Une comédie romantique
Il y a dans cette histoire une simplicité de ton et d’intention qui lui donne une
pertinence singulière en même temps qu’elle éveille en nous le retour au rêve et
au romantisme. On peut la comparer à « l’enchantement » dans lequel nous
plongent les contes de fées, où les héros doivent se battre pour atteindre une
vérité à peine cachée mais qu’ils ne peuvent voir parce qu’ils ne savent pas
regarder.
On peut parler de romantisme, au sens que lui donnait Baudelaire : « Qui dit
romantisme dit art moderne, c’est-à-dire intimité, spiritualité, couleur,
aspiration vers l’absolu ». Sa thématique et son écriture sont en tout cas
baignées de l’esprit romantique dans lequel l’amour est magnifié, théâtralisé, mis
en scène et surtout vécu dans sa gestation fantasmée, bien plus que dans sa
concrétisation ou son aboutissement. Ici, l’amour se construit davantage par
l’échange épistolaire qui nourrit le rêve, que par l’échange de caresses ou de
baisers fougueux. On peut même dire que l’attirance physique des amants
n’existe pas, puisqu’ils ne se sont jamais rencontrés, du moins le croient-ils.
En réalité, Mademoiselle Balazs et Monsieur Horvath, les deux personnages
autour desquels tourne l’intrigue, attendent tout de la rencontre physique à
venir. Ils en rêvent, la subliment, la cajolent en imagination par leur échange
épistolaire anonyme. Aucun des deux ne voit que l’être recherché est face à eux
et chacun se réfugie alors derrière une idée préconçue de l’être idéalisé. Tous
deux sont comme aveugles et fantasment dans une construction abstraite de
l’amour. Et dans cette obstination à ne pas voir (ou peut-être ne pas vouloir
voir), l’orgueil de chacun empêche aussi la rencontre sincère.
Dans cette histoire, le couple amoureux se forme sans savoir que leurs disputes
quotidiennes sont l’expression métaphorique du mur qu’ils ont eux-mêmes bâti
pour ne pas se voir, ce mur qu’ils doivent franchir pour se découvrir ; et leurs
chamailleries puériles tissent inexorablement leur amour futur. Ils nous donnent
l’image d’un amour rêvé, fantasque, idéal et nous montrent que l’amour se cache
toujours où l’on ne le cherche pas.
Cette comédie au parfum de romantisme est pour nous un pur écrin de rêve et
de tendresse. Son principe est simple et l’auteur utilise les mêmes ressorts
que Shakespeare dans La mégère apprivoisée ou Goldoni dans La
Locandiera : on perçoit rapidement le dénouement, mais on veut
absolument voir les deux protagonistes se disputer. Comme si l’amour ne
devait naître qu’après avoir durement bataillé.
Invraisemblable mais crédible, excessive mais raffinée, universelle et
indémodable, l’intrigue de La Parfumerie est la pierre angulaire de l’histoire de la
comédie sentimentale raffinée.