Nutrition et maladies hépatiques
Chantal Bémeur, DtP, PhD
Professeure adjointe, Département de nutrition, Université de Montréal
Chercheuse associée, Centre de recherche du Centre Hospitalier de l’Université de Montréal
Introduction
Les maladies hépatiques regroupent diverses affections du foie qui incluent les hépatites et les
cirrhoses. Ces dernières sont des maladies chroniques du foie caractérisées par une diminution
significative du nombre d’hépatocytes et par la présence de fibrose, résultant en une
désorganisation importante et irréversible de l’architecture du tissu hépatique1. Les maladies du
foie ont impact important sur la population canadienne puisqu’elles figurent au 5e rang des
causes de mortalité et qu’elles affectent plus de trois millions de canadiens2. Un rapport
récemment publié par la Fondation canadienne du foie fait état d’une augmentation drastique de
30% en huit ans du taux de mortalité attribuable aux maladies hépatiques2.
L’étiologie de la maladie hépatique chronique (cirrhose) est multiple et inclut, entre autres,
l’alcoolisme chronique, les hépatites auto-immunes, les troubles métaboliques (hémochromatose,
maladie de Wilson,…), l’obstruction chronique des voies biliaires et la stéato-hépatite non
alcoolique (NASH). Un fait important à noter est qu’une forte association entre l’indice de masse
corporelle et le NASH a été rapportée3. Considérant que, selon l’Organisation mondiale de la
santé, l’obésité a atteint les proportions d’une épidémie en 2010 et que la prévalence d’obésité ne
cesse de s’accroître, les cas de cirrhose induite par le NASH pourraient potentiellement
augmenter dans les années à venir.
Maladie hépatique et malnutrition
L’intégrité fonctionnelle du foie est essentielle pour l’approvisionnement en nutriments tels que
les glucides, lipides et protéines. Le foie joue un rôle fondamental dans le métabolisme
intermédiaire. Par exemple, le foie contrôle la synthèse, l’entreposage et la dégradation du
glycogène tandis que les hépatocytes expriment les enzymes qui leur permettent de synthétiser
le glucose à partir de différents précurseurs comme les acides aminés, le pyruvate et le lactate
(néoglucogenèse). De plus, le foie est un site majeur où ont lieu la dégradation des acides gras et
la synthèse des triglycérides. Le catabolisme des acides gras fournit une source alternative
d’énergie lorsque l’apport en glucose est limité comme, par exemple, lors du jeûne. Le foie joue
également un rôle-clé dans la synthèse et la dégradation des protéines. Ainsi, lorsque le foie
devient insuffisant, l’homéostasie métabolique est interrompue et de multiples problèmes
nutritionnels surviennent.
La malnutrition, présente chez 65-95% des gens atteints de maladie hépatique4,5, est associée à
un risque élevé de développer des complications telles que l’encéphalopathie hépatique. Celle-ci
est un désordre neuropsychiatrique et cognitif complexe qui augmente également le risque de
mortalité chez le patient cirrhotique6-8. De plus, la malnutrition est un important facteur
pronostic de l’issue clinique en terme de durée d’hospitalisation, morbidité pré- et post-
transplantation hépatique, qualité de vie et survie9-11. Plusieurs facteurs contribuent au
développement de la malnutrition lors de maladie hépatique chronique12 (Figure 1).