Le 13 mai 1958, une insurrection éclate à Alger à l’annonce d’une possible ouverture de
discussions entre le nouveau gouvernement dirigé par Pierre Pflimlin et le FLN
(http://www.ina.fr/histoire-et-conflits/epoques/video/CAA88018517/le-13-mai-1958.fr.html) . Avec la
complicité d’une partie de l’armée, les « Français d’Algérie » s’opposent à toute négociation avec le FLN,
forment un Comité de salut public dirigé par la général Massu et en appelle au retour de de Gaulle au
pouvoir. La France se retrouve au bord de la guerre civile avec des menaces de coups de force de
l’armée sur le territoire métropolitain et en particulier à Paris (opération Résurrection). Sondé par le
président de la République René Coty, de Gaulle accepte de revenir au pouvoir mais à condition d’avoir
les mains libres pour réformer les institutions dans le sens qu’il préconisait dès 1946 dans son discours
de Bayeux. Cette perspective dresse contre lui une partie de l’opinion (notamment de gauche) qui voit
se profiler la menace d’une dictature (la perspective de donner les pleins pouvoirs à un homme
providentiel rappelle par trop les heures sombres de 1940) ; la réponse de de Gaulle dans une
conférence de presse est passée à la postérité
(http://www.ina.fr/divertissement/humour/video/I00012921/charles-de-gaulle-et-la-carriere-de-
dictateur.fr.html) sans forcément rassurer ses opposants. Investi comme président du Conseil le 1er juin
1958, de Gaulle reçoit rapidement les pleins pouvoirs pour six mois afin de réformer la constitution et
de ramener le calme en France et en Algérie. La Quatrième République est déjà pratiquement morte.
2) Peut-on parler de dérive monarchique de la République à partir de 1958 ?
En 1964, François Mitterrand, un des plus farouches opposants au général de Gaulle, publie un
ouvrage intitulé « le coup d’Etat permanent » dans lequel il condamne les institutions de la Cinquième
République qui donnent le pouvoir à un seul homme. Dans l’hebdomadaire Le Canard enchaîné, les
caricaturistes dessinent de Gaulle en Louis XIV. Encore aujourd’hui, de nombreux observateurs parlent
de « monarchie républicaine » pour parler de la Cinquième République. Qu’en est-il ?
La nouvelle constitution est préparée durant l’été 1958 par une commission dirigée par Michel
Debré, un proche du général de Gaulle. De manière très symbolique, le projet constitutionnel est
présenté par de Gaulle lors d’un grand discours le 4 septembre 1958, place de la République à Paris. Les
Français l’approuvent le 28 septembre par près de 80 % des votants (66 % des inscrits) et le nouveau
texte est promulgué le 4 octobre. Les différences avec le système précédent ne sont pas évidentes au
premier coup d’œil : il y a toujours deux assemblées, un chef de l’Etat élu pour 7 ans et un
gouvernement qui doit disposer de la majorité à l’Assemblée nationale pour pouvoir diriger le pays ; la
seule véritable nouveauté en matière d’organes institutionnels est l’apparition du Conseil
constitutionnel chargé de vérifier la constitutionnalité des lois. Cependant, c’est l’équilibre entre ces
organes qui se trouve modifié par la nouvelle constitution. Le Président de la République voit ses
prérogatives renforcées : il peut toujours dissoudre l’Assemblée nationale mais il dispose en plus de la
possibilité de consulter directement les citoyens par la procédure du référendum (pratique qui rappelle
trop à certains l’Empire napoléonien et qui permet de court-circuiter la représentation nationale et les
partis pour mettre le Président directement en relation avec le peuple) ; les circonstances dramatiques
dans lesquelles le texte a été élaboré donnent au chef de l’Etat, par le biais de l’article 16, la possibilité
de disposer des pleins pouvoirs pour un temps limité ; le Président joue également un rôle plus
important dans le pouvoir exécutif comme le montre le changement du titre du chef du gouvernement
de « président du conseil » en « premier ministre » : désormais c’est le Président de la République qui
préside le Conseil des ministres. De Gaulle a cependant dû effectuer certaines concessions pour obtenir
l’appui de certaines formations politiques : il a renoncé ainsi à faire élire le Président par le peuple (ce
seront 80 000 grands électeurs qui l’éliront en décembre 1958).
Toutefois, il va très vite s’instituer une certaine différence entre le texte constitutionnel et la
pratique gaullienne. De Gaulle donne à sa fonction une plus grande importance encore que dans les
articles de la constitution : par ses voyages dans le pays, par le contrôle de la radio et de la télévision
nationale, par la manière qu’il a d’assumer la fonction présidentielle, il est le point central. Cela se révèle
efficace lorsqu’en 1961 il faut déjouer le putsch des généraux et maintenir l’armée dans l’obéissance.