
Le thermalisme a derrière lui des lettres de noblesse que l’on ne peut pas
oublier. Comment oublierais-je moi-même le souvenir d’un père curiste auquel
le thermalisme a apporté beaucoup de soulagement après un accident de
voiture qui avait endommagé son système osseux ? Comment ne pas me souvenir
aussi de ces conseils donnés dans la pharmacie familiale, où j’entendais ma mère
recommander des cures pour cet enfant confronté chaque hiver à des rhinopharyngites ?
La médecine thermale a le mérite de soigner sans effets secondaires. Elle le fait à des
conditions très avantageuses pour l’Assurance Maladie. Elle conduit depuis toujours le
curiste à accepter ses journées de cure thermale comme des journées de rénovation, de
réhabilitation de sa santé loin des soucis professionnels, dans une ambiance de détente.
Elle est à la fois bénéfique pour le corps et l’esprit. Les curistes, loin d’être des assistés qui
subiraient un traitement, acceptent de payer de leurs deniers les frais de déplacement,
d’hébergement et de restauration qui restent à la charge des patients.
Mais ce thermalisme doit aujourd’hui connaître une nouvelle jeunesse. En effet, il est
particulièrement bien placé pour relever trois grands défis.
D’abord, le défi de la prévention primaire permettant une véritable éducation à la santé
et au bon usage du médicament, et qui est tout simplement une forme d’éducation
thérapeutique. Ensuite, celui qui consiste à mieux connaître les facteurs de risque pour
pouvoir s’en prémunir. Et enfin, le défi d’une prévention tertiaire qui permet d’engager une
lutte contre tout ce qui peut aggraver la pathologie déclarée.
Nos stations de cure thermale sont particulièrement bien placées pour jouer ce rôle. Les
campagnes d’éducation pour la santé peuvent trouver là des lieux privilégiés afin de réussir
cette sensibilisation -cette formation au risque sanitaire-, et cela dans une société où l’on
vit de plus en plus âgé et où il faut se préparer à cette longue traversée de la vie.
Les stations thermales pourraient œuvrer en ce sens lorsqu’elles s’adressent à des seniors
en « relais du bien-vieillir ». Il faudrait que nos aînés puissent bénéficier de ce temps de
retraite pour en faire un temps de récréation de leur corps et aussi de leur esprit. Dans le
cadre de nos stations, le thermalisme peut leur offrir l’occasion de retrouver dynamisme,
confiance et sérénité. On peut rêver à cet égard d’une vie culturelle adaptée à ces temps de
repos, dans une station où le calme et l’harmonie permettent plus aisément à l’esprit et à
l’âme de s’épanouir.
Toutefois le thermalisme peut aussi offrir les structures afin d’assurer les soins de suite.
Aujourd’hui, les hôpitaux et établissements de santé sont souvent suroccupés dans ce
domaine. Cette médecine de réhabilitation, qui peut pallier des traitements plus coûteux
peut être opportunément pratiquée dans nos stations thermales.
L’avenir nous réservera de longues années d’un vieillissement que nous pouvons adoucir.
Nous savons combien les pathologies chroniques sont à cet égard une gêne qui s’accroît
d’année en année. Ce temps de repos dans une station thermale peut grandement faciliter
une amélioration de la prise en charge de la chronicité sans augmenter le recours aux
substances médicamenteuses… Oui, pour toutes ces raisons, le thermalisme a un bel avenir
devant lui.
Encore faut-il que la Nation accepte de lui faire toute sa place en facilitant la formation
de médecins au thermalisme, en permettant une modernisation de nos stations, qui ont
besoin d’investir pour rester à la mesure de tous ces enjeux… Bonne chance à tous ceux
qui maintiennent cette grande tradition thermale dans notre pays ainsi qu’en Europe, en
l’orientant toujours plus vers de nouvelles missions à la mesure des enjeux d’aujourd’hui.
Jacques BARROT
Commissaire européen – Ancien ministre de la Santé et des Affaires sociales
Préface
© F. Gaty