IFPEK Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes De l’intérêt thérapeutique au potentiel thérapeutique : L’adaptation en ergothérapie pour l’application de thérapies protocolisées auprès d’enfants U.E 6.5 S6 : Evaluation de la pratique professionnelle GONNET Romane 2014/2015 Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur est illégale IFPEK Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes De l’intérêt thérapeutique au potentiel thérapeutique : L’adaptation en ergothérapie pour l’application de thérapies protocolisées auprès d’enfants Sous la direction de Pascale LE MAUFF U.E 6.5 S6 : Evaluation de la pratique professionnelle et recherche GONNET Romane 2014/2015 Résumé Dans la prise en charge ergothérapique, l'aspect motivationnel des activités apparaît comme un élément essentiel. Ainsi, en pédiatrie, le jeu devient un moyen privilégié pour faciliter le développement des capacités de l'enfant. En parallèle, les moyens rééducatifs développés auprès des adultes tendent à apparaître dans la prise en charge pédiatrique du fait de leur intérêt thérapeutique. Néanmoins, les principes des protocoles, dans leur stricte observance, paraissent ne pas convenir au public enfant : l’absence d’aspect ludique amoindri le potentiel thérapeutique et le cadre d’application contraignant ne correspond pas aux possibilités des non-adultes. Comment les ergothérapeutes adaptent leur pratique pour induire un aspect motivationnel dans ces thérapies avec l'enfant ? L'étude met en avant les moyens mis en place par les ergothérapeutes pour susciter l'envie d'agir des enfants lors des thérapies protocolisées. Mots clés : jeu, thérapie protocolisée, potentiel thérapeutique, intérêt thérapeutique, pédiatrie Abstract In occupational therapy, motivational aspect of the activities appears as an essential element. Thus, in pediatrics, the game is particulary used to facilitate the development of children’s capabilities. In parallel, the rehabilitative resources developed with adults tend to be applied in the pediatric treatment due to their therapeutic interest. Nevertheless, protocols have a contraining framework and don’t include the game. Then, protocolized therapies seems not fitting to children because of this reduction of therapeutic potential. How occupational therapists induce a motivational aspect in these protocolized therapies with children ? The study highlights the means used by occupational therapists to stimulate children’s desire to act in these therapies. Key words : game, protocolized therapy, therapeutic potential, therapeutic interest , pediatrics Remerciements Je tiens à remercier tout particulièrement Madame Pascale LE MAUFF, ma directrice de mémoire, pour son accompagnement, sa méthodologie et sa rigueur, Tous les ergothérapeutes qui ont consacré de leur temps pour répondre à mes questions et qui m’ont fait part de leur expérience, Mes amis (et futurs collègues) de Sisi la famille pour leur soutien indéniable et leur folie qui m’ont porté durant ces trois années de formation, Ma pied, mon pilier depuis tant d’années, Mes parents, dont le soutien et la confiance m’ont permis de réussir. Sommaire Introduction ...........................................................................................................................................1 1. La problématique ...........................................................................................................................2 2. Les concepts théoriques ...............................................................................................................11 2.1. 2.1.1. Science de l’activité humaine : fondement de l’ergothérapie ......................................11 2.1.2. L’activité, l’occupation en ergothérapie : .....................................................................11 2.1.3. Le potentiel thérapeutique de l‘activité : .....................................................................14 2.2. 4. La théorie du jeu ...................................................................................................................18 2.2.1. Le jeu et le développement ..........................................................................................18 2.2.2. Le jeu et le plaisir ..........................................................................................................19 2.2.3. La thérapie par le jeu ....................................................................................................19 2.3. 3. Ergothérapie et activité ........................................................................................................11 Le développement physiologique de l’enfant et de l’adolescent .........................................23 2.3.1. L’enfant de 0 à 6ans ......................................................................................................23 2.3.2. L’enfant de 6 à 12 ans ...................................................................................................24 2.3.3. L’adolescent ..................................................................................................................25 Exploration pratique .....................................................................................................................26 3.1. Méthodologie .......................................................................................................................26 3.2. Analyse des données recueillies ...........................................................................................27 Discussion.....................................................................................................................................44 4.1. Vérification des hypothèses .................................................................................................44 4.2. Axes de réflexion ..................................................................................................................47 4.3. Limites de l’exploration ........................................................................................................49 Conclusion ............................................................................................................................................50 Bibliographie ........................................................................................................................................51 Annexes .................................................................................................................................................... Introduction Aujourd’hui, diverses techniques sont appliquées dans la rééducation des troubles neurologiques chez les adultes. Ces techniques font lieu à diverses expérimentations et recherches qui permettent d’établir des protocoles pour optimiser leur intérêt thérapeutique et guider la pratique professionnelle. Les ergothérapeutes travaillant auprès d’enfants et d’adolescents sont amenés à reprendre ces programmes thérapeutiques dont l’efficacité est prouvée dans la rééducation de l’adulte. Or, ces programmes s’attachent à l’amélioration des performances de l’individu et ne prennent pas en compte sa singularité. Cependant, le choix de l’activité et/ou de son processus de mise en place par l’ergothérapeute sont considérés en fonction de leur intérêt thérapeutique mais également de l’aspect singulier de l’individu pour en exploiter le potentiel thérapeutique. Face au développement, en ergothérapie en pédiatrie, de ces moyens aux intérêts thérapeutiques manifestes chez les adultes, quelle place le potentiel thérapeutique prend-t-il dans ces protocoles ? Ce travail de recherche expose l’ensemble des éléments permettant de mener la réflexion autour du sujet. Dans un premier temps, il sera décrit l’expérience personnelle qui a mené à la question de la place du potentiel thérapeutique dans les thérapies protocolisées auprès des enfants en ergothérapie. Dans un second temps, un point théorique sur l’activité en ergothérapie, la théorie du jeu et le développement physiologique de l’enfant et de l’adolescent permettront d’étayer notre réflexion. Ensuite, l’exploration pratique de ce mémoire sera abordée, soit la méthode d’expérimentation et l’analyse des données recueillies. Finalement, une partie discussion permettra d’interroger les hypothèses de recherche formulées afin de les vérifier ou non. Les limites de la recherche seront abordées dans cette partie, ainsi que des axes de réflexion découlant du travail mené. 1 1. La problématique L’accroissement des connaissances médicales, en lien avec le développement des technologies, sous-tend l’apparition de nouvelles techniques de rééducation visant l’amélioration des capacités motrices, sensorielles et/ou cognitives de l’individu. Enjeu de formation majeur, l’actualisation des pratiques professionnelles fait l’objet d’enseignements théoriques dont les apports concernent notamment les nouvelles pratiques de rééducation pour les affections neurologiques. Parmi ces pratiques récentes, nous pouvons notamment citer de manière non-exhaustive la contrainte induite et la thérapie en miroir. Ces thérapies sont régies par des protocoles élaborés à partir d’études et d’expérimentations. Initialement élaborées pour la rééducation des adultes, l’efficacité des processus mis en place dans ces techniques de rééducation amène à étendre leur mise en place auprès du public enfant. C’est en lien avec le développement de ces thérapies protocolisées et leur ouverture au domaine pédiatrique qu’un stage a été l’occasion de participer à la mise en place de la thérapie en miroir lors de la prise en charge ergothérapique d’une jeune adolescente présentant un syndrome douloureux régional complexe de type 1 (SDRC-1). Pour mieux comprendre comment cette situation clinique a fait émerger un questionnement, il semble nécessaire d’apporter quelques notions théoriques et médicales sur le SDRC et la thérapie miroir. Ainsi, en 1634, Ambroise Paré est le premier à décrire une douleur persistante au membre supérieur accompagné de contractures, on l’associe aujourd’hui au SDRC de type 1. Encore appelé algodystrophie ou syndrome épaule-main, l’appellation actuelle et sa définition officielle ont été adoptées en 1994 et émises par l’International Association for Study of Pain (IASP) (CODINE & HERISSON, 2012). La terminologie anglaise est CRPS pour Complex Regional Pain Syndrom. Le mécanisme d’apparition du Syndrome Douloureux Régional Complexe (SDRC) est encore mal connu mais le syndrome apparaît généralement après un événement nociceptif ou une immobilisation, il associe alors cliniquement une douleur chronique localisée, un oedème, des troubles vasomoteurs, des rétractions, une déminéralisation osseuse. Fonctionnellement, il y a une réduction de l’activité du membre avec une pseudo-paralysie. Il 2 y a deux types de SDRC dont les symptômes sont identiques mais différenciés par l’absence ou la présence d’une lésion nerveuse, respectivement SDRC de type 1 (SDRC-1) et SDRC de type 2 (SDRC-2) (SORIOT-THOMAS, 2013). Figure 1 : Tableau des critères diagnostiques pour le Syndrome Douloureux Régional Complexe1 Plusieurs stades sont définis dans ce syndrome (VINCENT & WOOD, 2008): - Stade 1 : aigu ou chaud ou vasoalgique. La douleur est spontanée, provoquée, sévère et se limite à la région atteinte hypervascularisée. - Stade 2 : stade d’instabilité ou dystrophique ou froid. La douleur diminue, la circulation est inhibée et l’amyotrophie débute. - Stade 3 : stade de guérison ou atrophique. Dans le SDRC-1, la douleur est le symptôme prédominant. Elle est souvent accompagnée d’une allodynie, d’hyperesthésie et d’hyperalgésie. Toutes tentatives de mobilisation, de mise en charge ou de contact du membre exacerbent les douleurs. La personne développe alors des moyens de protection du membre des stimulations externes. La douleur limite souvent les mouvements, le membre est alors bloqué dans une position fixe et il apparaît une amyotrophie, rapidement chez les enfants et adolescents. La diminution de la mobilité, active ou passive, du membre aboutit à une impotence fonctionnelle parfois majeure, créant un retentissement certains sur la vie sociale et scolaire de l’individu (PRIEUR, AM, et al, 2009). 1 Disponible sur internet <https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/5379/travail_dirige_equipe1_SDRC-1.pdf> 3 La douleur, ce symptôme prédominant dans le SDRC, est un véritable enjeu de santé publique. De plus, les douleurs chroniques sont sources de restriction d’activités, de situation de handicap et d’altération de la qualité de vie. La prise en charge des douleurs chez les enfants et les adolescents s’inscrit parmi les priorités des programmes nationaux 2. L’International Association for the Study of Pain (IASP) définit la douleur comme une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle, ou décrite en termes évoquant une telle lésion ». Cette définition a été intégrée par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). La HAS (Haute Autorité de Santé) décrit la douleur chronique comme « un syndrome multidimensionnel, lorsque la douleur exprimée, quelles que soient sa topographie et son intensité, persiste ou est récurrente au-delà de ce qui est habituel pour la cause initiale présumée, répond insuffisamment au traitement, ou entraîne une détérioration significative et progressive des capacités fonctionnelles et relationnelles du patient. »3. Pour tenter de traiter le SDRC, les dysfonctionnements observés ainsi que la douleur, la thérapie miroir est l’une des nouvelles techniques de rééducation protocolisée qui est mise en place ; elle a été créée en 1996 par les chercheurs V. S. Ramachandran et RogersRamachandran. Cette thérapie, dont l’objet est l’utilisation des afférences sensorielles visuelles, est initialement utilisée dans le traitement des douleurs du membre fantôme chez les personnes amputées (douleurs chroniques d’origine centrale). En 1999, en se basant sur les résultats dans la rééducation des douleurs du membre fantôme, RAMACHANDRAN et ALTSHULER étendent la thérapie à la rééducation du membre supérieur hémiplégique. Actuellement, cette thérapie est appliquée en rééducation dans le traitement des douleurs chroniques et des hémiplégies ou hémiparésies post-AVC (Accident Vasculaire Cérébral). Le principe de la thérapie en miroir est de restituer, au niveau cérébral, l’image d’un membre, ou d’une partie de membre sain alors qu’il est en réalité absent, lésé ou paralysé. Selon ROUSSEAUX, M. et al. (2012), la thérapie en miroir crée « une illusion de mouvement D’après le plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur 2006-2010, Ministère de la Santé et des Solidarités 3 D’après les recommandations de l’HAS Douleur chronique : reconnaître le syndrome douloureux chronique, l’évaluer et orienter le patient, 2008. 2 4 d’un membre ou segment de membre par la visualisation, dans un miroir, de l’image réfléchie du membre controlatéral animé de mouvement ». Le dispositif et les principes d’application de la thérapie miroir sont simples : il suffit de placer un miroir entre deux membres (inférieurs ou supérieurs) de sorte que le reflet du membre observé soit celui du membre sain donnant l’illusion qu’il s’agit du membre lésé luimême, ce dernier étant caché derrière le miroir. Deux applications de la thérapie sont possibles : - L’observation du reflet du membre sain réalisant des mouvements face au miroir. - L’observation du reflet du membre sain réalisant des mouvements devant le miroir avec, en parallèle, la tentative de production effective de ces mêmes mouvements par le membre lésé derrière le miroir. On parle alors d’un entrainement bilatéral ou une thérapie bimanuelle par thérapie en miroir. Les mécanismes mis en jeu par la thérapie miroir sont encore mal compris, plusieurs théories tentent de les expliquer : - L’illusion sensorielle : Le premier effet de la thérapie miroir est que la personne qui observe le reflet de son membre sain dans un miroir placé dans le plan sagittal a l’illusion qu’il s’agit du membre lésé, caché derrière le miroir. Ce phénomène s’accroit lors de l’animation du membre vu, surtout si les mouvements sont synchrones aux deux membres supérieurs. Deux systèmes sensoriels sont mis en jeu lors de la thérapie : la perception somesthésique du membre caché et la perception visuelle de ce même membre par l’observation du reflet du miroir. L’efficacité de la thérapie s’expliquerait par la domination de la vision par rapport au toucher et à la proprioception, appelée capture visuelle (ROUSSEAUX, M. et al., 2012). - Les neurones miroir : Les neurones miroirs sont découverts en 1990 chez les singes et l’hypothèse d’un système similaire chez les hommes est confirmée (RIZZOLATTI, 2008). Ce réseau de neurones est aussi bien activé lors de l’exécution d’un mouvement que lors de la perception visuelle de ce mouvement ou lors de son imagination (ROUSSEAUX, M. et al., 2012). Dans le cadre de la thérapie miroir, le système des neurones miroirs ou MNS (Mirror Neurone System) renforcerait l’illusion que le reflet correspond à l’image du membre controlatéral. 5 Dans le cadre du traitement des syndromes douloureux régional complexe (SDRC), trouble neurologique entrainant des douleurs chroniques invalidantes, Mc Cabe et al. sont les premiers à introduire la thérapie en miroir en 2003, après avoir constaté son efficacité dans le traitement des douleurs du membre fantôme et les analogies existantes entre ces deux affections (certains signes cliniques et les modifications de l’organisation corticale) (CODINE & HERISSON, 2012). Il n’y a pas de protocole consensuel, plusieurs protocoles sont décrits dans la littérature. Dans le cadre du traitement du SDRC par thérapie en miroir, plusieurs hypothèses sur le mode d’action de la thérapie sont émises. Dans un premier cas, la thérapie en miroir permettrait la restitution d’une concordance normale entre les influx sensitifs et visuels et la commande motrice. La seconde hypothèse met en avant la mise en jeu du système des neurones en miroir. D’après Sato (CODINE & HERISSON, 2012), la thérapie permettrait la modification de l’attention portée par le patient sur son membre lésé, ce qui aurait pour effet la distraction et la réduction de l’anxiété. Mc Cabe met en avant la lutte contre la kinésiophobie par la correction du trouble attentionnel porté au membre atteint et la réintroduction des influx proprioceptifs adaptés. Le mode d’action de la thérapie en miroir dans le traitement de la douleur du SDRC n’est pas univoque mais plusieurs composantes rentrent en jeu : motrices, sensorielles, cognitives et psychologiques. Après l’apport de ces données théoriques et physiopathologiques, nous pouvons aborder la situation de stage rencontrée en décrivant le cas clinique et le plan d’intervention en ergothérapie. Dans le cadre de la prise en charge ergothérapique d’une jeune adolescente présentant un SDRC de type I, au sein d’un service de médicine physique et de réadaptation (MPR), un traitement par thérapie miroir a été mis en place. La patiente4 est alors âgée de 13 ans et est droitière. Suite à un traumatisme, une immobilisation prolongée du poignet et de la main gauche conduisent à un syndrome douloureux régional complexe de type I présent depuis environs 1 an au jour de la mise en 4 Pour respecter l’anonymat de la patiente, son nom est volontairement modifié et représenté par la lettre X. 6 place de la thérapie miroir. Depuis son accident, la patiente a arrêté le hip-hop en activité et toutes activités sportives péri-scolaire. Elle a débuté le théâtre 4 mois après le traumatisme. Ses parents sont séparés depuis 7 ans, elle vit avec son frère âgé de 10 ans et sa maman. Mlle X passe un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires chez son papa. Hospitalisée une première fois dans le service MPR pédiatrique à 6 mois du diagnostic pendant 3 semaines et prise en charge plusieurs mois en libéral pour un suivi kinésithérapique ensuite, Mlle X est ré-hospitalisée en hospitalisation complète. Elle bénéficie alors d’une prise en charge rééducative pluridisciplinaire comprenant ergothérapie, kinésithérapie, médecin de rééducation et activité physique adaptée. C’est dans ce contexte, et en réponse à une prescription médicale, qu’un programme de traitement par thérapie miroir est élaboré au sein du service d’ergothérapie. La patiente est assise sur une chaise face à une table, un miroir est placé dans son plan sagittal de façon à avoir un membre de chaque côté du miroir. L’orientation du miroir doit être de sorte que la patiente ne voit pas son membre atteint et que le reflet de son membre sain lui donne l’impression qu’il s’agit de son membre controlatéral. La patiente doit alors effectuer une série de gestes avec son membre sain tout en se concentrant sur le reflet de son membre dans le miroir. La thérapie en miroir est une thérapie dite par « leurre sensoriel ». Plusieurs principes ont été établis : à raison de 5 fois par semaine, lors de séances de 30 minutes, la patiente réalise la série de gestes suivants avec sa main et son poignet droit face au miroir: extension du poignet poing fermé dans un plan sagittal, flexion de poignet poing fermé dans un plan horizontal, abduction du I5 poing fermé dans un plan horizontal, abduction du I poing fermé dans un plan sagittal, abduction du I main à plat sur la table, écartement des doigts longs dans un plan horizontal, extension des doigts dans un plan sagittal. Chacun des gestes est à reproduire pendant 3 minutes, une pause d’environs 30 secondes est proposée entre chaque série. Le reflet du miroir doit être observé de façon continue. De plus, l’environnement dans lequel évolue la patiente lors de ces séances doit être propice à la concentration : isolé, lumineux et calme. 5 Le I correspond au pouce. 7 Enfin, le positionnement des membres doit être à égale distance du miroir pour que l’information visuelle concorde avec l’information proprioceptive. Les montres et bijoux visibles dans le miroir doivent être retirés, le visage du patient ne doit pas apparaître dans le reflet du miroir. Le thérapeute doit se positionner de façon à ne pas faire partie du reflet dans le miroir observé par la patiente et ne doit pas perturber la concentration de la patiente Avant de débuter la thérapie miroir, les modalités de réalisation ont été expliquées à la patiente. Après 3 à 4 séances, la patiente montre des difficultés à concentrer son focus attentionnel sur le reflet du miroir. Elle cherche à entrer en dialogue avec le thérapeute, sa motivation est amoindrie quant à la thérapie. Mlle X exprime sa lassitude quant à la thérapie. Comment aider la jeune patiente à observer de façon continue le reflet de son membre durant les 30 minutes de thérapie ? Dans un premier des encouragements, la valorisation et des explications sur l’importance de la thérapie sont utilisés pour accompagner Mlle X dans le déroulement de la thérapie miroir. Cependant, très vite, la jeune patiente ne s’implique plus, elle ne s’oppose pas à la thérapie mais n’est pas assidue dans l’observation du reflet du miroir. Au-delà du fait que la thérapie soit complexe, elle est également contraignante : les séances nécessitent une concentration certaine, elles sont quasi-quotidienne (5 jours sur 7), elles sont récurrentes (les mêmes séries gestuelles sont effectuées d’une séance à l’autre) et la notion de jeu n’existe pas dans le programme de traitement mis en place. Alors comment maintenir la motivation d’une enfant dans une rééducation dont le caractère ludique est inexistant ? Comment accompagner la jeune adolescente dans le maintien de son focus attentionnel lors de la thérapie ? Afin d’alléger la thérapie et de susciter la motivation de la patiente, le paramètre temps du protocole est adapté. Sous les souhaits de la patiente, il est proposé à Mlle X de scinder la séance en deux, ainsi la thérapie miroir est effectuée à raison de 15 minutes le matin et 15 minutes l’après-midi, toujours 5 fois par semaine. En parallèle, un minuteur est installé à portée de vue de la patiente pour lui permettre de visualiser la fin de chaque séquence gestuelle. Les adaptations mises en place ne permettent pas de lutter contre la lassitude de la patiente au long terme. La question suivante apparaît alors dans la prise en charge de l’enfant : l’ennui peut-il être contré ou diminué par l’introduction de l’aspect ludique dans la thérapie ? 8 Etant donné l’âge de la patiente, il est évoqué de lier la thérapie au jeu pour tenter de susciter l’implication de la patiente. Un objet médiateur ludique est intégré à la thérapie : la pâte à modeler. En début de séance, la patiente choisit la pâte à modeler en fonction de ses caractéristiques sensorielles (couleur, dureté, élasticité,…). Les consignes des séquences gestuelles changent : il suffit maintenant d’écraser la pâte à modeler avec le poing, avec les doigts, d’en faire un « boudin », de l’écraser dans la main,… Plus facilement l’adolescente entreprend la thérapie, elle se montre plus motivée et plus assidue en séance. Afin de maintenir cette motivation, les séances se terminent par une activité choisie par la patiente : la confection d’un bracelet brésilien. Deux fois par jour la patiente effectue 15 minutes de thérapie miroir et consacre les 5 à 10 minutes suivantes à une activité choisie. Face à la complexité d’exécution de la thérapie au regard de la motivation de la jeune patiente, des aménagements de la technique de rééducation ont été effectués concernant plusieurs modalités du protocole. Cependant, jusqu’où un protocole de thérapie peut-il être aménagé ? Les adaptations effectuées permettent-elles de maintenir l’intérêt thérapeutique de la thérapie ? Ma question de départ est alors: Quelles sont les limites des adaptations des thérapies protocolisées pour obtenir la motivation de l’enfant tout en maintenant l’intérêt thérapeutique de la thérapie ? Ce qui nous amène à nous interroger sur les méthodes et modalités d’adaptation : comment le protocole peut-il être aménagé ? Quels médiateurs peuvent être utilisés dans ces situations impliquant un enfant ? Qu’est-ce que ce type d’aménagement donne à voir en terme d’efficacité ? Ces modifications interrogent également la pratique professionnelle : Comment, en tant qu’ergothérapeute, se place-t-on dans ces modifications du protocole, sachant que notre métier est d’être efficace au regard de l’individu et au regard de la pathologie ? Quels éléments doit-on prendre en compte ? Tout ce questionnement nous amène à poser la question de recherche suivante : Comment assurer l’intérêt thérapeutique des thérapies protocolisées appliquées en ergothérapie en pédiatrie tout en suscitant le potentiel thérapeutique de l’activité ? - Hypothèse 1 : L’intégration de l’aspect ludique au protocole permet d’augmenter le potentiel thérapeutique de la thérapie 9 - Hypothèse 2 : L’implication du sujet étant favorisée, l’intérêt thérapeutique de l’activité est maintenu. Pour mener à bien cette réflexion, nous allons nous intéresser, non pas aux aspects médicaux de ces thérapies protocolisées mais au processus d’intervention ergothérapique, aux éléments qui permettent d’améliorer le potentiel thérapeutique de ces thérapies. L’enjeu est d’interroger les moyens utilisés par l’ergothérapeute pour mettre en place une activité protocolisée dont l’intérêt thérapeutique soit efficient et qui soit porteuse de sens et d’intérêt pour l’individu 10 2. Les concepts théoriques 2.1. Ergothérapie et activité 2.1.1. Science de l’activité humaine : fondement de l’ergothérapie Dans les années 1970, se développe la science de l’activité humaine ou « Occupational Science » définie comme « l’étude de l’être humain en tant qu’être agissant, incluant le besoin d’agir et la capacité à s’engager et à orchestrer les activités de la vie quotidienne, dans l’environnement, tout au long de la vie », d’après YERXA et al,1989 (cité par WHITEFORD et MOREL, 2007). Ce domaine de recherche a pour objectif d’étudier et de mettre en avant l’importance de l’activité humaine et son impact sur la santé des individus. A la fin du XXe siècle, l’intérêt porté à l’ « Occupational Science », avec entre autre l’ouverture d’une école doctorale en science de l’activité humaine aux Etats unis (1989) et la conférence annuelle ENOTHE dédié à cette science (2000), fait évolué la pratique en ergothérapie. L’intérêt porté sur l’engagement dans l’agir des personnes en situation de handicap par les ergothérapeutes est questionné. L’ergothérapie se réfère alors dorénavant aux sciences humaines, médicales, psychologiques, sociales et techniques (ANFE, 2000). Le paradigme de l’ergothérapie évolue : l’homme est considéré comme système en interaction permanente avec son environnement, le modèle médical est délaissé pour un modèle systémique appliqué à la pratique de l’ergothérapie. Etymologiquement, « ergo » est la racine grecque de « ergon » qui signifie « activité, travail, ouvrage ». D’après le guide pratique de l’ergothérapie, publié par l’ANFE en 2000, « l’ergothérapie est une pratique qui permet de développer ou maintenir l’indépendance et l’autonomie des personnes en situation de handicap temporaire ou définitif à travers l’activité. L’ergothérapie est une discipline basée sur l’affirmation d’un lien direct entre l’activité des individus et leur état de santé et de bien-être. » 2.1.2. L’activité, l’occupation en ergothérapie : Selon les cultures, les termes « occupation » et « activité », employés couramment dans le langage « ergothérapique », ont une signification différente. Pour lever la confusion, un groupe de travail soutenu par le réseau européen des écoles d’ergothérapie (ENOTHE) s’est employé à produire des définitions consensuelles (résultantes d’un ensemble de définitions issues de la littérature en ergothérapie) de 11 termes centraux en ergothérapie et à les 11 traduire en 7 langues différentes (MEYER, 2005). Il convient donc de définir ces termes selon leur utilisation en France et dans les pays anglo-saxons. Terminologie en France En France, l’occupation est « ce à quoi on consacre son activité, son temps » (Le Petit Robert, 2015), synonyme de « passe-temps », il s’agit d’une activité de distraction. L’activité est « l’ensemble des processus par et dans lesquels est engagé un être vivant, notamment un sujet humain, individuel ou collectif, dans ses rapports avec son environnement (physique, social et /ou mental) et transformations de lui-même s’opérant à cette occasion » (BARBIER, 2011). Si nous définissons ces termes dans un contexte de soin, citons I.PIBAROT qui distingue les activités de l’activité (1999). Selon l’auteure, les activités correspondent au « faire », il s’agit d’un travail de production. Le faire se décrit comme un rendement, le patient, dans un contexte médical, est alors un objet de soin, il « fait ». Ces activités peuvent être comparées aux occupations, comme décrites précédemment. L’auteure considère l’activité comme l’ « agir ». Ici, si l’on reprend l’exemple du patient dans un milieu médical, l’individu est acteur de sa prise en charge, il investit l’activité. « La façon dont il s’approprie le soin dépend pour une grande part de la façon dont il est donné. Soigner, ce n’est pas « tout faire ». C’est proposer une réponse appropriée tout en laissant une marge pour le « faire-sien » de l’autre. » (PIBAROT, 1999, p 203). LEONTIEV, selon sa théorie de l’activité, distingue activité signifiante et activité significative. Il définit la première comme ayant un sens particulier pour la personne, du fait de son vécu, de ses expériences et de son projet personnel. Il détermine l’activité significative comme répondant au sens social donné par l’entourage, elle a un sens pour l’environnement social (MOREL, 2006). Terminologie dans les pays anglo-saxons GOLLEDGE distingue 4 catégories d’activité. Les « occupations » correspondent aux activités subjectives de l’individu, soient les activités signifiantes et significatives de la vie quotidienne de l’individu, comprenant les soins personnels, le travail et les loisirs. D’après l’auteure, l’utilisation de ces activités, soit les mises en situations écologiques, sont le moyen thérapeutique fondamental de l’ergothérapeute. L’écologie se définit par «l’étude des êtres vivants (particulièrement des microbes) dans leur milieu habituel ou dans des conditions qui 12 se rapprochent autant que possible de celles de leur existence naturelle» (Garnier Delamare, 2012). En ergothérapie, les mises en situations écologiques permettent d’évaluer l’individu dans des conditions proches de celles de son lieu de vie habituel. Cette approche a pour principe de considérer l’individu comme un système ouvert, c’est-à-dire en interaction permanente avec son environnement. Les « purposeful activities » correspondent aux activités utilisées dans un but thérapeutique mais qui ne sont pas représentées dans les habitudes de vie du patient. Ces activités facilitent l’acquisition, le maintien et le développement des composantes sensorimotrices, cognitives et psychosociales et des compétences mais elles n’ont pas forcément de sens pour le patient. Pour GOLLEDGE, les « activities » n’ont pas de sens pour la personne, pas de lien avec la vie de l’individu. L’analyse de l’ « activity » peut mettre en avant la concordance avec les objectifs de rééducation, l’activité est centrée sur la fonction et est alors réductionniste. Selon l’auteure, ces moyens, activités dites « analytiques » en France, s’éloignent de l’essence de l’ergothérapie. Certaines thérapies protocolisées sont centrées sur la fonction et n’ont pas de lien avec l’environnement et les habitudes de vie du patient, elles induisent des activités seulement analytiques, comme la thérapie miroir. Ici, avec GOLLEDGE, on pourrait les considérer comme « activity » si le patient n’investit pas ces activités analytiques : alors ces thérapies n’ont pas de sens pour la personne mais ont du sens au regard de la rééducation des fonctions et des objectifs posés. Enfin, les « diversionals activities », que l’on peut traduire par « activités de diversion », qualifiées en France par les activités occupationnelles, représentent les activités de loisirs. Elles ont pour objectif de détourner l’attention du patient de ses difficultés, de réduire sa sensation de frustration, d’occuper son esprit. Par ailleurs, Doris PIERCE distingue « occupation » et « activity » selon, respectivement, leur dimension subjective et objective. Pour Doris PIERCE, l’activité possède une représentation générale qui permet de partager une conception des actions engagées et du contexte typique d’une activité. Le sens commun des activités permet la communication. Ainsi chacun a une représentation objective de ce qu’est « faire la cuisine » ou « conduire une voiture ». Au contraire, l’occupation correspond à la réalisation subjective de ces activités. Il 13 s’agit d’un événement unique construit selon un contexte temporel, spatial et socio-culturel propre à l’individu. Les définitions apportées par le groupe de travail ENOTHE autour de l’élaboration d’une terminologie consensuelle en ergothérapie sont traduites en français par: - Activity : Activité : La réalisation d’une suite structurée d’action ou de tâches qui concourt aux occupations - Occupation : activités humaines signifiantes et significatives : Un groupe d’activités, culturellement dénommées, qui ont une valeur socioculturelle et un sens personnel. Elles sont le support de la participation à la société. Elles comprennent les soins personnels, le travail et les loisirs. L’ergothérapie se définit par la thérapie par l’activité. C’est ainsi que l’activité et l’adaptation apparaissent comme des concepts fondamentaux en ergothérapie mais comment l’activité devient activité thérapeutique ? Selon le référentiel de formation en ergothérapie, il s’agit, dans la compétence 2 (concevoir et conduire un projet d’intervention en ergothérapie et d’aménagement de l’environnement), d’exploiter « le potentiel thérapeutique de l’activité signifiante et significative, de proposer un projet en cohérence avec […] le potentiel thérapeutique des activités ». La compétence 3 (Mettre en œuvre des activités de soins, de rééducation, de réadaptation, de réinsertion et de réhabilitation psychosociale en ergothérapie) met en avant la pertinence de la mise en œuvre des activités notamment par l’identification du potentiel thérapeutique de l’activité au regard des capacités et du projet de la personne ou des personnes. Qu’en est-il du potentiel de l’activité, de son pouvoir thérapeutique ? 2.1.3. Le potentiel thérapeutique de l‘activité : Activité et santé Bien avant l’émergence de l’ergothérapie les vertus de l’activité sont identifiées : dans l’antiquité, les Chinois pensent que la maladie est issue de l’inactivité et ils préconisent l’exercice physique pour maintenir la santé. Egalement, les Égyptiens, en l’an 2000 avant J.-C., organisent dans leur temple des jeux pour les malades mentaux, considérant que l’occupation leur est bienfaisante. Selon WILCOCK, (1998, cité par MOREL-BRACQ, 2011) l’engagement dans des activités est un besoin inné pour l’être humain pour sa survie et sa santé, il est indispensable pour 14 satisfaire les besoins fondamentaux de l’être humain : se nourrir, se reposer, se soigner, se reproduire,… Le développement des capacités motrices, sensorielles, cognitives et psychiques, ainsi que les relations et la reconnaissance sociales et culturelles, sont possible par la mise en action de l’individu, par ses interactions avec son environnement. Le besoin d’agir stimule l’utilisation des capacités pour permettre à l’organisme d’atteindre son potentiel (être créatif, explorer, exprimer ses pensées,…). L’homme répondant à ses besoins et ses valeurs maintient un équilibre entre les activités sociales, physiques, mentales et de repos : la survie, le développement des capacités, l’interaction avec l’environnement et le sens donné à sa vie sont alors assurés. Le déséquilibre entre les activités est source d’inconfort et peut devenir un facteur de risque pour la santé. Activité et qualité de vie La qualité de vie est une notion multidimensionnelle, dynamique et subjective, donc difficile à appréhender. L’appréciation de la qualité de vie dépend de divers facteurs souvent séparés en trois domaines : biologique, psychologique et social. L’aspect biologique ou physique correspond à l’état de santé de l’individu et ses conséquences sur les possibilités fonctionnelles de la personne, c’est-à-dire son indépendance dans les actes quotidiens. L’aspect psychologique et affectif est fonction de la personnalité (tolérance aux frustrations, établissement de liens relationnels…), de l’humeur, de l’autonomie,… L’aspect social et culturel correspond à l’environnement matériel et humain de la personne (niveau de vie et niveau culturel) (MOREL-BRACQ, 2001). En 1994, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) tente de définir cette notion complexe et la décrit comme «un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement ». La théorie du flow de CSIKSZENTMIHALYI met en avant un lien entre l’engagement actif dans des activités et l’amélioration de la qualité de vie subjective de l’individu. Le flow, ou expérience optimale, est un sentiment apparaissant lors d’un plein engagement dans une activité, un sentiment de bien-être et de revalorisation ressenti face à la réussite de l’activité. L’activité engagée doit répondre à certaines conditions pour permettre le sentiment de « flow » : un sens et un objectif important pour la personne, équilibrée entre facilité et difficulté pour être un défi surmontable et apporter un résultat clair et rapide. (MOREL15 BRACQ, 2001). CSIKSZENTMIHALYI montre, à travers les études qu’il a réalisé, que le flow apparait plus souvent dans un contexte professionnel que lors des loisirs. L’hypothèse établie étant que les contraintes sont plus nombreuses en situation professionnelle, l’énergie déployée pour répondre aux demandes est alors plus conséquente. Un parallèle peut alors être établi avec les situations thérapeutiques en ergothérapie : le patient s’applique à répondre aux sollicitations du thérapeute. Dans ce cadre, la théorie du flow peut permettre d’ajuster les activités proposées mais ne définit pas la qualité thérapeutique de ces activités (MOREL-BRACQ, 2011). Pour que l’activité ait un sens et s’intègre à la théorie du Flow, cela suppose que le choix et la mise en place des activités par l’ergothérapeute répondent à certaines conditions. Selon Doris PIERCE (2003), trois éléments permettent le développement du potentiel thérapeutique d’une activité: les dimensions subjectives, les dimensions contextuelles et le processus de mise en place de l’activité. Les dimensions subjectives établies par Doris PIERCE sont la productivité (productivity), le plaisir (pleasure) et le ressourcement (restoration), correspondant à l’attrait de l’activité (appeal). Le potentiel de productivité de l’activité se définit alors comme l’utilité de sa production pour la personne elle-même ou pour les autres. L’engagement dans une activité apparaît souvent face à la nécessité du résultat ou de la production de cette activité. L’activité a une fin, un sens pour l’individu. Le sentiment de plaisir ressenti tout au long de l’activité amène à l’émergence et au maintien de la motivation du patient pour l’activité. Le ressourcement est l’énergie physique et/ou psychique procuré par une activité. Certes, il nous paraît évident dans des activités telles que le repas ou le repos mais il est également présent dans les activités répondant à nos besoins personnels (faire du sport, échanger avec des proches,…). Doris Pierce précise que l’activité peut simultanément présenter ces trois dimensions, qu’elle en saura d’autant plus attrayante et qu’elle augmente alors son potentiel thérapeutique. Les dimensions contextuelles s’intéressent aux caractéristiques spatiales, temporelles et socioculturelles de l’activité, correspondant à sa réalité écologique (Intactness). Doris PIERCE met alors en avant que toute activité se produit dans un espace et dans un temps donné qui peuvent être spécifiques. De même, l’individu appartient à un milieu socio-culturel qui influence les activités et leur contexte de réalisation. 16 Le potentiel thérapeutique d’une activité dépend également, pour une part, de l’organisation de sa mise en place par l’ergothérapeute. Ce processus comprend les compétences de l’ergothérapeute, sa collaboration avec le patient pour identifier les objectifs thérapeutiques et l’ajustement de l’intervention. L’ensemble de ces moyens concourt à la pertinence de l’activité pour atteindre les objectifs. Ces notions apparaissent en partie dans le cadre de la prise en charge de Mlle X évoquée en problématique avec l’analyse de la situation par le soignant et l’ajustement de l’intervention. Figure 2 : Outils conceptuels pour construire une pratique fondée sur l’activité, Doris PIERCE6 Les outils conceptuels de Doris PIERCE, décrits précédemment, permettent de comprendre le potentiel thérapeutique de l’activité. Cependant, la dimension relationnelle n’est pas abordée par l’auteure. 6 Selon MOREL-BRACQ, M-C, 2011 17 Pour essayer de comprendre cette dimension relationnelle, I.PIBAROT, dans la continuité des propos de WINNICOTT, a analysé la relation thérapeutique. Selon l’auteure (1999), le thérapeute et le patient s’organise selon une zone d’interrelation qui permet à ce dernier de faire comprendre ses besoins et de ressentir le sentiment d’exister, il s’agit de l’ « espace potentiel ». C’est une aire où le patient peut expérimenter, d’ailleurs, selon PIBAROT : « Dans l’espace potentiel le pouvoir change de main, sans que personne, au demeurant, en soit privé » (1999, p 203). « L’activité ne peut se concevoir, comme thérapeutique que si elle est porteuse de sens pour la personne » (PIBAROT, 1999, p 202). Le thérapeute peut ne pas saisir le sens de l’activité pour le patient, mais l’important est qu’il ait su laisser la possibilité au patient de « s’approprier son travail thérapeutique ». C’est par l’agir et les activités, que l’ergothérapeute met en place, que le patient prend la place d’acteur dans sa thérapie. L’activité sert de support dans la relation thérapeutique, la relation est médiatisée. L’espace potentiel se construit selon 3 dimensions : le patient, le thérapeute et le médiateur. D’après les concepts abordés par les différents auteurs et au regard de la problématique décrite en amont, l’activité jeu apparaît comme un élément fondamental dans la prise en charge de l’enfant en ergothérapie. Nous allons donc aborder la théorie du jeu et ses composantes. 2.2. La théorie du jeu 2.2.1. Le jeu et le développement Selon WINNICOTT, « Jouer, c’est une expérience : toujours une expérience créative, une expérience qui se situe dans le continuum espace-temps, une forme fondamentale de la vie » (2002, p 103). WINNICOTT place l’activité de jeu dans le processus de développement : il n’y que dans le jeu que l’enfant, ou l’adulte, est capable de développer sa créativité et sa personnalité, en cela, le jeu constitue la « quête de soi » (WINNICOTT, 2002). Par divers situations, objets et techniques, le jeu offre à l’individu la découverte et la compréhension de l’impact de ses actes sur son environnement extérieur. L’individu se construit alors et peut réutiliser ses expériences pour s’adapter aux situations qui l’entourent. Selon FERLAND, le jeu est moyen de découverte de l’environnement pour l’enfant. La manipulation des objets amènent le sujet à découvrir les caractéristiques et le 18 fonctionnement des matériels, et les interactions possibles entre eux. L’enfant développe alors un savoir-faire expérientiel. L’accumulation des expériences concourent à des capacités d’adaptions aux situations futures rencontrées par l’enfant. De plus, à travers ses expériences de jeu, l’enfant apprend à « maitriser la réalité ». Il éprouve un sentiment de contrôle et de maîtrise permettant d’accroître son estime de luimême, évoquée comme omnipotence par WINNICOTT. L’enfant est maître de dérouler le jeu comme il le souhaite, puisqu’il s’agit d’un jeu, il peut émettre ses choix et ses conduites face aux objets. L’enfant est libre de prendre le risque d’échouer puisqu’il ne s’agit que d’un jeu, le jeu favorise les initiatives. Par ailleurs, FERLAND souligne, à partir notamment des fondements de WINNICOTT, que le développement de la créativité émerge du jeu. L’enfant aménage à son gré les relations entre lui et l’extérieur. L’enfant solutionne un problème, recherche toutes les solutions possibles et sollicite ainsi sa créativité. Egalement, le jeu est moyen d’expression pour l’enfant. Selon Saint-jean, cité par Ferland, l’enfant exprime ses émotions par ses actions de jeu et l’action de jouer modifie également le monde intérieur de l’enfant. 2.2.2. Le jeu et le plaisir BETTELHEIM (cité par FERLAND) mentionne que « la plus grande importance du jeu est le plaisir immédiat que l’enfant en tire et qui se prolonge en joie de vivre ». Le jeu paraît indissociable du plaisir, il s’agit d’ailleurs bien souvent de la première caractéristique qu’on lui accorde, FERLAND mentionne que « sans le plaisir, le jeu n’existe pas ». L’auteur différencie l’action classique du jeu par le plaisir ressenti à agir. Le jeu exige des capacités physiques et des compétences dans les domaines de la vie mentale (manipuler, comprendre les règles du jeu, affronter un adversaire, mettre en place des stratégies). Alors, utiliser le jeu à des fins thérapeutiques peut sembler un paradoxe, mais cela reste possible si le thérapeute prend en compte les obstacles que rencontre l’enfant dans les jeux et se met à son niveau de jeu (LACHAL, 2008). 2.2.3. La thérapie par le jeu « C’est en jouant et seulement en jouant, que la personne exploite tout son potentiel créatif et que la vie donne le sentiment qu’elle vaut la peine d’être vécue ». WINNICOTT 19 introduit par cette phrase l’importance du jeu en thérapie. L’auteur distingue 3 notions du jeu, issues des différentes significations du terme de jeu en anglais : - Game, le jeu organisé selon des règles préétablies et communes à tous. - Play, le jeu libre, dont le sujet régit lui-même les règles tout au long du déroulement du jeu. - Playing, il s’agit de l’action de jouer L’espace potentiel de WINNICOTT « Le procédé thérapeutique à adopter : il faut donner une chance à l’expérience informe, aux pulsions créatives, motrices et sensorielles de se manifester ; elles sont la trame du jeu » (p126). L’espace potentiel de WINNICOTT est le terrain de jeu, là où le jeu commence. Il s’agit d’une aire où l’enfant rassemble des objets appartenant à la réalité extérieure en les utilisant pour exprimer sa réalité intérieure. L’espace potentiel est l’espace entre le dehors et le dedans d’abord réservé à la relation entre bébé et mère, relation sécure et de confiance. Cet espace potentiel est exploitable entre le thérapeute et le patient : « dans cette zone d’interrelation qui les [malade, handicapé, personne en souffrance et soignant] réunit s’organise le sentiment d’exister » (PIBAROT, 1999, p 202). Le modèle ludique de Francine FERLAND Le modèle ludique de Francine FERLAND est un modèle de pratique ergothérapique qui sous-tend l’approche de l’enfant dans sa globalité. Francine Ferland définit le jeu par trois éléments : l’attitude, l’action et l’intérêt de l’enfant. Egalement, l’interaction de ces trois éléments amène au jeu qui favorise et développe le plaisir de l’action et la capacité d’agir de l’enfant. L’ensemble menant à l’action du geste mais également au sentiment de bien-être et à l’autonomie de l’enfant. 20 Figure 3 : Le modèle ludique et l’enfant : cadre conceptuel7 L’approche a pour objectif initial de susciter l’intérêt de l’enfant à sa thérapie mais le jeu est alors considéré par l’auteure également comme un élément essentiel pour l’émergence et le maintien du plaisir d’agir de l’enfant à long terme. Par le modèle ludique, Francine Ferland cherche à utiliser le potentiel thérapeutique du jeu pour permettre le développement de la capacité d’agir et la découverte du plaisir de l’action chez l’enfant. L’attitude du thérapeute : Dans le modèle ludique de Francine FERLAND, l’ergothérapeute donne les moyens pour permettre à l’enfant d’agir, l’ergothérapeute est « un maître d’œuvre mettant en place les conditions favorables à l’émergence d’une situation ludique ; l’ergothérapeute met au service de l’enfant son expérience et sa connaissance spécifiques pour lui donner les moyens d’agir malgré ses limitations ». Ici, l’ergothérapeute se doit d’être force d’adaptations et de propositions pour permettre à l’enfant l’accès à l’activité. « Les limitations inhérentes à une déficience réduisent les capacités de bouger, de manipuler les objets et d’explorer ; à nous de mettre à sa disposition notre imagination et des techniques lui facilitant l’action ». L’apport d’aides techniques et de dispositifs naturels de compensation est à évaluer par l’ergothérapeute pour réduire les situations de restriction de participation au jeu. 7 Selon FERLAND, 1994, p 66 21 L’ergothérapeute accompagne l’enfant pour l’inviter à solutionner les difficultés et à gérer sa frustration. Egalement, le thérapeute ne porte pas d’importance au résultat, l’échec est admis dans le jeu, ce qui compte est le déroulement du jeu. Le thérapeute recherche l’implication active de l’enfant dans sa thérapie. La thérapie doit se dérouler dans un cadre sécurisant, souple et dynamique, influé par l’attitude du thérapeute, pour que le jeu puisse prendre place. L’ergothérapeute « doit se permettre d’avoir lui-même une attitude ludique. » (FERLAND, 1994, p 81). « L’activité de jeu facilite la croissance et par la même, la santé » (WINNICOTT, 2002, p 90). Jouer permet de solliciter différentes composantes : motrices, sensorielles, cognitives, sociales et psychologiques. Le jeu présente donc un intérêt thérapeutique mais il est fonction de l’exploitation de son potentiel thérapeutique par l’ergothérapeute et de sa capacité à mettre en place la situation ludique. Alors, est-ce que les thérapies protocolisées avec les activités qu’elles proposent ont un sens pour l’enfant ? Comment les ergothérapeutes apportent du sens aux thérapies protocolisées mises en place ? Le jeu peut-il être un outil pour favoriser le potentiel thérapeutique des thérapies protocolisées ? Comment les ergothérapeutes peuvent-ils intégrer le jeu dans les protocoles ? La contrainte induite est une des techniques protocolisées que les ergothérapeutes appliquent en pédiatrie. Il s’agit d’une thérapie développé par TAUB dans les années 1980 dans la rééducation de l’hémiplégie chez l’adulte. Aujourd’hui, la HAS8 la décrit comme une « technique qui consiste à limiter ou à empêcher l’activité du membre supérieur sain afin de susciter l’activité du membre atteint par la répétition intensive de tâches spécifiques et/ou fonctionnelles ». Ce procédé a pour objectif de provoquer « une modification de la représentation corticale, la zone motrice s’élargissant avec l’usage obligé du membre parétique et la récupération motrice de ce même segment corporel. » (HAS, 2012). 8 D’après la Recommandation de bonne pratique : Accident vasculaire cérébral : méthodes de rééducation de la fonction motrice chez l’adulte, 2012. 22 Le modèle de TAUB propose un protocole de contrainte induite sur 5 jours, avec port de la contrainte pendant 90% du temps d’éveil avec 6 heures d’exercices de motricité par jour. Depuis, le protocole définit par TAUB a fait l’objet de nombreuses modifications par les auteurs qui cherchent à limiter le temps d’immobilisation et de rééducation, et donc la pénibilité du traitement. En effet, la thérapie par contrainte induite est une technique qui met en situations de difficulté, voire d’impotence fonctionnelle, le patient. La HAS stipule que la limite majeure est « l’impact psychologique de la méthode, qui confronte sans détour possible le patient à ses incapacités. ». Dans la pratique professionnelle, de par les contraintes et difficultés qu’exige cette thérapie, un délai de réflexion est souvent accordé au patient avant d’accepter de rentrer dans le protocole de contrainte induite. Au regard de ce protocole et de la difficulté fonctionnelle qu’il engendre pour le patient, comment l’ergothérapeute peut-il appliquer cette thérapie auprès d’enfants ? Quelles particularités de l’enfant prend-t-il en compte pour mettre en place l’activité ? Il semble nécessaire, à ce stade de la réflexion, de décrire l’enfant et l’adolescent pour comprendre quelles particularités l’ergothérapeute peut être amené à prendre en compte dans l’application de ces thérapies protocolisées pour répondre au plus près des besoins du jeune patient. 2.3. Le développement physiologique de l’enfant et de l’adolescent 2.3.1. L’enfant de 0 à 6ans Francine FERLAND décrit le jeu, pour les enfants de 0 à 6 ans, d’âge dit préscolaire, comme un moyen pour l’enfant d’interagir avec son environnement et de développer ses capacités motrices, cognitives et sensorielles. Le développement psychomoteur du jeune enfant suit un ordre précis d’acquisition. Chaque nouvelle habileté est constituée d’étapes qui se développent de façon logique du simple au complexe, liées à la maturation progressive du système nerveux. Le développement de l’enfant est influencé par son « bagage génétique » mais également par son milieu environnemental qui lui offre plus ou moins de stimulations et d’expériences (FERLAND, 2014a). Le développement de l’enfant comporte plusieurs sphères : motrice, cognitive, du langage, affective et sociale. 23 Le développement de la motricité globale de l’enfant lui permet d’acquérir, selon trois lois (de différenciation, de variabilité et de succession), les positions motrices qui lui permettront d’explorer son environnement et de gagner en indépendance. Le développement de la motricité fine permet à l’enfant d’accroitre sa dextérité et sa coordination. L’apprentissage du langage permet à l’enfant de communiquer avec les autres individus. D’un point de vu cognitif, à ces âges, compte tenu de ses caractéristiques, l’enfant « comprend davantage les phénomènes et les situations à partir des aspects extérieurs qui les caractérisent que des raisons sous-jacentes ou de leurs conséquences. » (FERLAND, 2014a, p 165). Ainsi, les consignes ont peu de sens pour le jeune enfant, seules des raisons concrètes les justifient de son point de vue. Le développement affectif « repose fondamentalement sur l’interaction parentsenfant. » (FERLAND, 2014a, p 171) et est nécessaire pour le développement de la confiance et de l’estime de soi de l’enfant. Les compétences sociales de l’enfant à ces âges se construisent en premier lieu avec son entourage familial. L’enfant apprend alors « les règles de conduites et l’art de vivre en société. » (p 203). 2.3.2. L’enfant de 6 à 12 ans De 6 à 12 ans, les habiletés acquises à l’âge préscolaire deviennent plus élaborées. D’un point de vue moteur, l’enfant gagne en force, en rapidité et en précision. La coordination oculomotrice est plus efficace et les préhensions sont opérantes. La majeure partie du temps de l’enfant est alors occupé par l’école, l’enfant « commence à être évalué par son travail. » (FERLAND, 2015, p 37). D’un point de vue affectif et social, « Contrairement à la période préscolaire, à compter de six ans, l’enfant peut tolérer un certain délai avant d’obtenir satisfaction ou fournir un effort plus soutenu pour atteindre le résultat voulu » (FERLAND, 2014b, p 94). Il s’agit de « l’âge d’or de la socialisation » (FERLAND, 2015, p 37), l’enfant apprend à travailler en équipe, à atteindre des buts communs. « Son intérêt va vers des jeux réalistes qui reproduisent des situations courantes et qui comportent des règles semblables à celles qui régissent la société. » (FERLAND, 2015, p 37). 24 L’indépendance développée à l’âge préscolaire se complète par l’autonomie qu’acquiert l’enfant à l’âge scolaire. L’enfant réalise de plus en plus seul les activités de vie quotidienne. 2.3.3. L’adolescent A l’adolescence, l’entourage social de l’individu s’étoffe. Pour répondre au besoin de construire son identité, l’adolescent se distance de ses parents et entretient des relations privilégiées avec ses pairs. Les activités que l’adolescent exerce sont d’ailleurs influencées par les pratiques de ses pairs. Avec la construction de l’identité et l’autonomie décisionnelle, la période d’adolescence est marquée par les nombreuses décisions que doit prendre l’individu pour choisir son orientation (FERLAND, 2015). En lien avec le développement de ses habiletés et la construction de soi, l’enfant est en interaction permanente avec son environnement matériel et social. Au fil du développement de ses capacités et de ses besoins, l’enfant varie ses activités (jeu, travail, loisirs, activités de vie quotidienne) qui « prennent plus ou moins d’importance aux différents stades de la vie. » (FERLAND, 2015, p 36) Au regard des concepts théoriques abordés, rappelons l’essence du questionnement : comment assurer l’intérêt thérapeutique des thérapies protocolisées appliquées en ergothérapie en pédiatrie tout en suscitant le potentiel thérapeutique de l’activité ? L’intégration de l’aspect ludique au protocole permet-il d’augmenter le potentiel thérapeutique de la thérapie ? L’implication du sujet étant favorisée, l’intérêt thérapeutique de l’activité est-il maintenu ? Afin de mener à bien la réflexion, les concepts théoriques sont complétés par une exploration pratique qui vise à interroger les ergothérapeutes travaillant auprès d’enfants sur la mise en place de thérapies protocolisées. 25 3. Exploration pratique 3.1. Méthodologie Cette démarche expérimentale s’appuie sur une méthode hypothético-déductive, c’est-à-dire qui consiste à vérifier des hypothèses formulées suite à une question de départ et des principes théoriques établis précédemment. L’objectif de l’étude consiste à définir les méthodes d’application de thérapies protocolisées en ergothérapie auprès du public pédiatrique, ainsi que les particularités que ce public pose lors de ces prises en charge. Des entretiens semi-directifs seront réalisés pour permettre une analyse qualitative des données. La population ciblée pour recueillir les données nécessaires à la vérification des hypothèses sont les ergothérapeutes travaillant auprès d’enfants et mettant en place des thérapies protocolisées. Les entretiens aborderont des thèmes clés par des questions répertoriées dans un guide d’entretien9. Cette méthode d’entretien, semi-directif, se centre sur les paroles de la personne enquêtée, laisse place à des notions qu’elle souhaite aborder, les questions permettent alors d’orienter le discours de celle-ci. Des interventions et des relances sur les points non-abordés ou non-développés par l’enquêté permettront à l’enquêteur d’approfondir les réponses. Plusieurs ergothérapeutes travaillant au sein de structure pédiatrique ont été joint par mail. Ont alors pris contact quatre ergothérapeutes concernés par le sujet d’étude et disponibles pour effectuer un entretien. Il a été proposé préférentiellement des entretiens en face à face avec les ergothérapeutes afin de recueillir la communication verbale et nonverbale, ainsi que pour faciliter la spontanéité et les interactions entre l’enquêteur et l’enquêté. Cependant, les entretiens téléphoniques permettent de contrer la contrainte spatiale et de répondre plus facilement aux disponibilités des professionnels. Pour respecter l’anonymat des ergothérapeutes, leurs prénoms ont été remplacés par Ergo 1, Ergo 2, Ergo 3 et Ergo 4. Ainsi, 3 ergothérapeutes, travaillant en centre de rééducation fonctionnelle enfant ont été interrogées par téléphone (Ergo 1, Ergo 2 et Ergo 3) et une ergothérapeute, travaillant en institut d’éducation motrice (IEM), a été rencontrée sur son lieu d’exercice pour répondre à l’enquête (Ergo 4). Il est à noter qu’Ergo 3 et Ergo 2 exercent dans un même centre, au sein du même service d’ergothérapie. 9 Disponible en annexe 1 26 Ergothérapeute Thérapie(s) Age du/des interrogé protocolisée(s) enfant(s) mise(s) en place concerné(s) par la Prise en charge thérapie Ergo 1 Contrainte induite 3-10 ans En groupe Adolescents Ergo 2 Contrainte induite 2 ans Individuelle 5 ans Ergo 3 Contrainte induite 4 ans Individuelle Ergo 4 Thérapie miroir 17 ans Contrainte induite Adolescents En groupe Tableau de présentation des thérapies protocolisées mises en place et de la population concernée. L’enregistrement des entretiens a permis de les retranscrire fidèlement10, selon les termes employés, pour les analyser ensuite de manière thématique. Les verbatim permettent ensuite d’évoquer et d’illustrer précisément les propos des ergothérapeutes. Les différents thèmes abordés à travers les entretiens sont repris et organisés. Les réponses des différents professionnels sont alors croisées et analysées. Des hypothèses de compréhension sont formulées afin d‘étayer l’analyse des résultats. 3.2. Analyse des données recueillies Afin de faciliter l’analyse des données, les différents ergothérapeutes sont groupés par deux tout au long de l’analyse (Ergo 1 et Ergo 4 ; Ergo 2 et Ergo 3) selon des modes de fonctionnement paraissant similaires au terme des entretiens. 10 Les entretiens retranscrits sont disponibles en annexes 2 à 5 27 L’entrée dans la thérapie L’implication de la famille « Faut quand même les préparer, c’est pour ça qu’il y a un entretien ergo/psychologue/enfant et famille avant, pour être sûr qu’ils soient adhérents à la thérapie par contrainte induite et que les parents soient porteurs du projet. ». Ici, Ergo 1 s’assure que les parents soient des éléments ressources dans le projet. Nous entendons que s’ils sont convaincus des bénéfices potentiels de la thérapie, les parents peuvent être, par leur motivation, un soutien et une ressource pour l’enfant et pour les professionnels. « Les familles ne sont pas tant que ça impliquées, elles sont mises au courant évidemment ». En amont de la thérapie, Ergo 4 s’assure de l’accord des parents, l’ergothérapeute semble évoquer le consentement éclairé, mais ne les implique pas dans le déroulement du projet. « Suivant les enfants, parce qu’on ne les a pas tous les jours, on peut impliquer la famille ou pas suivant les familles en fait. Suivant l’envie qu’ils ont, le regard qu’ils ont, … suivant le milieu social et culturel, sans que ce soit péjoratif, certains parents vont être très investi parce qu’ils comprennent à quoi ça sert, ils comprennent l’intérêt… d’autres moins parce qu’ils ne comprennent pas l’intérêt. Donc c’est à nous de leur présenter l’intérêt avant de leur demander de le faire». Ergo 2 nous indique qu’elle peut être amenée à rendre acteurs les parents, en appliquant eux même la thérapie, s’ils comprennent l’intérêt, souhaitent s’investir et ont un regard positif sur la thérapie. Ergo 3 n’évoque à aucun moment lors de l’entretien l’entourage familial de l’enfant. Dans trois des entretiens il est retrouvé l’idée que les parents sont liés à l’intervention et vont être éventuellement sollicités. Il en ressort que la compréhension de la thérapie par les parents et l’espoir qu’ils peuvent fonder dans l’amélioration des capacités de leur enfant inclut un élément de motivation pour l’enfant. L’entourage familial pourrait alors susciter la motivation extrinsèque de l’enfant, c’est-à-dire que l’enfant réalise une action pour obtenir une récompense, une reconnaissance ou la valorisation d’autrui. Lorsque les parents ne sont pas ou peu évoqués, nous pouvons supposer que les parents ne sont pas avertis de la technique de contrainte induite utilisée. Dans ce cas, la thérapie est probablement considérée par l’ergothérapeute comme un moyen de rééducation ordinaire 28 qui ne fait pas l’objet d’un engagement dans un protocole et donc qui ne nécessite pas une information particulière à l’entourage familial. La préparation avec l’enfant On prend le temps d’en parler avec le jeune, de présenter la contrainte induite…ça peut être 6 mois à l’avance, est ce que tu sais ce que c’est la contrainte induite ? Qu’est-ce que tu en sais ? Est-ce que ça pourrait t’intéresser ? ». Ergo 4, s’adressant à des adolescents, approfondit les explications avec le jeune. Ergo 1 n’évoque pas la préparation avec l’enfant lors de son entretien en dehors de l’entretien ergo/psychologue/enfant et famille, cité précédemment. « Après ce n’est pas des explications « rationnelles » avec les enfants, enfin avec un enfant de deux ans c’est des explications à un enfant de deux ans. Donc c’est pendant que je contrains et ce n’est pas une explication théorique de la pratique. ». Ergo 2 évoque donc la thérapie avec des termes adaptés à l’âge de l’enfant en illustrant lors de la pratique de la contrainte induite avec celui-ci. « A 4 ans elle ne comprenait pas l’intérêt de la thérapie et la complexité des exercices. Un enfant de 4 ans n’a pas la maturité pour se projeter dans l’avenir et pour comprendre ce à quoi ça va être utile après. ». Ergo 3 évoque ici la difficulté à expliquer la thérapie à l’enfant du fait de son jeune âge, de son incapacité à comprendre l’intérêt à la thérapie et de sa rééducation d’une manière générale. Ergo 3 et Ergo 2, prenant en charge de très jeunes enfants (2 et 4 ans), expliquent succinctement la thérapie et avec des termes adaptés parce que l’intérêt de la thérapie ne peut être perçue qu’à moindre escient par l’enfant en bas âge. Elles adaptent les explications données en fonction de la perception qu’elles ont de la compréhension de l’enfant. Selon l’âge des enfants pris en charge, les thérapeutes adaptent l’abord de la thérapie avec ce dernier. Il ressort que le niveau d’explication et le temps d’explication sont différents. Ergo 2, accompagnant un enfant de 2 ans, aborde la thérapie à l’instant T avec l’enfant, au 29 moment où la tâche est réalisée. Pour Ergo 4, qui prend en charge des adolescents, la contrainte induite apparaît comme un projet muri après un temps de réflexion par l’enfant. Critères d’exclusion « Du coup c’était utilisé seulement en séance et aussi parce qu’elle n’avait pas de réactions parachutes » (Ergo 3). « Si j’en viens aux difficultés, quand l’enfant marche, […] quand il réussit à avoir une marche à peu près fonctionnel mais que les réactions parachutes ne sont pas encore bien stables, on ne fait pas la contrainte parce que s’il tombe il ne peut pas se retenir. Déjà ils ont mis du temps à marcher en général, et que quand ils marchent ils le font d’une manière plus ou moins équilibrée, avec des chaussures orthopédiques plus ou moins volumineuses, … ce n’est pas que ça fait quelque chose en plus, mais s’ils tombent ils tombent d’un bloc avec la contrainte et ça c’est notre limite à nous. Donc avec le petit de deux ans qui ne marche pas mais se déplace sur les fesses en utilisant … en projetant ses jambes en avant et il utilise son bras sain pour s’aider, du coup si je lui bloque son bras il ne peut plus utiliser son bras sain il ne peut plus contrôler son hypotonie donc c’est pour ça qu’on se demande si on lui met continuellement ou pas » (Ergo 2). Ergo 3 et Ergo 2 semblent donc prendre en compte l’évolution et le développement des capacités fonctionnelles des jeunes enfants qu’elles prennent en charge en contrainte induite. Le port de la contrainte se définit selon des critères de sécurité (réactions parachutes) et des critères d’indépendance de l’enfant (déplacements fonctionnels). Le protocole et l’organisation disciplinaire Mise en place de protocoles spécifiques Dans les centres où exercent Ergo 1 et Ergo 4, qui prennent notamment en charge des adolescents, on remarque que l’introduction de la thérapie protocolisée par contrainte induite a fait l’objet d’une réflexion d’équipe. « Du coup, le projet de contrainte induite est né par un projet de médecin. J’ai accepté sous la condition d’élaboration d’un protocole. ». Ergo 1 ajoute, concernant l’élaboration du protocole : « C’est moi du coup qui était coordinatrice du groupe contrainte induite et du coup 30 il y avait dans le groupe un kiné, un APA et un éducateur de jeunes enfants et un psychologue. On s’est basé sur les protocoles pour les enfants qui étaient déjà fait ailleurs. ». Ergo 4 explique : « Au début une petite équipe de 3 à 4 personnes, kinésithérapeutes et ergothérapeutes avec un médecin qui était motivé, aujourd’hui qui est parti et revient que dans 6 mois. Donc dans l’ensemble le protocole a été mis en place par les kinés et ergos. ». Ergo 4 ajoute : « C’est vraiment un travail d’équipe. Et sur ces protocoles, il y a vraiment un travail kiné-ergo, beaucoup plus important que sur d’autres thèmes, je trouve que sur la contrainte induite il y a vraiment beaucoup de collaboration, beaucoup plus que sur d’autres choses comme les installations qui vaudraient également le coup de travailler en équipe ». « Moi j’ai mis en place la thérapie miroir et la contrainte induite. C’est moi qui ai décidé après un travail en bimanuel pas forcément efficace et c’était en réponse à la demande du patient qui avait vu ça quelque part et voulait essayer. » (Ergo 3). « Alors il n’y a pas de protocole établi, nous on n’utilise pas de protocole adulte ou enfant. Avec les enfants c’est quand même plus compliqué qu’avec un adulte. ». Ergo 3 explique également : « On n’a pas été cherché un protocole enfant non plus parce que la façon dont j’utilise moi cet outil apporte des résultats. Je recherche plutôt du fonctionnel et pas de l’analytique donc c’est peut-être pour ça que je n’ai pas suivi le protocole où les gestes sont très analytiques, et ils le font déjà en kinésithérapie. Et la contrainte induite toute la journée c’est trop long et trop frustrant. ». Ergo 3 affirme ici que « les contraintes du protocole adultes sont trop importantes ». Ergo 3 garde du protocole les aspects qui lui paraissent intéressants et applicables avec de jeunes enfants. Elle retient donc partiellement les éléments du protocole pour l’adapter à sa pratique professionnelle. Elle met également en avant qu’elle souhaite favoriser l’aspect fonctionnel dans l’application de la contrainte induite et de la thérapie miroir. Dans chacun des centres, les ergothérapeutes ont menés une réflexion autour de l’application des thérapies protocolisées en fonction de la population prise en charge et de l’équipe et de son fonctionnement. 31 Une application pluridisciplinaire du protocole adapté Ergo 4 ajoute : « Pour le planning, il se fait en concertation avec tous les intervenants. Avec les instituteurs car au moins une semaine de thérapie est pris sur le temps de la scolarité […] Ça se fait vraiment en commun et c’est très important car les instituteurs et gens du pavillon peuvent prendre conscience de ce que ça représente pour les enfants, de ce qui se fait à ce moment-là, de l’objectif du jeune. ». Au-delà d’un besoin organisationnel, Ergo 4 met en avant que les réunions pluridisciplinaires permettent aux différents professionnels encadrants les jeunes inclus dans la thérapie de comprendre l’intérêt thérapeutique et les conséquences engagés. « Souvent le matin c’est la motricité fine, et l’après-midi c’est plus la motricité globale et dessus se rajoute un groupe mené par la psychologue pour avoir un peu les ressentis de chacun et puis les psychomotriciennes interviennent pour faire un groupe sur la sensorialité. [...] Aussi, Les ateliers sont en groupe de 4 et géré par 2 professionnels, tout le monde participe, kiné, APA,… ». Ergo 1 met en exergue par ces propos la complémentarité des professionnels par leur champ de compétences respectif. Concernant les deux ergothérapeutes citées, les protocoles de contrainte induite se déroulent sur un temps dédié, comme ci-après mentionné, et prennent en compte la vie institutionnelle et l’organisation de vie des enfants et adolescents. Ainsi, il est mis en avant l’importance du respect de la scolarité et de l’information des différents acteurs pour comprendre la thérapie et soutenir les jeunes. Il est également à remarquer, dans les propos des ergothérapeutes, que le protocole est repris par les ergothérapeutes mais aussi d’autres intervenants. Ergo 4 ajoute : « ce qui est vraiment nécessaire c‘est que tout le monde soit investi, parce que pour certains collègues c’est trop dur cette méthode, une idée de torture, donc il ne faut pas qu’il y ait ce genre d’esprit dans l’équipe qui s’occupe du jeune. Il faut que tout le monde aille dans le même sens, les jeunes se sentent portés, ils apprécient. » Nous retenons que si les protocoles sont mis en place de manière pluridisciplinaire c’est pour respecter le rythme des enfants, adolescents et professionnels. Mais aussi parce que la contrainte induite paraît de l’extérieur comme modifiant les compétences des individus et de ce fait il est important, pour avoir meilleure efficacité, que tout le monde collabore et puisse résister à ce sentiment d’avoir mis en place un objet de « torture ». 32 « On s’assure de leur motivation, avant de faire le choix des trois jeunes qui participeront, on en parle ensemble avec les différents professionnels du quotidien pour commenter si c’est utile, à priori c’est utile mais est ce que le jeune est vraiment prêt à se lancer là-dedans ? » (Ergo 4). Intégrer l’ensemble des professionnels à la mise en place des protocoles adaptés, c’est aussi s’assurer, à travers les communications qu’ils vont avoir avec les enfants, de la motivation de l’enfant ; ainsi que tout le monde puisse dire quels sont les enfants les plus aptes à entrer dans le protocole. Nous remarquons donc l’échange en équipe autour de l’aspect motivationnel de la thérapie pour l’enfant. Mise en place factuelle du protocole Le cadre temporel Pour Ergo 1, deux sessions par an sont organisées : « aux vacances d’avril on fait la session des petits et aux vacances de la toussaint on fait la session des plus grands. », sur trois semaines consécutives. Pour Ergo 4, les séjours ont lieux préférentiellement en partie sur le temps scolaire et sur le temps des vacances : «On essaie de mettre à cheval sur les vacances, donc une semaine sur les vacances et une semaine sur la scolarité mais ce n’est pas toujours possible. », l’ergothérapeute précise qu’auparavant l’équipe mettait en place la thérapie « sur un protocole de trois semaines et ça devait être trop long pour les jeunes et les professionnels. ». Ergo 4 ajoute « une réorganisation des plannings des professionnels est nécessaire, savoir où placer les séances de rééducation, qui sera disponible à ce moment-là. On est obligé d’annuler certaines prises en charge pour ça. ». Ici, la notion d’adaptation est présente : leur protocole a été modifié, il est passé de trois à deux semaines, et les thérapeutes bouleversent leur organisation habituelle pour répondre aux besoins des patients. Les thérapies par contrainte induite sont de l’ordre du projet : elles sont organisées sur des temps longs, c’est-à-dire sur des jours consécutifs et sur plusieurs semaines, et des temps sont dédiés à leur organisation. « de 10h à 16h » « pour le repas on enlève systématiquement l’attelle ! Les deux premières semaines, ils sont immobilisés avec une attelle en position de repos, la troisième semaine c’est que des activités bimanuelles. » (Ergo 1) 33 « Donc on a 15 jours de prise en charge, avec port d’écharpe 6h par jour minimum, sur la première semaine et le début de la deuxième semaine. Après l’écharpe est enlevée, on passe à de la rééducation bimanuelle. Sur les 15 jours il n’y a pas de week-ends compris, c’est 2 fois 5 jours. Il y a 2 séances de rééducation par jour : une séance d’ergothérapie et une séance de kinésithérapie. » « On enlève quand même l’écharpe aux toilettes, on n’impose pas qu’il y ait quelqu’un pour aider si l’enfant est autonome » (Ergo 4). Il semble apparaître dans ces derniers verbatim qu’il est très complexe de priver les enfants et adolescents de leurs possibilités d’indépendance fonctionnelle, donc des moments clés de la journée se déroulent sans contrainte (repas et passage aux toilettes). « Le premier, celui de cinq ans, c’était en place pendant les séances de rééduc, kiné, ergo et un peu sur le jardin d’enfants. Et l’autre c’est pour le moment beaucoup plus sur les séances de rééduc et pas forcément sur les autres structures.» (Ergo 2) « Seulement en séance » évoque Ergo 3 concernant la prise en charge des patients en contrainte induite et thérapie miroir. Ergo 2 et Ergo 3 prennent en charge de jeunes enfants, utilisent les thérapies protocolisées dans un cadre restreint, c’est-à-dire seulement le temps de la séance ergothérapique ou sur d’autres temps courts dans la journée. « Les séances durent trois quart d’heure 1 fois par semaine et je n’ai pas de date précise d’arrêt de la thérapie. » « On n’a pas de durée dans la journée non plus, on cherche quelque chose d’efficace, qui donne des résultats mais qui ne soit pas contraignant pour l’enfant et sa famille. Et puis sur un enfant qui mange tout seul aussi, on ne le contraint pas au moment des repas, comme on est en essai d’acquisition de l’autonomie et que le repas fait partie du développement de l’enfant, on préfère maintenir cette autonomie au repas.». Ergo 2 indique ici que la thérapie peut être un frein à l’acquisition de l’autonomie du jeune patient, d’où des temps contre-indiqués de port de la contrainte. « C’était des séances de 45 minutes mais elles ne duraient pas forcément 45 minutes car c’était très couteux. » (Ergo 3). Au terme des entretiens avec Ergo 2 et Ergo 3, il ressort que ces ergothérapeutes se basent sur l’application d’une contrainte sans définir une durée, des exercices spécifiques ou 34 une pratique ou une organisation structurée. Elles adaptent leur prise en charge en fonction de l’enfant, de son âge, de son évolution dans cette thérapie qui est très couteuse et en respectant son développement. D’ailleurs Ergo 3 précise : « On s’adapte à l’enfant, voir comment il réagit, comment il s’implique. Je ne crois pas qu’il y a un standard, on garde les bases, la contrainte et le miroir mais après on adapte en fonction de qui on a en face, en fonction de comment il s’implique. » La définition des objectifs thérapeutiques Définition d’objectifs personnalisés « Après ce qu’on fait, c’est qu’on fixe des objectifs à atteindre, porter son plateau seul, des choses comme ça. » (Ergo 1) « On insiste beaucoup sur les objectifs, c’est très concret : savoir-faire sa queue de cheval seul, utiliser un rollator, participer activement aux transferts,… On insiste beaucoup sur les objectifs liés à des activités du quotidien, par exemple le bilan kiné-ergo commence par : Par quoi es-tu gêné au quotidien ? Qu’est-ce que tu aimerais améliorer en faisant la contrainte induite ? » (Ergo 4). Les thérapeutes ici cherchent à évoquer les situations problèmes que rencontrent les adolescents dans leur vie de tous les jours. Par-là, les thérapeutes donnent une réalité à la contrainte induite, ils la rendent mesurable, notamment pour les patients. Ici, on identifie la collaboration des ergothérapeutes avec l‘enfant pour définir des objectifs en lien avec les habitudes de vie du patient. Des objectifs « concrets » pour l’enfant sont fixés en lien avec les besoins qu’il exprime. Ergo 4 rajoute « les séances de rééducation se font avec des exercices personnalisés, ils sont déterminés en fonction du bilan kiné-ergo pour cette partie-là, bilan qui va nous permettre de déterminer les objectifs en fonction de l’objectif des jeunes ». La collaboration soignant-soigné vise à décider des objectifs thérapeutiques prioritaires en lien avec les besoins de l’enfant et son évolution, ses interactions dans son système. Les objectifs posés sont clairs, et par sa participation dans leur élaboration, l’enfant s’engage activement dans les activités à mener. Il s’agit ici d’établir un défi pour l’enfant mais néanmoins surmontable, ayant un sens et un objectif important pour l’individu, comparable aux conditions de « l’expérience optimale » de CSIKSZENTMIHALYI. 35 Pour Ergo 2 et Ergo 3, prenant notamment en charge de très jeunes enfants, cette notion d’élaboration d’objectifs « personnalisés » en collaboration avec le patient n’est pas évoquée. L’âge des enfants pourraient expliquer l’absence de cette notion pour ces deux ergothérapeutes. Les moyens Exercices analytiques « J’ai eu le cas avec une enfant plus grande qui a eu un AVC, la contrainte est seulement en séance. On peut plus facilement lui expliquer, parce qu’elle est plus grande déjà, et elle a ce regard d’avant. Du coup, elle le fait vraiment plus volontairement et les exercices proposés sont plus analytiques. » (Ergo 2). « Sur le premier temps, la rééducation est plutôt analytique, sur des supports qu’on connait. » (Ergo 4) Ici, les thérapeutes utilisent des activités analytiques. Ces activités sont présentées à des patients adolescents. Activités ludiques et manuelles « Et bien, on fait des activités ludiques, ludiques, ludiques. On fait vraiment que des jeux, des activités manuelles, des choses comme ça. […] On fait de la balnéo, de la cuisine, parfois une activité plus déguisement, pour travailler l’habillage, la balnéo c’est la dernière semaine. Après ce qu’on fait, ce qu’on va faire là, c’est des activités sur grands supports, de la peinture ou… pour faire un support commun pour éventuellement faire une petite exposition à la fin. » (Ergo 1). « Et à partir de la deuxième semaine elles commencent les activités manuelles » (Ergo 4). « En fait l’enfant, s’il n’a pas d’intérêt pour ce qu’il fait, il n’aura pas envie d’utiliser son bras atteint. ». Ergo 2 ajoute qu’elle suscite l’intérêt de l’enfant « par des jeux. Ça va être par des constructions, par des…suivant les capacités, là le tout petit c’est par des jeux où il faut tourner 36 les objets qui font du bruit, de la musique,… ce n’est pas du tout sur des activités de vie quotidienne » « Donc on faisait au moins 30 minutes en contrainte, et après on travaillait en bimanuel, pour éviter aussi la frustration. Le dernier quart d’heure elle choisissait son jeu » (Ergo 3). « Du coup on travaillait aussi avec des jeux : il devait regarder le jeu à travers le miroir. Le jeu et le travail sont ainsi liés, la problématique était déplacée. » évoque Ergo 3 lors de sa prise en charge en thérapie miroir avec un jeune adulte de 17 ans. Pour tous les ergothérapeutes interrogés, l’activité ludique est présente lors des thérapies mises en place, thérapies pour lesquels le protocole initial ne présente aucun élément relevant du jeu. Ces thérapeutes semblent avoir intégré que le jeu est plaisant mais qu’il fait aussi parti de la réalité écologique de l’enfant. Activités de groupe Ergo 1 met en place, comme vu précédemment, diverses activités ludiques, ces activités sont réalisées par l’ensemble du groupe de quatre patients tout au long de la thérapie. Ergo 1 parle de « colonie ». Par ailleurs, Ergo 4 décrit le séjour de contrainte induite comme un « stage intensif ». Rappelons les différents moyens évoqués par Ergo 4 et utilisé lors de la thérapie. D’abord, un thème « fil rouge » est choisie par les jeunes participants à la contrainte induite, le thème est libre et est repris lors des activités collectives ; « Le thème, ça permet sur quinze jours de garder une motivation entière. ». Pendant la première semaine, les séances de rééducation sont propres à chacun des individus mais effectuées dans une salle commune, les activités sont de type analytique. Il s’agit ici d’être en groupe dans un même lieu à un temps donné pour favoriser les interactions, la socialisation, l’émulation. En début de deuxième semaine, un repas est planifié, organisé et réalisé par les jeunes du groupe. Ensuite « on [les professionnels et les jeunes] se retrouve tous dans la même cuisine et on mange en écharpe, comme ça tout le monde est sur un même pied d’égalité. Et puis il y a les commentaires de chacun qui dit : « waouh ! Chapeau parce que moi après 1h j’ai déjà mal, j’ai chaud sous l’écharpe,… » ». Ici, les professionnels se mettent dans la position, le temps d’un repas, des adolescents participant à la contrainte induite. 37 En dehors des séances de rééducation et des activités collectives organisées, durant la première semaine et le début de la deuxième semaine, les jeunes portent les écharpes la journée, moyen de contrainte, et sont accompagnés par les professionnels « du quotidien ». « Et à partir de la deuxième semaine elles commencent les activités manuelles, sur le temps ergo, toujours sur le même thème. ». Ergo 4 évoque la fin de la thérapie : « Et à la fin des quinze jours, on fait une cérémonie de remise des diplômes pour maintenir la motivation, déjà des brochettes de bonbons sont faites en bimanuel par les jeunes et qu’elles vont distribuer en service kiné où la cérémonie se déroule. On leur remet un diplôme avec une observation personnalisée et là elles ont le droit d’enlever et de jeter leur écharpe ». Au cours de cette seconde semaine, l’aspect ludique dans les activités apparaît. La cérémonie et le geste collectif de jeter les écharpes annonce la fin de la période de contrainte, ce geste semble être vécu comme un soulagement. Ces éléments marquent la fin du groupe. Ici, la construction motivationnelle réside principalement dans les interactions avec les pairs au sein du groupe et avec les individus extérieurs au groupe. Le principe de valorisation est ainsi très présent tout au long de la thérapie. Activités individuelles Ergo 2 présente ses interventions en stipulant que «Le premier, celui de cinq ans, c’était en place pendant les séances de rééduc, kiné, ergo et un peu sur le jardin d’enfants. Et l’autre c’est pour le moment beaucoup plus sur les séances de rééduc et pas forcément sur les autres structures.». Ergo 3, quant à elle, évoque que la thérapie par contrainte induite et la thérapie miroir sont appliquées « seulement en séance ». La prise en charge individuelle permet de considérer le patient dans sa singularité et de placer ses besoins et ses attentes au centre de la prise en charge. L’accompagnement en individuel permet également de suivre le patient selon son rythme, son évolution propre au cours de la thérapie. Ergo 2 explique que « face aux difficultés, on garde la base de la contrainte induite et face aux événements on adapte la thérapie. » 38 L’aspect motivationnel Le jeu Ergo 1 insiste donc sur le caractère ludique des activités mises en place au sein du groupe : « En fait, ils viennent sur leur temps de vacances scolaire et une semaine en dehors donc pour nous c’est important que ça fasse un peu colonie. Et puis que ça passe par le jeu et pas des activités contraignantes, sinon on n’aurait pas la même participation, c’est des enfants qui sont habitués depuis tout petit à être en kiné, d’être suivi… donc faut qu’on essaie de passer par d’autres médiateurs pour que ce soit porteur pour eux aussi, qu’ils s’impliquent. » Le jeu est donc omniprésent au sein du groupe, par là le thérapeute recherche le plaisir d’agir favorisant ainsi l’action de l’enfant, sa participation, et donc son développement. La notion de changement est évoquée, « d’autres médiateurs », la thérapeute cherche à détourner l’image de travail à travers des sessions qui ressemblent à des « colonies ». Dans ce modèle de prise en charge, l’attrait de l’activité paraît être une notion essentielle dans la construction motivationnelle. « Alors ça c’est compliqué…par des jeux. Ça va être par des constructions, par des…suivant les capacités, là le tout petit c’est par des jeux où il faut tourner les objets qui font du bruit, de la musique,… ce n’est pas du tout sur des activités de vie quotidienne, ça ne marche pas ». (Ergo 2) « Donc on faisait au moins 30 minutes en contrainte, et après on travaillait en bimanuel, pour éviter aussi la frustration. Le dernier quart d’heure elle choisissait son jeu […].J’ai choisi ce système de donnant-donnant en lui faisant la thérapie puis en lui laissant après choisir, pour garder sa motivation, son envie de faire et qu’il ne se trouve pas tout le temps frustré. ». Ergo 3 évoque le système de récompense qu’elle utilise pour exploiter le potentiel thérapeutique de la thérapie: le plaisir est situé dans la récompense attendue et non pas dans le comportement demandé. Là se tient l’idée que l’enfant est capable de trouver un intérêt quasi-immédiat à appliquer une thérapie non plaisante mais qu’il ne peut y percevoir un intérêt fonctionnel à long terme. 39 L’émulation Ergo 1 précise que « Les enfants venaient en individuel sur 3 semaines en hospitalisation de jour, et puis on est venu au projet de les faire venir en groupe ». Ergo 4 évoque « une expérience avec une jeune fille qui était seule et pour qui ça a été vraiment très difficile, elle a trouvé ça très très ennuyeux malgré sa motivation. ». Suite à leur expérience respective, ces thérapeutes ont fait le choix de modifier leur prise en charge pour s’orienter vers une prise en charge de groupe lors des thérapies mises en place Ergo 4 utilise le terme « émulation » pour justifier les prises en charge en groupe et Ergo 1 dit que « de faire des séances en groupe, ça les motive plus eux, ça les porte un peu. ». Dans leurs propos apparaît la notion de dynamique de groupe. Les groupes ici constitués sont une association de patients présents dans un contexte donné et répondant à un but commun, celui d’aller au terme de la rééducation engagée, « elle avait la volonté d’aller au bout » précise Ergo 4 en évoquant une jeune patiente en difficulté lors de la thérapie. Au-delà de l’existence d’un but collectif commun, les thérapies de groupe amènent à des interactions entre pairs, Ergo 1 parle d’entraide : « ils s’aident les uns les autres ». Le groupe partage des valeurs, des normes ou règles que les membres respectent et des objectifs communs. Le groupe est un système d’interdépendance où chaque membre a son rôle propre et est en interaction avec chaque individu. Le terme de « dynamique » de groupe fait référence un système mécanique positif. Dans un groupe, illustré par les propos précédemment cités, chaque membre prend en compte l’attitude des autres et le groupe influence les actions individuelles de chaque individu appartenant à ce groupe. On peut définir le groupe comme un système interdépendant. Le groupe est également un système de valorisation. Les résultats Les comportements, réactions de l’enfant face à la thérapie « Et si avec une ado on a eu une difficulté, elle ne respectait pas le protocole de port de l’attelle, on a été obligé de faire autre chose sur la vision de son handicap, c’était assez compliqué. » (Ergo 1) 40 « Il y a de l’enthousiasme pour recommencer, on nous le réclame. On a juste un jeune homme qui n’avait pas envie de refaire, il était dans un groupe avec deux filles et il était souvent en retrait. Il trouvait ça trop difficile d’être moins autonome » (Ergo 4) « Moi je suis régulièrement au jardin d’enfants et donc quand il est au jardin d’enfants je lui bloque continuellement son bras, après il n’aime pas du tout : quand il me voit il pleure maintenant.». (Ergo 2) Apparaît ici la difficulté pour les enfants de suivre ces thérapies. La perte d’indépendance et la confrontation aux difficultés motrices du membre lésé induisent la réduction de la mise en activité et la limitation de participation des patients aux activités signifiantes et significatives. Les enfants ne peuvent donc plus répondre à leur besoin inné d’engagement dans des activités, leur qualité de vie est affectée. Ces enfants en difficultés lors de ces thérapies n’ont pas perçu l’envie d’agir pour stimuler les capacités de leur membre lésé. La récupération motrice « Du coup il y a une meilleure inclusion du membre supérieur hémiplégique par la suite, au niveau de la posture aussi, ils ne se tiennent plus pareil, ils se redressent un peu au niveau du tonus et puis une amélioration des capacités. » (Ergo 1) « Pour ceux qui ont des capacités mais une sous-utilisation du membre supérieur au quotidien, ça marche très bien ! Ça marche très bien mais les effets s’amoindrissent au bout d’un an […] Donc il y a des progrès évidents dans l’intégration du membre sup, après aussi au niveau de la précision et de la fluidité, beaucoup de jeunes parlent de ça. » (Ergo 4) « En fait il fait des choses en contrainte induite qu’il ne fait pas du tout autrement. Là j’obtiens une main d’appoint. Dès le début on observe des résultats en fait. » (Ergo 2) « Avec la contrainte induite ça dépend de la pathologie mais pour la petite fille, on a eu une bonne récupération, une récupération d’un automatisme d’utilisation du membre supérieur. Pour le jeune, la thérapie miroir n’a rien donné de plus du fait du contexte neurologique, une ébauche de récupération est peut être nécessaire. Après peut-être qu’on n’a pas eu assez de temps pour le faire. » (Ergo 3). 41 D’après ces propos, l’intérêt thérapeutique des thérapies protocolisées est manifeste lorsque l’enfant intègre la thérapie, c’est-à-dire utilise et développe ses capacités motrices, sensorielles et psychiques en réponse à leur besoin d’agir. Les particularités liées à l’âge du patient « L’enfant ne rentre pas comme l’adulte dans un travail pour récupérer sa main et tout ça. Comme c’est un handicap inné, enfin ils sont nés comme ça « mon bras il est comme ça et puis c’est tout » comme s’il s’en rendait moins compte, qu’il était moins gêné. » (Ergo 2) « La différence quand même que l’on perçoit avec les adultes, c’est que l’enfant ne voit pas l’intérêt de récupérer sachant qu’il est nait comme ça et il se débrouille très bien comme ça, il ne voit pas vraiment l’intérêt thérapeutique de la thérapie, je crois. Pour les enfants où le trauma est acquis, l’enfant perçoit la thérapie différemment déjà, l’envie de récupérer n’est pas la même, les réactions sont différentes, on se rapproche plus d’une thérapie comme chez les adultes. » (Ergo 2) « A 4 ans elle ne comprenait pas l’intérêt de la thérapie et de la complexité des exercices. Un enfant de 4 ans n’a pas la maturité pour se projeter dans l’avenir et pour comprendre ce à quoi ça va être utile après. Donc l’âge fait que c’était très compliqué. » (Ergo 3) « Avec celui de 17 ans, je pouvais faire trois quart d’heure de miroir parce qu’on avait un vécu derrière, il savait bien vers quoi on tendait et je pouvais m’appuyais là-dessus parce que c’était sa demande de pouvoir récupérer. » (Ergo 3) « Au départ, les préhensions et les coordinations étaient compliquées du fait de sa déficience mais également au niveau du schéma corporel et de la motricité dont la maturation n’est pas aboutie. Donc il faut tenir compte de cette autre difficulté qu’elle n’est pas coordonnée à 4 ans et qu’elle ne peut pas l’être. » (Ergo 3) En prenant en considération la maturité du jeune enfant, ses capacités de compréhension et son identité la contrainte induite et la thérapie miroir semblent être utilisées comme des techniques de rééducation adjuvante. De nombreuses limites liées à l’âge de l’enfant sont évoquées par les thérapeutes. Le développement psychomoteur de l’enfant n’est pas abouti. De plus, l’envie d’agir avec son 42 membre lésé n’est pas forcément présente puisque l’enfant se développe, apprend à interagir avec son environnement selon ses capacités. Des systèmes de compensations intrinsèques et extrinsèques permettent à l’enfant sa participation dans son système. D’ailleurs Ergo 4 illustre cette différence de prise en charge en fonction de l’âge des patients : « Pour les tous petits, il y a un protocole totalement différent, parce que je pense qu’il n’y a pas assez d’enfants pour faire un groupe. La contrainte est là incluse dans les séances de rééducation : pour JOUER avec sa main dans la chaussette ; l’objectif est de lutter contre l’exclusion du membre hémiparétique » (Ergo 4). D’après cette étude, les ergothérapeutes sont force d’adaptations et de propositions pour répondre aux particularités de la prise en charge pédiatrique. Les protocoles de rééducation élaborés pour une population adulte ne sont repris que partiellement par les ergothérapeutes. Les fondements des thérapies protocolisées sont maintenus mais le cadre d’exécution de celles-ci sont transformés. Les composantes temporelles, humaines, le processus de mise en place et les moyens utilisés sont modifiés pour permettre un engagement actif du jeune patient par l’émergence et le maintien de sa motivation. Ainsi les ergothérapeutes cherchent avant tout à exploiter le potentiel thérapeutique de la thérapie. De nouveaux principes de prise en charge sont établis ou des protocoles naissent pour adapter l’application de la thérapie au public enfant. 43 4. Discussion 4.1. Vérification des hypothèses L’objectif de cette étude était de mettre en évidence les pratiques ergothérapiques en pédiatrie quant à la mise en place de thérapies protocolisée auprès du public enfant. La réflexion portait sur les apports motivationnels mis en place par les ergothérapeutes et leurs conséquences sur l’intérêt initial des thérapies. Les hypothèses alors formulées étaient : - L’intégration de l’aspect ludique au protocole permet d’augmenter le potentiel thérapeutique de la thérapie - L’implication du sujet étant favorisée, l’intérêt thérapeutique de l’activité est maintenu. Dans l’étude menée auprès des ergothérapeutes, il est mis en avant que les protocoles adultes, dans leur stricte observation, ne correspondent pas à une application en pédiatrie. D’une manière générale, le protocole est un « processus qui résulte du consensus établi pour réaliser au mieux toute action, que ce soient des examens diagnostics, une étude, un traitement. »11. En rééducation, le protocole est donc un ensemble de règles régissant une pratique pour optimiser l’intérêt thérapeutique du moyen employé. Les thérapies protocolisées ne prennent pas en compte le patient dans sa singularité et le fonctionnement de l’établissement. De là naissent des difficultés d’application des thérapies protocolisées dans la prise en charge du patient. Egalement chez l’adulte, pour qui les thérapeutes ne respectent pas toujours strictement le protocole établi afin de l’adapter aux situations individuelles et aux particularités de leur fonctionnement. Dans la prise en charge pédiatrique, d’après les ergothérapeutes interrogées, il ressort que les protocoles sont trop contraignants pour l’enfant. L’inadaptation de ces protocoles induit des modifications des recommandations thérapeutiques par les ergothérapeutes. Ainsi, les ergothérapeutes interrogées procèdent à des adaptations dans le processus d’exécution de la thérapie. En parallèle d’exercices analytiques, le jeu, moyen privilégié de développement des capacités de l’enfant, est alors le support principal d’intervention des ergothérapeutes. Le jeu intègre et bouscule alors le protocole des thérapies. L’objectif des ergothérapeutes est ici de permettre l’émergence et le maintien d’un sentiment de plaisir pour l’activité (une des 11 Selon l’AMD-AD w.o.r.l.d (Age Macular degenerescence – Alzheimer Disease World. Overview. Research. Links. Developments) 44 dimensions définissant le potentiel thérapeutique selon Doris Pierce) ; et aussi d’intégrer l’activité selon la réalité concrète de la vie d’un enfant, pour qui le jeu est aussi sa réalité écologique. Il s’agit alors, par la méthode employée, de susciter la motivation intrinsèque ou extrinsèque de l’enfant. L’aspect ludique est clairement identifié dans les thérapies mises en place par les professionnelles enquêtées. Par ailleurs, apparaissent également dans certaines pratiques étudiées des activités manuelles. Ces « purposeful activities », selon GOLLEDGE, utilisées à visée thérapeutique présentent un aspect de productivité : l’activité a une utilité finale et un résultat concret. La notion de jeu étant subjective, l’activité manuelle ne se rapporte pas forcément à une activité ludique, il s’agit ici plutôt d’une activité au potentiel de productivité du fait de sa réalisation effective et matérialisable. De plus, l’analyse des données met en avant, dans le processus de mise en place de la thérapie, l’élaboration d’objectifs en lien avec les habitudes de vie et les attentes du patient. Ces objectifs concrets et réalisables permettent un engagement actif du patient dans sa thérapie. En tout dernier lieu, l’analyse des modalités de prise en charge met en évidence la pertinence de l’utilisation de l’émulation et de la valorisation tout au long de la thérapie. Donc l’hypothèse « L’intégration de l’aspect ludique au protocole permet d’augmenter le potentiel thérapeutique de la thérapie » est vérifiée partiellement. Certes l’apport d’un aspect ludique augmente le potentiel thérapeutique de la thérapie auprès des enfants, mais pas seulement. Ils sont renforcés, pour les enfants les plus grands, par le suivi du protocole au sein d’un groupe. Rappelons la seconde hypothèse que nous allons maintenant vérifier : « L’implication du sujet étant favorisée, l’intérêt thérapeutique de l’activité est maintenu ». Précédemment, le protocole a été défini comme une procédure nécessaire à la validité d’un acte ou d’une thérapie. Le protocole est également un guide d’intervention pour le thérapeute, il lui permet de cibler les démarches à suivre pour mener à bien une thérapie. Or, dans l’étude menée, les ergothérapeutes modifient les protocoles établis pour une application en pédiatrie. Les professionnels relèvent que sans ces adaptations l’enfant ne participe pas à la thérapie, ou alors sans motivation. Il est mis en évidence que l’enfant se comporte différemment par rapport à l’adulte face à la thérapie. Le jeune enfant ne perçoit pas les limitations de participation auxquels il 45 pourrait faire face à terme. De plus, il a un accès limité aux informations concernant la thérapie du fait de ses capacités de compréhension qui est fonction de ses expériences et apprentissages. Egalement, certains ergothérapeutes rencontrées mettent en avant que l’enfant ne ressent pas le besoin d’améliorer ses capacités motrices puisque son handicap est inné et qu’il a su vivre « comme ça ». Le manque d’intérêt, de besoin et l’incompréhension dans les explications seraient des obstacles à la motivation de l’enfant vis-à-vis du protocole et des exercices analytiques. Donc elle ne peut être suscitée par le seul intérêt thérapeutique de la thérapie, le thérapeute doit apporter d’autres aspects motivationnels. Ivonny LINDQUIST a d’ailleurs conclu que « le jeu est à l’enfant ce que le travail est à l’adulte » (1970). Cette citation illustre notamment l’importance du jeu pour l’enfant et pour son développement. Or, l’implication de l’individu dans une activité est fonction de sa motivation. Les ergothérapeutes, par l’apport d’aspects motivationnels aux thérapies, cherchent à obtenir la participation active de l’enfant en faisant émerger le plaisir d’agir. La motivation se définit en psychologie comme « l’action des forces conscientes ou inconscientes qui déterminent le comportement » (Meyer, 2013, p 144). La motivation est considérée comme une force fondamentale qui pousse à l’action. Les prestations ne pouvant être passivement appliquées, l’engagement actif de l’enfant est capital (Meyer, 2013). De plus, le plaisir soutient la performance (Meyer, 2013). De là, les modifications du protocole semblent nécessaires pour générer l’intérêt thérapeutique de la thérapie : la thérapie devient opérante. On obtient alors de l’enfant un comportement dont l’effet est thérapeutique. L’hypothèse « L’implication du sujet étant favorisée, l’intérêt thérapeutique de l’activité est maintenu » est donc vérifiée mais seulement partiellement. Certes l’intérêt thérapeutique est présent par l’implication du sujet du fait de la motivation engendrée par les adaptations, cependant, l’intérêt thérapeutique est-il aussi opérant que lorsque le protocole est respecté ? Si les enfants étaient capables de participer à la thérapie en respectant le protocole initial, les résultats ne seraient-ils pas améliorés ? 46 4.2. Axes de réflexion L’importance du jeu pour l’enfant et pour son développement définit dans la théorie est confirmé dans les pratiques professionnelles interrogées. Le modèle ludique de Francine FERLAND met en exergue l’utilisation du jeu dans la prise en charge de l’enfant. En France, les ergothérapeutes travaillant en pédiatrie s’inspirent ou utilisent ce modèle de pratique. Il s’agit d’ailleurs d’un point essentiel dans la formation en ergothérapie quand il s’agit de la prise en charge des enfants. Francine FERLAND s’intéresse particulièrement aux enfants âgés de 5 à 8 ans présentant une déficience physique ou intellectuelle. L’auteure met en avant le lien entre les habiletés de jeu et les habiletés fonctionnelles. Cependant, ce modèle paraît difficilement applicable lorsque les thérapies protocolisées prennent place dans la rééducation de l’enfant, les protocoles n’intégrant pas le jeu et imposant des exigences de prise en charge. L’étude menée met en évidence l’importance du cadre d’intervention posé par l’ergothérapeute pour que l’enfant participe activement à sa thérapie (période de prise en charge, intervention de différents professionnels, implication de la famille,…). Notamment auprès des adolescents pour qui l’activité jeu peut faire référence à l’enfance. Des moyens auxiliaires de motivation sont à prôner dans leur prise en charge. Il est à rappeler que dans la problématique, le médiateur pâte à modeler a été intégré à la thérapie miroir pour une adolescente de 13 ans, ce médiateur était-il pertinent pour une évolution favorable de patiente ? Est-il valorisant ou infantilisant au regard de l’âge de l’adolescente ? En somme, la période d’adolescence est une période de transition entre l’enfance et la vie adulte. Les adolescents deviennent plus investis dans leurs relations avec leurs pairs et sont plus susceptibles à l’influence du groupe de pairs. L’émulation devient alors un concept intéressant à utiliser dans l’application des thérapies protocolisées pour favoriser le développement des capacités motrices du sujet. A cette période, le pair n’est-il pas un soutien plus favorable que l’adulte soignant ou l’entourage familial ? « Quant à moi, j'approuve le principe de l'émulation, mais à condition que la gloire des uns n'appauvrira pas les autres » (George Sand, Le compagnon du tour de France, 1840, p. 107) 47 Cependant, comme illustré lors des entretiens effectués, les activités groupales dans le cadre de l’application des thérapies protocolisées nécessitent un encadrement professionnel et donc une organisation pluriprofessionnelle certaine. L’intervention de différents acteurs dans l’exécution de thérapies protocolisées permet une complémentarité des compétences dans la prise en charge. Egalement, l’implication de l’ensemble des professionnels, côtoyant le jeune patient lors de thérapies mettant l’individu face à ses difficultés, incapacités et impotences fonctionnelles, est un soutien et une source de motivation certaine. La modification d’un protocole spécifique prend alors tout son sens dans une prise en charge pluridisciplinaire. Le protocole adapté permet d’organiser les interventions de chaque professionnel, en respectant leur champ de compétence et en plaçant le patient au centre du projet. Ainsi, le protocole vise l’intérêt thérapeutique optimal de la thérapie et donc prend en compte les besoins du patient. L’élaboration d’un protocole « maison » pluriprofessionnel permet donc d’optimiser l’intérêt de la thérapie en sollicitant les ressources de l’établissement concerné. De même, un travail collectif, en pluridisciplinarité, peut donner plus d’importance à un projet, faire accepter une réorganisation et ainsi répondre aux besoins des patients plutôt qu’au fonctionnement initial de l’institution. 48 4.3. Limites de l’exploration Bien que l’étude ait permis de répondre partiellement aux hypothèses posées, certaines limites peuvent être recensées. Premièrement, la difficulté principale concernant le recueil de données se trouve dans la méthode employée pour certains entretiens. Effectivement, trois entretiens sur les quatre réalisés étaient des entretiens téléphoniques. D’abord, d’un point de vue technique, certains interlocuteurs ont évoqué une difficulté de compréhension du à faible niveau sonore. Ce dysfonctionnement technique a pu écourter les temps d’échange. De même, les données m’ont paru limitées par ce mode d’entretien. L’absence de communication non-verbale et la diminution de la spontanéité ont été des freins pour relancer le dialogue et revenir sur les points non-abordés ou non-approfondis. Un nombre plus important d’ergothérapeutes interrogés, notamment parce que deux ergothérapeutes exercent au sein d’un même service, auraient pu étoffer les données. Cependant, les entretiens ont été suffisamment riches et complémentaires pour permettre de mener à bien l’étude. Il aurait été intéressant d’interroger des ergothérapeutes ayant une plus grande expérience dans la mise en place des thérapies protocolisées auprès d’enfants. Un recul plus important sur l’application des thérapies auraient peut-être permis de mettre en évidence d’autres difficultés ou particularités liées à la prise en charge du public enfant, et donc de recenser des adaptations ou principes de prise en charge différents. De plus, il aurait été intéressant d’interroger des ergothérapeutes appliquant d’autres thérapies protocolisées. En effet, l’étude concerne essentiellement la thérapie par contrainte induite, d’autres applications auraient pu enrichir les données. De plus, au cours de mes recherches, j’ai été confrontée à un manque de littérature concernant les protocoles et leur objectif. Ces informations auraient pu prendre place et être développées dans la partie théorique afin de souligner leur intérêt thérapeutique. 49 Conclusion Pour répondre à une réflexion autour de la mise en place de thérapies protocolisées auprès d’enfants en ergothérapies, la recherche effectuée a analysé les données littéraires et interrogé la pratique professionnelle. L’étude a permis, par les différentes recherches théoriques, de définir les fondements de l’ergothérapie, le potentiel thérapeutique de l’activité, la place du jeu dans le développement des capacités motrices, cognitives et sensorielles et le développement physiologique de l’enfant. L’exploration pratique, auprès de différents ergothérapeutes travaillant en pédiatrie, a mis en évidence que le potentiel thérapeutique de l’activité auprès des enfants ne réside pas seulement dans l’aspect ludique de l’activité. L’attrait est une des dimensions du potentiel thérapeutique de l’activité. Et lorsqu’il s’agit d’une thérapie protocolisée, les ergothérapeutes interviennent sur différentes dimensions pour dégager un sens et une signification pour l’enfant concerné. Les ergothérapeutes adaptent donc les thérapies protocolisées pour prendre en compte les particularités de l’enfant et de l’adolescent. Il apparaît également que l’exercice analytique a un sens pour la rééducation de la fonction et que l’individu, notamment l’enfant et l’adolescent, peut investir ce moyen. Ainsi, le processus de mise en place établi autour de ces exercices, comme l’utilisation de l’émulation ou la définition d’objectifs personnalisés et mesurables dans le quotidien de l’individu, peut donner un sens à l’activité pour le jeune patient. Au-delà des moyens que l’ergothérapeute utilise ou du processus qu’il met en place pour appliquer une thérapie protocolisée auprès des jeunes patients, il ressort leur force d’adaptation face à un individu et son aspect singulier. En perpétuelle recherche d’efficacité en termes d’implication de l’enfant et de résultats en termes d’amélioration des capacités, les ergothérapeutes font de l’adaptabilité un fondement et une valeur propre. Quelle valeur scientifique pouvons-nous accorder à cette adaptabilité ? Comment pouvons-nous évaluer ces adaptations en termes d’intérêt thérapeutique dans l’application auprès du public enfant de ces thérapies protocolisées dont l’efficacité est prouvée chez les adultes ? 50 Bibliographie ANFE, 2000. Guide de pratique de l’ergothérapie. Paris : ANFE Association Nationale Française des Ergothérapeutes. BARBIER, J-M, 2011. Vocabulaire d’analyse des activités. Paris : Presses universitaires de France. BRUNEAU, S, et al, 2007. Le développement du potentiel thérapeutique de l’activité. In : IZARD, Marie-Hélène. Expériences en ergothérapie : vingtième série. Montpellier: Sauramps médical. p. 302-315 CAIRE, J-M, 2008. 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Mesnil-sur-l’Estrée: Editions Gallimard. 53 Annexes Annexe n°1 : Guide d’entretien Annexe n°2 : Retranscription de l’entretien avec Ergo 1 Annexe n°3 : Retranscription de l’entretien avec Ergo 2 Annexe n°4 : Retranscription de l’entretien avec Ergo 3 Annexe n°5 : Retranscription de l’entretien avec Ergo 4 Annexe n°1 : Guide d’entretien Question 1 : Pouvez-vous présentez la structure dans laquelle vous travaillez ? Obtenir une vision globale de l’établissement ; amorcer le dialogue. Question 2 : Quels types de thérapie protocolisée vous arrive-t-il de mettre en place, lesquelles et comment les réalisez-vous, comment organisez-vous la mise en place du protocole ? Savoir comment la thérapie protocolisée, initialement prévue pour une population adulte, est arrivée à être appliquée par l’ergothérapeute auprès des enfants. Interroger la réflexion de l’ergothérapeute, éventuellement de l’équipe, autour de la mise en place de la thérapie. Savoir quelles sont les modalités du protocole ou du processus d’intervention mises en place par l’ergothérapeute (ou l’équipe). Question 3 : La passation du protocole se réalise auprès d’un public qui n’était pas celui de départ, comment organisez-vous cela ? Quelles particularités vous pose ce public d’enfants ? La question interroge les éléments que l’ergothérapeute prend en compte pour appliquer la thérapie auprès des enfants et les adaptations éventuelles liées à l’âge de la population concernée. Question 4 : Compte tenu que ce soit des enfants, comment gérer vous l’absence de côté ludique dans ces thérapies ? Est-ce un problème, une difficulté ? Savoir si le jeu est intégré par l’ergothérapeute dans la thérapie et auquel cas, pourquoi. Question 5 : Est-ce que vous avez procédé à des adaptations du protocole ? Si oui, lesquelles et dans quels objectifs ? Savoir comment l’ergothérapeute réagit face aux contraintes des thérapies protocolisées, aux éventuelles difficultés rencontrées avec l’enfant. Question 6 : Comment gérer vous l’adaptation du protocole ? Suivant quels paramètres et quelles limites ? Savoir jusqu’où l’ergothérapeute adapte, modifie le protocole et suivant quels critères. Question 7 : Comment vous gérer les réactions de l’enfant face à la thérapie ? Comment gérez-vous les difficultés (acceptation de la thérapie) ? Savoir quelle est l’implication de l’enfant ou comment l’ergothérapeute la suscite. Question 8 : Comment mesurez-vous les effets de ces thérapies ? Quels résultats avez-vous ou supposez-vous avoir obtenus ? Interroger l’efficacité de la thérapie protocolisée en fonction des modalités d’application gérées par l’ergothérapeute (ou l’équipe). Question 9 : Y avait-il, en ergothérapie, d’autres moyens mis en place en parallèle ? Lesquels et pourquoi ? Connaître la place de la thérapie protocolisée dans la rééducation de l’enfant. Annexe n°2 : Retranscription de l’entretien avec Ergo 1 Durée de l’entretien : 25 minutes Pouvez-vous présentez la structure dans laquelle vous travaillez ? Il s’agit d’une structure pédiatrique qui accueille des enfants de 0 à 18ans, dans un service MPR (médecine physique et de réadaptation) ou de soins de suite ou en séjour de répit, en post-opératoire, au problématique neurologique. On a un service d’hospitalisation complète 7j/7, un autre service d’hospitalisation complète 5j/7 où les enfants rentrent le week-end et on a un service d’hospitalisation à temps partiel. Quels types de thérapie protocolisée vous arrive-t-il de mettre en place, lesquelles et comment les organisez-vous ? Du coup, le projet de contrainte induite est né par un projet de médecin. J’ai accepté sous la condition d’élaboration d’un protocole. C’est comme ça que ça a commencé, on a fait un protocole de 3 semaines avec 2 semaines d’immobilisation et 1 semaine en coordination bimanuelle et les enfants venaient de 10h à 16h et avaient plusieurs rééducations. Les enfants venaient en individuel sur 3 semaines en hospitalisation de jour, et puis on est venu au projet de les faire venir en groupe et plus évaluer du coup. Du coup moi j’ai fait une formation sur l’approche neuro-orthopédique du membre supérieur de l’enfant et une formation AHA 12 pour les bilans. Actuellement, je suis la seule formée au bilan AHA donc c’est moi qui fais tous les bilans des enfants avant qu’ils viennent en contrainte induite. Pour clarifier un peu les choses, aux vacances d’avril on fait la session des petits et aux vacances de la toussaint on fait la session des plus grands. Les petits ça va de 3 à 10 et les plus grands c’est les adolescents. Là on a fait 1 session des petits et 1 session des grands et là on va commencer une deuxième session des petits. Vous disiez que vous aviez demandé à ce qu’il y ait un protocole, qui est-ce qui a mis en place ce protocole ? 12 AHA = Assisting Hand Assessment ou evaluation de la main d’appoint : test standardisé et reproductible qui décrit et mesure l’efficacité avec laquelle un enfant qui a une atteinte unilatérale utilise sa main atteinte lors des activités bimanuelles (http://www.ahanetwork.se/Lyon.pdf) C’est moi ! C’est moi du coup qui était coordinatrice du groupe contrainte induite et du coup il y avait dans le groupe un kiné, un APA et un éducateur de jeunes enfants et un psychologue. On s’est basé sur les protocoles pour les enfants qui étaient déjà fait ailleurs. La passation du protocole se réalise auprès d’un public qui n’était pas celui de départ, comment organisez-vous cela ? Quelles particularités vous pose ce public d’enfants ? Faut quand même les préparer, c’est pour ça qu’il y a un entretien ergo/psychologue/enfant et famille avant, pour être sûr qu’ils soient adhérents à la thérapie par CI et que les parents soient porteurs du projet. Ensuite du coup, de faire des séances en groupe, ça les motive plus eux, ça les porte un peu. Et qu’est-ce que ça change par rapport aux adultes ? Et bien, on fait des activités ludiques, ludiques, ludiques. On fait vraiment que des jeux, des activités manuelles, des choses comme ça. Souvent le matin c’est la motricité fine, et l’après-midi c’est plus la motricité globale et dessus se rajoute un groupe mené par la psychologue pour avoir un peu les ressentis de chacun et puis les psychomotriciennes interviennent pour faire un groupe sur la sensorialité. On fait de la balnéo, de la cuisine, parfois une activité plus déguisement, pour travailler l’habillage, la balnéo c’est la dernière semaine. Après ce qu’on fait, ce qu’on va faire là, c’est des activités sur grands supports, de la peinture ou… pour faire un support commun pour éventuellement faire une petite exposition à la fin. Aussi, Les ateliers sont en groupe de 4 et géré par 2 professionnels, tout le monde participe, kiné, APA,… Faites-vous face à des difficultés avec les enfants ? Motivation, participation, acceptation du protocole… Non jusque-là non… on adapte, ce qui est assez compliqué c’est qu’ils n’ont pas les même attentes, il y en a qui arrivent mieux que d’autres mais finalement ils s’aident les uns les autres. Et si avec une ado on a eu une difficulté, elle ne respectait pas le protocole de port de l’attelle, on a été obligé de faire autre chose sur la vision de son handicap, c’était assez compliqué. Après c’est de l’organisation, les amener aux toilettes avant les repas… pour le repas on enlève systématiquement l’attelle ! Les deux premières semaines, ils sont immobilisés avec une attelle en position de repos, la troisième semaine c’est que des activités bimanuelles. L’entretien avec le psychologue avant et un suivi pendant. En fin de thérapie par contrainte induite ils ont leur bilan du coup. Ensuite un mois après souvent on organise la synthèse, on revoit l’enfant avec la famille et on discute de comment ça s’est passé tout ça, de ce qu’eux ont observé. Comment mesurez-vous les effets de ces thérapies ? Quels résultats avez-vous ou supposezvous avoir obtenus ? Du coup il y a une meilleure inclusion du membre supérieur hémiplégique par la suite, au niveau de la posture aussi, ils ne se tiennent plus pareil, ils se redressent un peu au niveau du tonus et puis une amélioration des capacités. Après ce qu’on fait, c’est qu’on fixe des objectifs à atteindre, porter son plateau seul, des choses comme ça. Dans quels objectifs apportez-vous le côté ludique à la thérapie ? En fait, ils viennent sur leur temps de vacances scolaire et une semaine en dehors donc pour nous c’est important que ça fasse un peu colonie. Et puis que ça passe par le jeu et pas des activités contraignantes, sinon on n’aurait pas la même participation, c’est des enfants qui sont habitués depuis tout petit à être en kiné, d’être suivi… donc faut qu’on essaie de passer par d’autres médiateurs pour que ce soit porteur pour eux aussi, qu’ils s’impliquent. Généralement, aussi, il y a une petite pause avant et une petite pause après la contrainte induite dans la rééducation. Annexe n°3 : Retranscription de l’entretien avec Ergo 2 Durée de l’entretien : 25 minutes Pouvez-vous présentez la structure dans laquelle vous travaillez ? Il s’agit d’un service enfant dans un centre de rééducation avec des adultes. Les enfants sont séparés. Il y a à peu près une trentaine d’enfants en interne, en hôpital de jour, c’est-à-dire qu’ils rentrent tous les soirs. Il y a dix lits d’internat, sinon toutes les prises en charge sont externes. A partir de la naissance s’il faut jusqu’à 18 ans environ. Il y a un jardin d’enfants qui accueille les enfants de 0 à 6 ans et une unité d’enseignement qui accueille les enfants d’âge primaire, enfin de classe primaire ! Dans les pathologies, il y a des enfants avec un handicap de naissance, des maladies orphelines, des troubles des apprentissages, des maladies génétiques, des traumatismes crâniens. Quels types de thérapie protocolisée vous arrive-t-il de mettre en place, lesquelles et comment les réalisez-vous, comment organisez-vous la mise en place du protocole ? Alors c’est la contrainte induite, c’est sur 2 enfants, un enfant de cinq ans… deux enfants avec un handicap de naissance de type hémiplégie, donc un enfant de cinq ans et un enfant de deux ans. Le premier, celui de cinq ans, c’était en place pendant les séances de rééduc, kiné, ergo et un peu sur le jardin d’enfants. Et l’autre c’est pour le moment beaucoup plus sur les séances de rééduc et pas forcément sur les autres structures. Sur quelle demande avez-vous mis en place cette thérapie ? C’est moi, enfin c’est l’équipe de rééducateurs on va dire. Comment avez-vous organisé le protocole dans le sens où c’est auprès d’un très jeune public ? Quelles particularités avez-vous pris en compte ? On a utilisé comme contention une sorte de chaussette sous le bras, attachée autour de la taille, pour les deux. Pour le premier sous ce modèle là et pour le deuxième on débute et là c’est moi qui tiens le bras. Par contre celui de cinq avait peu de capacité du côté du bras hémi avec une négligence dans l’utilisation de ce bras. Et pour le plus jeune c’est une très très grosse négligence du côté atteint avec aucune utilisation de son bras mais avec des capacités, plus que dans le premier. Le premier marchait et le deuxième ne marche pas. Pour le deuxième c’est qu’en séance donc lui tenir le bras c’est le moyen le plus simple que j’ai trouvé. Alors soit je lui bloque sa main, soit je lui mets sous son pull. Et je pense lui faire un système de t-shirt avec un côté fermé pour qu’il n’enlève pas sa main. Les séances durent trois quart d’heure 1 fois par semaine et je n’ai pas de date précise d’arrêt de la thérapie. Si j’en viens aux difficultés, quand l’enfant marche, celui de cinq ans c’était ça, et qu’il n’a pas de réactions parachutes, quand il marche, il marche doucement et n’a pas forcément de moyen de compensation, quand il réussit à avoir une marche à peu près fonctionnel mais que les réactions parachutes ne sont pas encore bien stables, on ne fait pas la contrainte parce que s’il tombe il ne peut pas se retenir. Déjà ils ont mis du temps à marcher en général, et que quand ils marchent ils le font d’une manière plus ou moins équilibrée, avec des chaussures orthopédiques plus ou moins volumineuses, … ce n’est pas que ça fait quelque chose en plus, mais s’ils tombent ils tombent d’un bloc avec la contrainte et ça c’est notre limite à nous. Donc avec le petit de deux ans qui ne marche pas mais se déplace sur les fesses en utilisant … en projetant ses jambes en avant et il utilise son bras sain pour s’aider, du coup si je lui bloque son bras il ne peut plus utiliser son bras sain il ne peut plus contrôler son hypotonie donc c’est pour ça qu’on se demande si on lui met continuellement ou pas. Moi je suis régulièrement au jardin d’enfants et donc quand il est au jardin d’enfants je lui bloque continuellement son bras, après il n’aime pas du tout : quand il me voit il pleure maintenant. Comment gérez-vous justement les réactions de l’enfant face à la thérapie ? Alors s’ils pleurent, s’ils regardent avec des gros yeux… s’ils essaient de dégager continuellement leur bras…s’ils sont grands en fait, j’ai remarqué ça, parce qu’en fait maintenant que j’y pense je l’ai fait avec un enfant de huit ans, qui lui essayait continuellement de dégager son bras, il était plus occupé à essayer de dégager son bras qu’à avoir un intérêt pour le reste ; en fait l’enfant, s’il n’a pas d’intérêt pour ce qu’il fait, il n’aura pas envie d’utiliser son bras atteint. L’enfant ne rentre pas comme l’adulte dans un travail pour récupérer sa main et tout ça. Comme c’est un handicap inné, enfin ils sont nés comme ça « mon bras il est comme ça et puis c’est tout » comme s’il s’en rendait moins compte, qu’il était moins gêné. Comment suscitez-vous l’intérêt de l’enfant ? Alors ça c’est compliqué…par des jeux. Ça va être par des constructions, par des…suivant les capacités, là le tout petit c’est par des jeux où il faut tourner les objets qui font du bruit, de la musique,… ce n’est pas du tout sur des activités de vie quotidienne, ça ne marche pas, en tout cas moi ça marche pas, je n’ai pas plus d’expérience que ça. Le protocole, de ce que j’ai lu, c’est vraiment des temps précis par jour, des durées, c’est sur toutes les activités alors que nous c’est ciblé, je vais essayer de susciter son envie et de bloquer son bras suivant son envie, parce que s’il n’a pas envie ça sert à rien. Celui qui a deux ans en ce moment c’est ça, quand je lui bloque le bras, il ne fait plus rien, on en est à un point-là, mais je n’arrête pas parce que je me dis que ça va changer que ça va revenir et je vois que son bras a des capacités quand même ! Il y a une forte négligence ! Aujourd’hui la discussion que l’on a c’est est-ce qu’on augmente le temps pour que ça soit plus généralisé ? Est ce qu’on doit le contraindre quand il se déplace au sol, ou est-ce que l’on continue comme ça ? En fait il fait des choses en contrainte induite qu’il ne fait pas du tout autrement. Là j’obtiens une main d’appoint. Dès le début on observe des résultats en fait. Suivant les enfants, parce qu’on ne les a pas tous les jours, on peut impliquer la famille ou pas suivant les familles en fait. Suivant l’envie qu’ils ont, le regard qu’ils ont, … suivant le milieu social et culturel, sans que ce soit péjoratif, certains parents vont être très investi parce qu’ils comprennent à quoi ça sert, ils comprennent l’intérêt… d’autres moins parce qu’ils ne comprennent pas l’intérêt. Donc c’est à nous de leur présenter l’intérêt avant de leur demander de le faire. Après ce n’est pas des explications « rationnelles » avec les enfants, enfin avec un enfant de deux ans c’est des explications à un enfant de deux ans. Donc c’est pendant que je contrains et ce n’est pas une explication théorique de la pratique. Après face aux difficultés, on garde la base de la contrainte induite et face aux événements on adapte la thérapie. La différence quand même que l’on perçoit avec les adultes, c’est que l’enfant ne voit pas l’intérêt de récupérer sachant qu’il est nait comme ça et il se débrouille très bien comme ça, il ne voit pas vraiment l’intérêt thérapeutique de la thérapie, je crois. Pour les enfants où le trauma est acquis, l’enfant perçoit la thérapie différemment déjà, l’envie de récupérer n’est pas la même, les réactions sont différentes, on se rapproche plus d’une thérapie comme chez les adultes. J’ai eu le cas avec une enfant plus grande qui a eu un AVC, la contrainte est seulement en séance. On peut plus facilement lui expliquer, parce qu’elle est plus grande déjà, et elle a ce regard d’avant. Du coup, elle le fait vraiment plus volontairement et les exercices proposés sont plus analytiques. Là ce n’était vraiment pas le handicap de naissance. Ça se rapprochait plus d’une rééducation adulte mais c’était seulement en séances…pourquoi ne pas laisser comme les adultes toute la journée ? Je ne sais pas…comme elle a récupéré de cette manière on a laissé comme ça. Là on était vraiment dans un objectif de récupération. Vous donnez-vous des limites aux adaptations? Est-ce qu’il y a des paramètres que vous vous autorisez à modifier et d’autres non ? Je me souviens de durée de semaine dans les protocoles ou de choses comme ça assez précise mais on ne fait pas une semaine avec, une semaine sans... On n’a pas de durée dans la journée non plus, on cherche quelque chose d’efficace, qui donne des résultats mais qui ne soit pas contraignant pour l’enfant et sa famille. Et puis sur un enfant qui mange tout seul aussi, on ne le contraint pas au moment des repas, comme on est en essai d’acquisition de l’autonomie et que le repas fait partie du développement de l’enfant, on préfère maintenir cette autonomie au repas. Y avait-il, en ergothérapie, d’autres moyens mis en place en parallèle ? La contrainte induite n’est pas utilisée avec les autres professionnels, ils ont leur rééducation avec les autres professionnels, kinés, psychomotricienne,… qui eux n’utilisent pas la contrainte. Et en ergothérapie, c’est le seul moyen utilisé pour ces enfants lorsque c’est fait. Annexe n°4 : Retranscription de l’entretien avec Ergo 3 Durée de l’entretien : 20 minutes Quels types de thérapie protocolisée vous arrive-t-il de mettre en place, lesquelles et comment les réalisez-vous, comment organisez-vous la mise en place du protocole ? Alors il n’y a pas de protocole établi, nous on n’utilise pas de protocole adulte ou enfant. Avec les enfants c’est quand même plus compliqué qu’avec un adulte. Moi j’ai mis en place la thérapie miroir et la contrainte induite. La thérapie miroir c’était pour un jeune traumatisé crânien de 17 ans, accidenté de la route, pour récupération du membre supérieur gauche, donc voilà je le faisais travailler avec un miroir pour essayer de récupérer au niveau cortical. Sur quelle demande avez-vous choisi ce moyen de rééducation ? Est-ce vous qui avez choisi ? C’est moi qui ai décidé après un travail en bimanuel pas forcément efficace et c’était en réponse à la demande du patient qui avait vu ça quelque part et voulait essayer. Et j’ai fait la contrainte induite pour une petite de 4 ans, souffrant d’une hémiplégie post-avc. A 4 ans de demander à une enfant de ne pas se servir du membre sain et de se servir de celui qui est plus embêtant c’est compliqué. Donc c’était vraiment une contrainte, le mot est bon, c’est la contrainte de bloquer le bras sain pour l’obliger à utiliser le bras atteint mais il y avait une récupération motrice très intéressante. Du coup c’était utilisé seulement en séance et aussi parce qu’elle n’avait pas de réactions parachutes. Quelles difficultés avez-vous rencontrés et comment les gériez-vous ? A 4 ans elle ne comprenait pas l’intérêt de la thérapie et de la complexité des exercices. Un enfant de 4 ans n’a pas la maturité pour se projeter dans l’avenir et pour comprendre ce à quoi ça va être utile après. Donc l’âge fait que c’était très compliqué. Comment était organisé les séances ? C’était des séances de 45 minutes mais elles ne duraient pas forcément 45 minutes car c’était très couteux. Au départ, les préhensions et les coordinations étaient compliquées du fait de sa déficience mais également au niveau du schéma corporel et de la motricité dont la maturation n’est pas aboutie. Donc il faut tenir compte de cette autre difficulté qu’elle n’est pas coordonnée à 4 ans et qu’elle ne peut pas l’être. Donc on faisait au moins 30 minutes en contrainte, et après on travaillait en bimanuel, pour éviter aussi la frustration. Le dernier quart d’heure elle choisissait son jeu, et finalement ça faisait aussi travailler son membre supérieur gauche, quand elle prenait des jeux où il fallait bouger des petits bonhomme dans une ferme, spontanément elle utilisait plus ou moins sa main gauche. J’ai choisi ce système de donnantdonnant en lui faisant la thérapie puis en lui laissant après choisir, pour garder sa motivation, son envie de faire et qu’il ne se trouve pas tout le temps frustré. Avec celui de 17 ans, je pouvais faire trois quart d’heure de miroir parce qu’on avait un vécu derrière, il savait bien vers quoi on tendait et je pouvais m’appuyer là-dessus parce que c’était sa demande de pouvoir récupérer. Du coup on travaillait aussi avec des jeux : il devait regarder le jeu à travers le miroir. Le jeu et le travail sont ainsi liés, la problématique était déplacée. En fonction de son état de fatigue, les jeux étaient choisis au jour le jour. Ce côté ludique vous l’avez intégré d’emblée dans ces thérapies ? Oui, directement le côté ludique a été intégré sinon la lassitude apparaît beaucoup plus vite. Comment gérez-vous les réactions de l’enfant ? En général ça se passe bien. Avec la jeune fille le contrat thérapie par contrainte-récompense fonctionnait bien, d’avoir posé un cadre au début ça la motivait. Ça lui permettait de se projeter et de savoir qu’il y aurait au final un temps pour faire autre chose. Dans quels objectifs adaptez-vous la thérapie? Pour correspondre au patient, les contraintes du protocole adultes sont trop importantes. On n’a pas été cherché un protocole enfant non plus parce que la façon dont j’utilise moi cet outil apporte des résultats. Je recherche plutôt du fonctionnel et pas de l’analytique donc c’est peut-être pour ça que je n’ai pas suivi le protocole où les gestes sont très analytiques, et ils le font déjà en kinésithérapie. Et la contrainte induite toute la journée c’est trop long et trop frustrant. Quelles particularités vous pose le public d’enfant ? Le niveau de maturité cérébrale, de l’âge, de l’état de fatigabilité, on s’adapte à chaque pathologie. On s’adapte à l’enfant, voir comment il réagit, comment il s’implique. Je ne crois pas qu’il y a un standard, on garde les bases, la contrainte et le miroir mais après on adapte en fonction de qui on a en face, en fonction de comment il s’implique. Comment mesurez-vous les effets de ces thérapies ? Quels résultats avez-vous ou supposezvous avoir obtenus ? Avec la contrainte induite ça dépend de la pathologie mais pour la petite fille, on a eu une bonne récupération, une récupération d’un automatisme d’utilisation du membre supérieur. Pour le jeune, la thérapie miroir n’a rien donné de plus du fait du contexte neurologique, une ébauche de récupération est peut être nécessaire. Après peut-être qu’on n’a pas eu assez de temps pour le faire. On faisait 1 ou 2 fois par semaine on faisait la thérapie miroir, et je gardais la troisième séance pour travailler les fonctions exécutives et les activités de vie quotidienne. Pour la jeune fille, on fait uniquement contrainte induite, réalisée en ergothérapie. Annexe n°5 : Retranscription de l’entretien avec Ergo 4 Durée de l’entretien : 1 heure Pouvez-vous faire une présentation du service ? C’est un service d’ergothérapie qui est divisé en deux, un côté IEM 13 et un côté sanitaire, moi je suis à 65% sur l’IEM et 25% sur le sanitaire. Le nombre d’enfants pris en charge je ne sais pas exactement, à l’IEM, ils doivent être 50 enfants et au sanitaire, à peu près 30. Il y a de l’internat de semaine, des hôpitaux de jour et quelques prises en charge extérieures. Les prises en charge en ergothérapie représentent à peu près entre 1 et 3h par semaine pour l’enfant, 3h étant assez exceptionnelle maintenant, parce que les enfants sont assez peu vu finalement au cours d’une semaine. On accueille des enfants de toutes pathologies, beaucoup de paralysés cérébraux, un peu de traumato, des myopathes, des brulés, des traumas crâniens, des enfants avec une maladie dégénérative, c’est vraiment très large. Quels types de thérapie protocolisée vous arrive-t-il de mettre en place, lesquelles et comment les réalisez-vous, comment organisez-vous la mise en place du protocole ? En général, je ne pense pas qu’on ait beaucoup de protocole, c’est très individualisé plutôt et adapté à chaque enfant. La contrainte induite, on l’a mise en place il y a 3 ans. Il y a un protocole différent pour les prises en charge de l’été, des jeunes qui sont pris en charge habituellement en SESSAD14 et viennent uniquement pour 1 semaine. Et le protocole pour les enfants de l’IEM est pour des jeunes qui sont en accueillis de jour ou en internat et, dans le cadre de la thérapie, pris en charge de façon particulière pendant 15 jours et à peu près 1 fois par an. Ça ne concerne pas du tout tous les enfants, on en a à peu près six ou sept qui peuvent entrer dans ce protocole. Comment ça s’est organisé ? Qui est-ce qui a mis en place ces protocoles ? C’est vraiment un travail d’équipe. Et sur ces protocoles, il y a vraiment un travail kiné-ergo, beaucoup plus important que sur d’autres thèmes, je trouve que sur la contrainte induite il y a vraiment beaucoup de collaboration, beaucoup plus que sur d’autres choses comme les installations qui vaudraient également le coup de travailler en équipe. Au début une petite équipe de 3 à 4 personnes, kinésithérapeutes et ergothérapeutes avec un médecin qui était 13 14 IEM signifie Institut d’Education Motrice SESSAD est le sigle de Service d’Education Spéciale et de Soins à Domicile motivé, aujourd’hui qui est parti et revient que dans 6 mois. Donc dans l’ensemble le protocole a été mis en place par les kinés et ergos. Pouvez-vous me définir ce protocole ? Donc on a 15 jours de prise en charge, avec port d’écharpe 6h par jour minimum, sur la première semaine et le début de la deuxième semaine. Après l’écharpe est enlevée, on passe à de la rééducation bimanuelle. Sur les 15 jours il n’y a pas de week-ends compris, c’est 2 fois 5 jours. Il y a 2 séances de rééducation par jour : une séance d’ergothérapie et une séance de kinésithérapie. Pour 3 jeunes pris en charge, il y a 3 ergothérapeutes toujours présentes avec les jeunes parce qu’on a vraiment besoin de guider chaque jeune sur les exercices. On s’est rendu compte sur les tous premiers groupes que certains avait du mal à dire que c’était difficile, puisqu’ils étaient en groupe, ils n’étaient pas forcement encadré par un nombre suffisant de professionnels, et on a eu un souci de tendinite au niveau du biceps pour une jeune fille. Du fait d’être en groupe et avec toute l’émulation qu’il y avait, elle n’a pas pu nous dire qu’elle avait mal et puis elle avait une motivation très très forte, elle avait la volonté d’aller au bout. Et on s’était dit que là, si on avait pu être un peu plus en individuel au sein du groupe, elle aurait pu nous dire qu’elle avait mal, que c’était difficile. On s’est rendu compte qu’il fallait être très très présent, ça demande beaucoup d’efforts pour ces jeunes, donc il faut être vraiment attentif. Suite à ça, le nombre de professionnel a changé, en fait on est vraiment 1 pour 1. Pour le planning, il se fait en concertation avec tous les intervenants. Avec les instituteurs car au moins une semaine de thérapie est pris sur le temps de la scolarité. On essaie de mettre à cheval sur les vacances, donc une semaine sur les vacances et une semaine sur la scolarité mais ce n’est pas toujours possible. Par exemple le groupe en février ce n’était que sur la scolarité pendant les deux semaines… Une réunion avec les instituteurs, les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, un médecin et le personnel des pavillons, aide médico-psychologique, aide-soignante, est organisé, et on parle des objectifs de chaque jeune, et de l’organisation des prises en charge, car une réorganisation des plannings des professionnels est nécessaire, savoir où placer les séances de rééducation, qui sera disponible à ce moment-là. On est obligé d’annuler certaines prises en charge pour ça. Ça se fait vraiment en commun et c’est très important car les instituteurs et gens du pavillon peuvent prendre conscience de ce que ça représente pour les enfants, de ce qui se fait à ce moment-là, de l’objectif du jeune. Cette manière d’organiser permet que tout le monde se sente concernés par cette rééducation et que les jeunes se sentent soutenus. C’est ça qui ressort c’est qu’il y a toute une équipe qui a les mêmes objectifs au même moment. Par rapport aux bilans, les bilans sont fait avant et après, et normalement 3 mois après. On a un bilan kiné-ergo, beaucoup inspiré de Tardieu, avec des épreuves en plus, comme le box and block, qui sont des tests quantifiés. Il y a beaucoup d’épreuves que l’on filme, comme ça on voit les mêmes choses au même moment avec les kinés. Ça sert aussi pour montrer aux jeunes ses progrès, c’est motivant. Parce que même s’ils arrivent à voir qu’il y a des progrès au quotidien, on peut montrer qu’il y a plus de cubes, que c’est plus rapide, que le geste est plus délié. Et ce qu’on fait depuis peu c’est des tests étalonnés, que l’on teste un petit peu en ce moment, parce que par exemple l’évaluation de l’utilisation fonctionnelle spontanée en bimanuelle nous parait très intéressante mais d’autres choses nous paraissent moins utiles. Au niveau du protocole, quelles particularités vous pose ce public d’enfants ? Qu’avez-vous pris en compte chez l’enfant ? Je ne me suis jamais posée la question. Je pense quand même le fait que l’on se soit rendu compte qu’il fallait être très présent parce que c’est relativement lourd d’être moins autonome au quotidien. Un adulte aurait peut-être plus de recul par rapport à ça. Mais on s’adresse quand même à des grands ados. On insiste beaucoup sur les objectifs, c’est très concret : savoir-faire sa queue de cheval seul, utiliser un rollator, participer activement aux transferts,… On insiste beaucoup sur les objectifs liés à des activités du quotidien, par exemple le bilan kiné-ergo commence par : Par quoi es-tu gêné au quotidien ? Qu’est-ce que tu aimerais améliorer en faisant la contrainte induite ? Pour que le jeune sache vraiment pourquoi il travaille. Surtout qu’on est à l’IEM, il y a normalement plus vraiment de rééducation pure et dure, et il se trouve que c’est plus les jeunes de l’IEM qui bénéficient de la contrainte induite et c’est justement parce que c’est des choses très concrètes que l’on veut améliorer, c’est réussir à faire sa queue de cheval pour Andréa, arriver à utiliser un rollator pour un jeune qui a du mal à positionner son poignet, pour Rebecca c’était participer un peu plus aux transferts, être un peu plus à l’aise au niveau membre sup pour prendre plus d’appui,…Un autre jeune était sur le point de quitter l’IEM et donc il avait des objectifs un peu plus liés à son avenir à moyen terme. Arriver à lacer ses chaussures… J’entends qu’il y a donc un critère d’âge… Pour ces protocoles oui. Pour les protocoles de l’été c’est différent, mais pour les enfants de l’IEM on est quand même sur des ados. Je pense que c’est à cause de la population parce que les enfants arrivent sur l’IEM vers 10 ans. Pour les tous petits, il y a un protocole totalement différent, parce que je pense qu’il n’y a pas assez d’enfants pour faire un groupe. La contrainte est là incluse dans les séances de rééducation : pour JOUER avec sa main dans la chaussette ; l’objectif est de lutter contre l’exclusion du membre hémiparétique. Ma collègue a deux petits en séance de rééducation par contrainte, je ne pourrais pas en dire plus. Avez-vous à gérer des difficultés avec les enfants sur leur comportement, l’acceptation de la thérapie, la motivation,…? On s’assure de leur motivation, avant de faire le choix des trois jeunes qui participeront, on en parle ensemble avec les différents professionnels du quotidien pour commenter si c’est utile, à priori c’est utile mais est ce que le jeune est vraiment prêt à se lancer là-dedans ? Parce que ça demande énormément d’efforts. Même si on met des choses en place pour qu’il y ait une émulation de groupe, il faut déjà une bonne motivation au départ. On prend le temps d’en parler avec le jeune, de présenter la contrainte induite…ça peut être 6 mois à l’avance, est ce que tu sais ce que c’est la contrainte induite ? Qu’est-ce que tu en sais ? Est-ce que ça pourrait t’intéresser ? Après par rapport à ce que l’on fait pour garder la motivation des enfants : les séances de rééducation se font avec des exercices personnalisés, ils sont déterminés en fonction du bilan kiné-ergo pour cette partie-là, bilan qui va nous permettre de déterminer les objectifs en fonction de l’objectif des jeunes. Les bilans autres vont permettre de mesurer les progrès. Des exercices personnalisés qui sont fait avec tout le monde en même temps mais chacun ses exercices propres avec une fiche pour chacun, avec des exercices différents en kiné et en ergo. Les exercices en ergothérapie sont plus sur les parties distales du membre et en kiné c’est plus en proximal. Pourquoi ce choix de faire les exercices en groupe ? Pour l’émulation. On a déjà eu une expérience avec une jeune fille qui était seule et pour qui ça a été vraiment très difficile, elle a trouvé ça très très ennuyeux malgré sa motivation. Et là ils disent tous que c’est très important d’être en groupe. Il y a le fait d’être en groupe, d’avoir des activités de rééducation, un peu répétitifs et il y a également les repas qui sont pris en commun avec au début deux ergos les deux premiers jours pour mettre en place les aides techniques nécessaires, et l’installation, parce que les repas sont pris en contrainte, et ensuite on s’arrange pour faire un roulement kiné-ergo pour les repas. En fin de première semaine, il y a une activité repas qui est organisée sur un thème…ah oui il y a aussi un thème fil rouge, là c’était le thème de l’amour, on avait des jeunes filles très amoureuses ! Et ça sa sert de fil rouge pour les quinze jours donc le repas est fait selon ce thème, avec des toasts en forme de cœur, des petits gâteaux avec des petits moules en forme de cœur, on choisit le menu en fonction du thème et de ce qu’elles avaient envie de faire et après le repas est vraiment fait par elle aussi en contrainte. Et à partir de la deuxième semaine elles commencent les activités manuelles, sur le temps ergo, toujours sur le même thème. Là elles ont fait le cœur accroché en ergo où l’on peut accrocher des photos, là ça permet en mono-manuel de travailler le ponçage, la peinture, la mosaïque et puis après en bimanuel elles ont fait des tresses pour l’accrochage des photos. Le thème, ça permet sur quinze jours de garder une motivation entière. Sur le premier temps, la rééducation est plutôt analytique, sur des supports qu’on connait. On a une fiche qui recense tous les exercices que l’on a trouvés pour l’instant et l’on surligne pour chaque jeune les exercices qui sont choisis. Et la fiche est accrochée au mur comme on est plusieurs ergo. Pour le repas qu’elles ont fait à la fin de la première semaine, tout le monde est invité, les instits viennent, les éducs… on se retrouve tous dans la même cuisine et on mange en écharpe, comme ça tout le monde est sur un même pied d’égalité. Et puis il y a les commentaires de chacun qui dit : « waouh ! chapeau parce que moi après 1h j’ai déjà mal, j’ai chaud sous l’écharpe,… » Et à la fin des quinze jours, on fait une cérémonie de remise des diplômes pour maintenir la motivation, déjà des brochettes de bonbons sont faites en bimanuel par les jeunes et qu’elles vont distribuer en service kiné où la cérémonie se déroule. On leur remet un diplôme avec une observation personnalisée et là elles ont le droit d’enlever et de jeter leur écharpe. C’est un moment très convivial, parce que les instits viennent aussi. Après on fait les jeux qu’elles ont le plus aimé, qui font travailler la précision du geste, qui sont assez rigolos, c’est un moment assez joyeux, convivial, où elles sont bien mises en valeur. Au niveau de l’équipe, ça génère quelque chose, kiné-ergo c’est certain, et ce qui est vraiment nécessaire c‘est que tout le monde soit investi, parce que pour certains collègues c’est trop dur cette méthode, une idée de torture, donc il ne faut pas qu’il y ait ce genre d’esprit dans l’équipe qui s’occupe du jeune. Il faut que tout le monde aille dans le même sens, les jeunes se sentent portés, ils apprécient. Tout ce qui se fait autour de cette technique-là compte presque autant que l’objectif lui-même pour certains jeunes. C’est un moment vraiment pour eux et puis il y a une certaine monotonie, ça fait 15 ans qu’ils sont en rééducation, là il se passe quelque chose de précis c’est un peu comme un stage intensif, ils apprécient. Quels résultats supposez-vous avoir obtenu ? Pour ceux qui ont des capacités mais une sous-utilisation du membre supérieur au quotidien, ça marche très bien ! Ça marche très bien mais les effets s’amoindrissent au bout d’un an. On n’a pas tant que ça de recul mais pour plusieurs on a déjà reproposé. Astrid a déjà dû faire 3 séjours… Donc il y a des progrès évidents dans l’intégration du membre sup, après aussi au niveau de la précision et de la fluidité, beaucoup de jeunes parlent de ça. Par rapport à la sousutilisation au quotidien, les parents sont de bons observateurs aussi, il y en plusieurs qui nous disent que, après la contrainte induite, le membre est moins sous la table… Les familles ne sont pas tant que ça impliquées, elles sont mises au courant évidemment mais on n’a pas de questionnaire… on en a un d’activité du quotidien mais on l’a très peu utilisé. En fait les commentaires que l’on a c’est au moment des consultations tous les 6 mois. Après sur les objectifs plus précis, faire sa queue de cheval, lacer ses chaussures,… Il y a des objectifs qui sont atteints comme ça aussi, il y a vraiment des améliorations concrètes. Il y a de l’enthousiasme pour recommencer, on nous le réclame. On a juste un jeune homme qui n’avait pas envie de refaire, il était dans un groupe avec deux filles et il était souvent en retrait. Il trouvait ça trop difficile d’être moins autonome, on enlève quand même l’écharpe aux toilettes, on n’impose pas qu’il y ait quelqu’un pour aider si l’enfant est autonome, mais il acceptait mal d’être moins autonome au quotidien. A ce moment-là on était sur un protocole de trois semaines et ça devait être trop long pour les jeunes et les professionnels. Est-ce qu’il y a eu d’autres changements que la durée ? On a intégré du bimanuel dû à des études, avant il n’y avait que du monomanuel. Les adaptions concernent surtout l’objectif très personnalisé et l’émulation de groupe, nécessaire pour les enfants je pense, et puis le thème commun, et le résultat accroché au mur avec des photos sur des grands panneaux avec le thème et les dates. Ça compte qu’il y ait un résultat que tout le monde puisse voir et qui montre qu’elles ont du mérite. Y avait-il, en ergothérapie, d’autres moyens mis en place en parallèle ? Non, les sorties extérieures programmés au sein de l’IEM étaient également annulées pour ces jeunes, c’est vraiment réorganisé autour de la contrainte induite.