ALTER AVEC LIEN TRAVAIL « Enfin… ». Ce fut le premier mot qui m’est venu à la bouche lorsque j’ai appris que quelques éducateurs, vite rejoints par d’autres travailleurs sociaux, décidaient de se rassembler pour fonder un groupe de réflexion sur le travail social. La première réunion à laquelle j’ai participé (la 3ème du groupe) me confirma que je pourrais peut-être trouver là ce que je cherchais depuis longtemps: un lieu d’échange sur nos pratiques professionnelles, sur nos déceptions communes mais aussi et surtout sur nos espoirs de pouvoir ensemble faire progresser le débat sur le travail social… Les réunions mensuelles du groupe ALTER, ouvertes à tous, se découpent en deux temps: le premier temps est consacré à un échange qui se veut constructif sur le travail social tel que les acteurs de terrain le vivent au jour le jour… Puis en deuxième partie de réunion nous travaillons sur la réalisation d’un bulletin. l’objectif de ce dernier est de répondre à un besoin des professionnels du secteur social de pouvoir s’exprimer librement, à travers l’écrit, en dehors du contexte institutionnel. Dans ce premier numéro, le groupe ALTER a choisi comme ligne directrice de développer le thème de La Rencontre. Le prochain numéro sera lui consacré à la question de l’interculturalité. Alors à vos plumes... Aussi, si comme nous vous avez le désir de partager un moment de réflexion sur le travail social, n’hésitez pas à nous rejoindre (date des prochaines réunions en page 6). EDUCATION RELATION Le groupe ALTER (Avec Lien Travail Education Relation) est issu de la mobilisation nationale contre la "refonte" de la convention collective du 15 Mars 1966 à laquelle de nombreux travailleurs sociaux ont participé, le plus souvent regroupés en collectifs. La manifestation devant les locaux parisiens, le 06 Décembre 2005, où se tenait la commission paritaire chargée de cette refonte, a été l’un des temps forts de ce mouvement. Il s’agissait de lutter contre l'esprit et l'idéologie de cette refonte proposée par les représentants des employeurs et principalement dictée par une logique gestionnaire de réduction des coûts des institutions sociales, éducatives, médico-sociales et d’insertion. Un important regroupement local devant la préfecture du Puy de Dôme à Clermont Ferrand et une manifestation informative et festive le 14 mars 2006, à l’occasion des 40 ans de la CC66, sont aussi venus signifier l’attachement des travailleurs sociaux de la Région à cette convention collective et à l’identité professionnelle des travailleurs sociaux, identité multiforme mais fondée sur des valeurs communes. Les syndicats de salariés sont restés vigilants dans le déroulement des négociations durant l’année 2006. Il semble que celles-ci soient aujourd’hui au point mort mais risquent d’être relancées après les élections présidentielles , dans un esprit, il faut le craindre, toujours autant marqué par la prégnance de l’ultralibéralisme. Le groupe ALTER, initialement issu de ce mouvement, trouve sa spécificité en proposant de mettre l’accent sur ces valeurs communes aux travailleurs sociaux. En témoignant de leurs convictions, en affirmant leurs fondements, il enrichira l’argumentation de leurs positionnements professionnels face aux évolutions et involutions de notre société. Il s’agit pour lui de réfléchir, de questionner, de faire des propositions, face à la dérive marchande du secteur médico-socio-éducatif, face aussi à un contexte de plus en plus sécuritaire, discriminant et producteur d’exclusion. A titre d’exemple, il suffit de penser aux lois sur l’immigration, à celle sur la prévention de la délinquance ou encore au rapport de l’INSERM à propos du dépistage des troubles des conduites des enfants de moins de 3 ans, heureusement non retenu suite à une forte mobilisation nationale fédérée par le collectif « Pas de zéro de conduite pour les enfants de moins de trois ans ». Il semble en effet, qu’après s'être construit sur des valeurs humanistes, notre secteur, ainsi que le discours actuel - va plutôt vers "l'Autre Dangereux"! Comment alors construire un accompagnement si d'entrée l'altérité est dangereuse? Et, quid du lien social? Dès lors, parmi les finalités prioritaires du groupe ALTER, seront exprimées le maintien de la prise en compte d'un sujet et le refus de passer celui-ci à la trappe, aux profits d'objets partiels, et de fait partiaux. Faire savoir et développer la richesse de ceux qui sont au ban de notre monde serait une autre orientation. Ce groupe de travailleurs sociaux pourrait encore permettre de développer la fonction sociale des travailleurs du secteur socioéducatif et faciliter une meilleure expression de leurs rôles dans la société, en terme de transformation sociale en faveur des plus démunis. En outre, ce mouvement pourrait, à terme, constituer un groupe de référence possible pour les travailleurs sociaux qui renforceraient, par leur adhésion, leur sentiment d’appartenance à des identités professionnelles distinctes, complémentaires mais comportant un noyau commun. Il participerait à construire une image des professions socio-éducatives dont l’engagement vise, pour nous, une transformation sociale à travers des accompagnements individuels ou de groupes minoritaires de personnes en difficultés. C’est bien de l’expression des cultures professionnelles qui le constitueraient dont il pourrait être l’interprète. ALTER pourrait également proposer et utiliser tout moyen de diffusion grand public afin de faire évoluer les représentations du plus grand nombre (émission de radio, télévision, Internet, documentaire, diffusion de création artistique provenant du secteur) et contribuer ainsi à une découverte des personnes accompagnées par les travailleurs sociaux. L’un des autres objectifs d’ALTER est aussi de donner à voir les écrits élaborés par des professionnels du secteur, de les défendre et de les promouvoir. Dans l’immédiat, les échanges entre ses participants visent à enrichir leur réflexion afin d’étayer leurs convictions et de contribuer à un projet de société différent. La recherche d’une articulation constante entre les sujets de réflexion propre à nos champs d’intervention et l’actualité sociale et politique anime ses débats auxquels participent chaque mois entre 10 et 15 personnes environ. 2 Loi sur la prévention de la délinquance BREVES Çà y est, la fameuse loi sur la prévention de la délinquance a été adoptée par le parlement le 22 février dernier. Et le Conseil Constitutionnel vient d’en entériner le caractère constitutionnel. Prison pour mineurs Il y aurait tant de choses à dire sur ce qu’entraîne cette loi, comme par exemple: • Le nouveau rôle du maire dans le dispositif de prévention de la délinquance: l’édile a désormais une place centrale dans ce dispositif or, quand on connaît les idées de certains maires, on ne peut que craindre des dérives. • la remise en question du secret professionnel... • ou encore la nouvelle (on ne les compte plus!!!) réforme de l’ordonnance de 1945. Mais un autre point, peut-être moins intriguant de prime abord, attire notre attention: celui lié à la remise en question de l’excuse de minorité, cet élément qui faisait jusque-là que les peines encourues par les mineurs étaient divisées par deux par rapport à celles des majeurs. Avec la loi sur la prévention de la délinquance, l’excuse de minorité disparaît dans certains cas, notamment dans des affaires concernant les mineurs de 16 ans en situation de récidive. C’est en tentant de prendre un peu de recul par rapport à cette question que je me suis demandé dans quelle mesure ce coup porté à l’excuse de minorité n’était pas plus largement une remise en question de la prise en compte du fait d’être un individu en devenir! En effet, si l’on promet aux mineurs les mêmes peines que pour les majeurs, où se trouve alors la prise en compte du fait d’être mineur, donc jeune, donc à un âge où on se construit, où on a besoin de se confronter à des limites, et donc parfois à la loi. En cela l’excuse de minorité n’a pas pour but d’excuser l’auteur mais plutôt de tenir compte du fait qu’il est un individu en devenir, qui continue d’apprendre, parfois en commettant des délits. Aussi, si d’un point de vue pénal on ne fait plus de différence entre ce qu’encourent un mineur et un majeur, pourquoi alors en fait-on au niveau de leurs droits (droit de vote, de conduire, d’acheter certains produits, etc…)? Ainsi, c’est à se demander si à travers la question de l’excuse de minorité, cette loi sur la prévention de la délinquance n’a pas pour volonté d’ôter au mineur le fait qu’il soit un individu en pleine construction. Plus largement que sa simple portée judiciaire, cette loi risque donc de créer un précédent dans la manière dont notre société voit sa progéniture… F.C On vient d’apprendre l’ouverture, pour juin 2007, de la première prison pour mineurs, d’une capacité de 70 places, à Lyon. Actuellement, 30 mineurs sont incarcérés dans la région lyonnaise. Mais pourquoi alors construire une prison pouvant en accueillir plus du double??? Deux hypothèses: soit on attend un doublement de la délinquance juvénile dans les années à venir, soit on compte privilégier la prison comme réponse à la délinquance des jeunes… Nous avons notre idée la dessus! Contre la montre… Selon nos sources, la toilette à l’hôpital, dans un service de gérontologie, en long séjour : 7 minutes pour le lever, la toilette entière et l’habillage ! Qui dit mieux ! 3 minutes pour le repas ! En matière de rencontre, on ne peut faire plus fugace. Mais voilà le résultat d’une pensée gestionnaire sur les pratiques de soin… Sans autre commentaire. Délinquance hyper juvénile... Dépêche de l’AFP du vendredi 22 septembre 2006, 8h30 : Quatre enfants de cinq ans ont été renvoyés de leur école maternelle, à Jonquières (Vaucluse), accusés d'avoir contraint une petite de quatre ans à des attouchements durant la récréation, a-t-on appris jeudi de source judiciaire. Et s’ils jouaient au docteur ! Mais non, il est d’emblée supputé qu’il s’agirait d’une agression. Voilà encore un exemple d’une interprétation paranoïde d’un comportement d’enfant ; C’est un nouvel exemple que la société d’aujourd’hui tend à présenter l’autre comme dangereux. Sous prétexte de réprimer la délinquance sexuelle, afin de couvrir sa responsabilité - ouverture de parapluie oblige ! – la découverte du corps de l’autre devient suspecte même en maternelle ; et si c’était un trouble de la conduite, il faudrait peut-être prescrire un psychotrope à cet enfant en plus de l’exclusion ! 3 « LA RENCONTRE », par E.D. « Je ne demande pas de prières, avec votre confiance seulement, je serai heureux » Arthur Rimbaud Dès mon arrivée, j’ai senti son regard sur moi : regard observateur, interrogateur : qui est-elle ? Comment va-t-elle s’en sortir ? Cette première rencontre était presque comme un test, du moins l’ai-je ressentie de la sorte. J. est une femme de 48 ans. Tétraplégique, elle est totalement dépendante de la personne qui va prendre soin d’elle au quotidien. Quelques minutes s’écoulent à peine et voilà que les membres de l’équipe s’engagent dans de nombreuses explications concernant ses habitudes, les manipulations préconisées et autres façons de faire, ce qu’elle aime ou n’aime pas, quelques traits de son caractère, son passé, son histoire. Voici en somme qu’ils me racontent J. Et elle écoute, elle veille à ce que la vérité soit bien dite et me regarde comme pour guetter la moindre de mes réactions. Si je croise son regard, c’est un sourire compatissant que je crois reconnaître ou des mimiques cherchant à signifier les états d’âmes liés à ces moments racontés. J. sait d’ailleurs rectifier si nécessaire ou rajouter des choses qu’elle pense utile de me faire savoir. Cette rencontre devient alors une véritable « confession ». Inconnue encore il y a 2 ou 3 heures, je m’immisce dans l’intimité de J. Pas forcément très à l’aise, je sais que mes réactions sont observées et qu’elles vont être importantes pour l’avenir de ma relation avec elle. Puis vient l’heure de la toilette, moment où je vais entrer dans l’intimité corporelle de J. Si les changes deviennent une question d’habitude au niveau des gestes, intervenir pour la première fois dans la toilette intime d’une personne reste toujours un instant particulier et délicat. Les soins prodigués lors de cette première rencontre vont donner une image (professionnelle) de moi à la personne et il est donc important qu’elle corresponde au mieux à mon savoir faire mais aussi à mon savoir être. Etre soi-même me parait être primordial pour que l’autre puisse s’y retrouver. Fin de la toilette, J. me sourit. Un sentiment de soulagement et de petite victoire m’envahit : même si tout ne fait que commencer, cela commence plutôt bien ! J. veille toujours sur tous mes gestes et me redit les bonnes manières de faire. Ce qui se joue entre elle et moi aujourd’hui, c’est la recherche de confiance. Suis-je digne de confiance ? Va-t-elle pouvoir compter sur moi ? J’ai encore du mal à me saisir de ses mots. L’équipe la comprend, il ne s’agit donc certainement que d’une question d’habitude…et d’écoute ! ...Il me semble que la communication non verbale trouve ici toute son importance. Grâce à nos autres sens notamment le regard et le kinesthésique, j’ai pu commencer à construire une relation de confiance avec J. : « je ne comprends pas toujours ce que tu me dis mais j’arrive à ressentir (ou au moins en ai-je l’illusion !) que tu es bien, mal, en colère, vexée ou encore intriguée ! » Suite à cette expérience de rencontre avec J., la question de l’empathie se pose alors à moi en ces termes : est-ce que dans la rencontre, ce qui m’est demandé est réellement de «s’identifier» à l’Autre, de «ressentir ce qu’il ressent» tel que le définit le dictionnaire Le Petit Robert ? « L’empathie consiste à saisir avec autant d’exactitude que possible, les références internes et les composantes émotionnelles d’une autre personne et à les comprendre comme si l’on était cette autre personne » nous explique Carl Rogers dans le dictionnaire de psychologie Doron-Parot. [la suite en page 4] 4 Est-ce que l’autre nous demande vraiment de nous mettre à sa place lors d’une rencontre ? Serait-ce d’ailleurs possible ou ne s’agira t’il jamais que d’une illusion ? Ce que J. me demandait lors de cette première journée était, à mon avis, d’être au contraire moi-même, entité bien distincte d’elle mais capable d’être proche, assez proche pour lui prodiguer divers soins. Soins corporels mais aussi mettre du soin à l’écouter se raconter, me dire qui elle est. Mettre aussi du soin à la découvrir et travailler dans un contexte chaleureux qui permettra peut-être l’échange, la création de liens, la relation de confiance, qui tentera de faciliter l’ouverture de l’une à l’autre. Dans les définitions données, l’identification à l’autre me paraît être contradictoire avec le concept d’empathie. Suite à cette expérience de rencontre puis à cette réflexion, il me semble que l’important est bien d’être pleinement soi afin de permettre à l’Autre d’être pleinement lui. Ainsi, nous évitons de rentrer dans ce contexte si délicat de l’affectivité, néfaste, à mon avis, pour chacune des deux personnes. En effet, l’affectivité n’arrive t’elle pas inévitablement dans un contexte identificatoire ? Dans cette expérience, s’ouvrir aux différents champs de la communication, verbale et non verbale, était donc un premier pas vers la création de liens. Beaucoup de choses se sont jouées lors de ce premier contact et ont certainement déterminé la nature de nos liens. Confiance et complicité sont ceux que je crois avoir construit avec J. ou devrais-je plutôt dire : qu’elle m’a permis de construire avec elle car si j’ai travaillé dans ce sens, c’est elle qui a finalement décidé de s’ouvrir à moi ! Mieux que de me mettre à sa place, et malgré des difficultés parfois encore de compréhension verbale, je pense que J. et moi avons parlé le même « langage ». C’est comme cela que nous nous sommes le mieux comprises et que j’ai pu être au plus proche d’elle. Pour ma part, ce fut une très belle rencontre et je ne peux qu’en remercier sincèrement J. E.D. « DE LA RENCONTRE AUX RENCONTRES EDUCATIVES : UN IMPOSSIBLE ? » Faire une rencontre, dans le langage commun, est souvent inattendu. Parfois, on aurait préféré éviter la dite rencontre, parfois, elle renvoie à un événement heureux. Faire une rencontre ce peut être un moment de partage et de gaîté comme un moment de conflit dont l’issue, imprévisible, est crainte ou au contraire espérée. Une ambivalence semble d’emblée habiter la première acception de ce terme. -te, elle demande de l’attente, un effort, de la retenue, ou au contraire du laisser aller, une ouverture, un abandon des résistances. Face à cette première difficulté de la rencontre, comment peut-elle parvenir à prendre un caractère éducatif ? Tenter d’affiner encore la définition de la rencontre paraît donc utile pour mieux cerner la notion de rencontre éducative. La rencontre : poursuite de définitions Faire La Rencontre est une autre expression qui, dans son emploi superlatif, vient comme effacer cette alternative. La Rencontre, amoureuse notamment, peut être longuement souhaitée, rêvée voire idéalisée ou survenir de façon imprévue. La Rencontre possède alors un caractère d’unicité ou est présentée comme telle, avec emphase, pour s’en persuader ou se valoriser dans le regard d’autrui ; être celle ou celui ayant fait La Rencontre. Elle est forcément sereine, harmonieuse, pacifique, chargée d’affects positifs à moins que son caractère passionné la rende plus houleuse. Elle rejoint alors le versant conflictuel évoqué. Quelle rencontre ! Cette forme exclamative pourrait réunir ces deux premières significations tant pour désigner la nature d’une rencontre, bonne ou mauvaise, que pour mettre en exergue son intensité et sa singularité. Enfin, faire des rencontres est l’un des objectifs de beaucoup de soirées festives, de voyages, des vacances, des loisirs. Qu’il s’agisse de trouver l’être cher grâce à des sites Internet spécialisés, au speed dating, ces agences matrimoniales d’un nouveau genre, de se faire des amis ou de découvrir d’autres cultures, chercher les rencontres est le témoin de formes possibles de la socialisation. Faire des rencontres devient ainsi aller à la rencontre. Une dimension active, volontaire distingue ce dernier sens des trois précédents déterminés plutôt par un aspect passif. En outre, il rejoint la définition du substantif rencontre : « action d’aller vers quelqu’un qui vient. Aller à la rencontre de. » . La rencontre est donc exigean- Dans ce registre, le dictionnaire propose aussi d’autres acceptions comme « l’occasion qui fait trouver fortuitement une personne, une chose », mais aussi « le concours, la conjonction ou opposition des corps ». Se retrouve ici l'inattendu et la qualité active de la rencontre ainsi que l’idée d’une adjonction. La rencontre amène de l’excédant ou fait se confronter deux objets, deux personnes. Cette confrontation va même jusqu’au sens d’« un combat imprévu de deux corps ennemis qui se rencontrent ». La rivalité, la concurrence, le désaccord, la mésentente, sont donc bien susceptibles de déterminer une rencontre. A minima, comme le Petit Larousse de 1916, préférait indiquer, une rencontre est « la jonction de deux personnes ou de deux choses qui se meuvent en sens inverse ». A l’époque, l’accent était porté à la fois sur le croisement, la réunion et sur l’antagonisme de la rencontre mais aussi sur « le hasard, l’aventure par laquelle on trouve fortuitement ». Un rencontre serait alors aussi une aventure d’où son attrait, bien qu’elle puisse parfois se révéler dangereuse. A ce point, se rejoignent à la fois l’idée du risque lié aux rencontres et l’idée du gain , d’un produit de la rencontre.Ce gain est encore signifié à travers un autre axe de définition ainsi formulé : « toute espèce d’engagement prévu ou imprévu ». Dès lors, toute rencontre induirait-elle un engagement ? Et si oui, de quelle nature ? Toute rencontre ne nous exposerait-elle pas aussi à un risque ? Le risque de l’autre, de l’étranger et de l’étrange qui vient ébranler nos certitudes ou nous mettre en danger ? Cette tentative pour cerner la notion de rencontre resterait au fond peu intéressante 5 si elle ne permettait pas de réfléchir nos actes éducatifs selon deux axes. D’une part, il est nécessaire de mettre en évidence la nécessité de réfléchir à nos représentations de la rencontre, dans notre vie privée et sur le plan professionnel comme un préalable à l’intervention. D’autre part, tenir le paradoxe entre richesse et risque inhérent à toute rencontre sert de fondement à cette intervention. étant même le témoin d’une crainte face à cette implication. L’étymologie d’impliquer est implicare, envelopper, embarrasser, de plicare, plier. Etre impliqué, c’est en quelque sorte, être « plier dedans ». Il faut donc déplier la relation pour en voir les différentes strates, les lignes de pliages, les faux plis et les bords. Jacques Ardoino, professeur de Sciences de l’éducation, nous dit à ce sujet : Les enjeux affectifs de la rencontre « Il faut se garder notamment de confondre implication et engagement (être impliqué, analyser ses implications ou vouloir s’impliquer). L’engagement est de nature volontaire, idéaliste et humaniste. Il sert le plus souvent de masque à l’analyse des véritables implications. Les implications sont très profondément de l’ordre de l’opaque et de ce qui est subi. Ce qu’il reste possible, c’est d’en entreprendre l’analyse pour les rendre moins aveugles, pour les reconnaître ». Approfondissons d’abord les ressorts des présupposés personnels de la rencontre. C’est à partir de ceux-ci que se forge notre conception de la rencontre. Mais ces présupposés sont eux-mêmes sous-tendus par notre propre expérience de rencontre avec le monde. Selon, les conditions de notre naissance et la qualité de l’édification d’une sécurité affective dans nos relations parentales, la rencontre avec l’autre sera plus ou moins recherchée, évitée, appréciée ou crainte. De même, si les discours éducatifs de notre enfance sont porteurs d’une ouverture à la rencontre ou au contraire s’ils tentent de nous tenir éloigné d’influences extérieures, notre approche de l’autre en sera profondément influencée. Quand on ajoute à cette forme de déterminisme, d’éventuels discours stigmatisants vis-à-vis de telle ou telle groupe de population, la complexité de l’analyse de notre implication dans nos rencontres privées apparaît au grand jour. De même, il est éminemment difficile d’envisager les impacts de ces différents facteurs sur notre conception de la rencontre éducative. Exercer une fonction éducative nécessite pourtant de faire un retour sur notre vécu expérientiel de la rencontre. Ainsi, une véritable élaboration de nos motivations professionnelles peut s’ouvrir. Il faut se demander ce qui nous a poussés vers cette fonction. Est-ce une recherche de continuité avec un climat familial d’ouverture à l’autre ? La défense de valeurs humanistes clairement identifiées ne tardera alors pas à s’affirmer. Dans ce cas, la rencontre sera effectivement envisagée comme richesse et un véritable échange aura lieu. Est-ce plutôt une rupture d’avec un milieu hyper protecteur ? Dès lors, exercer un métier de rencontre pourrait avoir comme finalité latente de se rassurer sur ses capacités à entrer en relation ; les personnes que nous accompagnons étant alors souvent perçues comme plus maladroites que nous-même dans les contacts humains. Est-ce encore, peut-être, pour d’autres, une voie pour rejouer des pans de leur propre histoire et trouver ainsi leur propre équilibre ? La rencontre avec des personnes en difficultés en sera-telle pour autant affectée ? Sa qualité, dénaturée ? Ou, le fait d’en avoir pris conscience, nous permettra-t-il au contraire, de gagner en humilité, pour mieux laisser sa place à l’autre ? Cette introspection me paraît nécessaire à l’exercice des professions médico-socio-éducatives. Elle nous appartient, se déroule en privé, est parfois tardive ou, au contraire, elle a initié ce choix professionnel mais il me paraît difficile d’en faire l’économie, si l’authenticité fait partie des valeurs que l’on défend. Ce devrait être aussi une posture sous-jacente à toute réflexion collective sur nos actes éducatifs, nos pratiques quotidiennes. Qu’y a-t-il de mes propres angoisses, de ma quête de jouissance, de ma propre histoire dans ce qui m’a échappé, là, quand j’ai réagi de telle manière avec telle personne dans telle situation et dont, au fond de moi-même, je ne suis pas très fier ! Ce travail d’analyse des pratiques est constitutif de notre professionnalité. Il est à revendiquer, à défendre, à développer, c’est le lieu privilégié de l’analyse de nos implications. Il est ici nécessaire d’apporter quelques précisions : être impliqué est souvent utilisé comme synonyme d’être engagé. Ce serait comme l’indicateur de la motivation professionnelle. « Lui au moins c’est un éduc impliqué, entend-t-on parfois ! » Il y a une erreur sémantique. En fait, ce dont on veut parler, c’est d’engagement professionnel car tout intervenant est impliqué et ce malgré lui. La distance qu’il adopte dans la relation Il poursuit cette idée en ajoutant que « les bonnes intentions, les engagements explicites ne sont pas exempts de doubles fonds. […] Se vouer aux malheureux ou s’occuper des « handicapés », sans préjudice des effets positifs d’une telle « vocation », peut encore contenir le désir d’affirmation d’une supériorité ou d’une forme quelconque d’exercice d’un pouvoir » Mais il avait aussi réaffirmé et précisé que « les implica- tions sont ce par quoi nous tenons à l’existence et, donc, ce que nous faisons d’important pour nous réaliser. Ce qui les distingue de l’engagement, avec lequel on les a longtemps confondues, c’est, justement leur ancrage dans l’imaginaire. Elles nous sont, de ce fait, toujours, plus ou moins opaques et ambiguës, si ce n’est tout à fait inconscientes, et dépendent, pour devenir effectivement interface entre le réel et l’imaginaire, d’un travail spécifique d’élucidation ». Parvenir à situer les enjeux affectifs des rencontres éducatives nous met donc personnellement en question. Il ne saurait y avoir de réelles rencontres sans entrer dans ce processus d’introspection et de distanciation. L’authenticité, qui me semble une condition de la rencontre, comme évoqué, précédemment, dépend de cette interrogation de nous-même à travers la relation à l’autre. A ce point de la réflexion, il devient plus clair que la rencontre enrichit, qu’elle nous enseigne sur ce que nous sommes tout en nous renseignant sur l’autre. Sa richesse est donc indéniable. Entrevoir cette acquisition d’un savoir sur nous-même est le premier signe qu’une véritable rencontre a eu lieu. Mais ce que l’on découvre peut déplaire, effrayer, horrifier. L’effet miroir de la folie de l’autre nous renvoie à notre propre folie. La violence de l’autre éveille notre propre violence. Le risque à s’engager dans une relation serait donc d’activer trop fortement notre implication et de craindre de ne pas parvenir à l’élucider, donc d’en souffrir intensément. La tentation pourrait donc être d’éviter cette rencontre. Il semble qu’une des finalités de l’action de l’éducateur spécialisé, du travailleur social sera plutôt de tenter de trouver des pistes pour faire face à ces tensions entre une recherche de rencontre profitable pour les deux protagonistes et les risques auxquels cela les exposent. Ainsi posée, la problématique de la rencontre effleure la dimension d’impossible dont elle est, au fond, fortement empreinte. La recherche de postures pour tenter cet impossible fera l’objet d’un prochain article dans le numéro 2 du bulletin d’ALTER. J-Y.S 1- A ce sujet, il est intéressant de constater que l’un des principaux sites de rencontres par Internet se nomme « meetic.fr » évoquant à la fois le verbe anglais « to meet » et, phonétiquement, le terme mythique comme si l’éventuelle rencontre s’élevait au rang du mythe, histoire héroïque, extraordinaire, fabuleuse mais relevant aussi de l’imaginaire. 2 - Le nouveau petit Littré, Editions France Loisirs avec l’autorisation des Editions Garnier, 2005. 3- Le petit Larousse illustré, Editions Larousse, 1916. 4- Le nouveau Petit Littré, ibid. 5-Jacques Ardoino, Les avatars de l’éducation. PUF, 2000, p. 35. 6- Ibid, p.233. 7- Ibid, p.233 6 MUSIQUE : ON A ECOUTE POUR VOUS... AGENDA Date des prochaines réunions du Groupe ALTER: Voilà un extrait de la chanson « Eh connard », de KENY ARKANA, jeune femme de 24 ans, artiste de RAP, altermondialiste, anticapitaliste et révolutionnaire, au passé très difficile. Elle a commencé à rapper dès 1996 pour ses compères des foyers où elle a séjourné. Elle a aujourd’hui 2 albums à son actif, L’esquisse (2005) et Entre ciment et belle étoile (2006). L’ extrait qui suit est tiré de son deuxième album: « Tu t'rappelles quand tu disais que j'faisais partie d'ces gosses qui ne s'en sortiront jamais, intenables et bien trop féroces, Qui salissaient ton centre, tentant d'obéir au doigt et à l'oeil et qui n'avaient que des cendres et un besoin de vivre à 100 à l'heure. Tu t'rappelles, quand tu disais qu' j'atteindrais pas les 16 piges et que j'finirais morte dans un coin de rue où giserais l'âme D'une gosse perdue qu'en avait plus rien à carrer ou un avenir en cellule derrière les barreaux ou chez les tarés Eh connard, Tu t'rappelles quand tu pensais, clamais qu' jétais bonne qu'a fugué, qu'a faire la conne ou a m' défoncer L'exemple à ne pas suivre, celle que les lois haïssaient, pointaient du doigt et qui depuis ses 12 piges n'est plus scolarisé Bref la totale, Tu t'rappelles que quand tu parlais de moi, tu parlais jamais au futur, putain j'en avais marre des fois de toutes ces conneries. Mais regarde, soit pas dégoûté mais j' suis en vie et j'regrette pas de t'avoir jamais écouté ! Eh connard ! c'est à toi qu'j'parle ! Dis moi tu t'reconnais? Directeur de centre et d'maisons d'enfants eh laisse moi rigoler Celui qui sait tout et c'est surtout pour détruire les gamins ou l'espoir des parents, connard personne ne peut prétendre demain Eh connard c'est à toi qu'j'parle ! Et J'ai pas oublié t'inquiète, ni tes coups d'putes, ni tes belles paroles qui finalement raquette. Le peu d'espoir qui reste quand toi tu dis qui y'en a plus. Moi j'm’en fous j't'ai jamais écouté mais ma mère elle t'as cru ! » - le 12 avril 2007 - le 24 mai 2007 - le 14 juin 2007 Toutes les réunions ont lieu au sein de l’UPC, 3 rue Gaulthier de Biauzat, à Clermont-Ferrand. LE COIN DU LECTEUR… Quelques ouvrages vivement recommandés Sophie DUFAU Le Naufrage de la Psychiatrie éd. Albin Michel, 2006 Patrick Declerk Le Sang Nouveau est arrivé, l'Horreur SDF éd. Gallimard 2005 Jean-Pierre GARNIER Le Nouvel Ordre local, Gouverner la Violence ED; L'Harmattan, 1999 August AICHHOM, Jeunesse à l’abandon récemment réédité sous le titre Jeunes en souffrance éd du champ social (2003) PAROLES D’USAGERS Nous publions ici quelques paroles, collectées dans nos structures. Propos recueillis dans l’IME de Patrick A propos d'Eléonore, une éducatrice: « elle est énorme / elle est aux normes ». En parlant de la psychologue: « elle est méchante la cyclope ». En parlant du médecin psychiatre: " Je vais voir le Docteur brouillard"; SITE INTERNET Retrouvez tous les comptes rendus des réunions du groupe ALTER sur le site web de l’UPC: upc63.ouvaton.org Des paroles de bénéficiaires, un peu dures, mais à entendre… Photographie prise par un des membres du Groupe ALTER. 7 Citation « Coup d’œil sur nos échanges » Voici quelques courts extraits des discussions du Groupe ALTER « Dans les années 90, nous étions quelques-uns à nous réunir tous les 15 jours pour tenter de faire barrage à la poussée néolibérale. Les idées transitives fusaient de tout côté, lorsque je pris la parole : « il faut pouvoir penser que ce que nous faisons là, cette réunion d’une trentaine d’intellectuels qui se demandent comment va notre époque, est déjà un niveau de réussite ». L’incompréhension fut totale. Tous ces gens ne pouvaient pas penser qu’ils avaient quelque chose à faire, en dehors de conduire la populace à l’émancipation, de libérer les autres. Cela n’a rien d’anecdotique. Nous devons sortir de la position de l’émancipé qui doit éclairer les autres. Mais leur incompréhension se nourrissait aussi d’autre chose. Si je ne m’engage plus pour un avenir, imprévisible de toute façon, ma lutte est complète à chaque niveau de son développement, dans la première discussion comme dans l’institution d’une nouvelle société. Le fait que trente personnes se réunissent très régulièrement pour parler de l’état de La France me paraissait une première victoire, un premier objectif atteint. Le propre de ces premiers niveaux est de développer d’autres possibles mais l’objectif n’est dans cet horizon, il est tout entier dans cette première situation ». Miguel Benasayag Abécédaire de l’engagement (2004, Bayard,Page 122) A propos de la rencontre : La rencontre nécessite de parler vrai. Elle n’existe pas toujours, un « tilt » vient la signifier à travers une parole, un regard, une présence. La question du savoir est aussi interrogée dans la rencontre, le savoir de l’autre, le prétendu savoir sur l’autre. C’est le concept du transfert qui est ici sous-jacent. Sans transfert, pas de rencontre. Vient alors l’éternelle question de la « bonne distance ». Est-on trop proche ou trop éloigné de l’autre. L’important semble résider dans une capacité d’oscillation entre distance et proximité relationnelle. L’important est aussi de se souvenir que la rencontre enseigne. Si le sentiment d’avoir appris de l’autre n’émane pas d’un contact humain, alors la rencontre n’aurait pas eu lieu. Ces adolescents dont personne ne veut ! Effectivement, ils ont déjà mis en échec la plupart des institutions traditionnelles. Or, la quasi-absence de structures souples, de type lieux de vie, renforce aussi cette exclusion de ces jeunes difficiles. Un manque d’imagination des équipes, la difficulté à faire évoluer certaines habitudes de travail explique aussi la tentation à limiter l’accueil de ces bénéficiaires atypiques. Par exemple, trop souvent, la fugue n’est soit pas prise en compte de façon structurante lors du retour de l’adolescent(e), soit, il est souhaité par les équipes qu’elle soit traitée uniquement sur le versant de la sanction. Ne pourrait-on pas imaginer d’autres formes de réponse qui consisterait à rendre encore plus accueillante l’institution ? Par exemple, trop souvent, les membres des équipes se sentent, dans leurs pratiques, sous le regard de leur collègue, de l’autre en général, regard ressenti comme un injonction à la réussite. L’erreur du jeune, c’est l’e- -rreur de l’éducateur ! Alors, point trop de jeunes irréductibles dans nos groupes ! Pourtant des idées pourraient émerger : des échanges entre établissement permettraient aux équipes de souffler et aux jeunes d’éviter des exclusions réactivant sans cesse leurs angoisses d’abandon. Mais nos institutions sont comme briguées par leurs contraintes gestionnaires et budgétaires. Elles poussent leurs équipes vers des fonctionnements qui souffrent d’un manque de bon sens et de clairvoyance. Ou bien estce la propre morosité des éducateurs ? Travailleurs sociaux et bénéficiaires ont-ils accès au débat contradictoire ? Dans certaines procédures simplifiées, des ordonnances pénales sont prononcées sans audition du justiciable devant un juge. Comment alors pouvoir exprimer sa parole ? En milieu ouvert, l’information aux familles du droit d’appel n’est pas très appréciée des différents acteurs. Un clientélisme des services de milieu ouvert vis à vis du tribunal pour enfants est nettement repérable. Les travailleurs sociaux sont pratiquement mis en position d’expert et il y a peu de résistances des dits services face aux demandes des juges. Mais là encore, comment tenir cette position d’expert lorsqu’il s’agit de décider du bien fondé d’un placement ? Cette décision est trop fortement marquée par les représentations de chacun et les avis sont souvent très disparates. Or il n’existe pas suffisamment d’espace pour interroger cette multiplicité des points de vue afin de prendre une décision réellement éclairée. L’arbitraire risque de gagner du terrain. Le glissement vers une « chosification » de l’autre, voire sa mortification, est de plus en plus net. 8 QUESTIONS D’HISTOIRE « Un homme sans passé est plus pauvre qu’un homme sans avenir » Elie Wiesel. La connaissance de l’Histoire, petite et grande, celle de l’humanité, des civilisations, des nations, des groupes qui les composent, est nécessaire à l’élaboration de notre identité propre toujours interdépendante de celles des groupes auxquels nous appartenons, qu’ils soient familiaux, culturels, ethniques, religieux, socioprofessionnels…« J’ai une histoire, j’appartiens à l’Histoire, donc je suis… » aurait pu écrire Descartes. L’Histoire, c’est l’étude et la connaissance d’un passé plus ou moins commun, souvent éclairé à la lumière de l’avenir que l’on pressent ou envisage, des espoirs de changements et de mieux-être. C’est aussi un outil de distanciation nécessaire à la compréhension du présent et à l’élaboration avec perspective de l’avenir. Comprendre d’où l’on vient pour savoir où l’on est et comment aller où l’on veut. Le travail social dont nous voulons être les acteurs aujourd’hui a son histoire, entremêlée de politique et de religieux. Ses origines sont très diverses mais toutes constitutives des politiques sociales, des structures d’aide et des modes de prises en charge contemporains. Comprendre son évolution au fil de l’Histoire est le plus sûr moyen de prendre le recul nécessaire sur nos pratiques et d’envisager leur élaboration avec le plus d’objectivité et d’à-propos. Mais au fait c’est quoi, le travail social ? Il n’est pas de définition normative du travail social, ni même du social ; c’est d’ailleurs l’objet d’un débat sans cesse renouvelé depuis la naissance de la sociologie, et sans doute est-ce mieux ainsi… Etymologiquement, c’est le latin « socius », le compagnon d’arme, celui à qui l’on s’associe pour lutter face à l’ennemi, qui donne naissance au XVIème siècle au terme de société , défini comme « un lien résultant d’une alliance volontaire avec autrui ; lien qui n’est pas donné à la naissance ». C’est au XVIIIème siècle, avec les Lumières, que se multiplient les mots attachés à la pensée de la société tels que socialisme ou socialiser, jusqu’à l’apparition au XXème siècle de la sociologie et du lien social… Par extension, le social est paradoxalement et par défaut, devenu le moyen par lequel on désigne de manière très vague et non exhaustive, ceux qui sont en mal d’adaptation et d’insertion dans le groupe social. Le travailleur social est celui qui recolle les morceaux, rattrape ceux qui perdent pied face aux exigences intégratices et sont aux marges de la société et de ses critères normatifs. « C’est la voiture-balai de l’intégration républicaine » comme l’écrit Alain Touraine. C’est un point de vue ambitieux, peut-être même prétentieux mais il révèle également l’instrumentalisation politique du travail social, bonne conscience groupale et acteur de la paix sociale. Car il s’agit bien de paix sociale ; les débats Gauche/Droite actuels sur les politiques à mener en matière de lutte contre la délinquance et l’exclusion (pour faire bref) alternent sans cesse entre prévention et répression, entre éducation et coercition, comme en d’autres temps finalement pas si lointains entre « potence et pitié » selon les termes de Bronislaw Gerenek. Toutes les sociétés ont cherché et cherchent encore les moyens les plus adaptés pour endiguer l’exclusion, la pauvreté et les déviances, par philanthropie ou par peur. Le travail social en tant que professions structurées, est né au lendemain de la Révolution Française et n’a cessé depuis d’évoluer. Dans le prochain numéro d’ALTER, il sera intéressant de revenir sur les pratiques d’aide et les réponses apportées par la société de l’Ancien régime aux difficultés posées par le « social ». H.A Bulletin gratuit que vous pouvez nous aider à financer en adhérant à l’UPC63 I.P.N.S. sur papier recyclé Ne pas jeter sur la voie publique