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La Parfumerie
de Miklos Laszlo
Traduction française d’après l’adaptation de E.P. Dowdall du texte anglais de
Florence Laszlo de la pièce hongroise « ILLATSZERTAR »
par Sylvie Sachet-Giry et Edith Menuel
Théâtre Alchimic
du 12 au 31 janvier 2016
Une production du THEATRE AD HOC
Une mise en scène de Michel Favre
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Préambule
Il y a dans notre imaginaire collectif et individuel toutes sortes de fables sur
l’amour, ou la quête de l’amour. Celui qui se cultive avec patience, confiance et
persévérance, mais aussi celui qui jaillit soudain, sans préparation, cible de la
flèche d’un Cupidon invisible, ou encore celui qui se cache derrière les
métaphores de la forêt ombreuse, de la bête sauvage ou des bonnes fées. Toutes
ces fables sont comme des philtres symboliques destinés à nous décrire et nous
inspirer l’amour.
Dans « La Parfumerie », les amants en herbe croient à un amour sublimé, ayant
la pureté du cristal ; ils se laissent dériver sur le fleuve majestueux de leurs
rêves qui leur chantent les louanges d’un être idéalisé, sans leur laisser voir que
cet être idéal se trouve devant eux, bien en chair et qu’ils le côtoient tous les
jours.
Mais cette fable au parfum de romantisme se situe au cœur d’une tourmente
sociale dans une société en pleine crise financière. Et ce qui domine dans cette
situation, c’est l’instinct de survie, la peur du chômage, les tensions entre les
employés. C’est le temps du « chacun pour soi et Dieu pour tous ».
Avec ce projet, nous proposons que le théâtre se penche sur son passé, se
retourne comme un gant pour respirer et arpenter notre mémoire culturelle,
celle du parcours d’une œuvre protéiforme réinventée sans cesse tout au long
de son histoire, traversant les modes et les langues sans jamais s’éroder, tant
est universelle sa thématique de la quête amoureuse.
Synopsis
L’action de la pièce se déroule autour de la vie des vendeurs de la parfumerie et
de son directeur, Monsieur Hammerschmidt.
Le personnage principal, Monsieur Horvath est amoureux fou, sur le point de se
marier. Le hic, c’est qu’il n’a jamais vu sa fiancée. Ils ne se connaissent
qu’anonymement, car ils poursuivent une correspondance amoureuse. Ils
travaillent pourtant dans la même boutique, ils se font la guerre, se chamaillant
à propos de tout, sans savoir qui se cache derrière leur identité.
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L’extraordinaire parcours de la pièce
La Boutique au coin de la rue, d'après la pièce de théâtre La Parfumerie
(1936) de l’auteur hongrois Miklos Laszlo, quasi inconnu même dans son pays
d'origine, a un destin international depuis près de 80 ans.
Après sa création en hongrois à Budapest en 1937, la pièce fut adaptée en
anglais sous le titre The Shop Around The Corner, et réalisée pour le cinéma
par Ernst Lubitsch. Ce petit bijou cinématographique reste dans les mémoires
comme l'une des plus belles et touchantes comédies américaines des années
1940 qui fut sélectionnée pour quatre Oscars.
The Shop Around The Corner devint un classique de la MGM qui décida, neuf
ans plus tard, d’en faire un musical : In Good Old Summertime. Cette version,
dirigée par Robert Z. Leonard et interprétée par Judy Garland et Van Johnson, fut
pour l’occasion transposée dans une boutique de musique de Chicago. Elle fut
adaptée à son tour en comédie musicale à Broadway en 1963 sous le titre de
She Loves Me, puis à Londres en 1994, enfin à Paris en 2001 sous le titre La
Boutique au coin de la rue, au théâtre Montparnasse dans une mise en scène
de J-Jacques Zilbermann avec notamment Samuel Labarthe. Le spectacle
remporta plusieurs Molières. Puis elle fut reprise en 2010, sous le titre Rendez-
vous au théâtre de Paris, dans une mise en scène de Jean-Luc Revol avec
notamment Kad Merad.
La MGM songea à en tourner une nouvelle version à la fin des années 1960 mais
le projet demeura dans les cartons. La ressortie du film de Lubitsch en salle dans
les années 1980 a aussi connu un véritable succès. Il faudra néanmoins attendre
1998 pour voir la Warner s’emparer de ce script miraculeux et en faire une
nouvelle transposition contemporaine You've Got Mail dirigée par Nora Ephron
avec Tom Hanks et Meg Ryan dans les rôles principaux.
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Une comédie romantique
Il y a dans cette histoire une simplicité de ton et d’intention qui lui donne une
pertinence singulière en même temps qu’elle éveille en nous le retour au rêve et
au romantisme. On peut la comparer à « l’enchantement » dans lequel nous
plongent les contes de fées, les héros doivent se battre pour atteindre une
vérité à peine cachée mais qu’ils ne peuvent voir parce qu’ils ne savent pas
regarder.
On peut parler de romantisme, au sens que lui donnait Baudelaire : « Qui dit
romantisme dit art moderne, c’est-à-dire intimité, spiritualité, couleur,
aspiration vers l’absolu ». Sa thématique et son écriture sont en tout cas
baignées de l’esprit romantique dans lequel l’amour est magnifié, théâtralisé, mis
en scène et surtout vécu dans sa gestation fantasmée, bien plus que dans sa
concrétisation ou son aboutissement. Ici, l’amour se construit davantage par
l’échange épistolaire qui nourrit le rêve, que par l’échange de caresses ou de
baisers fougueux. On peut même dire que l’attirance physique des amants
n’existe pas, puisqu’ils ne se sont jamais rencontrés, du moins le croient-ils.
En réalité, Mademoiselle Balazs et Monsieur Horvath, les deux personnages
autour desquels tourne l’intrigue, attendent tout de la rencontre physique à
venir. Ils en rêvent, la subliment, la cajolent en imagination par leur échange
épistolaire anonyme. Aucun des deux ne voit que l’être recherché est face à eux
et chacun se réfugie alors derrière une idée préconçue de l’être idéalisé. Tous
deux sont comme aveugles et fantasment dans une construction abstraite de
l’amour. Et dans cette obstination à ne pas voir (ou peut-être ne pas vouloir
voir), l’orgueil de chacun empêche aussi la rencontre sincère.
Dans cette histoire, le couple amoureux se forme sans savoir que leurs disputes
quotidiennes sont l’expression métaphorique du mur qu’ils ont eux-mêmes bâti
pour ne pas se voir, ce mur qu’ils doivent franchir pour se découvrir ; et leurs
chamailleries puériles tissent inexorablement leur amour futur. Ils nous donnent
l’image d’un amour rêvé, fantasque, idéal et nous montrent que l’amour se cache
toujours où l’on ne le cherche pas.
Cette comédie au parfum de romantisme est pour nous un pur écrin de rêve et
de tendresse. Son principe est simple et l’auteur utilise les mêmes ressorts
que Shakespeare dans La mégère apprivoisée ou Goldoni dans La
Locandiera : on perçoit rapidement le dénouement, mais on veut
absolument voir les deux protagonistes se disputer. Comme si l’amour ne
devait naître qu’après avoir durement bataillé.
Invraisemblable mais crédible, excessive mais raffinée, universelle et
indémodable, l’intrigue de La Parfumerie est la pierre angulaire de l’histoire de la
comédie sentimentale raffinée.
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Intentions du metteur en scène
Bien plus qu’une simple comédie, cette pièce apparaît comme une fable
caustique sur le comportement humain l’on s'efforce de comprendre
chacun sans épargner personne : flagornerie, servilité, abus de pouvoir
d’un petit patron en bout de course, opportunisme petit-bourgeois, tous
ces travers sont épinglés par l’auteur, masquant le désarroi de chacun,
et engendrant paradoxalement nérosité, tolérance, solidarité et
reconnaissance.
Pudeur des sentiments, maladresses, malentendus, préjugés,
commérages, idées préconçues et quiproquos aident à construire l’action
pour la mener avec efficacité vers son dénouement attendu.
L’intrigue amoureuse n’étant finalement qu’une illustration de la peur de la
solitude engendrée par cette forme d’individualisme qui est notre modèle social.
Les thèmes présents sont d’une actualité déconcertante, aujourd’hui nous
avons le sentiment de plonger dans une crise aussi dévastatrice que celle de
1929.
Avec finesse, mais sans esquiver la profondeur, le texte nous offre de ces petits
moments de bonheur, toujours à notre portée, qui peuplent notre quotidien et
que nous ne savons pas toujours reconnaître.
Tout, dans la mise en scène et la scénographie, par-delà l’histoire romantique et
la situation sociale et économique, doit nous donner la nostalgie de ce
microcosme en voie de disparition qu’est devenue une droguerie de quartier.
Nostalgie de ces petits commerces de proximité se nouent des relations
privilégiées entre les clients et les commerçants et se trouvent les objets
qu’on ne trouvera plus jamais dans les grands centres commerciaux. Nostalgie
de lieux insolites qui deviendront bientôt légendaires… Bref, un véritable espace
de théâtre : Le théâtre de la vie
Nous voulons donner le sentiment que tout, dans cette boutique, est à la fois
évident et incongru. On devrait avoir envie d’y entrer, car c’est un lieu de
rencontre humaine, d’échange, de confrontation.
Les caractères des personnages et leurs parcours sociaux sont suffisamment bien
dépeints par l’auteur pour inspirer aux comédiens et au metteur en scène une
palette de travail riche en couleurs et en reliefs de la psychologie humaine.
Enfin, le plaisir de monter cette pièce c’est aussi et surtout celui de diriger onze
acteurs et actrices dans une comédie aux mille quiproquos aussi drôles que
romantiques en diable sur le lit d’épines de roses de la crise économique et de
l’incertitude sociale.
Une gageure ? Non, un défi !
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