Chapitre 9 : LES DESEQUILIBRES EXTERIEURS
Introduction :
Qu’est-ce qu’un déséquilibre extérieur ? Qu’est-ce que la contrainte extérieure ?
I – L’analyse théorique des déséquilibres extérieurs
A – L’origine des déséquilibres
1- L’évolution du revenu national
2- L’inflation
3- Le manque de compétitivité
B – Les voies potentielles du rééquilibrage
1- Le protectionnisme
2- La dévaluation
3- La politique industrielle
C – Les obstacles à l’ajustement
1- L’élasticité-prix plus faible que l’élasticité-revenu
2- L’arbitrage marges contre parts de marché
3- La spécialisation de l’économie
4- L’effet d’hystérésis
5- L’asymétrie des monnaies
D – Le mythe de la balance commerciale excédentaire
1- Le mythe
2- Les origines du mythe
3- Les enjeux du mythe
II – L’analyse empirique des déséquilibres extérieurs depuis 1945
A – La balance commerciale ou le Sisyphe français
1- 1945-1972 : la recherche de l’équilibre commercial par la dévaluation
2- 1973-1983 : le cercle vicieux du pays à monnaie faible
4- 1983-2003 : la désinflation compétitive et le retour à l’excédent
5- 2003 à nos jours : le retour au déficit structurel
B – Allemagne et Japon : le cercle vertueux des pays à monnaie forte
1- Schéma général
2- le cas allemand : ordo-libéralisme et économie sociale de marché
3- le cas japonais : le rôle du système productif japonais
C – USA : de l’excédent au déficit chronique
1- 1945-1980 : une prise en compte lente de la contrainte extérieure
2- l’apparition des déficits jumeaux au début des années 1980
3- l’aggravation du déficit courant à partir des années 2000
Conclusion : le cas des pays émergents et le dollar.
Bibliographie :
Y. BAROU et B. KEIZER, 1988, Les grandes économies, Seuil.
P.H. BRETON et A.D. SCHOR, 1983, La dévaluation, PUF, coll. Que sais-je ?
P. KRUGMAN, 1998, La mondialisation n’est pas coupable, La Découverte, coll. Textes à
l’appui.
F. MILEWSKI, 1989, Le commerce extérieur de la France, La Découverte, coll. Repères.
P. SALIN, 1991, Macroéconomie, PUF.
Citations :
« Malgré tout l’amour qu’on me prête pour les statistiques, je n’hésiterais pas à
recommander, si l’on m’interrogeait, la suppression des statistiques du commerce extérieur,
étant don tout le mal qu’elles ont fait dans le passé, qu’elles font et, je le crains fort,
qu’elles feront encore dans l’avenir ».
Jacques Rueff, 1933.
« Le libre-échange ne peut être mutuellement avantageux pour tous les pays participants que
si les taux de change correspondent à l’équilibre des balances commerciales ».
Maurice Allais, Le Figaro, 19/11/1996.
GLOSSAIRE
ABSORPTION : Capacité d’une économie à consommer sa production. L’absorption est égale
à la production domestique moins les exportations. La réussite d’une dévaluation suppose
que l’on puisse réduire l’absorption interne.
AIDE-LIÉE : Une part non négligeable des crédits et dons accordés à des pays en
développement ne peuvent être dépensés qu’en achats à des fournisseurs français. Les
autres pays pratiquent aussi l’aidée liée.
APPRÉCIATION : Augmentation de la valeur d’une monnaie par rapport aux autres devises.
C’est le symétrique de la dépréciation.
CAF-FAB : Les statistiques douanières françaises comptabilisent les importations CAF (Coût,
assurance, fret), c'est-à-dire tous frais à la livraison. En revanche, les exportations sont
considérées FAB (Franco à bord) : elles incluent les frais de chargement, mais ni les frais de
transport, ni d’assurance. Un coefficient de correction permet en principe de rétablir
l’équilibre entre les deux séries de chiffres.
DEPRÉCIATION : Perte de valeur d’une monnaie par rapport aux autres devises. En changes
fixes, la dépréciation ne peut normalement pas se produire ou du moins pas au-delà des
marges de fluctuation tolérées.
DÉVALUATION : Changement dans la définition légale de la monnaie soit par rapport à un
étalon, l’or ou une devise. Par rapport à la dépréciation, c’est un acte politique volontaire,
même s’il est le plus souvent commandé par les circonstances. La nouvelle valeur de l’unité
monétaire nationale est alors proclamée par décret.
DÉVALUATION CAMOUFLÉE : les taxes à l’importation et les primes à l’exportation
constituent des dévaluations camouflées.
DÉVALUATION DÉFENSIVE : dévaluation opérée par un pays affecté par une inflation élevée
et qui désire rapprocher ses prix de ceux de ses concurrents. L’opération est alors considérée
comme un remède ; elle est le constat d’échec de la politique économique antérieure. Les
dévaluations qui ont suivi les deux guerres mondiales ont été le plus souvent de ce type.
DÉVALUATION OFFENSIVE : le but recherché est de placer les exportateurs domestiques
dans une situation artificiellement avantageuse sur les marchés internationaux. Si elle se
produit en période de récession, ce qui souvent le cas, elle risque d’aggraver la crise et de
susciter un cycle de dévaluations concurrentes… comme dans les années 1930.
DÉVALUATION A CHAUD : valuation pratiquée sous la pression des événements en
période de crise monétaire (spéculation et la fuite des capitaux). La dévaluation s’impose
d’urgence comme le dernier recours avant la catastrophe.
DÉVALUATION A FROID : Dévaluation pratiquée pour accompagner une politique de
redressement. Souvent pratiquée pour restaurer l’équilibre commercial.
PART DE MARCHÉ : rapport entre le volume des exportations d’un pays et la demande du
marché considéré (monde, Europe, pays).
RÉÉVALUATION : Opération consistant à donner une nouvelle définition légale de la monnaie
supérieure à la définition antérieure. La réévaluation est une mesure inverse de la
dévaluation.
RISQUE-PAYS : La COFACE (Compagnie française du commerce extérieur) établit une
évaluation pays par pays des risques encourus par les exportateurs français. Cette évaluation
tient compte des facteurs économiques, financiers, politiques, et servent à calculer les
primes d’assurance.
SURÉVALUATION : Une monnaie est surévaluée quand la parité officielle est supérieure au
taux de change sur le marché libre.
TAUX DE COUVERTURE : Ratio exportations/importations. S’il est égal à 100, les échanges
sont équilibrés ; s’il est inférieur à 100, il y a déficit ; s’il est supérieur, il y a excédent.
TAUX DE PENETRATION : Part des produits importés sur un marché donné.
Introduction :
La notion de « déséquilibres extérieurs »
La balance des paiements étant par construction équilibrée, les déséquilibres ne peuvent
concerner que les balances intermédiaires : la balance commerciale, la balance des
transactions courantes, la balance des capitaux.
La notion de déséquilibre englobe à la fois le déficit et l’excédent. Pourtant le terme
déséquilibre est généralement utilisé quant un pays connaît un déficit, ce qui est vu
négativement. A contrario, l’excédent commercial est en général vu positivement ; d’ailleurs
l’excédent commercial correspond à l’un des quatre sommets du carré magique de Kaldor.
Nous analyserons les causes de cette vision positive de l’excédent commercial dans ce
chapitre.
En matière de balance commerciale, courante ou des capitaux, l’équilibre est la règle et le
déséquilibre l’exception pour des raisons statistiques. En effet, le solde extérieur étant le
résultat d’un très grand nombre de transactions internationales, la probabilité pour que les
entrées et les sorties s’équilibrent parfaitement est très faible. Le tableau suivant montre
qu’aucun pays de l’OCDE n’équilibre ses échanges courants en 2009, 2010 et 2011.
Balance des opérations courantes, en pourcentage du PIB
2009 2010 2011
Australie -4,2
-2,9
-2,3
Autriche 2,7
3,0
1,9
Belgique -1,7
1,3
-1,1
Canada -3,0
-3,1
-2,8
Chili 7,6
5,8
-5,2
République
tchèque -2,5
-3,7
-2,7
Danemark 3,5
5,5
6,5
Estonie 3,4
2,9
1,9
Finlande 1,8
1,3
-1,3
France -1,3
-1,6
-2,0
Allemagne 5,9
5,9
5,7
Grèce -11,0
-10,0
-9,8
Hongrie -0,2
1,2
1,3
Islande -11,7
-8,1
-6,9
Irlande -2,3
1,1
1,1
Israël (1) 3,7
3,9
0,5
Italie -2,0
-3,5
-3,2
Japon 2,9
3,7
2,0
Corée 3,9
2,9
2,4
Luxembourg
7,0
7,9
7,7
Mexique -0,6
-0,3
-0,8
Pays-Bas 4,1
7,1
8,5
Nouvelle-
Zélande -2,6
-3,4
-4,2
Norvège 11,7
12,4
..
Pologne -4,0
-4,6
-4,3
Portugal -10,7
-10,0
-6,7
République
slovaque -2,9
-2,6
-0,2
Slovénie 11,0
10,9
13,8
Espagne -4,8
-4,5
-3,5
Suède 7,1
6,9
7,0
Suisse 10,6
14,5
14,3
Turquie -2,1
-6,3
-9,8
Royaume-
Uni -1,3
-2,5
-1,9
Etats-Unis -2,7
-3,0
-3,1
OCDE total -0,4
-0,4
-0,6
Source : OCDE.
Les excédents sont mis en avant comme un témoin du succès des politiques économiques.
Les déficits servent d’argument pour expliquer les faibles marges de manœuvre de la
politique intérieure, le pays étant soumis à la contrainte extérieure.
La notion de contrainte extérieure :
La contrainte extérieure peut être définie comme la limitation des marges de manœuvre de
la politique économique d’un pays résultant de son ouverture. Elle se traduit par une
obligation de compétitivité pour les entreprises.
La France des années 1970 et 1980 était soumise à la contrainte extérieure. La politique
économique devait éviter un taux d’inflation élevé qui handicapait la compétitivité, une
relance qui creusait le déficit extérieur, de bas taux d’intérêt qui suscitaient une menace
pour le franc et des sorties de capitaux. C’est la sanction des marchés internationaux.
La contrainte extérieure augmente parallèlement au taux d’ouverture des économies =
1/2(exportations +importations de marchandises)/PIB. Ce taux a eu tendance à augmenter
depuis 1945 mais est beaucoup plus élevé en Europe qu’aux EU et au Japon :
1960 1979 1987 2012
USA 4.8 8.3 10.9 12.4
Japon 10.5 10.6 10.8 18.7
France 13.2 18 20.7 26.3
Allemagne 17.8 21.6 28.8 38.9
Source : comptes nationaux de l’OCDE pour 1960, 1979 et 1987 ; OMC et OCDE pour 2012.
La contrainte extérieure est plus forte quant le pays est petit et très ouvert aux échanges
commerciaux. Aux Etats-Unis, la contrainte extérieure est atténuée par la taille du marché
intérieur et le rôle international du dollar.
Cette notion ne doit toutefois pas cacher les aspects positifs de l’ouverture : des produits
moins chers et plus diversifiés pour le consommateur, des débouchés plus élevés pour les
entreprises, une politique économique soutenable à long terme.
Dans ce chapitre, lié au taux de change et à la balance des paiements, on analysera l’origine
des déséquilibres externes, les voies d’un retour à l’équilibre, les facteurs expliquant des
déséquilibres persistants dans certains pays. On essaiera de voir si les changes flottants ont
entrainé l’atténuation ou l’accentuation des déséquilibres externes.
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