mettant en
place des outils et des stratégies de relation client et de fidélisation.
3.2 Les blogs au service du marketing relationnel
Dans son ouvrage « La marque relationnelle 2», Renaud Degon explique que
l’évolution des mentalités d’achat a engendré une infidélité croissante des consommateurs pour
les marques et a amené ces dernières à développer en plus d’une relation financière (ce que
Degon appelle le « parler prix de la marque »), une relation basée sur la connivence, l’affectif, le
partage de valeurs. En effet, Degon soutient l’idée selon laquelle nous sommes passés de l’achat
besoin (années 1950 à 1970), à un achat de sens3. L’achat besoin s’expliquait par
l’appauvrissement de la France et les privations dues à la guerre, et résidait principalement dans
l’achat de produits alimentaires et d’électroménager. A cette période où la consommation
répondait à des besoins primaires et de confort, succédèrent entre 1970 et 1990 les temps de
l’achat de standing (produits de marques plus prestigieux symboles d’évolution sociale) et de
l’achat gadget. Aujourd’hui, avec l’inondation des marchés par des produits à bas prix
manufacturés dans les pays en développement, la diversité de l’offre est telle que le
consommateur cherche à déterminer si, pour un prix inférieur, il pourrait acquérir un produit
identique. On serait passé d’un « comportement d’accumulation » à un « comportement
d’arbitrage »4. Dans ce contexte, les marques doivent jouer sur un autre terrain que la relation
transactionnelle, c’est-à-dire la relation basée sur le prix pour communiquer aux consommateurs.
1
Ghiringhelli, 2005
DEGON, 2000.
3
ibid
4
ibid
2
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
74
Ainsi sont apparus aux côtés des cartes de fidélité et des promotions personnalisées par le
couponning, des magazines de marques, des clubs… Aujourd’hui, « la motivation d’achat se
fonde sur la vitalité personnelle résultant de l’utilisation de la marque 1». Par conséquent le
consommateur doit se sentir proche et en connivence avec la marque. Les marques doivent selon
Degon initier avec les consommateurs des relations qui leurs sont spécifiques, elles doivent
chercher à dépasser leur seul savoir-faire, relevant de l’intelligence technique, pour proposer un
savoir être, car « l’absence de différentiel de relation aboutit pour la marque à guerroyer contre
d’autres sur le seul plan de la qualité. Les distributeurs ont déjà vérifié que la seule qualité de
service ne suffit pas2 ».
Il nous semble que les blogs publicitaires peuvent répondre à ces objectifs
relationnels qui s’imposent aux marques. Nous avons pu constater néanmoins lors de notre
recherche de blogs pour la constitution de notre corpus que le potentiel relationnel est souvent en
retrait par rapport au potentiel de buzz pur. Pourtant, buzz marketing et marketing relationnel ne
sont pas, il nous semble, antinomiques, dans le sens où en étant des actions de bouche-à-oreille
fondées sur l’humour, le mystère ou sur des dispositifs participatifs ludiques, les blogs
publicitaires créent de la relation entre les consommateurs qui se transmettent entre eux l’objet
du buzz, mais ils favorisent aussi la connivence entre la marque et les consommateurs.
Outre l’aspect relationnel du buzz, les blogs peuvent adopter des stratégies qui
sont davantage en cohérence avec la définition du marketing relationnel comme « technique
visant à établir une relation continue et enrichie avec le consommateur par l’établissement d’un
dialogue entre la marque et le consommateur3 ». Avec les blogs, l'entreprise s'engage avec le
lecteur, le consommateur. Celui-ci lit le blog par choix, ce qui implique qu'il veut entendre plus
de l'entreprise. Jérémy Wright définit trois axes sur lesquels peuvent s’étendre la relation4. Le
premier axe est celui de l’information : l’entreprise dit aux consommateurs ce qu’elle fait et
comment pour comprendre ce que ces derniers en pense. Le deuxième axe est celui du
témoignage, c’est-à-dire construire une base solide d’expériences positives avec les clients qui
les transformeraient en évangélistes pour la marque. Le dernier axe est celui du management de
la connaissance car un blog permet, nous allons le voir, de constituer une base de données assez
complète sur les attentes des clients. Pour Jérémy Wright, le potentiel relationnel des blogs est
1
DEGON, 2000, p16
ibid p78
3
Http://www.abc-netmarketing.com
4
WRIGHT, 2005.
2
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
75
vaste1 : conditionner des consommateurs « évangélistes », optimiser le feed-back, générer de la
confiance dans un espace communautaire, devenir un leader à l’écoute du marché, partager et
créer de la connaissance, découvrir de nouveaux marchés et nouvelles opportunités, etc.
Plastique de Rêve est un exemple parfait de cette mise en place de stratégies de
dialogue et d’échange au sein d’un blog produit. C’est cet aspect du potentiel relationnel des
blogs que nous allons aborder maintenant.
3.2.a Un outil de veille marketing
Les possibilités des blogs en terme de veille marketing sont facilement
compréhensibles. Les commentaires, en jouant le rôle d’espace d’expression pour les visiteurs du
blog et donc, logiquement, des prospects susceptibles d’acheter le produit, offrent aux marques
une occasion intéressante pour connaître les attentes des clients et les freins à l’achat. Partant, si
une politique d’animation des commentaires est mise en place et que les réactions sont
suffisamment nombreuses et convergentes, les blogs peuvent amener les marques à ajuster leur
message publicitaire, le prix du produit, etc.
Nous pouvons prendre l’exemple de Plastique de Rêve, avec un commentaire du
20 février 2006 d’Hélène sur l’article « Aujourd’hui, je fonce ;-) ». Hélène écrit : « Alors bon,
donc. Je suis a priori férocement opposée à toute forme d'effort pour maigrir, quel qu'il soit.
Même mettre des crèmes, ça me saoûle. En plus ça marche jamais, je sais, j'ai essayé quand
j'étais jeune et bête. Mais celle-ci, je dois dire qu'elle me titille. J'ai vu la pub, je me dis qu'on ne
peut pas promettre des résultats pareils sans être sûr de son coup. Je sens que je vais finir par
craquer et l'acheter ;-) Ce qui me retient pour le moment c'est son prix, mais l'idée d'avoir la
cuisse plus leste me fait assez envie... ». Le service marketing de Dior peut dégager des freins à
l’achat de Plasticity comme le prix, le caractère fastidieux de l’application du gel, le fait que ce
type de produit est souvent perçu comme inefficace, mais aussi des points forts comme la
stratégie argumentaire sur la promesse de résultats notables. En ayant connaissance de ces
éléments, la marque peut alors tenter de communiquer sur ces points pour lever les obstacles.
Autre exemple, Ubisoft, la société française de jeux vidéo qui a créé un blog2 pour son futur jeu
1
2
Ibid
http://blogs.ign.com/Red-Steel/
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
76
Red Steel, à paraître pour le lancement de la dernière console de Nintendo, la Wii. Ce blog
présente l’équipe de développement, et si les auteurs du blog ne sollicitent pas directement les
réactions des visiteurs, les articles récoltent tout de même des commentaires qui peuvent donner
un aperçu de ce que pensent certains joueurs sur le futur titre d’Ubisoft. Même si les
commentaires ne concernent pas directement le produit, ils donnent la possibilité à la marque
d’observer quelles sont les préoccupations générales c’est-à-dire ce que l’on appelle les
« drivers », les valeurs de leur clientèle. Ces informations permettront aux marques d’ajuster leur
discours pour améliorer leur relation avec leurs clients.
Bien sûr, les marques ne sont pas obligées de créer un blog pour cerner les
attentes des clients. Elles peuvent très bien observer les blogs déjà existants dédiés à l’univers de
leur produit. Cela est tout à fait comparable à la veille que font certaines marques sur les forums
de sites spécialisés. Dans ce cas, pour être pertinente et opérationnelle, la surveillance des blogs
nécessite de se concentrer sur ceux bénéficiant des plus fortes audiences et du plus fort crédit en
terme de fiabilité de l’information. Mais ce type de données est difficilement disponible.
3.2.b Blogs et relation client
Dans le prolongement de cette idée de veille passive des commentaires, les blogs
peuvent être clairement axés sur la participation des internautes dans le processus d’élaboration
du produit. Les blogs sont alors plus que des outils de veille : ils sont de véritables dispositifs de
relation client car l’entreprise montre explicitement sa volonté de transparence, son engagement
à prendre en considération autant que faire se peut les remarques de leurs clients dans la
réalisation du produit. Si au chapitre précédent nous traitions de la veille passive, ici la veille est
active, c’est-à-dire sollicitée par la marque qui interroge les visiteurs sur des points précis du
produit. La marque expose sur un blog ce que serait le prochain produit qu’elle compte
commercialiser, et elle incite les internautes à laisser leurs avis pour améliorer les
caractéristiques du produit en question. Il est vrai que ce type de discours est davantage présent
sur un blog de marque que sur les blogs publicitaires, mais on peut très bien imaginer que pour
un produit important et attendu, la marque crée un blog spécifique en charge de recueillir les
remarques et suggestions des internautes. Par exemple, les développeurs, testeurs et managers de
Microsoft utilisent les blogs pour parler directement avec les consommateurs, et avant d’apporter
des changements à leurs applications, les développeurs travaillent à obtenir du feedback auprès
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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des consommateurs afin d’avoir la certitude que les changements conviendront. De même pour
le site de vente en ligne de T-Shirt La fraise.com1 où le dirigeant n’hésite pas à exposer les
projets futurs de la société et les dernières créations de t-shirt en demandant aux visiteurs ce
qu’ils en pensent. Cela permet en outre d’améliorer le produit ou le service, mais le fait de
prendre en compte par des modifications des remarques effectuées sur un blog est aussi un
moyen d’exprimer la volonté d’écoute, de dialogue, de créer une relation de confiance et de
valoriser la parole du consommateur.
Ensuite, un blog permet de créer une communication transparente entre la marque
et les consommateurs. C’est le contrat de communication dont nous avons parlé plus haut. Le
blog peut ainsi désamorcer une crise en répondant directement aux récriminations d’internautes
envers une marque ou un produit. En effet, un blog publicitaire, comme un blog de marque,
humanise la relation et renforce la proximité ressentie. C’est un moyen d’afficher une certaine
transparence car les lecteurs peuvent contribuer et réagir via des commentaires. Mais la question
de la modération peut alors se poser : faut-il laisser des messages critiques envers un produit ?
De la politique de modération des messages dépendra le degré de transparence perçu par les
internautes. Laisser des messages critiques envers un produit a néanmoins certains avantages :
tout d’abord la marque peut apporter une réponse argumentée pour démontrer que la critique est
infondée. Cela donne l’image d’une entreprise qui a confiance en son produit et l’argumentaire,
s’il est bien construit et solide, peut mettre au jour des caractéristiques du produit dont le
consommateur n’avait pas forcément connaissance. Ensuite, certains consommateurs - attachés à
la marque ou au produit (s’il est suffisamment impliquant) - pourront se faire eux-mêmes
défenseurs de la marque ce qui, en plus de renforcer la fidélisation de ces clients, montrera le
soutien et la satisfaction des clients pour le produit et la marque. En fin de compte, laisser les
commentaires critiques et y répondre, c’est l’occasion pour la marque de prouver sa volonté de
transparence et de dialogue. C’est bien ce qui fait l’intérêt d’un blog pour un consommateur :
voir une marque plus humaine qui ne se cache pas derrière les discours formatés des publicités
mais qui est prête à engager une véritable discussion. On remarquera à ce sujet l’article du 03
mars 2006 de Sophie Kune dans Plastique de Rêve et intitulé « Quinze jours déjà ». Sophie
Kune, par une stratégie de questions/réponses réaffirme la nature commerciale et les objectifs du
blog face aux propos des détracteurs de l’opération.
1
http://www.lafraise.com
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
78
Par extension, on peut imaginer qu’un blog peut être un dispositif pour répondre
aux consommateurs lorsque des signes de défaillance technique du produit apparaissent.
Les stratégies de marketing relationnel des marques peuvent s’emparer des blogs
pour y diffuser des contenus qui sont en lien avec l’univers du produit promu. Par exemple, un
blog sur une gamme de planche de surf pourra suivre l’actualité d’un championnat de surf. Ces
stratégies se développent particulièrement aujourd’hui comme le souligne un article de Stratégies
dans lequel on peut lire : « on a également beaucoup parlé, ces derniers mois, de Leroy Merlin,
qui avec son programme court Du Côté de chez vous sur TF1 et son magazine du même nom
vendu en kiosques, joue à fond la carte du contenu, sans communiquer directement sur ses
produits. Encore plus détourné : Beautylive, chaîne de L'Oréal diffusée via MSN, donne des
conseils de beauté, tout comme un site féminin. […] L'enjeu réside dans la qualité éditoriale,
l'idée étant de rivaliser avec des sites journalistiques et spécialisés.1 » Ce type de contenu peut
faire alors penser aux « consumer mag » tels qu’on les connaît dans leur version papier. Un blog
peut distiller des conseils et astuces pour une meilleure utilisation d’un produit, pour, au final,
déboucher sur une meilleure satisfaction de l’utilisateur. Cette stratégie est particulièrement
présente comme nous l’avons dit dans Plastique de Rêve qui se positionne comme un blog
coaching/informatif, un blog d’accompagnement personnel pour aider les consommatrices à
affiner leur silhouette, notamment grâce au gel Plasticity de Dior. Pour les gammes féminines de
ses jeans, la marque Levi’s a également mis en place un blog2 où plusieurs idées créatives et
astuces sont données pour permettre de « customiser » son jean, c’est-à-dire le personnaliser en y
incrustant des rivets, des bijoux, des morceaux de tissus rapiécés, en le teintant, etc. Le blog
Jeandefille.fr a ainsi l’apparence d’un vrai manuel avec un ton didactique et des photographies
pour chaque étape détaillant la procédure. Le but est bien sûr de répondre aux préoccupations des
jeunes filles qui veulent avoir un jean à la mode mais qui ne ressemble à aucun autre. Plusieurs
sites Web et blogs proposent même aux internautes de s’abonner gratuitement pour recevoir des
fichiers audio ou vidéo leur donnant diverses astuces sur le produit. Cette pratique de diffusion
de fichiers audio ou vidéo est appelée podcasting et est basée sur les flux RSS que nous
aborderons plus tard. Prenons l’exemple de Gemey3 : la marque de cosmétique propose sur son
site Internet des podcasts audio et vidéo donnant des conseils maquillage de professionnels. Mais
cela est aussi possible sur un blog car un blog peut être basé sur tous types de contenus.
1
LE GOFF, 2004
Http://www.jeandefilles.fr
3
http://www.gemey-maybelline.com/news/l190l603.htm (podcast audio) http://www.gemeymaybelline.com/news/l190l606.htm (podcast vidéo)
2
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
79
Enfin, les blogs peuvent parfois être des éléments d’actions du marketing
relationnel transactionnel, très souvent pour favoriser le buzz autour d’un produit. Prenons
l’exemple d’Adronel, une marque de chaussette, qui propose un service pour le moins original
puisqu’il s’agit d’un abonnement à des chaussettes ! Pour rendre son offre visible, la société a
envoyé un mail à une quinzaine de blogueurs identifiés comme les plus influents du Web
français. Ces leaders d'opinion ont commencé à répandre la nouvelle. Un buzz à moindre frais et,
derrière cela, une vraie politique de relation clients puisque les lecteurs des blogs ayant relayé
l'information se voyaient offrir des réductions sur leurs commandes. L’inconvénient de cette
approche est qu’elle renvoie la relation entre la marque et le consommateur à une nature
marchande basée sur le prix et les avantages financiers. Or les blogs possèdent de nombreux
avantages pour permettre à la marque de développer une relation basée sur la connivence,
l’affectif avec les consommateurs, au point même parfois de créer ou de renforcer des
communautés autour du produit et de la marque. Les blogs ont alors un vrai potentiel de
fidélisation des clients.
3.2.c Fidélisation et sentiment d’appartenance
Comme nous l’avons dit, la fidélisation des clients est devenue un enjeu majeur
pour les entreprises face aux tendances de « zapping » du comportement d’achat des
consommateurs. Les politiques de fidélisation sont particulièrement importantes car outre le fait
qu’il est moins cher de fidéliser un client que de le conquérir, les clients fidèles sont parfois plus
rentables que les clients occasionnels et ils sont aussi un gage de stabilité pour l’entreprise.
D’autre part, les clients fidèles sont la source d’un bouche à oreille positif : « les clients fidèles se
font spontanément et bénévolement les agents actifs de promotion de cette marque auprès de
leur entourage et deviennent ainsi pour elle, par la voie du bouche à oreille, des recruteurs très
efficaces parce que désintéressés et crédibles 1». Un point d’autant plus, que selon une étude
d'Euro RSCG WorldWide datant de 2001, 34 % des acheteurs obtient le plus d’informations sur
un produit grâce au bouche à oreille, loin devant les sites Web (20%) et la publicité (13%).
Un blog peut alors contribuer à fidéliser certains clients en créant une relation
quasi quotidienne avec le consommateur. Nous l’avons démontré lors de nos analyses, les blogs
sont des sites Internet dont une des spécificités est d’être très régulièrement mis à jour, en
1
LENDREVIE, 2003, p.925
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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général au moins une fois par semaine. Cela conduit à une forme de fidélisation puisque pour
amener l’internaute à visiter un blog le plus souvent possible, la marque peut déployer
différentes stratégies tant sur le plan du contenu que sur le plan technique. Sur le plan du contenu
d’abord, car si le blog propose des informations pertinentes et utiles pour le consommateur, ce
dernier le consultera régulièrement. De même, les blogs ayant d’abord des objectifs de buzz
marketing peuvent tout à fait amener à une forme de fidélisation s’ils s’appuient sur des
stratégies de teasing, de feuilleton, d’intrigue comme le blog Inconnue.fr pour le parfum Alien
de Thierry Mugler que nous avons cité précédemment. Ensuite, sur le plan technique, les
marques peuvent tirer profit des flux RSS (Really Simple Syndication) que proposent les blogs.
Le fonctionnement d’un flux RSS est assez simple à comprendre : en cliquant sur un lien du type
« fil RSS » (que nous pouvons remarquer sur Plastique de Rêve, La Chocolaterie Wonka et SMax Experience), l’internaute « s’abonne » (gratuitement bien sûr et sans avoir à se qualifier, à
communiquer des informations personnelles) pour recevoir l’actualité du site ou du blog.
L’internaute reçoit ainsi automatiquement des messages signalant les mises à jour faites sur un
site, les derniers articles publiés sur un blog, les derniers fichiers audio et vidéo (podcast) mis en
ligne… L’inconvénient de cet outil est que pour lire ces flux d’information, l’internaute doit
disposer d’un agrégateur de fil RSS, une sorte de logiciel à partir duquel l’internaute peut
consulter en un seul endroit les dernières actualités de dizaines de sites web, sans avoir à les
visiter. Or, tout le monde ne dispose pas d’un lecteur RSS, et pour cause, selon une étude publiée
par Yahoo US1, seuls 12% des internautes savent ce qu'est le RSS. Pour les marques qui
souhaitent fidéliser les visiteurs de leurs blogs, la simple mise à disposition du fil RSS ne suffit
pas pour toucher une cible large, mais cela peut être compensé par l’usage des e-mails : une
marque peut proposer sur son blog un flux RSS et en parallèle des alertes mails pour informer
l’internaute des mises à jours.
Là où est les blogs sont des dispositifs de fidélisation intéressants, c’est dans leur
capacité à renforcer des communautés autour d’un produit ou d’une marque au même titre qu’un
forum, et ce, que les blogs soient envisagés dans des stratégies de marketing relationnel bien sûr,
mais aussi dans des campagnes de buzz marketing. En effet, l’essence du buzz marketing est à la
fois de se reposer sur les communautés existantes pour se diffuser mais aussi de participer à leur
renforcement en créant du lien entre les acteurs de ces communautés. Les marques et les produits
sont devenus créateurs de communautés qui leur sont dévouées. Les exemples de telles
1
http://publisher.yahoo.com/rss/RSS_whitePaper1004.pdf
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
81
communautés sont nombreux et l’on pourrait citer entre autre les communautés dédiées à Apple
(Ipod, Mac…), à la DS de Citroën, au jeu de rôle Magic The Gathering, aux marques de
vêtements de sport Nike et Adidas, aux consoles de jeux vidéo Nintendo, etc.
Mais comment expliquer que les marques et les produits soient devenus des objets
de communautés ? Lendrevie, en expliquant que la publicité peut être vue sous l’angle de la
signification sociale des objets, cite Jean Baudrillard qui écrit dans son ouvrage La société de
consommation, ses mythes et ses structures : « on ne consomme jamais l’objet en soi (dans sa
valeur d’usage), on manipule toujours les objets (au sens le plus large) comme signes qui vous
distinguent soit en vous affiliant à votre groupe pris comme référence sociale, soit en vous
démarquant de votre groupe par référence à un groupe de statut supérieur 1». L’achat de
certains produits peut être alors pour un individu une façon d’exprimer une image qu’il a de
soi car des représentations symboliques auront été attribuées au produit ou à la marque. Ainsi,
« les marques de sport telles que Nike et Adidas affirment des valeurs dans lesquelles se
projettent bon nombre d’acheteurs2 ». C’est ce que Jean-Noël Kapferer appelle « la fonction
d’identification » de la marque3, c’est-à-dire sa capacité à aider un acheteur de se situer par
rapport à son environnement social et à se mentaliser, à se définir à ses propres yeux.
Les blogs permettent aux marques d’entretenir les communautés virtuelles
existantes sur le Web dédiées à leurs produits notamment parce que la fonctionnalité des
commentaires agit comme un mini-forum dans lequel les passionnés de la marque ou du produit
discutent entre eux, s’échangent des conseils, des points de vue… La marque peut aussi
intervenir directement dans ces forums via un porte parole qui aura pour but d’animer les
conversations et de renforcer l’impression de proximité et de connivence entre la marque et les
membres de la communauté. Mieux, une marque a la possibilité de diffuser au sein de son blog
des contenus propres à assouvir le désir de ces consommateurs passionnés de tout avoir et tout
savoir sur leur marque ou produit fétiche ; ces contenus peuvent être des informations exclusives,
des objets à collectionner (fonds d’écran, icônes, thèmes de bureau, etc.), des films viraux… Les
concours sont aussi une façon de stimuler une communauté. Dans notre corpus de blogs, La
Chocolaterie Wonka pourrait être vue comme une sorte de bonus pour les fans du film de Tim
Burton en prolongeant l’univers du film en dehors du DVD.
1
LENDREVIE, 2001, p 117
LENDREVIE, 2003, p113 - Voir à titre d’exemple le blog pour la gamme Clima d’Adidas (http://adidasclima.skyblog.com/)
3
KAPFERRER, 1989
2
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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L’opération The daily sneaker de Nike peut être citée pour illustrer la capacité des
blogs à animer les communautés de marques/produits. Le blog « The daily sneaker 1» ciblait les
collectionneurs, les passionnés du vintage, des modèles des chaussures de sport Nike datant des
années 80. Il s'agit pour Nike de devenir éditeur d'une plate-forme de discussion ouverte et, en
l'espèce, de laisser des collectionneurs parler des produits de la marque.
Dans le même esprit, le blog du site de vente en ligne de t-shirt Lafraise.com
permet aux clients de poster des photos où ils posent habillés des t-shirts achetés sur le site. C’est
un moyen de développer le sentiment d’appartenance et de valoriser les clients. Or, développer
ce sentiment d’appartenance c’est renforcer la relation, les liens entre la marque et ses
consommateurs, et cela débouche à terme à une fidélisation de la clientèle.
En développant le potentiel de veille, de relation client et de fidélisation par le
sentiment d’appartenance des blogs nous avons étudié comment ceux-ci peuvent s’inscrire dans
des objectifs de marketing relationnel. Les blogs ont ainsi toutes les caractéristiques nécessaires
pour établir et maintenir de bonnes relations avec les clients telles qu’elles sont exposées par
Lendrevie, à savoir connaître ses clients, leur parler, les écouter, les récompenser pour leur
fidélité et les associer à la vie de l’entreprise ou de la marque2. En effet, nous avons vu que les
blogs permettent de connaître les clients et de les écouter grâce aux commentaires (outil de
veille), de leur parler avec des articles, de les récompenser pour leur fidélité (voir le cas
d’Adronel cité plus haut ou simplement le fait que les blogs peuvent apporter des astuces aux
clients), et enfin les associer à la vie de l’entreprise en les impliquant dans la phase de réalisation
d’un produit, tout cela en profitant de l’humanité et de la proximité caractéristiques des blogs.
Mais au-delà de ces applications dans le domaine du marketing relationnel et du
buzz marketing, les blogs possèdent d’autres formes d’utilisation pour les marques souhaitant
promouvoir un produit ou une gamme de produits sans devoir passer par les blogs publicitaires.
1
2
http://www.thedailysnkr.com/
LENDREVIE, 2003, p.904
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3.3 Les autres possibilités d’utilisation des blogs par les marques
Si auparavant nous avons mis au jour des applications possibles de blogs édités
par les marques, nous allons voir maintenant comment celles-ci peuvent tirer partie de blogs qui
ne sont pas de leur initiative pour promouvoir leurs produits. Evidemment, ces actions peuvent
être entreprises en parallèle avec le lancement d’un blog publicitaire pour le compléter ou pour
renforcer sa visibilité et son impact.
3.3.a Les plateformes de blogs : du marketing relationnel au marketing
opérationnel
Une marque peut mettre en place sur son site Internet ou sur un site dédié une
plateforme de blogs comparable à celle de Skyblog, Six Part, etc. L’objectif bien sûr n’est pas
que les internautes se saisissent de ces plateformes pour y exposer des éléments de leur vie qui
n’auraient pas de lien avec la marque, mais de les amener à rédiger des articles sur un ou
plusieurs produits de la marque, ou en tout cas en phase avec l’univers associé au produit.
Intégrée sur le site de la marque, la plateforme de blogs permet d’accroître le trafic du site et par
conséquent d’augmenter la visibilité des offres qui peuvent y être faites. Pour ce faire, le site de
la marque doit être lui-même déjà très actif et proposer un contenu régulièrement mis à jour,
auquel cas il vaut mieux préférer peut-être délocaliser la plateforme de blogs vers un site dédié.
L’objectif principal de telles plateformes de blogs est simple : fédérer une
communauté de consommateurs pour les fidéliser. Nous ne reviendrons pas sur l’importance de
la fidélisation des clients pour une entreprise ni sur le fait que le sentiment d’appartenance, en
créant une relation forte basée sur l’affectif, la connivence et le partage de valeurs, participe au
processus de fidélisation, en tout cas pour certaines catégories de produits.
Pour illustrer cette utilisation des plateformes de blogs par les marques, nous
incitons le lecteur à se rendre sur la plateforme « Blogstation 1» qui est à l’initiative de la société
Sony pour ses consoles de jeux vidéos Playstation. Sur cette plateforme, les joueurs se
rassemblent pour exposer leur passion pour les jeux vidéo et les consoles Sony bien sûr, mais
aussi sur des thèmes gravitant autour de l’univers des jeux vidéo et de Sony comme les mangas,
les films, etc.
1
http://www.blogstation.fr/
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
84
Une plateforme peut être aussi un moyen habile de développer des actions de
trade marketing et de partenariats commerciaux. Nous pourrions imaginer dans le cas de Sony
que des éditeurs de jeux vidéos ou des fabricants d’accessoires (manettes, étuis, etc.) puissent
créer des blogs publicitaires sur Blogstation.fr.
Quoiqu’il en soit, une plateforme de blogs permet la qualification de ses clients,
c’est-à-dire de récolter des adresses e-mails ou physiques pour constituer une base de données
qui peut être réutilisée en vue d’opérations de marketing direct. Ces plateformes peuvent donner
lieu à des stratégies relationnelles plus poussées avec pourquoi pas un système pour gagner des
points à chaque fois que l’internaute se connecte à la plateforme de blog, écrit un article, ou à
l’occasion de votes. Ces points récoltés permettraient au blogueur d’avoir des avantages, des
bons de réduction…
Outre ces objectifs de marketing relationnel de fidélisation par le sentiment
d’appartenance, les plateformes de blogs hébergées sur un site de marque ou sur un site dédié
peuvent contribuer à des actions de marketing opérationnel. En effet, une marque qui proposerait
une plateforme de blogs dédiée peut envisager l’organisation de concours qui permettrait non
seulement de stimuler et d’animer sa plateforme de blog mais également de recruter de nouveaux
blogueurs attirés par la perspective du gain. Nous pouvons citer le cas du site du voyagiste en
ligne Expedia qui a organisé en 2005 et cette année un concours de blogs de voyages1, avec à la
clé, pour les meilleurs blogs, des chèques voyages d’une valeur de 1500 euros. Sur la plateforme
Blogastion.fr que nous avons évoquée, des concours de blogs sont également mis en place pour
gagner des jeux, des consoles, des goodies… Les plateformes de blogs ont un vrai potentiel pour
des opérations de marketing opérationnel. Nous pouvons imaginer des concours de blogs
littéraires, de blogs photo, audio ou vidéo… les limites en la matière sont celles de l’imagination
des services marketing.
Enfin, d’un point de vue technique, une plateforme de blog peut améliorer le
référencement d’une marque sur les moteurs de recherche avec un meilleur Pagerank pour le
trafic.
Cependant, la création de telles plateformes restent limitée à des marques et des
catégories de produits capables de fédérer un grand nombre de consommateurs en communauté.
Si une marque juge qu’elle ne répond pas à ce critère, elle peut, comme l’a fait la marque de
1
http://www.blogs-de-voyage.fr/
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
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stylos Reynolds1, envisager un blog participatif où les internautes deviendraient en quelque sorte
des co-auteurs d’un même blog. Comme nous pouvons le constater avec l’exemple de Reynolds,
ce genre d’initiative permet l’organisation de concours. Dans tous les cas, une plateforme de
blogs doit être abordée avec précaution car cet outil pose plusieurs questions en terme de
modération des blogs.
3.3.b Les blogs comme support publicitaire pour un annonceur
Cette utilisation des blogs est très simple à comprendre puisqu’il s’agit de se
servir d’eux comme des espaces traditionnels publicitaires. La marque apparaît sur les blogs
d’anonymes sous la forme de bannières, skyscrapers, etc. qui sont vendus par l’hébergeur de
blogs ou bien par des réseaux spécialisés regroupant plusieurs milliers de blogs indépendants.
Ces espaces publicitaires apparaissent alors aussi bien sur les pages du blog, que sur les
interfaces de gestion utilisés par les blogueurs. Les messages publicitaires peuvent même parfois
être intégrés dans les flux RSS de blogs auxquels se sont abonnés les internautes.
L’avantage des blogs comme support publicitaire est qu’ils sont souvent classés
par thèmes et qu’ils peuvent donc, en théorie, permettre un ciblage relativement fin pour les
marques. Pourtant, dans les faits, les espaces publicitaires des blogs sont généralement vendus en
rotation générale sur l’ensemble des blogs d’un hébergeur car les catégories ne correspondent
que rarement à des ciblages recherchés spécifiquement par les annonceurs et le nombre de blogs
par catégories est souvent modeste. Peut-être la situation va-t-elle changer avec le
développement des plateformes de blogs sur les sites spécialisés. Effectivement, des sites comme
Le Monde.fr, Au féminin.com, Allociné, Jeux-France etc. mettent à la disposition des internautes
un espace de blogs. Les annonceurs peuvent alors profiter du ciblage permis par la spécialisation
de ces sites.
Mais l’utilisation des blogs comme support publicitaire n’est pas nécessairement
efficace car les bannières, de par leur emplacement sur les blogs, ne sont pas d’une grande
qualité en terme d’attention accordée par l’internaute. D’autre part, comme n’importe qui a la
possibilité de créer son blog, les messages publicitaires de l’annonceur peuvent être affichés sur
1
http://www.matribureynolds.com/
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des blogs de mauvaise qualité, parfois au contenu douteux, ce qui peut poser un problème
d’image pour la marque.
3.3.c Les stratégies d’under-cover marketing
La dernière forme d’utilisation des blogs non publiés par une marque correspond à
ce que l’on appelle les stratégies d’« under-cover marketing », appelées en français « marketing
furtif ». L’on entend par marketing furtif ou under-cover marketing « des actions marketing dans
le cadre desquelles la marque ou son agence ne souhaite pas être identifiée comme étant à
l'initiative d'un phénomène de communication 1». En somme, une marque fait de la publicité
pour un produit ou une action de buzz marketing sans apparaître au grand jour.
Les actions d’under-cover marketing appliquées aux blogs peuvent se déployer
sur trois axes : tout d’abord la marque peut participer de façon anonyme sur un blog via les
commentaires ; ensuite la marque peut proposer des cadeaux aux auteurs dont les blogs sont
appréciés, reconnus et générant un fort trafic ; enfin, la marque peut créer un faux blog de toute
pièce.
Commençons par les interventions masquées des marques dans les commentaires
de blogs. La marque se fait passer pour un internaute lambda est envoie des commentaires sur les
blogs très visités. Les commentaires peuvent être alors de deux ordres : la marque met en avant
son produit en valorisant des caractéristiques ou, au contraire, elle tente de nuire à l’image d’un
concurrent en se plaignant de ses produits. Dans tous les cas, ce genre de pratique nécessite de
préparer le terrain en participant aux autres articles du blog, en écrivant des commentaires bien
avant ceux qui auront des objectifs d’under-cover marketing pour être perçu comme un visiteur
plutôt régulier. De plus, la marque doit être prudente dans la rédaction de ses commentaires en
mesurant ses propos, en n’étant pas trop élogieuse pour ne pas avoir un discours qui pourrait
paraître publicitaire, et surtout adopter les codes des blogueurs (si la marque souhaite intervenir
sur un blog dédié aux adolescents, l’utilisation du langage sms est de rigueur pour se fondre dans
le paysage du blog…). Pour illustrer cette pratique basée sur de fausses contributions
personnelles, rappelons l’exemple de Volvo pour le lancement de sa S40 que nous avons abordé
plus haut …
1
http://www.abc-netmarketing.com
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
87
Les auteurs de blogs reconnus générant un fort trafic peuvent être considérés
comme des leaders d’opinion. Pour cette raison, il est tentant pour une marque de vouloir
approcher ces blogueurs et de les influencer pour qu’ils rédigent des articles sur un de leurs
produits ou sur une de leurs actions de buzz. Le moyen le plus simple pour les inciter à parler de
leur produit étant de leur envoyer des échantillons gratuits ou d’autres cadeaux. Les marques
envoyant ces échantillons ou cadeaux ne demandent pas nécessairement de contrepartie aux
blogueurs, et il est d’ailleurs peut-être plus efficace de ne pas contraindre ces derniers, de leur
laisser le sentiment d’être libres de parler ou non du produit. Par exemple, en 2003, la marque de
téléphones mobiles Nokia avait envoyé à une dizaine d’auteurs utilisant régulièrement des
photos dans leurs blogs leur dernier modèle de téléphone portable avec une fonction appareil
photo intégrée. Nokia ne demandait pas de contrepartie directe, elle n’exigeait pas un nombre
d’articles sur son produit. Les résultats de cette campagne ont semble-t-il été jugés satisfaisants
par la marque.
A l’inverse, ce type de pratique peut se solder par un échec, par un buzz négatif.
C’est le cas la campagne « Raging Cow » de la marque de boissons gazeuses Dr Pepper / Seven
Up. La société avait fait parvenir 300 dollars en chèques cadeaux et des canettes de soda à six
blogueurs américains pour que ces derniers fassent la promotion de « Raging Cow », une boisson
à base de lait. Ces six blogueurs, âgés de 17 à 24 ans, ont consacré un article par semaine et
pendant un mois entier à la boisson de Dr Pepper / Seven Up. La société fut accusée d’avoir
formé les blogueurs au produit et de leur avoir donné pour instruction de multiplier les allusions
à la nouvelle boisson sans signaler leurs liens avec la marque
Les marques souhaitant avoir ce type d’approche doivent faire face à deux limites
principales : il est tout d’abord difficile d’identifier les blogs influents, et ensuite les blogueurs
approchés par les marques peuvent avoir des réactions négatives se traduisant par un buzz négatif
pour le produit.
Pour finir, les marques peuvent créer des faux blogs personnels dont le but serait
bien sûr de promouvoir de façon masquée un produit. La marque invente alors un personnage
imaginaire avec ses passions, sa vie quotidienne, son caractère, etc. Au milieu d’articles
personnels, l’internaute trouverait des articles sur un produit que ce blogueur imaginaire aurait
testé et apprécié. Dans un sens, le blog de Ted pour un modèle de téléviseur Hewlett Packard que
nous avons cité plus haut entrerait dans cette catégorie de faux blog s’il n’y avait pas eu à la fin
une phase de révélation de la marque. Cette pratique pose deux problèmes majeurs.
Premièrement, parce qu’ils sont nouveaux, ces blogs auront une faible audience et auront donc
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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une portée limitée. Enfin et surtout, cela soulève des questions éthiques, car les méthodes de
l’under-cover marketing peuvent être perçues comme des tentatives de manipulation si les
internautes découvrent le pot aux roses. Le contre exemple de la première version du blog Le
Journal de Ma Peau de Vichy illustre parfaitement les effets négatifs de telles pratiques si elles
sont mises au jour. Vichy s’est attiré les foudres des internautes qui ont qualifié ce blog de
manipulation : Claire, la blogueuse/testeuse n’existait pas, le caractère publicitaire de l’opération
n’apparaissait nulle part.
Dans tous les cas, l’appropriation des blogs par le marketing furtif met en
évidence les limites éthiques et les dangers de ce dispositif qui peut être un outil de manipulation
dont l’efficacité aléatoire ne justifie pas nécessairement les prises de risques qu’il suppose …
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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CONCLUSION
D
éfinir les stratégies discursives des blogs publicitaires nous a permis de
mettre au jour les nombreuses applications marketing possibles de ces
derniers. Nous aurions pu limiter notre réflexion à l’utilisation des
blogs dans des démarches de buzz marketing ou dans des dispositifs de marketing relationnel,
mais avec notre parti pris d’une approche assez large, nous avons pu démontrer l’étendue de cet
outil et conclure que plutôt que de parler de « blog marketing », il était peut-être préférable
d’apprécier comment les blogs peuvent s’inscrire dans des branches existantes du marketing.
En tous cas, qu’ils soient envisagés dans des objectifs de buzz ou de marketing
relationnel, les blogs sont la manifestation d’une évolution dans la posture des marques vis-à-vis
du consommateur. Nous serions passés - ou en train de passer - d’un marketing de conquête à un
marketing de relation comme semble l’indiquer un article de Stratégies selon lequel « le
marketing de conquête militaire vers les cibles est devenu un marketing de relation où il faut être
« aux côtés » du client, en interactivité avec lui, et non en face d’une cible, comme pour la
tuer 1»… Cette tendance serait à l’origine des blogs qui illustrent les évolutions du statut du
consommateur dont nous avons parlées.
Nous avons vu qu’un blog est une façon de parler, de présenter l’information, et
aussi une façon de considérer l’internaute. Mais par-dessus tout, puisque nous pouvons retrouver
ces éléments sur les sites de certaines marques, un blog est un contrat de communication
particulier qui sous-tend les idées de proximité, de relation, de connivence, d’humanité. Cela est
valable aussi pour des blogs créés pour faire du buzz car ils sont toujours tenus par des
personn(ag)es, qu’elles soient fictives ou réelles, nous invitant souvent à suivre une part d’un
quotidien imaginaire, et ce même dans le blog J’suis un Wouf de notre corpus où par des
procédés animistes un chien devient humain. La marque souhaite bien sûr établir une relation
avec le consommateur, et ce désir est réciproque car à l’inverse des publicités télévisuelles ou
radiophoniques, qui illustrent l’interruption marketing2, les blogs sont des dispositifs
impliquants : visiter un blog publicitaire est une démarche volontaire de la part de l’internaute.
1
2
DELCAYRE, 2006.
Ces publicités ont pour principale fonction d’interrompre l’activité de l’individu pour détourner son attention.
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
90
Mais ce qu’il y a d’intéressant avec les blogs, c’est que dans le prolongement des
opérations castings que nous avons abordées, l’humanisation de la marque se fait grâce à des
personnes « ordinaires », loin des stars et personnalités du show-business que l’on peut retrouver
dans certaines publicités parce que le consommateur le vaut bien… La marque n’est plus une
star, elle devient comme tout le monde ce qui n’est évidemment pas sans mettre à mal la « star
stratégie » chère à J. Séguéla pour qui, rappelons-le, « être une personne, c’est être personne1».
Néanmoins, comme la star stratégie, certains blogs publicitaires définissent le physique, le
caractère et le style de la marque à travers les caractéristiques de leur auteur…
Mais les blogs sont-ils vraiment des outils efficaces ? Il est difficile de répondre à
cette question, non seulement parce que les marques ayant tenté l’expérience des blogs ne
récoltent pas tous les mêmes résultats, mais aussi parce qu’il est difficile de déterminer des
critères d’efficacité. Faut-il considérer le nombre de visites comme un critère pertinent ? Faut-il
plutôt analyser les retombées presse de l’opération ou le nombre de commentaires laissés sur le
blog ? En fait, le risque principal d’un blog publicitaire est un risque d’audience : il doit être
suffisamment promu pour générer un trafic permettant un retour sur investissement, car si le
bouche à oreille peut augmenter le nombre de visites, il est toutefois dangereux de tout miser sur
ce facteur. L’audience d’un blog peut aller de quelques centaines de visites par jour (250 pour Le
Journal de ma peau de Vichy, 350 pour l’Inconnue de Thierry Mugler) à plusieurs milliers (2000
visites pour le Dayly Sneaker de Nike cité plus haut). Ensuite, le blog peut apparaître comme un
support simple à mettre en place et peu coûteux, car le ticket d’entrée est bas, mais il entraîne
parfois des coûts cachés liés aux investissements effectués pour apporter un contenu de qualité.
Si le blog est bon pour l’image, son efficacité en terme de ventes semble plus discutée comme le
confirme Patrick Amiel, de l'agence de marketing MRM Worldwide, qui affirme que « si
certaines marques pensent faire grimper leurs ventes en créant un blog, elles se fourrent le doigt
dans l'œil!2 ».
De plus, que va-t-il se passer lorsque l’effet de nouveauté se sera dilué dans
l’utilisation abusive des blogs par les marques ? Pour citer un article de l’Université de Wharton
de Pennsylvanie3, « le problème avec le buzz marketing c’est que, aussi porteur de réussite soit-
1
LENDREVIE, 2001, p434.
PEYREL, 2006.
3
WHARTON, 2005.
2
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91
il à l’heure actuelle, son efficacité va inévitablement s’évaporer à cause de son utilisation
excessive, et, disons le, de trop de buzz !1 ».
Il se peut même que l’engouement actuel des marques pour les blogs publicitaires
serait un phénomène de buzz. Après tout, peut-être que les gens, les communicants, les services
marketing, en présentant les blogs comme une (r)évolution dans la relation vis-à-vis du client
font du buzz autour du buzz 2!...
1
WHARTON, 2005 : “the fear for buzz marketing is that, however successful it may currently be, the effectiveness
of the approach will inevitably be diluted trough overuse abd, dare we say it : too much buzz”
2
Ibid. “people are buzzing about buzzing”.
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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ELENBI : site dédié au marketing et proposant des conférences filmées dont la
conférence du 03 mai 2006 intitulée « Les blogs et au-delà : comment les marques
peuvent elles communiquer autrement avec leurs clients ? » avec notamment les
interventions de Bertrand Jouvenot, Responsable Marketing chez CELIO, Séverine
Cornuau, Responsable Marketing au service CRM de la SNCF ou encore Natacha
Pontonnier, Chef de produit Marketing Grand Public chez Orange
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INDEX DES MARQUES
-AAccor Hotels, 20
Adidas, 8, 22, 81
Adronel, 79, 82
Apple, 81
-BBébé Cadum, 16, 17
Brandt, 16, 17
-CCanard WC, 16, 17
Célio, 8, 12, 17, 23, 31
Century 21, 22
Citroën, 20, 81
Clio, 19
Coca-Cola, 16
Comptoir des Cotonniers, 16, 17
-EExpedia, 84
-GGemey, 78
Glowria, 68
Grand Optical, 20
-MMac Donald’s, 20
Microsoft, 29, 76
Miko, 16
-NNike, 8, 12, 17, 81, 82
Nintendo, 76, 81
Nokia, 87
-PPanasonic, 23
-RReebok, 16, 18
Reynolds, 85
-SSephora, 22
Seven Up, 87
Skyrock, 38, 71
SNCF, 22, 94
Sony, 83, 84
-TThierry Mugler, 67, 80
-HHewlett Packard, 66, 87
-UUbisoft, 19, 75
-IIkea, 19
Intel, 20
-VVichy, 23, 24, 31, 33, 37, 57, 88
Volvo, 69, 86
-KKelkoo, 22
Kit Kat, 16, 17
Kryptonite, 15, 22
- W,X,Y Wikipédia, 12
Xbox, 67
Yahoo, 43, 80
-LLa fraise.com, 77, 82
Leclerc, 22
Leroy Merlin, 78
Levi’s, 78
L'Oréal, 78
Lou, 16
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Annexes
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Annexes
- Annexe n°1 : « Blog », un mot à la mode
- Annexe n°2 : Quelques opérations casting
- Annexe n°3 : L’esthétique de l’authentique
- Annexe n°4 : Corpus d’analyse : (ATTENTION ! Le lecteur pourra consulter les articles et
commentaires des blogs soit sur le cd-rom accompagnant ce dossier, soit en visitant directement
les blogs concernés).
- 1 | J’suis un Wouf - Quick
- 2 | La Chocolaterie Wonka – Warner Bros
- 3 | S-Max Experience : blog de Vincent - Ford
- 4 | Plastique de Rêve - Dior
- Annexe n°5 : Inconnue.fr – Thierry Mugler
- Annexe n°6 : Campagne de teasing Volvo
- Annexe n°7 : Exemple d’une plateforme de blog produit : Blogstation.fr
- Annexe n°8 : Quelques blogs publicitaires
NB : Retrouvez l’intégralité de ces annexes sur le cd-rom joint à ce mémoire, avec en plus
les pages Web du corpus, des films viraux illustrant l’esthétique de l’authentique.
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ANNEXE 1 | « BLOG » : UN MOT A LA MODE
Des blogs qui n’en sont pas…
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ANNEXE 2 | QUELQUES OPERATIONS CASTING
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ANNEXE 2 | QUELQUES OPERATIONS CASTING
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ANNEXE 2 | QUELQUES OPERATIONS CASTING
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ANNEXE 2 | QUELQUES OPERATIONS CASTING
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ANNEXE 2 | QUELQUES OPERATIONS CASTING
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ANNEXE 2 | QUELQUES OPERATIONS CASTING
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ANNEXE 3 | L’ESTHETIQUE DU QUOTIDIEN
> capture d’écran d’un film de Opération Cuisine d’Ikéa.
Voir cd-rom ci-joint pour films
viraux
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ANNEXE 4 | PRESENTATION DU CORPUS
J’suis un Wouf - Quick
> Lien web : http://jsuis-un-wouf.skyblog.com/
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ANNEXE 4 | PRESENTATION DU CORPUS
La Chocolaterie Wonka – Warner Bros
> Lien web : http://www.chocolateriewonka.com/
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ANNEXE 4 | PRESENTATION DU CORPUS
S-Max Experience – Ford
Blog de Vincent
> Lien web : http://fr.360.yahoo.com/ford.smaxexperienceid10
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ANNEXE 4 | PRESENTATION DU CORPUS
Plastique de Rêve - Dior
> Lien web : http://plasticity.blogs.com/
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ANNEXE 5 | INCONNUE.FR
> Retrouvez les pages web du blog sur le cd-rom joint.
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ANNEXE 6 | CAMPAGNE DE TEASING POUR VOLVO
> Voir le film de teasing sur le cd-rom joint.
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ANNEXE 7 | EXEMPLE D’UNE PLATEFORME DE BLOG PRODUIT :
BLOGSTATION.FR
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ANNEXE 8 | QUELQUES BLOGS PUBLICITAIRES
ADIDAS – Clima : http://adidas-clima.skyblog.com/
BROSSE A DOMICILE.COM : http://brosseadomicile.typepad.com/
CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE : http://www.chocolateriewonka.com/
DIOR : Plasticity : http://plasticity.blogs.com/
FIDO DIDO : http://fidodidofficiel.skyblog.com/
FIFA STREET 2 : http://fifa-street2.skyblog.com/
FORD – S Max : http://fr.cars.yahoo.com/promo/ford/smax/index.html Avril 2006
GLOWRIA : http://cannes.glowria.fr
HALO 2 : http://ilovebees.blogspot.com/
HP : http://ilovemyhptv.com et http://www.fingerkilz.tv/dasblog/
IPOD : http://ipodstory.skyblog.com/
KELKOO : http://www.kelkooblog.com/kk/
LA FRAISE.COM : http://www.lafraise.com/blog/
LEVI’S : http://www.jeandefilles.fr/
NIKE : http://www.thedailysnkr.com/
NOKIA 3250 : http://nokia3250.typepad.com/
ONEY-SHOPPING : http://www.oney-shopping.com/
PANASONIC : http://www.panasonic-blog.fr/servlet/PB/menu/1223695_l3/index.html
PILOT - stylo frixion : http://pilot-frixion.skyblog.com/
PRO EVOLUTION SOCCER : http://pes5konami.skyblog.com/
QUICK - Hot Dog : http://jsuis-un-wouf.skyblog.com/
REEBOK : http://rbketmoi.skyblog.com/ et http://rbketvous.skyblog.com/index.html
REYNOLD’S : http://www.matribureynolds.com/
SCARY MOVIE 4 : http://scary-movie4.skyblog.com/
SEGA : http://www.beta-7.com/blog/
SEPHORA - Piiink : http://piiink.blogs.com/
SIEMENS SK 65 : http://siemens.typepad.com/siemens_sk65/
THIERRY MUGLER - Alien : http://www.inconnue.fr
VICHY – Micropeel Abrasion : http://www.journaldemapeau.fr/blog/index.php
NEUTROGENA VISIBLY CLEAR : http://visibly-pretty.skyblog.com/
Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations
Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006
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