4
Le risque de liquidité sur les marchés obligataires
SYNTHÈSE
Le risque de marché et le risque de liquidité sont de loin les princi-
pales sources d’incertitude qui ont une incidence sur les gains ou
les pertes (P&L) futurs d’un portefeuille. Si le premier risque peut
s’expliquer par l’incertitude liée aux fluctuations des prix, le second
est encouru dans le cadre de transactions. L’illiquidité augmente
avec la taille de la position. Ce phénomène se produit à court
terme mais il disparaît à long terme. Ainsi, un titre détenu jusqu’à
l’échéance ne comporte généralement aucun coût de liquidité.
Contrairement aux autres facteurs de risque, le risque de liquidité ne
peut toutefois être diversifié. Il n’est par exemple pas possible de
compenser un niveau d’« exposition » à la liquidité en vendant un
titre illiquide. Plus généralement, aucun produit dérivé connu basé
sur la liquidité ne peut couvrir ce risque spécifique. Sur des marchés
baissiers, c’est le cours acheteur qui prévaut sur le cours médian.
Dans ce document, après une brève étude de la théorie financière
sur le risque de liquidité, nous en analysons les principales caractéris-
tiques, ses mesures et ses facteurs ainsi que son rôle prépondérant
dans l’irruption des crises et l’éclatement des bulles. La liquidité
constitue donc un facteur de risque qui signale les rendements
ex ante et explique la performance ex post, du moins en partie.
Si l’on se réfère à la littérature actuelle, la prime correspondant au
risque de liquidité s’élèverait à environ 0,6 % pour les obligations
classées en catégorie « investment grade » et à 1,5 % pour les
obligations spéculatives.
On ne peut appliquer d’emblée les mesures de la liquidité des
actions au marché obligataire car celles-ci doivent dépendre des
propriétés intrinsèques de l’obligation. Contrairement aux actions,
les obligations s’amortissent. La liquidité d’une obligation à 10 ans
n’est pas identique à celle d’un titre à 3 ans, même si elles ont le
même émetteur. Une mesure de la liquidité basée sur le volume
échangé peut induire en erreur car une obligation négociée n’est pas
nécessairement liquide (ex. : vente forcée et titres de bonne qualité
devenus spéculatifs). Inversement, les obligations non négociées ne
sont pas nécessairement illiquides. Nous utilisons les Liquidity Cost
Scores (LCS) de Barclays pour mesurer la liquidité sur les marchés
du crédit. Le coût de la liquidité baisse généralement à mesure que
les volumes échangés et la taille des émissions augmentent, que
l’option adjusted spread (OAS), le duration times spread (DTS) et
la maturité diminuent.
Nous constatons notamment que l’omission du risque de liquidité
peut amener à sous-estimer de 22 % la VaR (99 %) d’un portefeuille
obligataire. Puis, nous abordons les techniques les plus efficaces
pour récupérer les primes de liquidité et extraire les justes prix,
selon le degré de liquidité du marché. Nous élargissons notre
analyse afin de présenter un cadre général qui englobe le risque
de marché et le risque de liquidité et nous évaluons l’impact de
ces deux risques, à la fois au niveau du titre et au niveau du por-
tefeuille. Enfin, nous soulignons l’importance de tenir compte de
la liquidité dans la construction du portefeuille et nous proposons
une méthode pour le faire.