Pratique du contrôle glycémique en réanimation et charge

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Réanimation (2009) 18, 538—543
MISE AU POINT
Pratique du contrôle glycémique en réanimation
et charge de travail infirmier
Practical aspects and nursing workload of glucose control
in intensive care
J.-C. Preiser a,∗, J. Perreaux a, P. Modanèse a, T. Sottiaux b, P. Devos c
a
Service de soins intensifs généraux, CHU de Liège, domaine du Sart-Tilman, bâtiment B35, 4000 Liège, Belgique
Service de soins intensifs, clinique Notre-Dame-de-Grâce, 212, chaussée de Nivelles, 6041 Gosselies, Belgique
c
Service de soins intensifs, CHC clinique Saint-Joseph, 75, rue de Hesbaye, 4000 Liège, Belgique
b
Reçu le 13 mai 2009 ; accepté le 13 juin 2009
Disponible sur Internet le 7 juillet 2009
MOTS CLÉS
Insuline ;
Glycémie ;
Hypoglycémie ;
Charge de travail ;
Étude multicentrique
KEYWORDS
Insulin;
Blood glucose;
Hypoglycaemia;
Nursing workload;
Multicentre study
Résumé Après la publication des effets spectaculaires du contrôle strict de la glycémie par
insulinothérapie intensive en 2001, les limites acceptées de glycémie ont été revues à la baisse.
Les aspects pratiques de cette politique sont revus dans cet article, ainsi que le retentissement
sur l’incidence des hypoglycémies et la charge de travail infirmier. En pratique, ces éléments,
comme l’absence de confirmation de la validité externe de l’étude de 2001, ont conduit la
majorité des réanimateurs à adopter une cible glycémique intermédiaire.
© 2009 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits
réservés.
Summary Following the publication of the spectacular effects of tight glucose control by
intensive insulin therapy in 2001, the glycemic targets have been lowered. The practical aspects
of this policy are reviewed here. The effects of tight glucose control on the risks of hypoglycaemia and on the nursing workload are discussed as well. These latter issues, and the lack of
confirmation of the external validity of the landmark 2001 study, lead to the adoption of an
intermediate glucose target by the majority of intensivists.
© 2009 Société de réanimation de langue française. Published by Elsevier Masson SAS. All rights
reserved.
L’hyperglycémie aiguë est fréquemment rencontrée chez
les patients de soins intensifs et résulte des changements
∗
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected]
(J.-C. Preiser).
hormonaux et humoraux qui accompagnent la réaction dite
« de stress » [1]. La pratique courante jusqu’il y a peu,
encore d’usage dans un tiers des soins intensifs européens
à ce jour [2], visait au maintien de la glycémie entre 8,8
(160 mg/dl) et 11,1 mmol/l (200 mg/dl), limite historique
qui reposait vraisemblablement sur la notion de seuil de
réabsorption tubulaire rénal. Le relatif manque d’intérêt
1624-0693/$ – see front matter © 2009 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2009.06.009
Pratique du contrôle glycémique en réanimation et charge de travail infirmier
pour la glycémie comme marqueur de la sévérité de
l’affection est par ailleurs reflété par son absence dans le
calcul des scores de gravité habituels.
L’attention a été attirée vers un contrôle strict de la glycémie chez le patient de soins intensifs par la publication
en 2001 d’une étude réalisée par Van den Berghe et al. [3].
En résumé, cette étude avait comparé un traitement insulinique conventionnel ayant pour objectif une glycémie entre
10 et 11,1 mmol/l (180—200 mg/dl) à un traitement intensif
visant une glycémie entre 4,4 et 6,1 mmol/l (80—110 mg/dl).
Les résultats ont impressionné toute la communauté des
réanimateurs : le groupe « insulinothérapie intensive » avait
une mortalité intrahospitalière réduite de 34 % et une série
de complications a été fortement limitée (−46 % pour les
bactériémies, −41 % pour les insuffisances rénales aiguës
nécessitant une hémofiltration, −44 % pour les polyneuropathies des soins intensifs, −50 % pour le nombre moyen
de transfusions érythrocytaires). À l’inverse des attentes
importantes suscitées par ces résultats, ces données spectaculaires n’ont pu être confirmées par d’autres [4—9]. Pire
même, dans la plus vaste de ces études prospectives [9], la
mortalité à 90 jours était augmentée dans le groupe insulinothérapie intensive par rapport au groupe témoin. Trois
méta-analyses récentes [10—12] ont sans surprise montré
que le traitement par insulinothérapie intensive ne permet
pas de réduire la mortalité hospitalière en soins intensifs.
Dès lors, la cible glycémique « optimale » est loin d’être définie à l’heure actuelle et pourrait d’ailleurs différer selon le
type de patient ou de pathologie. Un autre sujet de débat
important concerne les raisons de la discordance entre
l’étude princeps [3] et les suivantes. Parmi les hypothèses
d’explication, une meilleure « performance » dans l’atteinte
de la cible glycémique liée à une pratique et une motivation
plus importantes des équipes infirmières à Louvain, où fut
réalisée la première étude qu’ailleurs a été évoquée. Dans
cet article, nous allons aborder les aspects pratiques actuels
du contrôle glycémique qui pourraient affecter la qualité
de la performance : les problèmes courants, la réalité du
terrain.
Aspects pratiques
Les aspects pratiques revêtent bien entendu une importance fondamentale dans la qualité du contrôle glycémique
et comportent plusieurs aspects que nous aborderons
successivement : la mesure de la glycémie (site de prélèvement, appareil de mesure et interférences possibles),
l’insulinothérapie (voie d’administration, algorithmes, système d’infusion) et les améliorations possibles pour le
futur (automatisation de l’infusion d’insuline, monitorage
continu).
539
latoires est une source d’imprécision chez le patient de
soins intensifs et nécessite une validation par rapport à la
méthode de référence (mesure par méthode enzymatique
à l’hexokinase (HK) sur sang artériel ou veineux). L’impact
de ces imprécisions sur la pratique clinique a été quantifié
par plusieurs équipes [13—18], qui ont comparé les valeurs
obtenues par le même appareil de mesure sur des prélèvements de différents sites et ont évalué l’impact clinique
des différences par rapport au « gold standard ». De manière
concordante, ces études ont montré que ces différences
entre valeurs mesurées étaient suffisamment importantes
pour modifier la décision clinique (débit d’insuline). Dès
lors, pour un contrôle fiable de la glycémie, le prélèvement
artériel ou veineux est préférable au prélèvement capillaire
[19].
Appareil de mesure
Les lecteurs portables utilisés fréquemment pour le contrôle
glycémique en réanimation ont en fait été conçus pour
le contrôle de la glycémie sur sang capillaire, principalement chez des patients diabétiques ambulatoires. La mesure
de la glycémie par lecteur portable se base sur les techniques enzymatiques utilisant la glucose oxydase (GO) ou
la glucose deshydrogénase (GD), alors que la technique
de référence utilise l’HK. La GO est l’enzyme le plus
ancien et est moins stable que la GD, nécessitant donc
plus de précaution de prélèvement et de conservation. De
plus, les lecteurs portables peuvent constituer une source
d’imprécision à d’autres niveaux : la glycémie est mesurée sur un échantillon de sang total par les appareils de
laboratoire, et c’est la concentration plasmatique qui est
mesurée par la plupart des lecteurs portables et les analyseurs de gaz sanguin. Or, les valeurs peuvent différer de
manière significative et ce, d’autant plus que l’hématocrite
est élevé. Une recommandation récente de l’American Diabetes Association (ADA) et de l’International Federation of
Clinical Chemistry and Laboratory Medicine (IFCC) suggère
d’appliquer un facteur de correction de 0,9 (c’est-à-dire
de multiplier une valeur plasmatique par 0,9 pour obtenir
la valeur correspondante sur sang total) pour la conversion
[20].
Par ailleurs, la précision, la fiabilité et la reproductibilité des mesures de la concentration sanguine de glucose
sont bien évidemment cruciales. De manière générale,
les valeurs mesurées par les lecteurs de glycémie portables présentent régulièrement une déviation de plus
de 10 % par rapport aux valeurs de laboratoire. Néanmoins, dans le contexte des soins intensifs, quelques études
[13,17,18,21,22] ont montré que la précision des lecteurs
de glycémie portables est insuffisante notamment en cas
d’hypothermie ou de choc sévère.
Mesure de la glycémie
Site de prélèvement
Le site de prélèvement sanguin représente une source
potentielle de divergence entre valeurs de glycémie. Le
niveau de divergence varie en fonction de l’état du patient,
notamment du degré de vasoconstriction périphérique. De
plus, l’utilisation de lecteurs portables conçus pour la
mesure de la glycémie sur sang capillaire de patients ambu-
Interférences possibles
Sur le plan théorique, de nombreuses interférences physiques et chimiques peuvent influencer la mesure de la
glycémie par lecteur de glycémie portable, selon le type
d’enzyme utilisé. Chez le patient de soins intensifs, les
variations de pression partielle en oxygène (PO2 ), de
l’hématocrite et de la température constituent les facteurs
les plus fréquemment rencontrés.
540
J.-C. Preiser et al.
Schéma d’insuline
Hypoglycémie
Utilité des algorithmes
L’utilisation de schémas d’insuline individuels, prescrits par
un médecin pour l’administration sous-cutanée ou intraveineuse en bolus ou en perfusion continue, a été comparée
à l’utilisation de schémas systématiques [17]. Sans équivoque, l’utilisation d’algorithme I/S permet d’atteindre plus
rapidement et de se maintenir plus longtemps dans une
cible glycémique préétablie, ainsi que de limiter l’incidence
d’hypoglycémies. Une revue récente [23] fait le point
complet sur les schémas utilisés et montre à quel point
les consignes de débit d’insuline peuvent différer pour une
glycémie donnée. De toute évidence, l’introduction d’un
schéma d’insulinothérapie doit être accompagnée d’un programme éducatif de formation du personnel, indispensable à
l’amélioration de la performance. Sans aucun doute, le bon
sens, l’expérience et le sens clinique du personnel soignant
est tout aussi fondamental pour adapter au mieux un schéma
préétabli et très souvent imparfait. Néanmoins, ces qualités
de terrain indispensables sont évidemment difficiles à quantifier. La seule manière de mesurer ces éléments serait en
fait de mesurer la déviation de la pratique par rapport à un
schéma préétabli.
Le « prix à payer » pour le contrôle glycémique strict par
insulinothérapie intensive est sans surprise un accroissement
de l’incidence des hypoglycémies. De manière remarquablement cohérente, les études prospectives [3—9] ont rapporté
une multiplication par un facteur 5 à 6 de l’incidence
des hypoglycémies dans un groupe traité intensivement
par rapport au groupe « témoin » [10,11]. Par ailleurs, la
survenue d’une hypoglycémie, indépendamment d’une insulinothérapie intensive, est connue de longue date comme
un facteur de gravité. À l’inverse, l’hypoglycémie survenant en cours d’insulinothérapie intensive était considérée
comme un simple incident de parcours ou aléa thérapeutique transitoire. Des données récentes sont venues semer
le doute à ce sujet : Krinsley et Grover [28] ont mis en
évidence sur un échantillon de 102 patients qui ont présenté une hypoglycémie, appariés 1 : 3 avec des cas-témoins
de gravité équivalente, une surmortalité dans le groupe
hypoglycémique. La régression logistique multivariée a permis d’identifier la survenue d’une hypoglycémie en cours
d’insulinothérapie intensive comme facteur prédictif de
mortalité (accroissement du risque relatif d’un facteur 2,3).
En ce qui concerne les études prospectives, la mortalité des
patients avec hypoglycémie est de deux à trois fois plus élevée que chez les patients sans hypoglycémie [29]. Il ne s’agit
pas évidemment ici d’affirmer une relation de causalité
entre survenue d’une hypoglycémie sous insulinothérapie
intensive et risque de décès, mais simplement de constater l’association, qui justifie une investigation détaillée.
A priori, si l’hypoglycémie était délétère, ce serait vraisemblablement par le biais d’une neuroglycopénie. Des données
intéressantes ont été obtenues chez des patients cérébrolésés et ont démontré que le rapport lactate—pyruvate du
liquide céphalorachidien, témoin d’un déficit énergétique
cérébral s’élevait déjà lorsque la glycémie était inférieure
à 80 mg/dl (4,7 mmol/l) [30]. Cet effet est probablement
expliqué par le fait que la glycorachie (concentration en
glucose du liquide céphalorachidien) est systématiquement
inférieure à la glycémie [31] et que le glucose est l’unique
substrat énergétique utilisable par un cerveau lésé. Une
meilleure compréhension des effets de l’hypoglycémie chez
le patient de soins intensifs est indispensable avant d’en
affirmer l’innocuité, surtout chez le patient comateux ou
sédaté par définition asymptomatique. Les progrès que l’on
peut attendre dans le domaine du contrôle glycémique
devront viser à dépister plus précocement les hypoglycémies
et à en réduire l’incidence.
Type d’algorithme
Le choix d’un type performant d’algorithme est évidemment fondamental. Globalement, il existe deux types de
protocoles : « sliding scale » ou « dynamic scale » : le premier attribue à une valeur de glycémie un débit d’insuline,
alors que le second tient compte de la glycémie précédente,
du délai entre les mesures et du débit précédent d’insuline
pour déterminer le nouveau débit. Clairement, la seconde
stratégie permet d’améliorer fortement la performance, par
rapport à la première [24].
Automatisation [25]
Le lecteur pourra trouver une discussion complète de ce
sujet dans l’article de Kalfon [25], dans ce même numéro
de Réanimation.
Problèmes courants
Suite à la publication de la première étude de Louvain [3],
de nombreuses équipes ont instauré un contrôle strict de
la glycémie en utilisant la même cible. Rapidement, de
nombreux problèmes sont survenus, limitant de la sorte
l’applicabilité de cette stratégie thérapeutique. Plusieurs
enquêtes auprès d’équipes de nursing [26,27] ont ainsi documenté les obstacles à la mise en application du contrôle
strict de la glycémie : crainte de l’hypoglycémie, charge
de travail, désintérêt de l’équipe médicale, ressources
techniques insuffisantes, absence d’algorithme adapté. Si
une partie de ces problèmes est sans doute de nature et
d’importance variables selon les institutions et les unités, les risques liés à l’hypoglycémie et la charge de
travail infirmier sont certainement des problèmes plus
généraux et méritent dès lors une attention particulière.
Charge de travail infirmier
En pratique, la gestion du contrôle glycémique est confiée
entièrement au nursing, tant en ce qui concerne la mesure
des glycémies que l’adaptation du débit d’insuline. La procédure de contrôle glycémique strict a donc inévitablement
un impact sur la charge de travail infirmier [19].
Nous avons utilisé les données de l’étude Glucontrol [8]
pour évaluer l’impact mesurable du contrôle glycémique
strict [32]. En pratique, nous avons comparé entre les
groupes « insulinothérapie intensive » et « insulinothérapie
conventionnelle » (visant une glycémie entre 7,8 et
Pratique du contrôle glycémique en réanimation et charge de travail infirmier
10,0 mmol/l), le nombre de mesures de glycémie requis, la
fréquence de modifications du débit d’insuline et de la fréquence de préparations de nouvelles seringues d’insuline.
Chacun de ces actes a été chronométré, à savoir le temps
nécessaire à une mesure de glycémie depuis le prélèvement
via le cathéter artériel en place, l’analyse de l’échantillon
par un analyseur de gaz sanguins disponible dans l’unité ou
par un lecteur de glycémie portable (Accu-Chek Inform®
Roche Diagnostics), jusqu’à la retranscription du résultat.
Nous avons également chronométré le temps nécessaire à
la préparation d’une seringue d’insuline, sa mise en place
sur le dispositif nécessaire à son administration (seringue
électrique) ainsi que le temps nécessaire à régler le débit
d’insuline. Chacune de ces mesures a été réalisée 50 fois
d’affilée, afin de refléter au mieux la réalité de terrain
(y compris l’attente de fin de calibration des appareils
de mesure, le problème d’échantillonnage, les problèmes
techniques divers), et les moyennes (± déviation standard)
de ces mesures ont été calculées. Enfin, ces mesures
moyennes ont été multipliées par le nombre de mesures de
glycémie et de changement de débit d’insuline enregistrés
dans la base de données de Glucontrol.
Mesure de la glycémie
En utilisant l’analyseur de gaz sanguins sur échantillon
sanguin prélevé par un cathéter artériel, nous avons tout
d’abord observé que les temps ont varié en fonction
de l’accessibilité de l’appareil (autre collègue utilisant
l’appareil au même moment), d’une calibration de la
machine ou d’un autre problème technique. Nous avons
ainsi pu déterminer que le temps moyen était de cinq
minutes et 39 secondes (plus ou moins deux minutes et
dix secondes) par mesure. Sachant que pour le groupe
« insulinothérapie intensive » de Glucontrol, une médiane de
sept mesures par jour était réalisée (versus cinq par jour
dans le groupe « insulinothérapie conventionnelle »), nous
avons ainsi observé une différence de plus de 11 minutes
et 18 secondes par jour, ou une multiplication par un facteur 1,4 du temps infirmier dans le groupe « insulinothérapie
intensive » par rapport au groupe témoin.
En utilisant un lecteur portable pour mesurer la glycémie sur échantillon artériel, nous avons observé que les
temps ont varié en fonction de la disponibilité de l’appareil.
En moyenne, le temps nécessaire à la mesure était de
quatre minutes et 36 secondes (plus ou moins une minute et
cinq secondes). La différence quotidienne entre le groupe
« insulinothérapie intensive » et « insulinothérapie conventionnelle » atteignait ainsi neuf minutes et 12 secondes, ou
une multiplication par un facteur 1,4 du temps infirmier.
Préparation et adaptation du débit d’insuline
L’insulinothérapie intraveineuse nécessite d’abord la préparation d’une seringue d’insuline par la dilution d’une
solution concentrée d’insuline humaine (100 UI/ml, Actrapid Penfill® , Novo-Nordisk) dans 20 ml de sérum salé. Ces
temps peuvent varier en fonction de la proximité du matériel, de la dextérité et de l’expérience de chaque membre
du personnel. En moyenne, le temps nécessaire à la préparation d’une seringue d’insuline de 20 ml (contenant une
unité par millilitre) est d’une minute et trois secondes.
Nous avons ensuite utilisé les débits médians (fourchette
interquartile) d’insuline des deux groupes de l’étude Glu-
541
Tableau 1 Comparaison des temps nécessaires à la réalisation du contrôle glycémique dans l’étude Glucontrol.
Temps moyen pour
réaliser une
mesure
glycémique avec
un analyseur de
gaz sanguin +
préparation d’une
seringue d’insuline
Temps moyen pour
réaliser une
mesure
glycémique avec
un lecteur de
glycémie +
préparation d’une
seringue d’insuline
Groupe
« insulinothérapie
intensive »
Groupe
« insulinothérapie
conventionnelle »
41 min 39 sec
28 min 40 sec
34 min 18 sec
23 min 25 sec
control, à savoir 1,8 (1,0—2,9) unités par heure pour le
groupe « insulinothérapie intensive » et 0,4 (0,0—1,4) unité
par heure pour le groupe « insulinothérapie conventionnelle » pour comparer la charge de travail. Pour le groupe
« insulinothérapie intensive », la seringue est à remplacer
environ toutes les 13 heures, alors que pour le groupe
« insulinothérapie conventionnelle », elle est à remplacer
toutes les 60 heures, en tout cas en théorie (en pratique,
la durée de validité d’une seringue d’insuline ne dépasse
pas 24 heures). Ainsi, le temps consacré à la préparation
des seringues d’insuline est de deux minutes et six secondes
par jour pour le groupe « insulinothérapie intensive » et
de 25 secondes par jour pour le groupe « insulinothérapie
conventionnelle ».
Temps infirmier total nécessaire à l’insulinothérapie
intensive
Le temps total nécessaire à l’insulinothérapie intensive peut
ainsi être déduit de la somme des composants détaillés
ci-dessus. En additionnant le temps consacré à la mesure
de la glycémie et à l’administration d’insuline, et en les
adaptant aux valeurs obtenues lors de l’étude Glucontrol,
il apparaît entre les groupes « insulinothérapie intensive »
et « insulinothérapie conventionnelle » une différence de
12 minutes et 59 secondes si les glycémies sont mesurées par
analyseur de gaz sanguins et de dix minutes et 53 secondes
si un lecteur portable est utilisé (Tableau 1). De plus,
une réflexion sur l’adaptation de l’algorithme nécessite un
temps supplémentaire. Ces chiffres sont certainement à
intégrer lors du calcul des moyens humains et matériels à
prévoir lors de la mise en œuvre de l’insulinothérapie intensive.
Réalité de terrain et conclusion
Après la publication des résultats de l’étude de Van den
Berghe et al. en 2001 [3], l’attitude des cliniciens a été émi-
542
nemment variable, allant de l’application stricte des limites
de glycémie utilisées à Louvain (4,4—6,1 mmol/l), à une
attitude plus conservatrice (insulinothérapie intraveineuse
instaurée en cas de glycémie supérieure à 10,0 mmol/l)
en passant par une attitude intermédiaire (maintien de la
glycémie en dessous de 7 à 9 mmol/l). Cette dispersion des
attitudes est reflétée par les résultats de plusieurs enquêtes
de pratique [2,33,34]. Nous avons notamment rapporté
récemment les résultats d’une enquête réalisée en Belgique
en 2007, à l’initiative du collège de la fonction soins intensifs du service public fédéral « Santé Publique » (taux de
réponse : 52 sur 120, soit 43 %). Dans cette enquête, même
si 96 % des répondeurs étaient au courant des travaux de Van
den Berghe et al. [3], les limites basses et hautes de glycémie considérées comme tolérables pour la majorité des
répondeurs étaient 2,8 mmol/l et 7,8 mmol/l, respectivement. Il est possible que les résultats de Nice-Sugar publiés
récemment [9] influenceront les pratiques et les recommandations [10]. Au vu de la surmortalité à 90 jours observée
dans le groupe « insulinothérapie intensive », l’utilisation
d’une cible intermédiaire [29,35] paraît raisonnable.
Conflits d’intérêts
Aucun.
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