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social de confiance, établir une cohérence éthique, ressentir de la fierté, acquérir du prestige…
Dans un deuxième temps, dans le geste de recevoir, le donataire manifeste d’une manière ou
d’une autre de la reconnaissance pour ce geste « inhabituel » et s’engage implicitement à donner
à son tour, mais sans préciser le moment. L’imprécision du moment où le retour d’ascenseur se
produira est essentielle dans l’acte de recevoir, car elle permet au lien de durer, contrairement au
contrat qui fixe une limite à la période de l’échange. Dans un troisième temps, rendre suppose
qu’on donne à son tour par gratitude et reconnaissance à une personne, à un groupe, à une
organisation ou à la collectivité. Dans la mesure où les acteurs posent les gestes attendus, le cycle
peut se renouveler et réaliser sa principale fonction : créer du lien social et engendrer les
sentiments de sécurité, de solidarité et d’appartenance à un collectif.
Dans le monde du travail et dans les différentes sphères des activités humaines, peut-on ajouter, il
n’y a pas que de la coopération, poursuit l’auteur dans le second chapitre. La domination, la
concurrence et le conflit désignent d’autres modalités de lien social qui poursuivent des objectifs
d’accès privilégié aux ressources, de puissance ou de mérite. Par ailleurs, dans le cycle du don, il
existe également de la trahison. Celle-ci se produit au travail lorsque, par exemple, un membre
d’un réseau s’approprie une partie du capital de connaissances, divulgue des savoir-faire dont la
diffusion était restreinte ou déroge à l’obligation de donner à son tour.
Dans le troisième chapitre, Norbert Alter explique en quoi les changements dans le monde du
travail et la mobilité des salariés influencent le processus de la coopération. En effet, les
transformations dans les entreprises supposent des contributions additionnelles importantes de la
part des producteurs ; si les changements sont fréquents, ces apports répétés érodent peu à peu la
conviction chez les salariés que le don contribuera au bien commun. Dans le même ordre d’idées,
l’arrivée d’une personne dans un nouveau milieu exige le renouvellement de son apport au capital
social ; apparaît en outre le risque que des membres du groupe quittent à leur tour leur emploi
sans avoir participé au réseau. Dans ce contexte de changements fréquents et avec les nuances qui
s’imposent, l’auteur fait l’hypothèse qu’il existe une tendance chez les salariés à limiter leur
investissement dans les réseaux au travail.
Jusqu’ici, l’auteur avait considéré l’échange coopératif en insistant sur la réciprocité entre des
individus. Le quatrième chapitre s’arrête au processus du don en faveur d’un ensemble social plus
large. Ce processus fonctionne selon différentes modalités, explique Norbert Alter. Tout d’abord,
l’influence et la reconnaissance d’un métier ou d’une profession résultent en partie des efforts
d’un ensemble de personnes qui donnent du temps, du soutien et de l’amitié aux collègues afin de
bénéficier de la renommée professionnelle. De plus, l’organisation sociale assigne aux individus
une place, certains rôles et des ressources selon des règles qui rendent en partie prévisibles les
attentes et les comportements. Cette spécialisation des fonctions peut difficilement contribuer au
plaisir d’être en rapport avec les uns avec les autres, à leur identité et à leur sentiment
d’appartenance. Ici interviennent les activités de partage qui permettent de construire des liens
coopératifs, de donner « l’accès à un “être ensemble” » et d’éprouver le « sentiment d’exister ».
Parallèlement à l’existence d’un « collectif de travail » où prévaut une « atmosphère du don »,
des échanges interpersonnels plus ou moins conditionnels s’effectuent, comme le décrivent les
premiers chapitres de l’ouvrage.
Le cinquième chapitre est consacré aux pratiques du management à l’égard de la coopération
spontanée et du don dans l’entreprise. L’auteur distingue le management en amont (la haute