“TEC” — 2014/4/4 — 20:17 — page 65 — #65 PC* - Lycée Thuillier HS Fiche n± 10 Conductimétrie La conductimétrie est une technique d’analyse quantitative, permettant d’accéder aux concentrations des ions en solution. Cette technique est basée sur la connaissance de la conductivité æ de la solution, grandeur directement liée à la conductance G (l’inverse de la résistance R), mesurée avec un appareil appelé conductimètre. Principe de la technique U N PEU D ’ HISTOIRE Friedrich Kohlrausch, (1840–1910), est l’un des premiers à avoir étudié la conduction du courant dans les électrolytes liquides. On lui doit la loi de Kohlrausch qui relie la conductivité molaire ionique d’un électrolyte à sa concentration. Conductivité Dans un métal ou en solution électrolytique (qui contient des ions), la conductivité électrique est la grandeur qui caractérise la facilité avec laquelle les porteurs de charge se déplacent sous l’effet d’une différence de potentiel. La conductivité d’une solution æ s’écrit sous la forme : æ= X ions i c i ∏i en siemens par mètre (S·m°1 ou ≠°1 · m°1 ) où c i est la concentration de l’ion i (exprimée en mol·m°3 ) et ∏i est sa conductivité molaire ionique (exprimée en S·m2 ·mol°1 ). La conductivité molaire ionique ∏i rend compte de la capacité qu’a l’ion i en particulier à se déplacer lorsqu’il est soumis à une différence de potentiel. ∏i dépend de la température et du solvant mais varie aussi avec la concentration de l’espèce i, ce qui rend délicate l’exploitation des résultats. Cependant, en solution diluée, la conductivité molaire ionique est généralement considérée comme peu différente de sa valeur extrapolée à dilution infinie. On note ainsi ∏±i la conductivité molaire ionique à dilution infinie de l’ion i : ∏±i = lim ∏i c i !0 d’où æ º X ions i c i ∏±i Ainsi, en déterminant la conductivité d’une solution, on accède aux concentrations des espèces ioniques qu’elle contient. Pour les ions poly-chargés, la littérature fournit souvent des conductivités molaires ioniques à dilution infinie par mole de charge. Les conductivités molaires ioniques sont données pour une unité de charge : il faut donc les multiplier par la valeur absolue de la charge pour retrouver la valeur de la conductivité molaire ionique de l’ion. Par exemple, pour les ions sulfate on a : ∏± 2° = 2 £ ∏±1 2° . SO4 2 SO4 Dispositif expérimental La conductance est mesurée par une cellule conductimétrique reliée à un conductimètre. 65 Fiche TP - Conductimétrie Dans un métal, les porteurs de charge sont des électrons, en solution, ce sont des ions. PC* - Lycée Thuillier HS “TEC” — 2014/4/4 — 20:17 — page 66 — #66 Fiche n± 10 Conductimétrie Cellule conductimétrique Une cellule conductimétrique est constituée de deux plaques parallèles recouvertes de noir de platine (ou platine platiné) qui est du platine métallique finement divisé afin d’augmenter la surface active des plaques. Ces deux plaques ont une surface S (d’environ 1 cm2 ) et sont séparées par une distance ` (d’environ 1 cm) comme schématisé ci-dessous. Ω S l À gauche : schéma d’une cellule conductimétrique. À droite : zoom sur les plaques. Conductimètre Un conductimètre est un ohmmètre modifié qui détermine la résistance R du volume de solution contenue entre les deux plaques. Pour cela, il impose une différence de potentiel U entre les plaques. Cette tension imposée est alternative (d’une fréquence de quelques centaines de Hz) pour éviter la polarisation des plaques. Elle doit, par ailleurs, être faible pour ne pas électrolyser les espèces contenues dans la solution. La conductivité est reliée à la conductance par les paramètres géométriques définissant le volume de solution contenue entre les plaques : La relation ci-contre n’est rigoureusement valide que si le tube de courant défini par les deux plaques est un parallélépipède rectangle, ce qui n’est jamais le cas puisque près des bords des plaques, les lignes de champ électrique sont déformées. æ= ` G S Il est possible a priori de connaître de manière absolue la conversion entre conductance et conductivité via le rapport `/S. Cependant, la surface exacte des plaques est difficile à évaluer puisque le noir de platine ne constitue pas un dépôt homogène. De plus la valeur de S peut varier suite à une altération de l’état de surface des plaques (rayure, adsorption de molécules). On relie donc æ à G par une constante K appelée constante de cellule (exprimée en m°1 ) et dont il convient de déterminer expérimentalement la valeur (dans certaines expériences) : æ=KG 66 Fiche TP - Conductimétrie PC* - Lycée Thuillier HS “TEC” — 2014/4/4 — 20:17 — page 67 — #67 Fiche n± 10 Conductimétrie Mise en œuvre pratique Les conductimètres modernes peuvent fournir, soit la valeur de la conductance G, soit la valeur de la conductivité æ (pourvu qu’on ait indiqué à l’appareil la valeur de la constante de cellule K ). Mesure de la conductance G La mesure de la conductance nécessite de suivre les étapes suivantes : 1. Ôter délicatement le manchon de plastique protégeant la cellule conductimétrique. 2. Rincer la cellule à l’eau distillée. 3. À l’aide d’un morceau de papier absorbant, enlever au mieux l’eau contenue entre les deux plaques afin de ne pas polluer les autres solutions. Prendre garde à ne pas toucher les plaques avec le papier pour ne pas altérer le noir de platine. 4. Plonger la cellule conductimétrique dans la solution à analyser qui est laissée au repos sans agitation pour ne pas perturber les lignes de champ électrique par des mouvements de convection forcée. Placer la cellule au centre du récipient pour éviter la distorsion des lignes de champ près des parois. Veiller aussi à ce qu’aucune bulle d’air ne soit piégée entre les plaques. Lors d’un titrage conductimétrique, la solution est homogénéisée après chaque ajout de réactif titrant. L’agitation est cependant coupée avant chaque mesure conductimétrique. 5. Une fois la valeur affichée par le conductimètre stabilisée, la noter puis enlever la cellule de la solution, la rincer à l’eau distillée et remettre le manchon protecteur. Étalonnage du conductimètre L’opération d’étalonnage du conductimètre consiste à déterminer la valeur de la constante de cellule K qui relie æ à G. Pour cela, on mesure la conductance d’une solution dont la conductivité – à la température considérée – est tabulée. Généralement, une solution de chlorure de potassium KCl de concentration connue est utilisée. Faut-il toujours étalonner le conductimètre ? L’étalonnage de l’appareil n’a de sens que si l’on cherche à déterminer la valeur de la conductivité de la solution étudiée (pour en déduire la concentration des ions présents dans la solution par exemple). Si l’on cherche seulement à mettre en évidence une modification de la conductivité, il n’est pas utile d’étalonner l’appareil. Lors d’un titrage conductimétrique par exemple, on veut mettre en évidence des ruptures de pente du graphe représentant la variation de la conductivité de la solution en fonction du volume de solution titrante ajoutée. Une telle rupture de pente indique l’apparition ou la disparition d’une espèce chargée et permet ainsi d’estimer l’équivalence. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire d’étalonner l’appareil. 67 Fiche TP - Conductimétrie La notice du conductimètre fournit les valeurs des conductivités de solutions de KCl à plusieurs concentrations et sur toute une gamme de température. PC* - Lycée Thuillier HS “TEC” — 2014/4/4 — 20:17 — page 68 — #68 Fiche n± 10 Conductimétrie E T CONCRÈTEMENT À LA PAILLASSE ? Titrage conductimétrique des ions ammonium Un volume V0 = 10, 00 mL d’une solution de chlorure d’ammonium de concentration c 0 inconnue est placé dans un bécher à l’aide d’une pipette jaugée ayant une précision de 0,02 mL. Une soude commerciale de concentration c = 1, 0·10°1 mol·L°1 est versée dans une burette de 20,00 mL graduée tous les 0,05 mL et ayant une précision de 0,02 mL. Estimation du volume équivalent La réaction de titrage est : + ° NH4(aq) + OH(aq) = NH3 (aq) + H2 O(`) La figure suivante présente une simulation de la variation du pH de la solution en fonction du volume V de soude ajoutée. L’acide étant très faible (pK a = 9, 2), le saut de pH est peu marqué et il n’est pas pertinent de déduire le volume équivalent de la courbe de pH (erreur de titrage importante). / Variation du pH (trait plein), de la conductance G (croix) et de la conductance corrigée de la dilution G 0 (points) en fonction du volume de soude ajouté V . Il est alors possible de procéder au titrage conductimétrique de la solution en relevant la variation de la conductance G en fonction du volume V . La figure ci-dessus montre que la conductance ne varie pas linéairement avec le volume. Cela est dû à la dilution de la solution au fur et à mesure de l’ajout du réactif titrant. On peut tracer, en fonction du volume V , la conductance corrigée de la dilution G 0 définie par : G0 = G V + V0 V0 On obtient ainsi des portions de droites dont les pentes ont des signes différents, comme justifié dans le tableau suivant : 68 Fiche TP - Conductimétrie PC* - Lycée Thuillier HS “TEC” — 2014/4/4 — 20:17 — page 69 — #69 Fiche n± 10 7, 35 7, 63 19, 8 5, 01 °! º0 V >Véq º0 °! °! °! + Na(aq) donc G 0 °! – OH(aq) °! V <Véq – Cl(aq) °! ∏± /mS·m2 ·mol°1 + NH4(aq) donc G 0 °! Conductimétrie Évolution de la quantité de matière des espèces ioniques en solution justifiant la variation de G 0 . Il est ensuite facile d’estimer le volume équivalent en relevant l’abscisse du point d’intersection des portions de droites : Véq = 10, 1 mL Dans ce titrage, la méthode conductimétrique est plus précise que la méthode des tangentes utilisée sur la courbe pHmétrique puisque le saut de pH est de faible amplitude. De plus, contrairement à un titrage pHmétrique, il n’est pas nécessaire de resserrer les points expérimentaux aux abords de l’équivalence. La détermination du volume équivalent par conductimétrie est donc une méthode généralement rapide. Détermination de c 0 À l’équivalence, on a : initial versé n NH + = n HO ° 4 =) c0 = c Véq V0 = 1, 0 · 10°1 10, 1 = 1, 01 · 10°1 mol · L°1 10, 00 Évaluation de l’incertitude sur c 0 (fiche 3) La relation à l’équivalence permet de déduire l’incertitude relative sur c 0 : v uµ ∂2 µ ∂ µ ∂ ¢Véq 2 ¢c 0 u ¢c ¢V0 2 t = + + c0 c V0 Véq • ¢c est considérée comme nulle car le réactif titrant est une solution commerciale de titre précis. • ¢V0 est l’incertitude sur la mesure du ¢volume de la solution à titrer prélevé p ° avec la pipette jaugée : ¢V0 = 0, 02/ 3 mL. • ¢Véq est estimée en prenant en compte : p ¢ ° – l’erreur de lecture sur la burette ¢Vlecture = 12 graduation/ 3 = p ¢ ° 0, 025/ 3 mL. p ¢ ° – l’incertitude de la burette ¢Vburette = 0, 02/ 3 mL. – l’impossibilité d’introduire moins d’une goutte soit 0,05 mL : ¢Vgoutte = 0, 05 mL. – l’erreur de titrage, qui est considérée comme nulle car la rupture de pente est brutale ce qui permet de considérer que le titrage se fait à la goutte près : ¢Vtitrage = 0 mL. On en déduit donc par propagation des incertitudes que : ¢Véq = q ° ¢2 ° ¢2 (¢Vlecture )2 + (¢Vburette )2 + ¢Vgoutte + ¢Vtitrage 69 Fiche TP - Conductimétrie PC* - Lycée Thuillier HS “TEC” — 2014/4/4 — 20:17 — page 70 — #70 Fiche n± 10 =) ¢Véq = Conductimétrie sµ 0, 025 p 3 ∂2 µ 0, 02 + p 3 ∂2 + (0, 05)2 + (0)2 = 0, 053 mL On en déduit alors que : v u√ p !2 µ ∂ u 0, 053 2 °1 t 0, 02/ 3 ¢c 0 = 1, 01 · 10 + = 0, 0054 · 10°1 mol · L°1 10, 00 10, 1 D’où le résultat final : c 0 = (1, 010 ± 0, 006) · 10°1 mol · L°1 P OUR ALLER PLUS LOIN ... Comment varie la conductivité molaire ionique ? ∏i varie avec plusieurs paramètres : – ∏i augmente avec la charge de l’ion : plus il est chargé et plus la force électrique qui s’applique sur lui est forte ; – ∏i diminue avec la taille de l’ion (en prenant en compte la sphère de solvatation) : plus il est gros et plus son déplacement est difficile ; – ∏i diminue avec la concentration de l’ion : plus il y a d’ions en solution et plus ils se gênent, cela diminue leur mobilité ; – ∏i diminue avec la viscosité du solvant : plus le solvant est visqueux et plus les ions sont freinés et leur mobilité amoindrie ; – ∏i augmente avec la température du solvant : plus le solvant est chaud et moins il est visqueux. Dans quels cas négliger la dilution ? Pour pouvoir négliger la dilution, il suffit de travailler avec un grand volume de solution V0 ou avec une concentration de réactif titrant c élevée. Comment régénérer le noir de platine ? On observe parfois de grandes variations de la constante de cellule d’une expérience à une autre. Cela est généralement dû à la dégradation de l’état de surface des plaques. Il convient donc de les « re-platiner » par électrolyse d’une solution d’acide hexachloroplatinique H2 PtCl6 . La notice de l’appareil décrit la marche à suivre. Pourquoi le noir de platine est-il noir ? Le platine est un métal à l’éclat brillant. La couleur noire du noir de platine est due à l’état de surface du dépôt de platine qui modifie les propriétés optiques habituelles. 70 Extrait de « Techniques expérimentales en chimie », Bernard A.S., Clède S., Emond M., Monin-Soyer H., Quérard J., Dunod, 2014 Fiche TP - Conductimétrie