La Lettre du Cardiologue - n° 364 - avril 2003
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MÉTABOLISME
Complications néphrologiques. Des atteintes glomérulaires à
type de glomérulosclérose segmentaire et focale peuvent être
révélées chez l’obèse par une protéinurie, et ce, indépendamment
de l’existence d’un diabète ou d’une HTA.
Complications iatrogènes, risque opératoire. Un surcroît de
mortalité et de morbidité est associé à l’obésité massive, en rai-
son du terrain à risque cardiovasculaire, des atteintes respiratoires
et du risque thromboembolique postopératoire. Une chirurgie
chez l’obèse nécessite une bilan préopératoire multidisciplinaire.
Cancers. Certains cancers sont plus fréquents chez les obèses,
comme le cancer du côlon, du pancréas, du foie ou des cancers
hormonodépendants, tels les cancers du sein, de l’utérus ou de la
prostate.
ÉTIOLOGIES ET MÉCANISMES PHYSIOPATHO-
LOGIQUES
Génétique, environnement et psychologie intriqués
dans la genèse de l’obésité
À l’exception des rares obésités secondaires à une endocrinopa-
thie, qu’il convient d’éliminer au début de la prise en charge (hypo-
thyroïdie ou hypercorticisme), et des rarissimes obésités monogé-
niques familiales ou sporadiques, dans l’écrasante majorité des cas,
l’obésité est une maladie du tissu adipeux due à la collaboration
de mécanismes métaboliques sur un fond génétique prédisposé,
dans un environnement qui favorise l’accès continuel à une nour-
riture variée et riche et une diminution de l’exercice physique.
Mécanismes moléculaires : génétique et régulation poids/
appétit. La distinction de mécanismes de transmission génétique
est rendue difficile dans l’obésité humaine par le fait que les
membres d’une même famille partagent les mêmes modes d’ali-
mentation, d’activité physique et les mêmes conditions socio-
économiques. Il n’en reste pas moins qu’il existe des familles
d’obèses : 70 % des obèses ont au moins un parent obèse. Cette
agrégation familiale est un facteur prédictif négatif de guérison,
notamment chez l’enfant, dont les chances de retour à un poids
normal sont très diminuées quand l’un des parents est obèse. La
prise en charge de l’obésité doit donc être, au mieux, familiale.
Certaines formes exceptionnelles d’obésité sont dues à des
atteintes d’un seul gène, comme celui de la leptine ou de son
récepteur, de la POMC (pro-opio-mélanocortine), des récepteurs
de type 4 de la mélanocortine (MC4R) ou de la ghréline dans le
cadre du syndrome hyperphagique de Prader-Willy (5, 6). Les
obésités classiques sont probablement associées à une sélection,
lors de l’évolution des sujets porteurs, de “gènes d’épargne”
capables de les rendre résistants aux périodes de disette (par
exemple en temps de guerre). En présence d’une nourriture abon-
dante, ces sujets deviennent alors exposés au risque d’obésité.
Mécanismes environnementaux. L’accès facilité à la nourriture,
l’augmentation de la densité calorique des aliments, plus gras et
plus sucrés, la consommation accrue de boissons sucrées et/ou
alcoolisées, les sollicitations répétées de la publicité, la diminu-
tion de l’exercice physique et, grâce au chauf
fage et à la climati-
sation,
la diminution de la dépense énergétique pour faire face
aux variations climatiques
sont autant de facteurs environnemen-
taux
qui favorisent l’apparition de l’obésité.
Mécanismes psychologiques. L’obésité peut avoir comme
cause une pathologie psychiatrique, comme la dépression ou
un trouble du comportement alimentaire ; mais, même en l’ab-
sence de pathologie psychiatrique sous-jacente, l’obésité peut
aussi avoir des conséquences sur l’humeur du patient ou engen-
drer des troubles névrotiques, comme l’agoraphobie. Il a éga-
lement été bien montré que l’obèse avait un trouble de son
image corporelle l’amenant à négliger son corps. Dans tous les
cas, l’évaluation psychologique et psychiatrique fait partie de
la prise en charge du patient obèse, avec, dans le meilleur des
cas, des consultations de soutien par un psychiatre ou un psy-
chologue.
Savoir dépister les troubles du comportement alimentaire
En allant du moins au plus sévère, ces troubles peuvent se mani-
fester sous la forme de polyphagie pendant les repas (ingestion
de quantités importantes, mais limitées aux repas), de grigno-
tages (prise répétée, en dehors des repas, de petites quantités
d’aliments variés), de compulsions alimentaires (besoin irré-
pressible de consommation immédiate d’un seul aliment, en
dehors des repas), de levers nocturnes pour s’alimenter et, enfin,
de crises de boulimie avec ingestion, le plus souvent dans un
contexte d’anxiété, de grandes quantités d’aliments, suivie ou
non de vomissements.
Savoir dépister les troubles de l’humeur ou les troubles
anxieux sous-jacents
Un syndrome dépressif ou anxieux peut engendrer des modifi-
cations du comportement alimentaire et conduire à une obésité.
Il convient donc de ne pas le méconnaître ou de ne pas l’attribuer
trop rapidement aux conséquences de l’obésité.
Il est important de mettre à jour les circonstances qui ont pu favo-
riser l’apparition ou l’accentuation de l’obésité, telles qu’un deuil,
un licenciement, un divorce, etc.
IMPLICATION DES DIFFÉRENTS SPÉCIALISTES
Comme cela a déjà été indiqué précédemment, la prise en
charge de l’obésité nécessite la collaboration de plusieurs spé-
cialistes, tout en veillant à maintenir le rôle primordial du
médecin traitant, qui peut coordonner les différentes approches
thérapeutiques et être le premier interlocuteur du patient au
jour le jour, afin d’éviter un émiettement de la prise en charge.
Les spécialistes qui seront impliqués dans le suivi d’un obèse
seront variables en fonction des complications dont sera por-
teur le patient. Néanmoins, il est sûr que le cardiologue et l’en-
docrinologue seront le plus souvent sollicités, de même que le
psychiatre.