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LA PSYCHOLOGIE
ET LES SCIENCES MORALES
SIXIÈME CHAPITRE DU SYSTÈME DE LOGIQUE
http://www.1ibrairieharmattan.com
diffusion.harmattan((l),wanadoo.
harmattan [email protected]
@ L'Harmattan,
2006
ISBN: 2-296-00656-6
EAN : 9782296006560
fr
John Stuart MILL
LA PSYCHOLOGIE
ET LES SCIENCES MORALES
SIXIÈME
CHAPITRE
DU SYSTÈME
DE LOGIQUE
(1843)
Traduction par G. BELOT
Préface de Serge NICOLAS
L'Harmattan
5-7, rue de l'École-Polytechnique;
75005 Paris
FRANCE
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Collection Encyclopédie Psychologique
dirigée par Serge Nicolas
La psychologie est aujourd'hui la science fondamentale de l'homme
moral. Son histoire a réellement commencé à être écrite au cours du XIXe
siècle par des pionniers dont les œuvres sont encore souvent citées mais
bien trop rarement lues et étudiées. L'objectif de cette encyclopédie est de
rendre accessible au plus grand nombre ces écrits d'un autre siècle qui ont
contribué à l'autonomie de la psychologie en tant que discipline
scientifique. Cette collection, rassemblant les textes majeurs des plus
grands psychologues, est orientée vers la réédition des ouvrages
classiques de psychologie qu'il est difficile de se procurer aujourd'hui.
Dernières parutions
Th. RIBOT, L'hérédité psychologique (1873), 2005.
Hippolyte BERNHEIM, De la suggestion et de ses applications (1886), 2005.
H. TAINE, De l'intelligence (1870, 2 volumes), 2005.
P. A. TISSIÉ, Les aliénés voyageurs (1886), 2005.
Th. RIBOT, La psychologie des sentiments (1896), 2005.
Abbé FARIA, De la cause du sommeil lucide (1819), 2005.
W. PREYER, L'âme de l'enfant (1882), 2005.
Morton PRINCE, La dissociation d'une personnalité (1906), 2005.
J. G. SPURZHEIM, Observations sur la phrénologie (1818), 2005.
F. A. MESMER, Précis historique relatif au magnétisme (1781),2005.
A. BINET, L'âme et le corps (1905), 2005.
Pierre JANET, L'automatisme psychologique (1889), 2005.
W. WUNDT, Principes de psychologie physiologique (1880,2 v.), 2005.
S. NICOLAS & B. ANDRIEU (Eds.), La mesure de l'intelligence, 2005.
Pierre JANET, Obsessions et psychasthénie (tome 1, vol I) (1903),2005.
Pierre JANET, Obsessions et psychasthénie (tome 2, vol I) (1903), 2005.
F. RAYMOND & P. JANET, Obsessions et psychasthénie (vol II) (1903), 2005.
Théodore FLOURNOY, Métaphysique et psychologie (1890), 2005.
Théodule RIBOT, La vie inconsciente (1914), 2005.
A. BINET & Ch. FÉRÉ, Le magnétisme animal (1887),2006.
P. J. G. CABANIS, Rapports du physique et du moral (1802,2 v.), 2006.
P. PINEL, L'aliénation mentale ou la manie (1800), 2006.
J. P. F. DELEUZE, Défense du magnétisme animal (1818),2006.
A. BAIN, Les sens et l'intelligence (1855),2006.
A. BAIN, Les émotions et la volonté (1859), 2006.
Pierre JANET, L'amnésie psychologique, 2006
J. G. SPURZHEIM, Observations sur la folie (1818), 2006.
Charles BONNET, Essai de philosophie (1755), 2006.
Pierre JANET, Philosophie et psychologie (1896), 2006.
PRÉFACE DE L'ÉDITEUR
La psychologie de John Stuart Mill
La nouvelle école expérimentale anglaise a eu pour prédécesseurs David Humel (1711-1776) et David Hartley2 (1705-1757), les
fondateurs de l'école associationniste3. Ces philosophes furent en effet les
premiers qui aient tenté d'expliquer par l'association des idées et
l'habitude, la notion de cause et le principe de causalité, l'origine des idées
dites rationnelles, des affections dites naturelles, des principes moraux
dits innés, enfin l'origine des actes volontaires auxquels on attribue le
caractère de libre-arbitre. L'école tout expérimentale de Stuart Mill, de
Bain et de Spencer n'a fait que reprendre au XIXe siècle ces thèses pour
les développer de nouveau en les fondant sur des observations, des
analyses, des explications qui lui appartenaient. Que presque tous les
philosophes de l'école expérimentale se soient rencontrés dans la théorie
qui explique tout le mécanisme de l'esprit humain par l'association, il n'y a
rien à cela que de naturel. La méthode inductive les conduisait nécessairement à ce résultat. Du moment que tout phénomène psychologique se
réduit à constater la relation des phénomènes entre eux et à en dégager
une loi, il n'y a plus qu'une chose qui intéresse la science, à savoir si et
comment ces phénomènes s'associent dans leur succession ou leur
concomitance. C'est là toute l'explication que peut chercher une
1 Hume, D. (1739). A treatrise of human nature. London: 1. Noon (traduction française en
1995 par P. Baranger & Ph. Sahel, L'entende/nent:
traité de la nature hu/naine. Paris:
Aammarion, Livre I).
2 Hartley, D. (1749). Observations
on man, his frame, his duty and his expectations.
London-Bath:
Hitch, Austen-Leake & Frederick. Une traduction française de cet ouvrage va
paraître sous peu dans L'Encyclopédie psychologique.
3 Cf. Ribot, Th. (2002). La psychologie anglaise contemporaine (1870). Paris: L'Harmattan.
psychologie qui ne prétend pas atteindre les causes internes des
phénomènes. La psychologie que John Stuart Mill (1806-1873) va
proposer n'a pas fait l'objet d'un ouvrage spécial, mais on la trouve
exposée dans plusieurs écrits importants4.
En 1843, dans le sixième livre (chapitre iv) de son fameux
ouvrage Système de logique déductive et inductive5, Mill (p. 436) affirme
l'existence d'une science de l'esprit à part entière qu'il nomme
"psychologie" même s'il pense qu'elle ne sera jamais aussi exacte que la
physique. "La psychologie, dit-il, a pour objet les unifor/nités de
succession,' les lois, soit primitives, soit dérivées, d'après lesquelles un
état mental succède à un autre, est la cause d'un autre, ou, du moins, la
cause de l'arrivée de l'autre. De ces lois, les unes sont générales, les
autres plus spéciales" (p. 437). Parmi les lois spéciales, il citera les deux
grandes lois de l'association des idées, la loi de similarité et la loi de
contiguïté, déjà étudiées par son père James Mill6 (1773-1836),
auxquelles il ajoutera la loi de l'intensité.
John Stuart Mill était en train de rédiger son ouvrage sur le
système de logique en 1837 lorsqu'il découvrit pour la première fois les
deux premiers volumes du Cours7 d'Auguste Comte (1798-1857) qui
firent sur lui une énorme impressions. Fervent admirateur du philosophe
français, il n'entra cependant en relation avec lui que plus tardivement en
novembre 18419. Mais si Mill profita beaucoup de la lecture des leçons de
Comte pour rédiger son ouvrage, il fut déçu par le contenu du quatrième
volume traitant de la science sociale parce qu'elle manquait de la base
psychologique qui seule pouvait la fonder solidement. Pour Mill, Comte a
commis une erreur de méthode en plaçant dans la biologie l'étude de la
psychologie. Cette négation de la psychologie fut condamnée par Mill à
4
Cf. Lauret, H. (1885). Philosophie de Stuart Mill. Paris: F. Alcan.
5 Mill, J. S. (1843). A system of logic, rationative, being a connected view of the principles
of evidence, and the methods of scientific investigation (2 vol.). London: Parker. Traduction
française en 1866 d'après la sixième édition anglaise par L. Peisse, Systè1J1e de logique
déductive et inductive, exposé des principes de la preuve et des méthodes de recherche
scientifique (2 vo1.), Paris, Ladrange.
6 Mill, J. (1829). Analysis of the phenomena of the human mind (2 vol.). London: Baldwin
& Cradock.
7 Comte, A. (1830-1842). Cours de philosophie positive. Paris: Rouen frères.
8 Cf., Nicolas, S. (2006). La psychologie d'Auguste Comte. Paris: L'Harmattan (à paraître).
9 Mill, J. S. (1873). Autobiography.
London: Longmans, Green, Reader & Dyer. Traduction
française abrégée par E. CazelIes, Mes mémoires, histoire de ma vie et de mes idées, Paris,
G. Baillière.
6
maintes reprises 10.Il essaiera au contraire d'intercaler entre la biologie et
la sociologie une science fondamentale que Comte a eu, selon lui, le tort
Il
d'omettre et qui comprenaient la psycho logie et l'éthologie (science de
formation du caractère). Pour ce qui concerne les questions proprement
psychologiques qui nous intéressent ici, les critiques que Mill fit à Comte
portèrent essentiellement sur: 10 la réduction de la psychologie à la
physiologie et même à la "phrénologie" ; 20 l'absence de la psychologie
dans l'ordre des sciences; 30 la constitution imparfaite de la socio logie en
n'y faisant pas intervenir la psychologie. L'école positiviste française
repoussait absolument la psychologie en tant que science fondamentale
alors que la philosophie anglaise était essentiellement psychologique.
Dans son ouvrage Dissertations and discussionsJ2 (Tome I, p. 396), il
note que Samuel Taylor Coleridge (1772-1834) et Jeremy Bentham
(1748-1832) s'accordaient déjà pour penser que le fondement de la
philosophie devait être posé sur la philosophie de l'esprit. Les positivistes
orthodoxes et même dissidents français, tels Émile Littré13(1801-1881) et
Grégoire Wyrouboff4 (1843-1916), ont fermement combattu cette
opinion selon laquelle la psychologie était la base de la philosophie.
Les prétentions philosophiques de Littré et ses compétences
médicales, linguistiques et historiques ont fait de cet érud it un personnage
incontournable dans le domaine du positivisme. Si les positions de Littré
sur la psychologie s'expriment dans de très nombreux articles traitant de
la pathologie mentalel5, c'est à l'occasion de la parution de l'ouvrage de
John Stuart Mill Auguste Comte and positivismJ6 traduit en 1868 par
Georges Clémenceau (alors disciple de l'École dissidente de Littré, dont la
10
Cf., Comte, A. (1975). Correspondancegénérale et confessions (tome II). Paris:
Mouton; Mill, J. S. (1865). Auguste Comte and positivisnl. London: N. Trübner. Traduction
française en 1868 par G. Clémenceau, Auguste Comte et le positivisme, Paris, G. Baillière, p.
67.
11Cf. Leary, D. E. (1982). The fate and influence of John Stuart Mill's proposed science of
ethology. Journal of the History of Ideas, 43, 153-162.
12Mill, 1. S. (1859). Dissertations and discussions, political, philosophical and historical (2
vo1.). London: J. W. Parker and Son.
13 Littré, E. (1876). Fragments de philosophie positive. Paris: Bureaux de la philosophie
positive.
14Wyrouboff, G. (1874). Un nouveau livre de philosophie positive. La Philosophie Positive,
J 3, 93 -1 03.
15Petit, A. (1995). Positivisme, biologie, médecine: Comte, Littré, Robin. ln M. Panza & J.
C. Pont (Eds.), Les savants et l'épistémologie vers [afin du XIXe siècle (pp. 193-219). Paris:
Albert Blanchard. Voir page 210.
16 Mill, J. S. (1865). Auguste Comte and positivism. London: N. Trübner. Traduction
française en 1868 par G. Clémenceau, Auguste Comte et le positivisme, Paris, G. Baillière.
7
célébrité ultérieure en politique dissimule à beaucoup sa première
vocation intellectuelle) que Littré dut défendre les principales idées de
Comte au sujet de la psychologie. Littré1? (1866) fit grand cas des
critiques de Mill au sujet de la psychologie et affirmera que comte n'a
commis aucune erreur de méthode en plaçant dans la biologie l'étude de la
psychologie. Si Littré est circonspect voire opposé comme John Stuart
Mill à la psychologie phrénologiqueJ8 de Comte, il propose cependant ce
qu'il appelle la physiologie psychiqueJ9 qui n'a aucune connotation
métaphysique et qui est une vérÎtable psychophysio logie au sens moderne
du mot. L'emploi de l'expression "physiologie psychique" est justifié par
le refus des connotations "métaphysiques" du terme traditionnel
"psychologie" et par la volonté de lier l'étude des facultés intellectuelles et
morales à celle de la substance nerveuse. Dans un fameux ouvrage sur
Auguste Comte et la philosophie positive2o, Littré avait déjà examiné la
position comtienne sur la psychologie. Il avait invalidé la phrénologie de
Gall sur la base de la méthode comtienne de la philosophie positive (elle
n'a pas été vérifiée ni par les faits ni par l'expérience). Mais Littré
reconnaît que pour détecter, observer, analyser, classer les facultés
cérébrales, la biologie peut emprunter ses renseignements au sens
commun, à la psychologie, à la phrénologie. Cependant, Littré21défend le
travail de laboratoire et l'expérimentation physiologique minutieuse que
Comte semble avoir condamné au profit de l'observation. Les disciples
orthodoxes de Comte ont d'ailleurs toujours souligné l'influence fâcheuse
de la méthode expérimentale et lui ont préféré la méthode d'observation
contrairement aux disciples "dissidents". Mill contestera formellement
que les phénomènes mentaux puissent être connus par "déduction des lois
physiologiques de notre organisme nerveux", et déclarera que même si
17Littré, E. (1866). La philosophie positive: Auguste Comte et M. J. Stuart Mill. Revue des
Deux Mondes, 64, 829-866.
18 Littré, E. (1846). De la physiologie:
Importance et progrès des études physiologiques.
Revue des Deux Mondes, 14, 200-237. - Littré, E. (1863). Auguste Conlte et la philosophie
positive. Paris: Bureaux de la Philosophie Positive.
19 Littré, E. (1846). De la physiologie:
Importance et progrès des études physiologiques.
Revue des Deux Mondes, 14,200-237. - Littré, E. (1869). De quelques points de physiologie
psychique. La Philosophie Positive, 4, 161-178.
20 Littré, E. (1863). Auguste Comte et la philosophie positive. Paris: Bureaux de la
Philosophie Positive.
21 Littré, E. (1866). La philosophie positive: Auguste Comte et M. J. Stuart Mill. Revue des
Deux Mondes, 64, 829-866.
8
cette hypothèse du parallélisme psycho-physiologique22 était vraie,
l'observation psychologique serait encore nécessaire. Comte restera sous
le coup de l'accusation tant de fois répétée, mais à notre avis abusive, de
s'être refusé à reconnaître le rôle légitime et nécessaire de l'introspection
et d'avoir tenté l'œuvre, pour certains chimérique, d'édifier une
psychologie purgée de toute donnée d'observation interne.
En somme, la critique de John Stuart Mill était de montrer que la
psychologie est une science possible et de grande valeur, que l'analyse
subjective peut être pratiquée, et que Comte a eu tort de regarder
l'observation interne comme un procédé illusoire. D'ailleurs, comme de
nombreux psychologues ultérieurs et au premier rang desquels William
James23(1842-1910) l'ont écrit plus tard: "L'observation introspective est
ce sur quoi nous avons à cOlnpter d'abord, avant tout et toujours" (1890,
I, p. 185). Si Littré confirme l'assertion de Comte selon laquelle la
psychologie doit être rattachée à la biologie, il défend lui aussi l'existence
d'une autre forme de psychologie, comme Comte l'avait fait par ailleurs.
Ce que Comte et ses disciples ont proclamé c'est l'inexistence d'une
psychologie, en tant que science fondée sur l'introspection, celle qui croit
à un esprit sans support physiologique et cérébral, c'est-à-dire celle des
métaphysiciens. Mais d'un autre côté, on voit que la psycho logie ne peut
être rayée de la pensée philosophique. C'est une situation paradoxale, on
cherche à en cacher l'importance mais en fait on ne peut s'en passer
puisqu'elle est nécessaire à la science.
La psychologie associationniste anglaise a trouvé sa forme la
plus systématique dans l'œuvre24d'Alexander Bain (1818-1903) qui fut un
intime de J. S. Mill, il lut même sa Logique (1843) en manuscrit. Il est
généralement considéré comme le premier véritable psychologue de
langue anglaise auquel d'ailleurs 1. S. Mill a consacré un article de haute
valeur25.
22
Sur cette question voir: Aournoy, Th. (2005). Métaphysique et psychologie (1890). Paris:
L'Harmattan.
23 James, W. (1890). Principles of psychology (2 vo1.). New York: Holt. Voir aussi: James,
W. (2006). Abrégé de psychologie (1892). Paris: L'Harmattan.
24 Bain, A. (2006). Les sens et l'intelligence (1855). Paris: L'Harmattan.
- Bain, A. (2006).
L'émotion et la volonté (1859). Paris: L'Harmattan.
25 Mill, J. S. (1869). La psychologie de M. Alexandre Bain (trad. par Dr Fontaine). Revue des
Cours Littéraires de la France et de l'Étranger, 6, n° 37, 14 août, 587-592, n° 38, 21 août,
599-608.
Cet écrit est la traduction française de Mill, 1. S. (1859). Bain's psychology.
Edinburg Review (october), 110, 287-321. Ce texte a été republié en introduction dans:
Bain, A. (2006). Les sens et l'intelligence. Paris: L'Harmattan (pp. XII-XLVI).
9
Le texte que nous rééditons est un fragment de l'ouvrage A
system of logic, rationative, being a connected view of the principles of
evidence, and the methods of scientific investigation (1843) de J. S. Mill.
Il s'agit plus particulièrement le livre VI consacré à la logique des
sciences morales. Le traducteur, Gustave Belot (1859-1929), professeur
de philosophie au lycée Janson-de-Sailly puis à Louis-le-Grand à Paris, a
fourni les renseignements historiques nécessaires à l'intelligence du texte.
Il s'agit cependant d'un exposé moins historique que critique, où
beaucoup de dialectique se mêle aux analyses et aux renseignements de
faits. La doctrine exposée au livre VI de la Logique est le centre et le but
de toutes ses remarques, de ses notes comme de son introduction.
Serge NICOLAS
Professeur en histoire de la psychologie et en psychologie expérimentale
à l'Université de Paris V - René Descartes.
Directeur de L'Année psychologique
Institut de psychologie
Laboratoire Cognition et comportement FRE CNRS 2987
71, avenue Edouard Vaillant
92774 Boulogne-Billancourt Cedex, France.
10
STUART
MILL
LA LOGIQUE
DES
SCIENCES MORALES
(LOGIQUE,
LIVRE VI)
TRADUCTION
NOUVELLE
AVEC NOTICE BIOGRAPHIQUE,
PRÉFACE E11 N01'ES
PAR
GUST AVE
lPROFESSEDR
DE PHILOSOPHIB
BELOT
AU LYCÉE
JAN'SON-DE-SAILL
y
PARIS
LIB. R A I RIE
15,
RUE
C H. DEL A G R AV E
SOUFFLOT,
1897
15
NOTICE
SUR LA VIE ET LES ŒUVRES
DE Sl'UART
MILL
Stllart l\Iill a'~ait la foi ClllXVIIICsiècle dalls la pllissance de l'édllcatioll
et la plasticité
cIe l'être 11111llaill;
il ell a,rait le clroit 1)111S(Ille persoll1le,
étallt lllil1lêlne le l)I'oclllit CI'1111ecles 1)111SextraoI'clillaires
eXl)ériel1ces éclllcati,res CIOllt 011 l)llisse citer l'exell11)le.
L'héréclité
cl'aillellrs pOlll'l'ait tOllt allssi biell être
illvoqllée (lallS l' eSI)èce, car SOIl père J aIlles l\lill ftit
111i-111êllle 11111101l11l1e Clll l)lllS
telligellce
fondellr,
grallcl
111érite,
lllle
Îll-
forte et 1llcicle, CIlI0icIlle sallS grallcle 111'0
al)l)llyée Sllr lllle V01011té illClo1111)ta))le. La
l'él)lltatioll clu l)ère est pellt-être
illfériellre
lellr, éclil)sée COlll111eelle Ie flIt, relllarqlle
à sa vaSOIl fils,
11ar le rCIIOl11 cIe ses illllstres
al1lis Belltllal11 et Ricarclo; ajolltollS,
il llotre tOllr, par l'éclat Slll)ériellr
{Ille ce fils l11ènle a ClOl111éh SOlI 110111.l\lais cIe cet éclat
1. Nous ne croyons ni possible ni nécessairc
de donner ici une
exposition
de l'ensemble
de la philosophie
de Stuart ~Iill. Nous
nous contenterons
d'en rappeler
les principaux
traits au fur et il
ll1esure que nous ferons connaître
l'homme et l'œuvre.
Vi
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111èJ11C,ell ])OllllC jllSticc,
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lllle partie
ŒuvnES
cloit rejaillir
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le l)èl'e, et JOhll-Stllart
l\lill Il'a ricl1 11égligé, (IallS
SOIl Alllobiog'raJ}/tie,
pOLIr (Ille cet 1101l11l1age llli flIt
rellclll. 1./ on I)Cllt reCOllllaitre,
ell effet, avec 1\1. Baill,
(Ille l' Œllvre la pIllS cOJlsiclérn)Jle 1, la 1)llls soliele elollt
1101[S SOYOIlS recleva})les il J aIlles l\iill, ce fut SOIl fils
111êllle, Cl011t l'éelllcatio]l,
all 111iliell (l'llll illcessallt
1a]) ell r, fIIt sa tf. cIl e ass i elu C.
J 0111l-Stllart IVli11 (ces 1)rél10111S llli fllrel1t ClOl11lés
CIl sOllven.ir cIe lorel JOlll1-Stllart
cIe :rcttercaill,
CIlli
avait été le protectellr
de SOll1)ère), l1acIllit le 20 l11ai
1806. Il fallt lire elal1s ses Mé17loires et les cIllelcIlles
docLlU1ellts COlll1)lé111elltaires
fOllrllis l)ar 1\1. Bain
(J. Stllart Mil" a criticislJ'z), le récit cIe l'éclllcatiol1 cIe
ses prelnières
allllécs.
Vers trois aIlS il COll1lnellce
le grec; SOIl l)èrc llli CI} fait al)11rell(lre les « voca})le-s », cIll'illlli écrip{til Sllr (les cartes, a,Tec lellr Sigl1ificatiol1 ell al1g1ais. A 'VHllt hllit aIlS il avait III l' ~4,zabase, I-Iérodote,
les lJfél}lOrables,
plllsiellrs
Vies de
Diogène Laërte, et l11êl11e (les Dialog'lles (le Platoll, y
conlpris le Tltéétète.
Il reJllarcIlle Illi-l11êllle cIlle ceci
était cIllelcIlle pell l)rélllatllré.
l::>llis viell11ent les livres
cl'11istoire et cIe 'voyages,
<Ill'il lit avec passioll
et
ClOllt il préScllte eles réSUlllés it SOIl père. A llllit aIlS
il COl1l111ence le latill avec ses sœllrs, clont il est l)llltÔt
le ll10llitetlr (Ille le cOllcliscil)le; il lit les Verrilzes et le
1. J aInes Mill a laissé une importante Elistoire des Indes (1818),
qui lui valut (1819) un poste élevé il la Compagnie des Indes, à laquelle son fils fut également attaché jusqu'il la suppression de cette
Compagnie (1823 -1858); outre cette I/istoire, il faut citer surtout
l'Essai sur le gOllvernenzent (1828) et l'Analysis oj'ltul1zan "Lind (1829).
DE
Pro
Arc/ticl.,
tout
STUART
CIl cOlltinllallt
J.\tIILL
le grec
'TII
avec
TI1l1c)r-
elide, SOlJl10cle et E1Iripicle.
Les sciellccs
Il' étaient 11t1SIlégligées;
il 01lze aIlS
il abordait
cléj il les sectiollS COIlicIlles et le calclll iIlfinitésinlal;
la IJl1ysicIlle et la chill1ie, chose remarqllable, lle 'viellllellt CIll'ells11ite et il 1110iIldre dose.
A dOllze aIlS il lit enfill les Clllatre IJre111iers livres
cIe l' Org'alzolz, clont il fait lIn réslIll1é SYll0pticIlle, et il
treize il cOll1plète son instrllction
ell 10gicIue par la
lectllre cIe clivers traités allglais, ell particlllier
cIe la
G~o17l1)lltatio de I-Io))bes.
Il est il croire clue tOLItes ces étlldes,
dont les
résllltats
Il' étaiellt
pas, 011 le pellse,
régulièrelneIlt
contrôlés
(Millll' ellt jalllais allCllll atltre Inaître CItle
son père, sillon (l'tllle lnallière tOllt il fait accidelltelle,
il IVlolltpellier),
restaiellt
ell partie assez slllJerficielles; Cepell(lallt l'initiative
dont il fait IJrellVe, l'habitllcle cIll'il IJrell(1 (le bonlle 11etlre et qtle SOIl père
ellcollrage,
cIe réSllnler ses lecttlres
et d'exl)oser
ses
ielées IJar écrit 011 cIe vive voix (il dOllze aIlS et dell1i
il conl pose 1111e11istoire ronlaille allant jllSqtl' allX lois
licillienlles),
la natllre 111êlne cIe certains
cIe ces travallX, attestellt
cIll'il Il'Y avait pas cIe sa part 1111Sill1l)le travail de 11lénl0ire, luais 1111eassilnilation'
réelle,
alItant (Ill 1110illS qlle le 1)er111ettait son extrêll1e jelllIesse.
Ce CIll'il fallt ])iell reconllaître,
c'est cIlle tOLIte cette
lectllre,
et l11êlue ce travail si précoce de réclactiol1,
Il' Ollt gllère fait cIe Mill lIn écrivain.
Cela l)ellt paraître illattelldll,
et Il' est IJellt-être qll e natllrel. P rellcIre trop tôt l'habitllcle
cI'écrire,
c'est prescIlle forcé-
VIII
NOTICE
111ent prendre
SUR
LA
1'11a])itllde
VIE
ET
LES
ŒUVRES
cIe 111al écrire.
011 IJellt (lire
(lU'en général Mill}JaraÎt igl10rer ce Cltle c'est que le
style; sa phrase est IOllrde, encl1evêtrée,
illcolore,
(lllelqllefois 11lêllle incorrecte;
les llégligences,
les
rél)étitiolls de nlots, )' a])oll(lent; Ie vocablllaire ell
est assez pallvre, et les IOClltiollS sallS variété 1. 011
doit aVOllcr d'ailleurs
que rareI11ellt la clarté de la
pellsée ell SOllffre, et la réptltation de Mill il cet égard
est jllstifiée.
Ell 111ai1820, Mill IJart pour la Frallce; il a été invité par sir Salll. Bentl1anl (le frère de Jerelny) à faire
Ull séjollr cllez llli, au clltlteall cIe POlllpigllall, près
T Olllollse ; el1l)asSallt à Paris, il est présellté à J. -B. Say
et il Bertllollet. Ill)asse tIll aIl chez S. Benth.aln, sans
illterrollllJre
son. régillle de lectllres ~l llaute close.
1./éconolllie l)olitiqlle, COll1mencée (léj h l'année précédellte avec Slllitll et Ricardo, est cOlltinllée avec Say,
sallS l)réjudice pOlIr les sciellces et la littératllre.
Il
se familiarise avec la lallg1le frallçaise et en étuclie
les princi})au~x lllOlllllllellts. De ce voyage il ra})porte
lllle grande synl1)atllie pOlIr la :B"rallce, ses luœurs et
SOIlesprit: elle lle s'est j aIllais délllelltie clans la suite;
all. cOlltraire, il juge tOlljours assez sévèrelllent son
IJays, qll'il estillle, à certains égards (V. ce livre,
cIl. x, ~ 8), en retard sur le continellt, et ses cOlllpa1. Nous espérons
qu'on voudra bien trouver là une excuse pour
les défauts de la présente
traduction.
Présentée
comme texte ,scolaire, elle eût dû être un modèle au moins acceptable
de style. Mal..
gré nos efforts pour arriver
à ce résultat,
nous sentons combien
nous SOl11.mesrestés loin du but. Il a paru, en certains cas, presque
impossible
de InaintenÎr la pensée sans laissel~ subsister
les imperfections d'une expression
mal venue dans l'original.
DE
STUART
IX
l\IILL
triotes,
(lont l'£ll)reté all gaill et le l)ell de socia))ilité
111i })araissel1t
contraster
Illal11ellrellsellleIlt
avec le
(lésintéresselllellt
et la corclialité
des Frallcais.
De retollr il LOllelres ell jllillet 1821, il s'occupe
Stlrtollt de IJllilosopllie
et de sciellces sociales. Il lit
Conelillac, Loclie, I-Ielvétills, I-Ill1l1e, les Écossais. C'est
alors qll'il s'élJrenel de Bentllanl,
et qll'il fonde avec
cIllelcIlles êllllis 1111eSociété lltilitaire Cllli clu.re trois aIlS.
f~ll 1823, il elltre à la COll1pagllie (les Illdes en 111êlne
tCll1pS qll'il}Ju])lie
ses prell1iers
écrits. Non COl1tellt
(les dé))OlICllés qlle llli offraiellt les IJériodicIlles existal1ts, il fOllele, COInIlle orgallc clll radicalisll1e
))entllallliste,
la RePlle de JiVest/Jlil~ster, Cllli COl11nlel1ce h
l)araître ell1l1ars 1824. Il a 1)0111"collaboratellrs,
olltre
SOIl IJère, tOllt 1111groll1Je (l'all1is (lOllt la plllpart
se
firent 1111110111(lailS les lettres
et la politiqlle
: les
clellx A1IStill, ROll1ill)r, Grote. Il y fOllrllit lui-ll1êllle
treize
articles
ell qllatre
et qllelques alltres,
(leux Blllwer-Lytton,
SjJéClllatipe
ans
.
Avec
les
Inêll1es
alnis
elollt Macalllay, Wilberforce,
les
il C011stitlle (1825) 1111e L)ociété
de clisCllssioll
IJoliticllle,
éCOlloll1ique
et
1)llilosOI)llicIlle.
T Ollt ce tra'vail IJerSOJlllel, tOllS ces
COlltacts variés, élargissent
ses ielées et a-ffrallcllissellt
SOIl eSl)rit cIe la tlltelle, (l'abord
1111l)ell étr'oite, clu
])elltllt1Jl1isll1e et cIe SOIl père.
l\.{ais c'est Sllrtollt la crise (fn'il traverse
ell 1826
qlli nlarC!lle la elate de cette trallsforll1ation
clans ses
iclées. A vrai elire, elle Il' ell paraît IJ3S être la calIse;
elle 1lIi ell elOlllle selllell1ellt 1111e1)llls vi,re consciellce.
Cette crise, il la clécrit 1011g1Iell1e11t c1al1s SO]1 AlltobioB'rajJ]tie
et avec lllle viv.acité
cIe style
et cIe selltia.
x
NOTICE SUIl LA VIE Err LES ŒUVRES
llle11t C!lli lIe llli est l)as orcli11aire.
clit-il,
claIIS cet état
el' eIIgollrdisseIllellt
tOlrt le 111011deest sllsce!)ti)Jle
il tOllte
clans
jOllissaIlce
111alaises
l'état,
elirai-je,
sOillles
elles
cIllallcl
atteiIltes
dZl J}éclté.
cIllestioll
la vie
« genlellts
clalls
réponclit
soiellt
les
Ille
sOlltellait
cette
fill.
111oyells?
COIlsacrer
lllle
cette
clans
éCIllili])re
Il 11'0 Ille
(lût
d'esprit,
cette
les cI1all-
illstitlltions
(laIIS
al)erccvoir
Ille
CIlle je
cléfaiIlir;
lIe
tOllt ce CIlli
TOllt
faseillait
111011 bOll-
était
I)I1IS ricll
~l cIlloi je
fr.,
cIe
rOlnpl1;
111'illtéresser
allX
1)11SSe
1). 127.)
Clll clé])llt
il SOlI état
COlll1111111,l\Iill
COl11111e lllle
rlll)tllre
1111 cl1allgell1cl1t
l1at11rel
»
el1core
cIlle cl'assez
cIlle
l)llis1111e
NOll!
intériellre
CIlli Ille
restait
111e11tal,
l'était
cIe la
cIe la pOllrsllite incessallte
IlIa "vie. » (1'rad.
Il était
état
cIlle tous
s'écrollla.
il la fi.l1, IJollvais-je
iclées.
fois
elirectel11e11t
et les
voix
la vie
I.Je cllarll1e
crise
cet
l)oser
. Je Ille selltis
il lIe voit rien
cIlle
cla11s
])iell 11ellrel1x? -
Sallf la COl1rte allllsioll
Oll
qllancl
tll COllS11111es ton existellce,
Sllr l'11el1re : en éprOllveras-tl1
11ellr, je clevais le tenir
il1sel1sr])le
IllétI10clisnle,
réalisés;
seras-tll
ré}JriIl1er
dans
les l)er-
la l)relnière
0l)illiollS
llettenlellt
l)OllVais
~l el' all-
CI1ICtOllS les o])j ets cIlle tll })Ollr-
« l'attellte
desclllels
«( se11t s'accOlll1)lir
« gra11cle joie?
pOlIr
cIe Ille
: « SllPl)ose
« Sllis clalls
all
J'étais
il ln' arriva
(Illi 1)laît
orclillaireIl1ent
cOllvertissellt
se SClltellt
agréable,
et inclifférellt;
Oil se trollveIlt
(Llli se
COllfJictiOl't
illsil)icle
ÎllsellsÎble
sellsation
011 tOll"t ce
1110111elIts ele\Tiellt
1lcrvellX qlle
cIe tra'verser,
COIIlIlle il tOlIte
1111cIe ces
tres
« Je Ille trollvais,
ll11e telle
crise
n'eXl)licIalls
cl'assise
CI11'11l1« illteIlectllcI
ner"Vellx,.
SOI}
cIe ses
» COlnlne
SOlIS !'asl)eet
il
DE
cl'une trallsforll1atioll
CIllatre iclées
STUART
Xl
l\IILL
cIe ses tlléories.
})rillCipales
Il y rattaclle
très
illtilllelllellt
liées:
la
correctioll cIe l'tltilitarisll1e, - 1)0111'trollver le ])01111c1lr, il lIe [allt pas ell faire }'o])jet nlêll1e cIe }'existellce, 111ais Ie clleillir « ell passallt » ; 011 lIe Ie tr01lve
cI1l'ell S'illtéressant
it cI1lelcltle Œ1lvre dOl1t on fait Ie
b1lt clirect cIe ses efforts; - l'ilnportance
sllpérieure
clésorlnais
attri])llée
il l'écl1lcatioll
cIe l'hol111ne ltlil11êll1e, it la C1llt1lre illtérie1lre
cIe l'illclivid1l })llltôt
cI1l'a1lx age11cenlents
extériellrs
cIe la vie et cIe la soeiété; - la recoll1laissal1ce
cIe la vale1lr Clll selltil11ellt
~l côté cIe l'intelligence,
et la place faite ilIa poésie et
a1lX arts (lal1S l'écI1lcatioll;
- enfill tllle llollvelle doctrille
Sllr
la li))erté
(lallS Ie llrésellt
livre)
et la 11écessité
C{lli, tOllt ell l11aintellallt,
il, les clroi ts cIe la sciellce
la natllre,
opI)ressive
(011 la
et la régtllarité
l1011S délivre Clll ca1lcllenlar
et clécollrageallte.
trollvera
eroit-
(les lois cIe
cl'tlllC fatalité
En COllsidérant les cll0ses Clll clehors, il serait })OSsible cIe IJellSer, avec M. Baill, cIlle la calIse l)rincipale cIe cette crise était tIlle clépressioll
l1ervellse
callsée par 1111excès cIe travail illtellectuel.
l\Iill avait
tout j1lste villgt aIlS, et l' 011 a V1I(ellcore ])iell illconlIJlètenlellt)
l.je ressort
c{llelle ttlclle stllpéfi.allte il avait accolllplie.
cIe la ,rie est forcé; il llC réagit 1)llls; le
111al (lui atteillt l'Ii Il se 111allifeste avallt t01lt 1)ar lit :
par l'incapacité
de S'illtéresser
il rien, IJar le dégoût
cIe tOlIte actioll, })ar le sentill1ellt d'être « cIe ])ois OIL
cIe l)ierre », par qllelcIlle chose COll1111ecet état cIe
« séclleresse
» dOllt se SOllt l)laillts tOllS les 111Y.StiC!lleS dalls
certaills
1110111ellts d' éplliselllellt.
C'est
XII
NOTICE
SUR
pOllrqtlOi
011 voit
la crise
illtensité,
asstlrénlellt
LA
VIE
ET
acqllérir
LES
ŒUVRES
tl11e extraordillaire
disproportiollnée
avec les cau-
ses 011 occasiOlls prolJrenlent
intellectllelles
cIll'il llli
assiglle, 1111pell con1Ine, clalls certai11s rêves, cl'illdici])les fl'ayerlrs
sont ressellties,
sallS s'explicIller
IJar
aUClllle visioII terrifiante.
C'est pOllrcluoi de nlênle
lIne cirCOllstallce
insigl1ifiallte,
1111e lectllre de l\1ar1110ntel faite ell 1111nl011lellt IJrolJice, Sllffit il sOlllager
lIn 111al CIlle le patient
se figllrait 11101'tel. C'est pOllrqllOi el1fin, de l'avelllllêll1e
cIe lVlill, tOllt le fond anciell
de ses idées su))siste;
il 11C les rellie pas; il 11e fait
guère clue les réaclapter
il lllle 11011velle l11allière de
selltir : il reste lltilitaire,
il reste ell11Jiriste, il reste
déterIl1illiste,
il reste illtellectllaliste.
Il ne devient
Ili 111étal)-}lysicien,
Ili illtllitioIl11iste,
IIi 111ystiqlle,
conlI11e Carlyle s'ell était biel1 légèrelllel1t
forgé l'espoir. Ses théories
cllallgellt
il peine;
ce CIlli cllange,
c'est la cOllletlr dont il les revêt, le selltilllellt
de la
,rie dOllt il les al1ill1e. E llcore ce cllallgell1ellt
Il' a-t-il
riell de raclical; les liglles qlli s'accllsellt
ici, ollles retrollverait
déjà illC1iclllées avallt 1826 c1al1Sce Mill qlli,
par exelnple, s'épreI1d, avant huit aIlS, dll beall caractère de Socrate, pOlIr lecIllel il garcla tOlljollrs 1111esorte
de Clllte; qui lit Pope avec passiol1, se mOlltre déjà
sellsible,
sans hiell s'ell rel1dre compte, all COlltraste
cIll'il croit trollver el1tre le c.aractère et la cultllre de
ses cOIllpatriotes
et des 11ôtres; qlli ellfill s'elltlloUsiasl11e de la Révolutioll
frallçaise et rêve, il CIllillze ans,
d'être 1111Girolldil1 de qllelqlle COllvelltÎon
a11glaise.
Mais cela 111êllle 11011Sclonne la clef cIe la IJl'O[ollclellr
de la crise telle CIll'elle apparaît
il la COllsciellce de
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