Avant-Propos
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traverse ainsi les périodes et les siècles, sans altérations ni
vieillissement.
Quand on se tourne vers Racine, le grand, le très grand,
l’incomparable musicien, que découvre-t-on avec Bérénice, sa
pièce la plus appréciée et jouée sans doute de nos jours ?
Un récit où il ne se passe rien, un discours sur le vide,
l’entrechoc des émotions, certes, mais le désert des
évènements. Et cette scène vidée du choc des batailles
devient une caisse de résonance, comme un luth aux mille
cordes où se joue la symphonie aux multiples fragrances et
reflets de la parole en majesté.
Et quelle surprise alors, d’apprendre d’abord, que Voltaire
n’a pas seulement écrit l’innombrable et foisonnante
correspondance, ce flot incessant de milliers et de milliers de
lettres qui se déversaient sur l’Europe des Lumières ; qu’il
n’est pas seulement l’écrivain qui nous conte les aventures de
Candide, Zadig, Micromégas… aux quatre coins de la
planète et des cieux, reflétant dans la satire romanesque l’état
et la conscience d’une société en mutation, en gésine d’un
autre monde, qui verra le long et formidable avènement de la
démocratie.
Non, Voltaire n’est pas seulement cela. N’est pas seulement,
et c’est considérable, le philosophe, le journaliste, l’esprit
ouvert toujours en quête de connaissance, à l’extrême pointe
de la révolution des idées, au fait de la science qui se
construit toujours plus (Newton), le défenseur des causes
perdues, l’ardent combattant luttant pour une meilleure
justice des hommes sur cette terre. C’est aussi, et
essentiellement, l’auteur unanimement fêté et célébré de son
vivant pour ses tragédies, son œuvre épique et poétique. Une
œuvre qui a irrigué sans cesse ses écrits tout au long de son
existence. Le terreau fertile et constant qui a nourri et
charpenté son œuvre tout entière.
Et c’est un pan immense, gigantesque de Voltaire, inédit et
inconnu en France de nos jours. Voilà plus d’un siècle que
l’alexandrin de Voltaire est tombé dans l’oubli. Alors certes,