SOMMAIRE FloriLettres Revue littéraire de la Fondation La Poste 01 02 09 Edito Entretien avec François Kersaudy Winston Churchill - Portrait 10 Lettres choisies - W. & C. Churchill 13 Jacques Schlanger, Vivre selon la nature 15 Dernières parutions 17 Agenda décembre-janvier 2014 20 Agenda des actions de la Fondation La Poste 2013 26 Meilleurs vœux 2014 > numéro 150, édition décembre 2013 Winston et Clementine Churchill Correspondance (1908-1964) « Ma chérie & ma toute belle Tout se dirige vers la catastrophe & l’effondrement. Je suis intéressé, remonté à bloc & content. Ce n’est pas épouvantable d’être ainsi fait ? (...) Reste que je ferais tout mon possible pour la paix, & que rien ne m’inciterait à porter le premier coup par vilenie - (...) » Winston Churchill, 28 juillet 1914, minuit. (Conversations intimes, Tallandier, page 135). « Churchill était belliqueux, mais pas belliciste. Avant une guerre, il faisait tout pour l’éviter. Mais une fois la guerre déclarée, il faisait tout pour la gagner » commente François Kersaudy, historien, spécialiste de l’œuvre de Winston Churchill, qui a notamment retraduit ses Mémoires de Guerre, écrit sa biographie (Tallandier), et présenté sa correspondance entretenue avec son épouse de 1908 à 1964. Sélectionnées et réunies sous le titre Conversations intimes, les lettres sont publiées en un volume chez Tallandier (avec le soutien de la Fondation La Poste), annotées et introduites par Lady Mary Soames-Churchill, leur fille : « Je suis convaincue que les lettres qui sont présentées ici donnent de mes parents un portrait exact de ce qu’ils ont été. » L’ouvrage est passionnant. Il aborde des aspects très personnels et des questions de politique nationale et internationale. Il permet de suivre les échanges émaillés d’humour, d’affection de l’un des plus grands hommes du XXe siècle et de sa femme, Clementine, de dix ans sa cadette, belle, intelligente, dont le rôle a été essentiel. Efficace en politique intérieure, motivée par les grandes réformes sociales, elle n’a cessé de conseiller son époux judicieusement et a su le « canaliser ». 01 Winston et Clementine Churchill Conversations intimes (1908-1964) Présenté par François Kersaudy Introduit et annoté par Lady Mary SoamesChurchill. Traduit de l’anglais par Dominique Boulonnais et Antoine Capet Éditions Tallandier, novembre 2013 843 pages, 29.90 € avec le soutien de Fondation La Poste http://www.fondationlaposte.org/ Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Entretien avec François Kersaudy Propos recueillis par Nathalie Jungerman Vous avez présenté les lettres de Winston et Clementine Churchill (annotées par Lady Mary-Soames Churchill) et publié plusieurs ouvrages sur Churchill, notamment une biographie parue en 2009 aux éditions Tallandier... Vous êtes-vous passionné pour cet homme parce que sa vie, tout à fait extraordinaire, était finalement peu connue en France ? François Kersaudy Ce n’est pas exactement pour cette raison que j’ai commencé à m’intéresser de près à Churchill. À la fin des années 1970, alors que j’étudiais la campagne de Norvège (avril - juin 1940), je suis tombé par hasard dans les archives britanniques sur le procèsverbal d’une féroce dispute entre le général de Gaulle et Winston Churchill. Un document daté de 1941, qui n’aurait pas dû se trouver dans le dossier que je consultais, et qui s’est révélé être extrêmement amusant. Comme j’avais lu leurs Mémoires respectifs, mais que je n’avais rien vu de ce genre, j’ai demandé au bibliothécaire s’il existait d’autres documents semblables. Il y en avait cinq dossiers, qui racontaient l’histoire orageuse de la relation entre De Gaulle et Churchill. Leur lecture m’a complètement détourné de ce que j’étais en train d’étudier. Je me suis aperçu qu’à l’exception d’un petit article, rien n’avait été publié sur la relation entre les deux hommes. Comme j’étais en Angleterre à l’époque et que les éditeurs français refusaient de me publier parce que j’étais inconnu, j’ai proposé le sujet aux éditeurs anglais, qui ont immédiatement accepté. Mon livre intitulé Churchill and De Gaulle est sorti en Angleterre chez HarperCollins en 1981, et l’année suivante en France, 02 aux éditions Plon – naturellement sous le titre De Gaulle et Churchill. (J’ai donc été mon propre traducteur, et un critique français a pu écrire : « L’auteur est anglais, mais la traduction est excellente » !) En tout cas, ces deux personnages m’ont paru tout à fait extraordinaires, et leurs relations pouvaient faire des étincelles. Mais ils savaient qu’ils étaient très au-dessus de leurs contemporains, par le talent, le patriotisme, leur vision longue de l’histoire et de l’avenir. Ils se sont reconnus dans leur admiration mutuelle... J’étais déjà très intéressé par De Gaulle quand j’ai commencé à me passionner pour Churchill. Qui plus est, à la fin des années 1970, les archives s’ouvraient et les témoins, voire les acteurs, étaient encore là et acceptaient volontiers de parler aux historiens (la famille de Churchill, l’Amiral Mountbatten, l’aide de camp d’Hitler, le général Béthouart, vainqueur de Narvik, et presque tout l’entourage du général de Gaulle). Pour un doctorant en histoire, c’était une situation privilégiée. Il est très rare en effet de disposer à la fois des archives et des témoins. Par la suite, dans bien cas, j’ai rencontré Churchill, car si l’on écrivait sur De Gaulle, les États-Unis ou l’Union Soviétique, il était toujours présent. Cependant, là encore, je me suis aperçu que nous n’avions pas en France de synthèse correcte de sa vie ; seuls de tout petits livres, des résumés pour les étudiants, et un somptueux Winston Churchill de William Manchester, qui s’arrêtait en 1940, - un quart de siècle trop tôt. Une biographie a paru chez Fayard en 1999, écrite par François Bédarida. Malheureusement, elle posait d’énormes problèmes dont le principal était l’absence de chronologie – un ouvrage « à l’américaine François Kersaudy © Radio France François Kersaudy est un historien français, né en 1948, spécialisé en histoire diplomatique et militaire. Diplômé de l’Institut d’études politiques et docteur ès lettres, il parle neuf langues et est l’auteur de nombreux ouvrages écrits en français et en anglais. Il a enseigné l’histoire contemporaine à Oxford, puis a été professeur de langues anglaises et anglo-saxonnes à l’université de Paris I Panthéon Sorbonne. Il dirige aux éditions Perrin la collection Maîtres de Guerre. Il est notamment spécialiste de l’œuvre de Winston Churchill, dont il a retraduit les Mémoires de Guerre. François Kersaudy est chroniqueur au Point.fr Point.fr. François Kersaudy Winston Churchill Le pouvoir de l’imagination Éditions Tallandier, Tallandier 2000 et 2009 Entretien avec François Kersaudy Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 », avec enterrement avant la mort, puis naissance avant la rencontre des parents, et nouveau décès à la fin... On avait du mal à s’y retrouver, sans parler des répétitions. Il n’y avait que 25 pages très aérées sur le premier quart de siècle de la vie de Churchill, ce qui était un peu court. En fait, c’était une bonne étude de sciences politiques, mais pas une bonne biographie. J’ai donc pensé que les lecteurs allaient avoir besoin d’un ouvrage dans lequel on suit le héros depuis sa naissance jusqu’à sa mort, en évitant les tremblements de temps... C’est pourquoi j’ai écrit Winston Churchill, Le pouvoir de l’imagination (Tallandier, 2001, puis 2009 avec cent pages de plus. ) Dans cet ouvrage biographique, on apprend que Churchill « marche sur les pas de son père » bien qu’il fût rabaissé par lui et même délaissé par ses deux parents. Au début de sa carrière, il est un véritable personnage de roman. Très courageux, il risque sa vie et échappe au danger mortel de façon extraordinaire... F. K. Churchill marche sur les pas de son père dans le domaine de la politique, mais pas dans celui de la guerre. Randolph-Spencer Churchill, son père, n’a jamais été militaire. C’était un politicien, très compétent, orgueilleux et téméraire, mais qui manquait de mesure - ce qui lui a coûté son poste de ministre -, sans parler de la syphyllis, qu’on ne savait pas soigner à l’époque, et qui a débouché sur une démence et une issue fatale. Les Malborough, après le grand duc, n’étaient pas spécialement glorieux, et le courage guerrier dont a fait preuve Churchill s’était perdu dans la famille depuis assez longtemps. En partie parce qu’il a passé sa jeunesse au château de Blenheim et parce qu’il avait entendu le récit des exploits de son illustre ancêtre, Winston Churchill a cru posséder une sorte de génie militaire qu’il aurait reçu par les gênes, en quelque sorte. Il a vécu au milieu d’armes, d’armures, d’étendards et de peintures de batailles, et ses soldats de plombs ont aussi joué un rôle : à l’âge de 14 ans, il a montré à son père cette 03 armée en ordre de bataille - il avait une collection qui représentait un millier de figurines, que lui donnaient les amis de son père et les amants de sa mère. Il raconte cette histoire admirablement dans un livre sur sa jeunesse (Mes jeunes années, réédité en 2007 par Tallandier). Il écrit que son père, pour la première fois, avec un « œil expert et un sourire fascinant », a passé vingt minutes à observer la scène « qui était réellement imposante ». Son père lui a demandé alors s’il voulait rentrer dans l’armée. Winston a acquiescé et a été immédiatement pris au mot. Il s’est imaginé en grand stratège, ce qu’il était loin d’être. C’était un bon militaire pour la formation qu’il avait reçue, c’est-à-dire sous-lieutenant de cavalerie formé à Sandhurst. Il n’avait pas été jugé assez intelligent pour être admis à l’école de guerre et apprendre la stratégie. Tous ses exploits guerriers entre 1895 et 1900, ce sont des exploits individuels, de lieutenant, de tacticien, ou au commandement d’un petit peloton. Quand il est venu en France, en 1915, il commandait un bataillon et le faisait admirablement bien, mais il ne connaissait pas les règles de la haute stratégie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il inventait donc au fur et à mesure, ce qui pouvait être tour à tour génial et catastrophique. Ce que le président Roosevelt a résumé en une phrase très juste : « Churchill a deux cents idées par jour, dont quatre seulement sont bonnes, mais il ne sait jamais lesquelles. » François Kersaudy, Bibliographie - Stratèges et Norvège 1940, les Jeux de la Guerre et du Hasard, Hachette, 1977. - De Gaulle et Churchill, Plon, collection « espoir », 1982 - Vi stoler paa England, Aschehoug, Oslo, 1990 (en norvégien seulement) - Winston Churchill : Le pouvoir de l’imagination, Tallandier, 2000 et 2009. (Grand prix d’histoire de la Société des gens de lettres de France. Grand prix de la biographie politique 2009. - Churchill et Monaco, Éditions du Rocher, 2002. - Churchill contre Hitler, Tallandier, 2002. - De Gaulle et Churchill : La mésentente cordiale, Perrin, 2003. - De Gaulle et Roosevelt : Le duel au sommet, Perrin, 2004. (Prix Henri Malherbe 2005, Prix Maurice Baumont 2005) - L’affaire Cicéron : 1943, Perrin, 2005. - Lord Mountbatten, Payot, 2006.(Prix Guillaume le Conquérant de la biographie 2006) - Nouvelle traduction, introduction et commentaires des Mémoires de Guerre de Winston Churchill, Tallandier, 2009 et 2010 - Hermann Goering : Le deuxième homme du IIIe Reich, Perrin, 2009. - Le monde selon Churchill : Sentences, confidences, prophéties et réparties, Tallandier, 2011. - Hitler Hitler, Perrin, 2011 (Collection Maîtres de Guerre) Staline, Perrin, 2012 (Collection Maîtres de Guerre) - Les Secrets du IIIe Reich, Perrin, 2013 - Stalingrad, Perrin, septembre 2013 La biographie nous renseigne davantage sur les débuts de sa relation avec Clementine que la Correspondance... F. K. Quand Churchill rencontre Clementine, c’est un trentenaire, célibataire endurci, qui a rencontré peu de femmes et qui s’en méfie. Galanterie un peu platonique, gaffes... il n’a pas tellement de chances de rencontrer une femme. Dans sa vie sentimentale, il y a une amie proche, Violet Bonham Carter, et cette relation platonique avec Pamela Plowden, qui décide d’en épouser un autre après l’avoir trop attendu. Il a fallu l’aide de sa mère, de sa tante, de son cousin pour empê- François Kersaudy Churchill contre Hitler Norvège 1940, la victoire fatale Éditions Tallandier Tallandier, 2012, 366 pages. (première édition 2002) Entretien avec François Kersaudy Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 cher Clementine de fuir aussi avant le mariage, tellement le nombre de gaffes de Churchill était impressionnant. Par rapport aux conventions, Clementine a fait des concessions. Même au moment du mariage, après la cérémonie, il n’a pas compris qu’il fallait sortir avec la mariée, il s’est mis à parler politique avec LIoyd George devant l’autel. Quant au voyage de noces à Venise, Clementine regrettait de ne pas avoir été en gondole, car son nouvel époux rédigeait des rapports ministériels... Il y a tout un arrière-fond qui ne se voit pas dans la correspondance, et dont il faut tenir compte pour comprendre les débuts de cette relation peu ordinaire. Mais à l’évidence, tout cela a débouché sur un mariage heureux. Vous écrivez dans la biographie : « Churchill, seul guerrier parmi les politiciens, seul politicien parmi les guerriers, seul politicien-guerrier qui soit également journaliste, est devenu célèbre grâce à la campagne du Soudan, député grâce à la guerre des Boers, figure nationale grâce à la Première Guerre mondiale et héros national grâce à la Seconde. » F. K. Dès l’âge de vingt ans, Churchill se sent à la fois des vocations de journaliste, de guerrier et de politicien. Toute sa vie, il sera incapable de choisir entre ces trois vocations, et il voudra les poursuivre en même temps. Chaque fois qu’il sera arrêté dans l’une de ses carrières, il continuera avec l’autre. Et il refusera de privilégier l’une par rapport à l’autre. Bien sûr, la fonction de ministre de la guerre l’amènera à privilégier la haute stratégie militaire par rapport au politique et au journalisme. Et quand je dis « journalisme », je veux dire aussi écrivain. Churchill avait une façon très imagée de voir les choses. Il traduisait les réalités et ses sentiments avec des mots et des expressions que les autres auraient été incapables de trouver. Ceux qui l’on connu m’ont tous rapporté qu’on l’écoutait discourir jusqu’à 4 heures du matin sans pouvoir s’endormir, de peur de manquer une de ses tirades, en étant bien conscient que personne d’autre ne pouvait en faire de semblables. Churchill était effectivement un écrivain, un politicien et un guerrier. La plupart des 04 politiciens de son époque écrivaient mal, et ils n’étaient pas du tout guerriers. Le Premier ministre Asquith, par exemple, était très mal à l’aise dans les affaires militaires, et pendant les comités de guerre, il écrivait à sa maîtresse ! Churchill était capable d’écrire et de déclamer merveilleusement bien - il écrivait lui-même ses discours politiques - et de se passionner en même temps pour la guerre. En politique intérieure, il était plutôt maladroit. Son épouse Clementine, qui était libérale, avait un bien meilleur sens politique à cet égard, et elle intervenait souvent pour le conseiller. S’il n’y avait pas eu les deux guerres, je ne dis pas que Churchill aurait fini comme son père, mais sans doute comme un original prêchant dans le désert. Après tout, à la fin des années trente, il avait seulement 4 partisans au Parlement ! Winston était du parti conservateur et a séduit les libéraux puis est redevenu conservateur. En fait, il n’était pas l’homme d’un parti mais un homme de convictions. F. K. En effet. Le parti était censé refléter ses idées. À partir du moment où le parti n’exprimait plus ses idées, il le quittait : « Certains changent de convictions pour l’amour de leur parti. Moi, je change de parti pour l’amour de mes convictions ». Au début, il a été conservateur parce que son père l’était. Ensuite, il s’est aperçu que cela ne lui convenait pas, donc en 1904, il est passé chez les libéraux. À partir de 1924, il s’est rendu compte que les libéraux ne reflétaient plus ses convictions, et il est repassé discrètement chez les conservateurs, qui lui ont donné un poste ministériel, non sans rancoeur. Puis, vers la fin des années vingt, il a compris que les conservateurs allaient abandonner une partie de l’Empire, qui était sacré pour lui, il a démissionné des cadres du parti pour devenir conservateur d’opposition : « Tout le monde peut retourner sa veste, mais il faut un certain talent pour la remettre à l’endroit ! » En tout cas, pendant toutes les années trente, c’était un électron libre au Parlement... On redoutait Churchill parce qu’il ne faisait rien comme tout le monde. On voulait abandonner l’Empire, il ne Winston Churchill en 1900 Winston Churchill aux éditions Tallandier, collection « Texto » Mémoires de guerre Tome 1, 1919 - Février 1941 Traduction de François Kersaudy 2009 & 2013 Mémoires de guerre Tome 2, Février 1941-1945 Traduction de François Kersaudy 2010 & 2013 Mémoires de guerre - Tome 1 et 2 Traduction de François Kersaudy septembre 2013 (coffret) Mes jeunes années Traduction Jean Rosenthal 2007 Réflexions et aventures Traduction Charly Guyot 2008 Discours de guerre Traduction Aude Chamouard, Denis-Armand Canal, Guillaume Piketty 2009 Mon voyage en Afrique : 1907 Traduction Pierre Guglielmina 2010 Journal politique 1936-1939 Traduction Pierre Guglielmina 2010 Clementine Ogilvy Spencer-Churchill née Hozier (1885-1977) en 1915 Entretien avec François Kersaudy Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 voulait pas ; on voulait apaiser Hitler, il ne voulait pas ; on voulait désarmer, il ne voulait pas... Il faisait des discours redoutables à la Chambre - ce qui évidemment le mettait en opposition avec la direction des partis conservateurs. Il est également intéressant de constater que Churchill était belliqueux, mais pas belliciste. Avant une guerre, il faisait tout pour l’éviter. Mais une fois la guerre déclarée, il faisait tout pour la gagner. Il dit d’ailleurs : « la défaite est insupportable quelle que soit la façon dont on la console, l’explique ou la minimise ». (Conversations intimes, p. 40, 16 avril 1908) F. K. Absolument. Selon lui, il n’y a pas d’excuse à la défaite. Churchill - qui connaissait le Kaiser (c’était un ami de ses parents), et qui, à maintes reprises, a été invité aux manœuvres militaires en Allemagne avant la Première Guerre mondiale -, a supplié le Kaiser de ne pas provoquer un conflit. Il aspirait donc vraiment à la paix. Ce n’était pas un pacifiste, car il n’était pas prêt à faire des concessions humiliantes pour obtenir la paix, mais il était prêt à tout faire pour qu’on s’entende et qu’on n’ait pas recours à la guerre. Par contre, quand la guerre était déclarée, c’était un autre homme. Il pouvait tout sacrifier pour la gagner. Et une fois l’ennemi battu, il ne pensait qu’à la réconciliation. Il a combattu comme un lion en Afrique du Sud, mais une fois les Boers vaincus, il est devenu leur meilleur avocat en temps de paix. Il a eu de fidèles alliés parmi les anciens Boers, notamment le Maréchal Jan Christiaan Smuts et le Président Botha, qui lui ont rendu d’immenses services pendant les deux guerres. Durant la Première, les Sud Africains ont conquis les colonies allemandes, ils étaient les meilleurs alliés des Anglais, et pendant la Seconde, un des conseillers les plus sages, les plus écoutés de Churchill, c’était le général sud-africain Smuts, qui a été nommé Maréchal britannique en 1941. Le Chef d’É État-major de Churchill et certains de ses généraux faisaient appel à lui, son ancien ad- 05 versaire, pour le raisonner et l’empêcher de faire des erreurs. La plupart des anciens ennemis de Churchill, y compris certains qui ont voulu l’assassiner, sont devenus ses plus chauds partisans par la suite. C’est le cas du célèbre activiste Edward Carson, qui a fait ensuite ses campagnes électorales ! Churchill est bien un personnage de roman. Winston Churchill (1874-1965) On peut parler aussi de la naïveté de Churchill quant à son avis sur Staline, ou son amitié avec Roosevelt. Et sa rencontre avec Mussolini en 1927. F. K. Distinguons Mussolini et Staline. Avant que Mussolini ne devienne le Duce conquérant, il était le pire adversaire d’Hitler. Jusqu’en 1935, si vous étiez pour Mussolini, cela signifiait que vous étiez contre Hitler. C’est Mussolini qui l’a empêché de phagocyter l’Autriche en 1934, en envoyant des soldats à la frontière du Brenner pour protéger l’indépendance de l’Autriche. C’est lui dont tout le monde cherchait l’alliance pour contrer Hitler. Mussolini était hautement fréquentable jusqu’à ce qu’il se lance dans l’aventure de l’Ethiopie et de la guerre d’Espagne en 1936. Avant cela, que Churchill ait été partisan de fréquenter Mussolini, cela se comprend très bien. C’était un allié potentiel contre Hitler, et même Léon Blum recherchait son alliance... Dans le cas de Staline, l’idée que Churchill pouvait avoir les mêmes relations avec lui qu’avec Roosevelt montrait son côté naïf et enfantin. Churchill, qui était férocement anticommuniste et surestimait énormément son pouvoir d’influence, pensait qu’en dehors d’Hitler, tous les gens étaient raisonnables. Il a fait la même bêtise à propos de Tito, et a prêté à certains personnages qui étaient de simples bandits des sentiments de noblesse churchillienne qui leur étaient entièrement étrangers. Parfois, Churchill trouvait que Staline était un homme anormal, mais il disait : « On a besoin de lui pour vaincre Hitler, et de toute façon, il ne pourra pas faire autrement que de s’entendre avec nous ». Il n’avait pas compris qui était Staline. Avec une totale naïveté, il pensait que c’était Winston Churchill Mémoires de guerre Tome 1, 1919 - Février 1941 Traduction de François Kersaudy Éditions Tallandier Tallandier, 2009 Winston Churchill Mémoires de guerre Tome 2, Février 1941-1945 Traduction de François Kersaudy Éditions Tallandier Tallandier, 2010 Winston Churchill Mémoires de guerre Tome 1 et 2 Traduction de François Kersaudy Éditions Tallandier Tallandier, septembre 2013 (Poche), 1642 pages Entretien avec François Kersaudy Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 l’obstacle de la langue qui empêchait Staline de succomber à son charme. Churchill pouvait être très maladroit en diplomatie, comme en stratégie et en politique intérieure. Pour cette dernière, il a eu la chance pendant la guerre que les travaillistes s’en occupent, ce qu’ils ont fait très bien. En diplomatie, heureusement, des professionnels comme Eden, Cadogan et Macmillan le contrôlaient – avec peine mais avec succès, et en ce qui concerne la stratégie, il avait choisi de très bons stratèges à l’état major, qui contrairement à lui faisaient la différence entre ce qui était possible et ce qui ne l’était pas. Churchill avait aussi un dédain total pour la logistique - essentielle, évidemment, pour ses généraux : beaucoup plus jeunes que lui, ils avaient été formés pour comprendre et assurer le fonctionnement d’une armée moderne. Parlez-nous de « l’accident » d’avion au décollage de Gibraltar du général Wladyslaw Sikorski, commandant en chef des Forces polonaises libres et Premier ministre du gouvernement polonais en exil à Londres de 1940 à sa mort en 1943… F. K. C’était le chef-d’œuvre de Staline. Il a réussi à bricoler un accident sans qu’on s’aperçoive que cela venait de lui. Il est probable que Sikorski était déjà mort avant que l’avion ne s’écrase. Staline avait l’habitude d’accuser les autres de ses propres crimes, et le fait même qu’il ait fait courir le bruit que Churchill en était responsable, est une preuve supplémentaire que c’était de son fait. Churchill était incapable de tuer quiconque de sang-froid, encore moins ses alliés. Après la découverte de la fosse de Katyn, Staline avait tout intérêt à éliminer Sikorski. Gibraltar était le « bon » endroit, parce que Staline y avait des agents qui pouvaient faire le travail. Et ils l’ont parfaitement accompli, au sens stalinien, c’est-àdire discrètement. Quand Churchill a su pour la fosse de Katyn, n’a-t-il pas compris à ce moment-là qui était Staline ? F. K. Sur le moment, il l’a très bien compris. Puis, il s’est dit « c’est une sorte de tigre, un tigre ne peut pas s’empêcher de manger, et j’ai des dons de dompteur de tigres. » Ce en quoi il se faisait de grandes illusions. Vouloir faire comprendre quelque chose à Staline, et surtout vouloir rendre Staline bon, c’était comme vouloir rendre un tigre végétarien. Parfois, il se rendait bien compte qu’il avait affaire à un criminel de la pire espèce, simplement, il choisissait de ne pas en tenir compte, parce qu’il avait d’autres priorités. Pendant la guerre, il fallait se débarrasser d’Hitler, et après la guerre, il pensait ne jamais avoir une paix véritable sans s’entendre avec Staline. 06 Dans une lettre de Clementine datée du 16 août 1944 (page 625), on peut lire : « J’ai été affligée d’apprendre dans un compte-rendu que m’a montré John Martin que le général de Gaulle avait abusé de votre courtoisie & s‘était conduit avec l’impolitesse calculée dont il est coutumier. » Churchill avait invité De Gaulle à le rencontrer. Pourquoi le général a-t-il refusé ? F. K. De Gaulle était encore sous le coup de ce qu’il considérait comme un outrage fait à la France de ne pas l’avoir associé suffisamment à la Libération. Sous l’influence de Roosevelt, Churchill voulait libérer la France sans le concours de la France Libre. De Gaulle, qui pensait toujours avec deux ou trois longueurs d’avance, considérait que Churchill s’était mal conduit dans cette affaire, et que cela pouvait avoir de graves conséquences. Il se disait que si on l’empêchait de reprendre en main la France, on allait faire le jeu soit des Américains, soit des communistes, soit des deux à la fois. Il pensait que lui seul pouvait empêcher une éventuelle guerre civile entre les Américains et les communistes. Il se trouve qu’il y est arrivé, grâce à une entente avec Eisenhower, qui s’est bien gardé d’ailleurs d’en faire part à Roosevelt. Il a installé progressivement le pouvoir du GPRF (Gouvernement provisoire de la République française) avec l’ « évanouissement » de l’autorité de Vichy. N’ayant pas reçu d’instructions de Staline, les communistes n’ont pas osé déclencher une guerre civile. Alors que Hitler n’était pas encore vaincu, avoir les Gaullistes et les Américains comme adversaires en France, c’était quand même un peu trop pour Staline, qui avait d’autres ambitions ailleurs. De Gaulle a fait entrer au Gouvernement Thorez, qui a donné des consignes pour désarmer les résistants communistes. De Gaulle en voulait à Churchill de ne pas comprendre ce qu’il voulait faire. C’était de la haute politique, et cela n’avait rien à voir avec les sentiments ni avec la courtoisie. Clementine, dans cette lettre, n’avait pas saisi ce qui était en jeu : elle comprenait la politique anglaise, mais pas la politique française. Quant à Churchill, il faisait toujours un peu de chantage à l’amitié, et disait « Mon Général, vous ne voulez pas que nous soyons amis ? ». Mais pour de Gaulle, qui voulait incarner la France, cela n’avait aucun sens : « Un homme peut avoir des amis ; une nation, jamais. » Il était d’un réalisme froid, alors que Churchill essayait d’exploiter les sentiments pour parvenir à ses fins. Churchill a un sens de l’humour et de l’ironie qui est omniprésent dans ses lettres... F. K. Il y a de la tendresse, de l’humour... En 1918, il écrit : « Sur le chemin du retour, nous avons croisé un asile d’aliénés pulvérisé par les Entretien avec François Kersaudy Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 gens normaux du dehors ». On retrouve dans cette image le Churchill du Parlement, le Churchill ministre, le Churchill des discours. Il y a trois ou quatre de Gaulle il n’y a qu’un seul Churchill. Il se comportait au Parlement comme il se comportait chez lui. Il parlait avec ses ministres comme il parlait avec sa famille. Il ne faisait jamais semblant et avait le réflexe de toujours voir le côté humoristique des choses. Même dans les moments les plus tragiques, il était capable d’écrire à son épouse des lettres empreintes d’humour. Il y a dans sa correspondance la volonté de rassurer sa femme, des débordements d’affection, des confidences, de l’humour, de la tendresse, et beaucoup d’histoires d’argent. On le voit dans sa correspondance, toute sa vie, en effet, il a été poursuivi par des problèmes d’argent... F. K. Au début, parce qu’il n’en avait pas, puis quand il en a eu, son train de vie était tel que l’argent filait entre ses doigts à une vitesse folle. Mais il avait toujours une petite longueur d’avance sur ses créanciers, grâce à ses articles et à ses livres qui lui rapportaient des fortunes colossales. Il écrivait souvent dans ses lettres : « Ce soir, je suis allé au Casino, j’ai perdu tant, mais ayant écrit pendant la nuit, je me suis rattrapé ». Il résumait ainsi son train de vie : « Je suis un homme de goûts modestes : je me contente toujours de ce qu’il y a de meilleur ! » Il a été ruiné deux fois, la seconde par la crise de 1929, mais il avait des amis fidèles... et riches. Winston Churchill a rencontré des peintres qui l’ont influencé et conseillé, notamment le peintre postimpressionniste Walter Sickart (1860-1942)... F. K. Churchill a toujours été un bon dessinateur. Lorsqu’il était âgé de 15 ou 16 ans, il envoyait à son frère des lettres où il décrivait ce qu’il avait vu 07 dans les musées militaires, et il dessinait des armes en marge des pages. Il avait un sens du dessin très développé. En 1915, il s’est mis à la peinture pour la première fois, et il a eu les conseils des meilleurs artistes de son époque. En 1922, alors qu’il se trouvait sur la côte d’Azur, un de ses lieux favoris pour peindre, des badauds s’étaient rassemblés autour de lui pour regarder. Quelqu’un s’est approché et lui a dit que ce qu’il faisait n’était pas mal du tout. C’était Picasso ! Pour un peintre amateur qui a commencé à 39 ans, c’était remarquable. Le chancelier Adenauer, à qui il a donné un tableau, en était particulièrement impressionné. Churchill a exposé plusieurs fois, y compris à Paris. Il a aussi exposé dans une galerie sous le nom de Charles Morin, et il a été nommé membre de l’Académie royale des Beaux-Arts. Winston Churchill Mes jeunes années Traduction Jean Rosenthal Éditions Tallandier Tallandier, 2007 Quant à l’écriture et au Prix Nobel de littérature en 1953... F. K. C’était l’un des trois ou quatre plus grands écrivains anglais de son siècle. Son style était fabuleux, mais il avait une ponctuation d’écolier. Comme toujours, il était bien entouré, et il avait un secrétaire très dévoué qui lui replaçait ses virgules et ses points là où il fallait. À partir des années trente, il écrit en consortium : on lui prépare les chapitres - il a six assistants - et il les réécrit dans son style, qui est unique. C’est ainsi qu’il a rédigé la biographie de son ancêtre le duc de Malborough, l’Histoire des Peuples Anglophones et l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale. Seuls ses livres d’avant 1931 sont entièrement de sa plume – ou plutôt de sa voix, car cet homme écrivait ses discours, mais dictait ses livres ! Il a reçu le prix Nobel de littérature « pour sa maîtrise de la description historique et biographique, ainsi que pour sa brillante éloquence dans la défense des grandes valeurs humaines ». Le jury suédois a soigneusement évité de mentionner ses derniers ouvrages... Winston Churchill Général de Gaulle « Du sang, de la sueur et des larmes » Suivi de L’Appel du 18 juin Édition bilingue Point, 2009, 56 pages François Kersaudy Le Monde selon Churchill Sentences, confidences, prophéties et réparties Éditions Tallandier Tallandier, 2011, 300 pages Entretien avec François Kersaudy Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Les lettres de Clementine sont très intéressantes à lire. Malgré une santé fragile, elle voyage beaucoup et tient une sorte de journal qu’elle adresse à Churchill au fur et à mesure : récit de ses croisières, de ses pérégrinations. Elle a aussi une bonne plume. F. K. La traduction en français des lettres de Clementine est très bonne, et on a rigoureusement la même impression en anglais qu’en français - à part quelques jeux de mots qui sont intraduisibles, mais c’est sans importance. On voit effectivement qu’elle avait une plume éduquée, très conforme au style victorien de l’époque. Elle n’avait pas le génie de son époux, mais elle écrivait clairement, avec des sentiments, une retenue, un sens poétique certains. Il faut dire aussi Winston Churchill La peinture mon passe-temps, que Mary Soames Churchill, leur traduit de l’anglais par Maurice Muller-Strauss, fille, a fait un choix de lettres et La Paix, Paris Genève Bruxelles, 1949, 32 pages a pris les meilleures – ce qui fait (+ portrait de l’auteur au chevalet en frontispice + 18 planches couleurs, tirage limité et numéroté) déjà beaucoup ! Clementine parle très tôt du droit au vote des femmes, dès le début du 20e siècle. Elle ne cesse de se préoccuper de politique, de conseiller son époux en la matière. F. K. Clementine était une très bonne conseillère en politique intérieure, même si elle n’était pas toujours écoutée. Elle est réaliste et surtout plus terre-à-terre que Churchill. Elle comprend bien comment vivent les gens, elle sait bien que chaque Anglais n’est pas Churchill, n’est pas généreux, n’est pas obnubilé par la politique extérieure et par la guerre, mais plutôt par ce qu’il va manger le lendemain. Churchill n’a jamais vécu sans un domestique, même en pension. Il est allé une seule fois dans le métro de Londres et s’y est perdu. Ce n’était pas un aristocrate, mais il a vécu toute sa vie comme un aristocrate. C’était un rêveur et un idéaliste, qui pouvait aussi être froidement pragmatique, voire impitoyable. Dans le couple, chacun était bien conscient des défauts de l’autre, et choisissait de s’en accommoder. Et ils ont tous les deux été très tolérants des frasques de leurs enfants – beaucoup trop sans doute. 08 Churchill est à nouveau Premier ministre en 1951. Après une grave attaque en 1953, il n’est plus le même homme. Mary Soames Churchill a noté dans son journal une remarque que Clementine a faite à propos de la fin de la carrière politique de son mari : « c’est une première mort – et pour lui une mort qu’il lui faudra vivre. » F. K. Il faut savoir que Churchill était sujet à des accès de grande dépression comme son père, son grand-père et son cousin. Il appelait ces crises son black dog. Dans ces périodes-là, il disait lui-même qu’il ne fallait pas qu’il s’approche trop près des fenêtres et des balcons. Il avait deux façons de se soigner : l’alcool – on ne peut pas parler de Churchill sans parler de l’alcool - et la politique. Churchill était très alcoolique, mais jamais saoul, un véritable phénomène en son genre. Dans l’inactivité forcée, la dépression le gagnait. Il la combattait par la peinture, par l’alcool et par des déclarations fracassantes, dont les fameux discours de 1946 - celui de Fulton sur le Rideau de Fer et celui de Zurich sur l’Europe. En 1951, il est revenu au pouvoir : une nouvelle jeunesse ! Mais il avait beaucoup vieilli, il était presque sourd, et cela n’a pas vraiment été une réussite. En 1955, après sa démission, il s’est aperçu qu’il n’aurait plus l’ivresse du pouvoir. Qu’est-ce qu’il allait pouvoir faire ? Il se sentait à la fois diminué politiquement et physiquement. Il a donc fait une nouvelle dépression. Pour la combattre, il lui restait la peinture sur la Côte d’Azur, les lettres à son épouse... et les croisières sur le yacht d’Onassis. Mais ses dernières années, ponctuées d’accidents vasculaires cérébraux, ont été assez tristes. Tout compte fait, Churchill était un génie à l’état pur, canalisé par le système démocratique britannique et par son épouse - sans lesquels sa carrière aurait pu se briser à maintes reprises. Cette correspondance avec Clementine nous montre en quelque sorte les coulisses de l’exploit... Winston Churchill - Portrait Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 09 Winston Churchill Portrait Par Corinne Amar Homme politique hors pair qui incarna la résistance britannique face à Hitler - lucide sur la menace hitlérienne bien avant 1939 -, adversaire farouche de l’apaisement voulu par Chamberlain, Premier ministre bouillonnant et sans concession, qui plaçait la Grande-Bretagne au-dessus de toutes les valeurs universelles, et proclama, s’adressant à la Chambre des communes pour la première fois qu’il n’avait rien d’autre à offrir au peuple britannique que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur (« I have nothing to offer but blood, toil, tears and sweat...» (13 mai 1940), Winston Churchill fut bel et bien l’homme providentiel qui changea le cours de l’histoire, en cette année cruciale où il se retrouva seul, et qui dura de juin 1940, à juin 1941. Grâce à lui, l’Angleterre sut briser la puissance allemande, alors qu’Hitler avait presque réussi sa percée, en s’alliant les deux géants qu’étaient l’Amérique et la Russie. Souvenons-nous de cet été 1940 ; Vous me demandez quelle est notre politique ? Je répondrai qu’elle est de faire la guerre, de la faire sur mer, sur terre et dans les airs, de la faire avec toute notre force et avec toute l’énergie que Dieu nous prêtera. Premier ministre et ministre de la Guerre de 1940 à 1945, mais désavoué par les électeurs en juillet 1945, revenu à la direction du pays en 1951, mais décidant de se retirer en 1955 (dix ans avant sa mort), orateur charismatique, peintre et talentueux dessinateur animalier, écrivain récompensé par le prix Nobel de littérature pour ses travaux historiques, Winston Churchill (18741965) est entré dans la grande histoire comme l’homme de la situation pendant toute la durée de la guerre, symbole du courage et l’un des grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. En février 1943, l’écrivain Albert Cohen signait un admiratif portrait de lui, Churchill d’Angleterre, sous le titre Message : Belgian Review (édité en France chez Lieu Commun, 1985, pp 17-18). « Je le regarde en ses soixante-huit années. Je le regarde. Vieux comme un prophète, jeune comme un génie, grave comme un enfant. Je le regarde. Grand, beau, solide, voûté, menaçant et bonasse, il fonce, lourd de pouvoir et de devoir, en étrange chapeau de notaire élégant, un cigare passetemps à la bouche entêtée. Il va hâtivement, lourd et agile, gai dieu marin, entre les deux rangs de la foule qu’il salue de deux doigts gantés et qui rit affectueusement de bonheur et de vassalité. [...]. Et toujours parfaitement heureux. » Heureux est le mot aussi avec lequel Churchill clôt ses mémoires de jeunesse : Je me mariai en 1908 et vécus dès lors magnifiquement bien et très heureux. Il s’était marié tard. À presque trentequatre ans, il épousait Clementine Hozier, de dix ans sa cadette, belle, intelligente et sans fortune ; libérale convaincue, férue de politique, proche des grandes questions de l’époque. Soucieuse de contribuer à soutenir Winston dans sa carrière, elle en acceptera l’excitation, les incertitudes et les frustrations. Ainsi, ni folie, ni grande aventure amoureuse, sembla t-il, pour cet homme passionné par ailleurs, mais un mariage d’affection constante, « union modèle pour une vie entière » - ce que vient confirmer la correspondance tout récemment publiée aux éditions Tallandier des Conversations intimes 1908-1964 de Winston et Clementine Churchill, présentée et annotée par leur fille Mary Soames Churchill. Une correspondance, année après année, jour après jour, sur une période de cinquante-six ans, échangée, qu’ils fussent sous le même toit ou séparés pendant de longues périodes par la guerre, la politique, l’histoire ; tourmentés ensemble pour les leurs - joies, chagrins -, par l’imminence de la guerre (31 juillet 1914), par la carrière politique de Winston, ils partagent tout. Il prend le temps de lui écrire un 2 août 1914, à 1h du matin : « Ma chatte, ma chère, C’est fini. L’Allemagne a éteint les derniers espoirs de paix en déclarant la guerre à la Russie, et la déclaration contre la France est attendue à tout moment. [...] Le monde est devenu fou - et il faut que nous nous occupions de nous-mêmes- et de nos amis. [...] Vous me manquez beaucoup - [...] », finit sa missive d’un Douce Kat – mon tendre amour – Votre dévoué W. et d’un petit dessin d’animal. Le lendemain, 3 août, l’Allemagne envahit la Belgique, le surlendemain, 4 août, la Grande Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne. Elle l’appelle « Mon chéri à moi », lui rappelle de ne pas trop fumer ; amour, désir, écoute bienveillante, proximité constante, elle est présente, confidente d’un Churchill lyrique, poétique ou grave ; de ses rencontres - Clemenceau, Mussolini, Hitler, Staline... - de sa passion pour la peinture, le vieux cognac, la chasse... Il est pétillant, vif, mouvant, rassurant autant qu’il le peut, même dans les moments de crises. « Il n’y a dans la vie de Churchill ni Katharina Orlow qui manqua faire chuter Bismarck, ni Inessa Armand qui faillit pratiquement causer la perte de Lénine - confirmera l’historien Sebastian Haffner, dans sa biographie de Churchill, Churchill, un guerrier en politique (Alvik, 2002). Des passions politiques et des aventures militaires furent en réalité à plusieurs reprises à l’origine de sa chute, des histoires d’amour jamais. Churchill le politi- Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Winston Churchill - Portrait cien, était tout le contraire d’un froid calculateur ; il savait se montrer plus chaleureux et plus fougueux qu’aucun autre, peut-être justement parce qu’il conservait intactes sa chaleur, son ardeur et toute la passion que d’autres mettent dans leur vie privée. Il voulait les réserver à ses activités d’homme public. » La carrière de Winston Churchill commença très tôt, dans le milieu aristocratique de sa naissance et dans le rang des conservateurs, descendant des ducs de Marlborough et fils de lord Randolph, leader en vue du parti tory, mort relativement jeune. Fervent admirateur de son père, Winston aurait aimé être reconnu par lui. Amour non partagé et sans espoir, il ne sentit jamais chez Lord Randolph que du mépris, et grandit, jusqu’à l’âge de vingt ans, en cancre sans perspectives. Son ardeur – et de là, sa fulgurante ascension, tel « un ressort trop longtemps comprimé », il l’éprouva, lorsqu’il fut maître de son propre destin. Sorti de l’école militaire de Sandhurst (l’équivalent de Saint-Cyr), il est envoyé avec son régiment à Cuba, aux Indes, au Soudan, il rêve de combattre, écrit ses premiers articles comme correspondant de guerre, se fait remarquer par ses discours incisifs, couvre la guerres des Boers, est fait prisonnier, s’évade, écrit un livre à succès. Déçu par le Parti conservateur, il se lie aux libéraux en 1904, débute dans la carrière ministérielle à partir de 1905. Il devient ministre du Commerce, puis de l’Intérieur et enfin, Premier Lord de l’Amirauté, en 1911 – ministre de la Marine, oeuvrant à la modernisation de la Royal Navy, afin de la préparer pour la guerre. Il doit démissionner après le terrible échec de l’expédition dans les Dardannelles. En 1924, il se rallie aux conservateurs, est élu à Epping et nommé chancelier de l’Echiquier. Battu aux élections de juillet 1945, il devient leader de l’opposition, écrit ses mémoires de guerre, multiplie les interventions publiques sur la nouvelle carte de l’Europe, écrit, peint, voyage, redevient Premier ministre, de 1951 à 1955. En 1953, il reçoit le Prix Nobel de littérature. Ses forces déclinent, sa résistance s’amenuise. En 1955, diminué par une attaque cardiaque, il décide de démissionner, de prendre définitivement congé de la politique et du pouvoir qu’il laisse à Anthony Eden. Il mourra à 91 ans, dix ans plus tard. Il interdit ses funérailles dans l’abbaye de Westminster ou même dans la cathédrale Saint-Paul ; il se voulut enterré aux côtés de son père, dans un petit cimetière de campagne du village de Bladon, dans l’Oxfordshire. 10 Lettres choisies Winston et Clementine Churchill Conversations intimes Éditions Tallandier De Winston 30 [31] mai 1909 Camp Goring Ma tendre chérie ... J’imagine que vous avez lu les journaux sur la journée de manoeuvres. Ma pauvre figure a été rôtie comme une châtaigne et elle brûle affreusement. Nous nous sommes bien amusés toute la journée. Il y avait des tas de soldats et de pseudo-soldats qui galopaient dans tous les sens, & les 8 régiments de la Yeomanry ont présenté un beau spectacle. Mais à mon avis la journée de manoeuvres n’a pas été très bien conduite... Ces militaires sont souvent totalement incapables de voir les vérités très simples qui sous-tendent les relations de toutes les forces armées, & comment on peut utiliser sur elles les leviers du po voir. Vous savez, j’aimerais vivement avoir une certaine pratique du maniement de grandes forces. J’ai une grande confiance dans mon jugement quand je perçois clairement les choses, mais il me semble que rien ne me fait davantage sentir où est la vérité que les combinaisons tactiques. C’est vaniteux et stupide de dire cela – mais vous, vous n’en rirez pas. Je suis sûr que c’est enraciné en moi – mais jamais, je le crains, dans la situation de mon existence, cela n’aura l’occasion de s’épanouir – sous la forme de lumineuses fleurs rouges. Alors, ça y est, Jack & Goonie ont leur P.K. ! Jack se pavane comme un petit dindon satisfait, en se donnant des airs comme pour dire « j’ai fait cela tout seul ». Cela semble s’être passé tout en douceur, avec un plein succès. Goonie avait dîné en ville avant de rentrer à la maison à pied et de dormir profondément jusqu’à deux heures du matin. C’est alors qu’elle a ressenti les signes prémonitoires qui précèdent l’action du destin. Et à 4 ou 5 heures, tout était magnifiquement terminé – & une nouvelle âme, s’échappant de sa quiétude ou de son inquiétude dans les profondeurs des océans du monde des esprits, s’est hissée timidement sur le frêle radeau de la conscience et des sens, pour y flotter – quelques instants. Elle n’a presque pas eu mal & Phillips [le médecin] a fait preuve d’un très grand savoir-faire. Mon petit Oiseau – cet heureux événement très encourageant vous sera d’une grande aide. Je l’appréhende un peu – parce que je n’aime pas vous voir obligée de souffrir & de traverser cette épreuve. Mais nous sommes prisonniers des circonstances, & la joie sortira de la douleur & des forces nouvelles s’élèveront de la faiblesse passagère. Bourke Cockran – un grand ami à moi – vient juste d’arriver en Angleterre, en provenance des États-Unis. C’est un type remarquable – peut-être le plus bel orateur d’Amérique, avec une tête géante à la C.J. [Charles James] Fox – & un esprit qui a guidé mes pensées en maintes directions importantes. Je l’ai invité à déjeuner vendredi à la C. des C. & irai à Londres ce jour-là pour obtenir mon amendement budgétaire en faveur du projet de loi sur les chambres de métier. (...) Là maintenant, il pleut à verse – mais je vais emmener tout mon escadron au galop de l’autre côté des Downs – Demain il y a journée de manoeuvres contre le Berkshire. Si bien que c’est forcément jeudi que Pussy doit venir déjeuner, si elle pense que cela en vaut la peine... Au revoir ma Clemmie bien-aimée je voudrais tant baiser vos lèvres chéries & me pelotonner confortablement dans vos bras, Lettres choisies - Winston et Clementine Churchill Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 mais je suis content que vous ayez trouvé un agréable refuge contre la peinture & les soucis pour ces quelques jours [à Blenheim Palace]. Au revoir ma chérie. Écrivez – et envoyez par le porteur – un petit mot de nouvelles et d’amour à votre cher Mari qui vous aime W De Clementine M.Y. Rosaura 7 mars 1935 Océan Pacifique Mon chéri – Cela fait exactement une semaine que j’ai posté la dernière lettre que je vous ai écrite à Nouméa, sur l’une des îles de Nouvelle-Calédonie... Depuis Nouméa, nous avons traversé un océan désert en faisant escale dans diverses îles – Nous n’avons plus de prise sur les choses, les eaux autour de certaines de ces îles n’ont pas été cartographiées, elles sont entourées de cruels récifs de corail & souvent on n’arrive pas à atteindre le fond... Le capitaine Laidlaw [du Rosaura] est une tour inébranlable ; je loue et glorifie le Seigneur tous les jours pour l’en remercier. Les distances sont énormes, souvent 2 jours de me entre les îles... Au revoir chéri, le courrier part De Winston [dactylographié] [Chartwell] 13 avril 1935 BULLETIN DE CHARTWELL N° 12 Il y a très peu de chose à dire depuis le dernier bulletin. Randolph va nettement mieux et il n’a qu’une très légère fièvre, moins de 37,2 °, pendant quelques heures tous les soirs.... Il a le moral au plus haut et de jeunes et jolies femmes viennent le voir. Il s’est laissé pousser une barbe qui lui donne un air parfaitement repoussant à mes yeux. Il déclare qu’il ressemble à Jésus-Christ. Pour moi au contraire il est sûr qu’il ressemble à mon pauvre père dans les dernières phases de sa maladie... J’ai trouvé un terrain d’entente satisfaisant avec London Films et j’estime qu’ils ont très bien agi. En deux mots, ils me versent 2 000 £ par an pendant encore une année au titre des courts métrages, et un dédommagement de 5 000 £ pour l’abandon du film sur le Jubilé... J’ai terminé les articles sur le Jubilé pour l’Evening Evening Standard et je fais un article par semaine pour le Daily Mail. Vous serez très contente de voir l’état de nos comptes à votre retour, car cette année toutes les factures ont été réglées chaque mois, et il ne reste plus que deux ou trois vieux machins.... La chèvre brune baptisée Sarah est morte par un triste concours de circonstances. Hill avait saupoudré l’herbe de nitrate d’ammoniaque. Elle l’a mangé et elle en est morte. La chèvre à cornes blanches nommée Mary a survécu, grâce à une dose d’huile de ricin administrée à temps. Elle attend des petits. Comme ces récits domestiques de la paisible Angleterre doivent vous apparaître insignifiants comparés à vos dragons et sphénodons. Mais je crois que c’est très important d’avoir des animaux, des fleurs et des plantes dans sa vie tant qu’elle dure... Ici on ne parle que de remaniement après l’adoption du projet de Loi sur l’Inde. Quant à savoir si ce processus va conduire à ce que je reçoive une invitation je ne puis me prononcer, et à dire vrai je m’en moque.... À soixante ans je modifie ma technique oratoire, en grande partie avec Randolph comme professeur, et j’inonde maintenant la Chambre des communes d’un flot de paroles improvisées. Ils semblent ravis. Mais quel mystère que l’art de parler en public ! Il consiste seulement selon ma (longue) expérience à 11 sélectionner trois ou quatre arguments et à les exprimer sur le mode de la conversation le plus naturel possible. L’effet littéraire que je recherche depuis quarante ans n’a apparemment aucun intérêt !... Dans l’ensemble depuis votre départ la seule chose importante à noter c’est que l’Allemagne est désormais la plus grande puissance armée d’Europe. Mais je crois que les alliés se liguent contre elle et cela me donne l’espoir qu’elle soit maintenue à sa place sans tenter de plonger dans un conflit terrifiant. Rothermere me téléphone tous les jours. Son anxiété fait pitié. Il estime que les Allemands sont tout-puissants et que les Français sont corrompus et incompétents, et les Anglais perdus et condamnés. Il se propose de faire face à cette situation en rampant devant l’Allemagne. « Chère Allemagne, détruisez-nous, mais en dernier ! » Je m’efforce de lui inculquer une attitude plus vigoureuse.... Avec une fois de plus tout l’amour de W P.-S. Deux bébés cygnes noirs viennent d’arriver. De Clementine Hôtel Zürserhof Mardi 7 janvier 1936 Zürs Mon chéri ... L’idée de vous rejoindre au Maroc me plaît énormément. D’une part, mon Pig me manque beaucoup, mais d’autre part, je voudrais rester ici jusqu’au 21, et je suppose qu’à cette date vous songerez vous-même à rentrer ?... La situation politique en Angleterre est déprimante ; cela me contrarierait vraiment que vous participiez au gouvernement Baldwin, sauf s’il vous donnait énormément de pouvoir et que vous soyez en mesure d’inspirer le gouvernement et de lui donner un nouveau souffle. Mais comme vous le dites vous-même, nous y sommes jusqu’au cou et on n’y peut plus rien maintenant. Tout ce que vous pourriez faire, c’est organiser nos forces armées. Les hésitants eux-mêmes qui font confiance à Baldwin se voient impliqués dans son jeu (& pas par choix politique, mais par confusion). Au revoir, mon chéri. Votre Clemmie qui vous aime De Winston [dactylographié] Château de l’Horizon 8 janvier 1939 [addendum à la lettre précédente] Secret Clemmie chérie J’ai passé une journée bien remplie et intéressante à Paris [sur le chemin de la Côte d’Azur]. J’ai déjeuné avec Reynaud à Versailles où il se remettait de ses efforts et de ses triomphes en matière de finances françaises. La France entière est unie contre Mussolini. Reynaud m’a dit que s’il touchait à Djibouti « la France se lancerait avec joie dans une nouvelle guerre ». Il y a chez eux un profond désir de s’en prendre à Mussolini pour l’humiliation qui leur a été imposée par Hitler [à Munich].... L’après-midi j’ai eu une longue conversation avec l’Ambassadeur [Sir Eric Phipps] et Charles Mendl, et ensuite je suis allé voir Blum, qui m’a donné le plus d’informations. Tous confirment que l’Allemagne n’avait presque pas de troupes sur la frontière française pendant la crise. Et Blum m’a indiqué (secret) qu’il avait appris par Daladier en personne qu’aussi bien Lettres choisies - Winston et Clementine Churchill Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 le général Gamelin que le général Georges étaient convaincus qu’ils auraient pu percer les défenses allemandes, faibles et inachevées, et presque dégarnies, au plus tard au bout du quinzième jour, et que si les Tchèques avaient pu tenir ne serait-ce que pendant cette courte quinzaine, les armées allemandes auraient été contraintes de revenir pour contenir l’invasion. De l’autre côté il y a leur grande prépondérance dans les airs, et le point de vue de chacun dépend du poids qu’il y attribue. Je ne doute pas un seul instant qu’une attitude de fermeté de la part de l’Angleterre et de la France aurait empêché la guerre, et je suis persuadé que l’histoire va être encline à juger que si l’on en était arrivé au pire, nous aurions été dans une situation bien meilleure que celle où nous nous retrouverons peut-être dans un avenir proche. Blum habite dans un appartement situé au-dessous de celui de Delbos, que l’on a fait venir en déshabillé pour se joindre à notre conversation. Tous deux sont très inquiets. Ils craignent que Mussolini ne soit déterminé à obtenir sa part du butin, Hitler ayant tout reçu jusqu’ici et lui rien, et ils sont convaincus qu’Hitler se sent lié à lui et le soutiendra... Blum semble croire que ces deux crapules vont très bientôt repasser à l’action. À Londres, on a très peur qu’Hitler s’en prenne à nous, et nous présente ses exigences au lieu de se tourner vers l’est... Pendant ce temps Chamberlain, en reprenant à son compte tout ce qu’a déclaré Roosevelt, a fait un grand bout de chemin vers ma position. Vous aurez peut-être remarqué qu’il a utilisé la formule exacte que je n’ai cessé de répéter ces deux dernières années, à savoir « Liberté et paix », et qu’il a mis, comme je l’ai toujours fait, « Liberté » en premier. Tous les échos issus des coulisses soulignent sa grande déception vis-à-vis d’Hitler, et son désespoir en ce qui concerne l’apaisement. Pendant ce temps, toutefois, les irritants ratés de la DP [Défense passive] se perpétuent. Les tranchées des parcs publics sont remplies d’eau. Ils n’arrivent ni à les combler ni à les vider pour les rendre utiles. Bien plus, il a fallu qu’ils embauchent des gardiens spéciaux pour empêcher les enfants de se noyer dans ces auges boueuses. Les bénévoles de la DPsont mécontents et leurs effectifs fondent à cause du manque d’organisation. Bien qu’il ait été nommé ministre aussi récemment, Sir John Anderson fait du patin à glace à St Moritz, et cela donne lieu à des commentaires incessants dans la presse. Il y a une absence totale de vigueur, et Chamberlain n’a pas la plus petite idée des négligences dont il est responsable. En fait, je ne crois pas qu’il y aurait grand intérêt à aller me mettre le poids de ces négligences sur le dos, en tout cas sans les pouvoirs qu’ils ne songeraient pas à m’accorder. Duncan [Sandys] a lancé son Parti [Les cent mille] avec l’aide de Randolph, et tout le monde ou presque est revenu sur sa parole au dernier moment... Duncan en a été tout dépité, et Diana m’a téléphoné pour me dire qu’il n’avait pas fermé l’oeil de la nuit. Mais je leur ai conseillé de marquer le pas et de laisser leur initiative mourir de sa belle mort maintenant qu’ils s’étaient jetés à l’eau, et surtout de ne pas battre publiquement en retraite... J’apprends que le bébé continue à bien se porter. Au lieu de faire 1 kg 980, comme à la naissance, il pèse désormais 2 kg 120. Il gagne donc des forces plus rapidement que le mouvement politique lancé en même temps.... Avec mon tendre amour Chérie Votre dévoué W De Winston [dactylographié] Alger 29 mai 1943 Ma Chérie à moi, Nous sommes arrivés ici hier, sous bonne escorte, en provenance de Gibraltar, dans mon nouveau York, belle mécanique merveilleusement confortable il faut bien le dire. Le gros défaut c’est que le Frigidaire ne marche que quand l’avion est en vol. Donc, si on fait escale quelque part pour la nuit toutes les provisions se gâtent. On s’occupe du problème. J’écris depuis la charmante villa de l’Amiral Cunningham située sur les hauteurs qui surplombent le port d’Alger. Les fleurs et les arbres en fleurs sont splendides. Le soleil est éclatant et chaud, mais sans excès, et une délicieuse brise fraîche souffle de la mer. Hier le port était rempli de bateaux qui emmenaient 10 000 prisonniers allemands en Angleterre ou en Amérique (je ne sais pas et m’en moque un peu !). De Gaulle doit arriver demain et tout le monde ici s’attend à ce qu’il fasse tout son possible pour créer la zizanie et mettre en avant ses ambitions personnelles. Il va se heurter à une rude coalition de forces s’il ne joue pas franc-jeu. Le Général Georges est sur place. Je l’ai encouragé à s’enfuir de France et nous l’avons amené à Alger par des filières secrètes il y a deux jours. Cela m’a fait grand plaisir de le rencontrer avec Giraud aujourd’hui au déjeuner et en leur compagnie j’ai retrouvé certaines de mes illusions perdues sur la France et son Armée. (...) Toujours vtre mari qui vous aime à jamais W De Winston [Yalta] 4 février 1945 12 h 30 JASON N° 109 MESSAGE SUIVANT DU COLONEL KENT POUR MRS KENT PERSONNEL ET CONFIDENTIEL. BIEN ARRIVE [3 FEVRIER] APRES BON VOYAGE ET LONG TRAJET EN VOITURE. SOLEIL ECLATANT ET PAS DE NEIGE. O.J. [« ONCLE JO » = STALINE] VIENT ME VOIR A 3 HEURES. TOUT VA BIEN. BAISERS DE SARAH. ... Pour l’annotation, se référer à l’ouvrage. © Éditions Tallandier Sites internet Éditions Tallandier http://www.tallandier.com/ The Winston Churchill Center (en anglais) http://www.winstonchurchill.org 12 Jacques Schlanger - Vivre selon la nature Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Vivre selon la nature Jacques Schlanger Par Gaëlle Obiégly Jacques Schlanger, professeur émérite de philosophie à l’Université Hébraïque de Jérusalem, se déclare, dans ce nouveau livre, « amant de la sagesse ». Cet aveu initie des considérations sur la belle vie dont les sages nous produisent le modèle. Car une telle vie ne nous est pas donnée - pas plus qu’au sage - elle résulte d’un effort ou simplement d’une attention. Les dernières parties de cet ouvrage important reprennent ses débuts où déjà Schlanger expose sa relation aux sages de l’Antiquité. Leur pensée soutient la sienne. Si bien que les Anciens qui l’accompagnent deviennent nos contemporains. Et leur sagesse, ce vers quoi nous pouvons tendre. C’est que le philosophe Schlanger en fait une lecture, dit-il, anachronique. Il ne cherche pas à les situer dans un contexte historique mais, au contraire, à faire parler les Anciens aujourd’hui. Il s’agit d’en faire usage. Epictète, Epicure, Marc Aurèle, Diogène le Cynique sont des interlocuteurs actuels dont la fréquentation nous met sur le chemin de la bonne vie. Le philosophe nous entraîne vers le haut, d’où l’importance des modèles à admirer, à imiter. La sagesse procédant peut-être d’une dynamique, d’un mouvement vers ce que l’on voudrait être. Mais qu’est-ce qu’une bonne vie ? Il appartient à chacun d’y répondre. Pourtant, puisqu’il nous est possible de la reconnaître, elle doit bien posséder quelques caractéristiques communes à tout être humain. Au fil des pages, selon un plan dont la clarté témoigne d’un esprit rigoureux, Jacques Schlanger interroge les doctrines des Cyniques, des Cyrénaïques, des Stoïciens, des Epicuriens et, dans une moindre mesure, des Sceptiques quant à la manière de bien vivre. Cela découlerait de notre rapport à la nature. En prenant conscience de ce qu’il était à l’origine, savoir un animal raisonnable, l’être humain retrouverait son paradis perdu. C’est la position cynique. Vivre bien consiste à vivre selon sa nature. Cela demande un effort, une ascèse, tout à fait différent de ce que 13 propose la doctrine épicurienne. S’il expose les divergences des doctrines des Anciens, Schlanger ne démontre pas leur incompatibilité. Au contraire, il les articule, pense en elles. Il les conduit dans notre monde et ses problématiques. L’écologie radicale, notamment, reprend la conception cynique du rapport de l’homme à la nature ou celle des Stoïciens. Pour certains écologistes, la terre est une entité vivante à laquelle participent tous les êtres vivants. Alors, l’harmonie consisterait, comme pour les Stoïciens, à se fondre dans la nature jusqu’à la disparition de l’individualité. « Je suis celui qui a été cheval, et puis arbre, et qui est homme maintenant », dit Marc Aurèle. On est une miette du Tout, mais une miette éternelle. Un humain, une conscience, certes. Mais un instant, seulement. Pour autant, vivre selon la nature ne suppose pas de s’abstraire de soi. Car cela revaudrait à s’abstraire de la nature. Celle-ci désigne ce qui nous héberge et ce que nous hébergeons. Il s’agit plutôt d’harmoniser notre nature avec la nature. Pas d’abnégation mais au contraire c’est par une affirmation de sa présence que l’être humain s’offre à la nature. Dans le monde de l’immanence, l’homme est sujet. Il pense, il agit à partir de ce qui est, dans ce qui est, vers ce qui est. C’est à lui-même qu’il rend des comptes. Ses actes ne visent aucune récompense divines – sont-ils néanmoins désintéressés ? Ses idées ne craignent pas le jugement de Dieu – elles n’en sont pas moins morales. Là où tous les philosophes conviés par Schlanger s’accordent c’est pour dire que nous vivons selon la nature (du reste, pourrait-il en être autrement ?) Par contre, ils divergent quant à la manière. Ce qui diffère entre les doctrines cynique, cyrénaïque, stoïcienne, épicurienne concerne la manière dont nous sommes tenus de nous engager dans cette vie. L’opposition concerne le rapport de ce que l’on croit être et ce qui devrait être. Les philosophies découlent de visions, d’expériences diverses. L’esprit a sa source dans le corps, donc. Puis il l’habille. La conception de la bonne vie ne préexiste pas à la vie vécue. Il n’est pas demandé à l’homme de se conformer à un programme, mais il peut choisir une manière de vivre et y réfléchir constamment. Le livre de Jacques schlanger nous entraîne à cette sorte de gymnastique qu’est la philosophie. C’est-à-dire un exercice de nos facultés. Il a pour dessein de nous faire fructifier notre nature. Alors, la lecture des philosophes qui vise la pratique rejoint celle de la poésie qui, selon Isidore Ducasse alias Lautréamont a « pour but la vérité pratique ». Elle nous guide individuellement, secrètement. La lecture directe, ainsi la nomme Jacques Schlanger - Vivre selon la nature Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Jacques Schlanger, impose un rapport intime à ce qu’on lit, une appropriation aux effets autant concrets que métaphysiques. Jacques Schlanger prend pour exemple l’athlète. Peu importe qu’il me montre ses haltères, ce sont ses épaules qui sont considérables. C’est-à-dire ce qu’il fait de ses outils. Cette attitude est aussi celle d’Epictète. Celui-ci s’appuie sur la sagesse du charpentier qui possède son métier, construit une maison, sans vous entretenir de sa technique. Il convient pour tout homme d’en faire autant : « mange, bois, pare-toi, marie-toi, aie des enfants, occupetoi de la cité en homme ; supporte les injures, supporte un frère ingrat, un père, un fils, un voisin, un compagnon de route. Montre-moi tout cela pour que nous voyions que tu as réellement appris quelque chose chez les philosophes. » Les Entretiens d’Epictète ponctuent l’ouvrage philosophique de Schlanger, avec d’autres textes des auteurs précédemment cités. Comme nous l’avons dit, les Anciens sont des interlocuteurs. Ils dialoguent ici à égalité avec l’auteur de Vivre selon la nature autour d’un problème essentiel : comment bien vivre. Mais vivre tout court, n’est-ce pas déjà bien vivre ? Si vivre consiste à conserver son être, il faut pour cela, à l’instar des plantes et des animaux, repousser les choses qui me nuisent et aspirer à celles qui me sont propres. Pour l’homme, vivre est plus compliqué. En effet, il n’a pas, lui, de savoir inné de ce qui lui convient. Il tâtonne, il lui faut réfléchir pour pallier au manque d’instinct qui lui permettrait la conservation de son être. Paradoxalement, son insuffisance et sa supériorité se tiennent. Il déraisonne parce qu’il est doué de raison, l’être humain. Lui seul, parmi les êtres vivants, peut vouloir ne pas tendre à persévérer dans l’être. Qu’est-ce qu’un homme ? se demande Hamlet. Probablement ce qui se demande s’il lui faut être ou ne pas être. Si la destruction et le mal ne sont pas des sujets abordés par Jacques Schlanger dans ce livre, la question du suicide y est examinée. Dans la 14 perspective qui est la sienne, celle de la bonne vie, le suicide participe d’une obstination à être. Celui qui se tue affirme son existence jusqu’à la mort. Vouloir vivre une bonne vie suppose d’accepter de ne plus vivre afin de ne pas avoir à vivre de manière inadéquate. L’éthique, dans son sens premier, voudrait qu’il soit laissé à chacun cette possibilité d’interrompre le fil de sa vie. La lecture de Schlanger pourrait nourrir le débat qui accompagne actuellement en France le projet de loi autorisant l’euthanasie. Mais qui décide s’il est encore bon de vivre, la société ou soi-même ? Est-on pour soi-même le meilleur juge ? Autre question posée par Jacques Schlanger dont le livre est d’une portée subtilement politique. Jacques Schlanger Vivre selon la nature Éditions Hermann , novembre 2013 188 pages. 25 € Dernières parutions Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Dernières parutions Par Élisabeth Miso Biographies Geordie Greig, Rendez-vous avec Lucian Freud. Traduction de l’anglais Michel Marny. Pendant dix ans Geordie Greig, s’est rendu régulièrement au restaurant Clarke’s sur Kensington Church Street à Londres. Lucian Freud aimait y partager son petit-déjeuner avec un cercle d’amis. Être convié à la table de cet artiste secret, connu pour défendre farouchement sa vie privée, était un privilège. Sa conversation était toujours stimulante, il pouvait citer Yeats, la correspondance de Flaubert, s’enthousiasmer pour le génie de Rembrandt, de Vélasquez et d’Ingres, éclairer certains aspects de sa quête créative ou se pencher avec lucidité sur son passé. Mêlant le souvenir de ces échanges avec Lucian Freud aux interviews de ses proches, le journaliste livre un portrait subtil et passionnant du peintre britannique. « Son ambition inflexible n’avait d’égale que la magie de son charme et tous deux furent impitoyablement utilisés pour concourir à son but : se mesurer aux plus grands artistes de tous les temps et mener une vie libre de tout scrupule. » La renommée de son grand-père Sigmund Freud, lui a permis de fuir avec sa famille l’Allemagne en 1933. Il a su très tôt que son destin serait artistique. Se démarquant de l’engouement pour l’abstraction ou l’art conceptuel, il s’est obstiné à explorer le figuratif, « persuadé que l’observation intense et prolongée de l’homme constituait l’essence du propos de l’artiste. » Marqué par l’affection intrusive de sa mère, il n’a eu de cesse de protéger son intimité, cloisonnant sa vie, exigeant de ses proches une discrétion absolue. D’une intelligence redoutable, doté d’un pouvoir de séduction électrisant, il était aussi à l’aise parmi les voyous que dans les sphères aristocratiques et intellectuelles. Son mépris des règles, sa soif de liberté, son besoin de tout risquer, sa libido débridée (deux mariages, de nombreuses maîtresses, quatorze enfants) ont pu affecter son entourage, mais sa vitalité magnétique a souvent fait céder bien des ressentiments. Par l’acuité de son regard, la vérité crue de ses tableaux balayant les conventions, il a bouleversé les codes du portrait et est devenu l’un des peintres incontournables du XXe siècle. Tout entier dédié à l’expression de sa peinture, il cherchait à « donner à l’art une indépendance complète par rapport à la vie, une indépendance qui est nécessaire parce que le tableau pour nous émouvoir ne doit jamais nous rappeler la vie, mais acquérir une vie propre, précisément afin de refléter la vie. » Éd. Christian Bourgois, 280 p., 25 €. Élisabeth Miso Franck Maubert, Gainsbourg à rebours. Il a dédié son livre « A celles et ceux qui laissent une trace sur le mur du 5 bis, rue de Verneuil ; écrivain, journaliste, critique d’art, auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la peinture, Franck Maubert qui avait déjà consacré un livre à Gainsbourg (Gainsbourg for ever, Scali, 2005) retrace un portrait de Serge Gainsbourg intime, personnel, s’attache à l’artiste aux dons multiples qui sut marquer son époque et continue, vingt-deux ans après sa mort, d’influencer la musique ; peintre, auteur-compositeur-interprète, pianiste, scénariste, metteur en scène, écrivain, acteur, cinéaste ; il revient surtout sur la vocation de peintre avortée 15 de ce fils d’immigrants russes juifs, Lucien Ginsburg qui, à l’âge de vingt ans ne rêvait que de peinture, art majeur, selon lui, « Je serai Courbet ou je ne serai rien », et avait élu Le Louvre comme champ de ses fantasmes. Maubert aime Gainsbourg, c’est un fait. Il n’eut de cesse de le suivre de loin, de près, l’interviewant un jour sur sa jeunesse de peintre, puis le fréquentant chez lui, aussitôt et de plus en plus régulièrement, à l’écoute captivée de ce connaisseur sensible, « historien d’art vivant, emporté, flamboyant » qui savait être intarissable en matière de tableaux. « Prendre rendez-vous avec Gainsbourg, disait-il, c’était rayer une journée de son agenda, la nuit qui suivait et, parfois même, le lendemain. Quand il ouvrait la porte du 5 bis, rue de Verneuil, toujours la même question : « Qu’est-ce que tu bois p’tit gars ? «. Quand j’ai réussi à l’entraîner au Louvre, nous étions à jeun. L’art - les arts majeurs comme il disait - avait ce pouvoir de lui redonner sa peau de Lucien Ginsburg. Il oubliait Gitanes, et n’avait pas son pareil pour évoquer les infantes malades de Vélasquez. (...) » Étranger à l’idée du bonheur, et pourtant. Éd. Fayard, 154 p., 14€. Corinne Amar Romans Torgny Lindgren, Souvenirs. Traduction du suédois Lena Grumbach. « La seule hypothèse véritablement plausible semblerait être que toutes nos pensées et tous nos souvenirs, les souvenirs en particulier, ne seraient en définitive rien d’autre que des hallucinations. » Torgny Lindgren n’a jamais cru en la mémoire pour la simple raison qu’il est persuadé de ne pas en avoir. Les souvenirs ne peuvent être fiables puisqu’ils ne restituent pas l’infinité de mémoires que renferment les cellules de notre corps et qu’ils sont des processus psychiques mouvants. L’auteur suédois a toujours soutenu à ses éditeurs qu’écrire ses Mémoires n’aurait rien d’authentique, car pour lui pensées et souvenirs n’ont aucune réalité sans le filtre de l’imagination et de la fiction. « Je ne recherche pas la vérité, dis-je. La vérité, on peut la détenir autant qu’on peut la perdre. Si je commence à écrire pour de vrai, il sera alors question de tout autre chose que de la vérité. L’enjeu, dis-je avec un sérieux solennel, c’est de remplir les vides de la conscience. » S’il s’est laissé convaincre de se lancer sur la piste de ses souvenirs, c’est qu’il y a vu matière à sonder, dans ce tissu d’éléments autobiographiques et d’inventions, de souvenirs personnels ou puisés dans l’histoire familiale et les conversations amicales, la pertinence de sa voix d’écrivain, la fascinante machine à produire du sens et de l’émotion qu’est la littérature. En formidable conteur, il brosse en quelques portraits habilement ramassés et quelques dialogues savoureux toute une identité familiale. « Quand nous parlons, dis-je, nous nous dévoilons dans les mots. Le je devient visible. Par le bavardage on confirme ce qu’on est en tant qu’être humain. Même dans le mensonge on devient ce qu’on est et on est révélé comme étant soi-même. Le bavardage est action. » Torgny Lindgren met en évidence le fil invisible qui relie entre eux les corps puissants de son grand-père maternel, de son oncle Hjalmar et de son père viscéralement connectés à la terre, la fragilité de son propre corps, le rejet de toute sensiblerie, la nature comme source constante d’inspiration, ou les derniers moments passés avec sa mère peu avant sa mort à parler Dernières parutions Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 d’écriture, du sens de la vie ou de la recette de la viande de renne séchée au four. Chaque souvenir, chaque parcelle de vie évoquée vient s’imbriquer dans les autres, formant une seule et même histoire collective, où la perception de soi est indissociable des êtres et des récits qui nous définissent. Éd. Actes Sud, 240 p., 22 €. Élisabeth Miso Récits José Luís Peixoto, La mort du père. Traduction du portugais François Rosso. Dès son premier roman Sans un regard, qui lui vaut à 26 ans d’être lauréat du prix Saramago, José Luís Peixoto s’impose comme l’un des écrivains portugais les plus prometteurs. Dans ce texte de jeunesse rédigé entre 1996 et 1997, l’auteur rend un vibrant hommage à son père disparu prématurément. Par un après-midi de printemps au volant de la voiture paternelle, il roule en direction de son village, de la maison de son enfance. « […] tout semble comme avant. Le silence fluvial, la vie cruelle d’être vide. » Les traces du père sont palpables partout, dans le paysage traversé comme dans l’intimité de la demeure familiale. « Tout ce qui te survit m’assaille. », décrit-il, porté par les mouvements de sa mémoire. Il se revoit au volant de cette même voiture sur ces mêmes chemins quand son père lui apprenait à conduire, il se souvient des moments de parfaite complicité avec lui dans le potager, du bonheur simple des repas en famille. « Tu es resté présent en tout. Superposés à la peine indifférente de ce monde qui feint de continuer, tes mouvements, l’éclipse de tes gestes. Mais rien désormais n’est assez grand pour te contenir. » Dans la chambre parentale il enfile les vêtements de son père et dans le reflet du miroir ce dernier lui apparaît, si net, si incroyablement vivant. La chambre conserve encore l’odeur de la maladie, l’odeur de la souffrance et de l’impuissance des proches. « J’ai passé la nuit seul. Avec toi. Près du silence absolu. Dans le noir qui n’existait pas quand les nuits attendaient des matins de soleil, la vie qui descendait de ton visage, et s’arrêtait, et courait sur nos visages. » Ce père était lumière pour les siens, ce qu’il a transmis ne peut s’effacer, c’est pourquoi José Luís Peixoto s’est juré de ne jamais l’oublier, d’être éternellement reconnaissant à la force de cet amour qui l’a profondément structuré pour la vie. Éd. Grasset, 64 p., 10 €. Élisabeth Miso Correspondances Marcel Proust, Lettres à sa voisine. Édition établie par Estelle Gaudry et Jean-Yves Tadié. Elle avait tout d’une héroïne de roman, et Marcel Proust ne s’était pas trompé qui l’avait remarquée, alors qu’elle habitait au-dessus de chez lui, à Paris, 102, boulevard Haussmann. Mariée à un dentiste américain, Charles D.Williams, sportif « qui partait tous les samedis avec son chauffeur pour aller jouer au golf », on la disait artiste, distinguée, « très parfumée », elle jouait, semblait-il, de la harpe. Elle savait qui était Proust, l’admirait, elle lui écrivait et lui, avait beaucoup de plaisir à lui répondre. Les lettres s’échangeaient d’un étage à l’autre, s’envoyaient parfois même par la poste. Vingt-trois lettres inédites (et trois à son mari) ont été retrouvées de Proust à 16 Mme Williams, approximativement datées, entre 1908 et 1916, l’édition est agrémentée de photographies tout aussi inédites de Proust, de Madame Williams, de lettres manuscrites de l’écrivain ; des lettres d’une courtoisie exquise – Malgré les tristes jours, des fleurs vous feraient-elles plaisir. Et « quelles » comme dit Verlaine ? -, soucieuses de plaire à leur destinataire, voire de la charmer, et sensibles à leur solitude commune. « [fin 1914 ?] Mercredi, Madame, Puisse mon livre vous avoir donné autant de plaisir que j’en ai eu à lire votre lettre. (...) Je ne connais aucun des pays dont vous me parlez. Mais j’ai souvent rêvé d’eux ; et vous avez fait, avec vos paroles picturales et ensoleillées, entrer de la couleur et de la lumière dans ma chambre close. » Il dort le jour, le bruit le rend fou, il est précis, maniaque, des travaux sont au cours chez les Williams ou bien, des déménagements, il prie Madame Williams de faire clouer les caisses de telle à telle heure et dans telle ou telle pièce, parce qu’il y est « sensible »…Délicat et de l’humour, en toutes circonstances. Éd. Gallimard, 84 p., 14,50€. Corinne Amar Actes de Colloques Rainer Maria Rilke, Inventaire Ouvertures. Édité par Michel Itty, Silke Schauder. Préface de Jean-Paul Welterlen. Rilke, Inventaire : ce livre fait état, en les renouvelant, des thèmes incontournables de la recherche rilkéenne, tels que ses rapports avec la France, les voyages, ses éditeurs, la traduction, Cézanne ou Rodin... Rilke, Ouvertures : car il explore les résonances de son oeuvre au théâtre, au cinéma, par la lecture, ou le numérique. Les Cahiers de Malte de Laurids Brigge (1910), les Élégies de Duino (1922) de Rainer Maria Rilke font partie des sommets de la littérature mondiale. Quatrevingt dix sept ans après sa mort, qu’en est-il du rayonnement de son œuvre, de la puissance novatrice de son écriture et de son éventuel message ? Comment lire cette œuvre protéiforme composée de poèmes, de lettres, d’essais, de traductions poétiques ou littéraires, de prose et de théâtre ? À travers un questionnement multiple et nécessairement pluridisciplinaire, ce livre réunit les contributions de trente-cinq auteurs spécialistes de Rilke et venant de huit pays différents. Douze sections thématiques offrent un regard panoramique sur la vie et l’œuvre du poète. Issu du premier colloque de Cerisy consacré à Rilke que Michel Itty et Silke Schauder ont organisé en août 2009, ce livre apporte des éclairages nouveaux sur son œuvre foisonnante et fertile. Il s’adresse à un large public désireux de suivre la trajectoire d’un poète qui ne cesse de nous interroger. Presses Universitaires du Septentrion. Collection Littératures de langue allemande, 504 p., 34,00 €. (Présentation de l’éditeur) cf. FloriLettres, édition n°105, mai 2009 : http://www.fondationlaposte.org/article.php3?id_article=1113 Agenda Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Agenda Expositions Jean Cocteau le magnifique, les miroirs d’un poète Jusqu’au 23 février 2014 Musée des Lettres et Manuscrits, Paris Un hommage à Jean Cocteau À l’occasion du 50ème anniversaire de la disparition de Jean Cocteau, le Musée des Lettres et Manuscrits lui rend hommage avec une exposition intitulée « Jean Cocteau le magnifique. Les miroirs d’un poète » présentant plus de 150 manuscrits et lettres autographes, ouvrages illustrés et éditions originales, dessins, photographies et affiches, dont un grand nombre d’inédits. En parcourant cette exposition, le visiteur pourra passer de l’autre côté du miroir, objet phare de la mythologie personnelle de Jean Cocteau, afin de découvrir la personnalité de cet homme dont l’étoile, autre symbole, graphique celui-ci, maintes fois représenté, brilla durant plus de 60 ans au panthéon de la vie littéraire et artistique française. À la fois poète, romancier, dramaturge, dessinateur, décorateur, cinéaste... Jean Cocteau demeure aujourd’hui une référence, une source d’inspiration inépuisable pour nombre de créateurs de Jean-Luc Godard à Arielle Dombasle. Les pièces maîtresses de cette exposition sont le manuscrit du scénario original du film La Belle et la Bête, chef-d’oeuvre classé « Trésor national », accompagné du manuscrit autographe du journal de ce film et de photographies prises lors du tournage, ainsi que Le Mystère de Jean l’Oiseleur l’Oiseleur, oeuvre poétique mêlant écriture et dessin. Dans le cadre de cette exposition, seront présentées plusieurs lettres relatives au couple mythique que formèrent Jean Cocteau et Jean Marais de 1937 à 1949, choisies parmi l’abondante correspondance entre ces deux monstres sacrés conservée par le Musée des Lettres et Manuscrits. Cette liaison qui inspira fortement le dramaturge et le cinéaste, donna naissance à des oeuvres majeures comme La Belle et la Bête, L’Aigle à deux têtes, Les Parents terribles et Orphée dont Jean Marais fut l’inoubliable interprète passant du monde visible au monde invisible à l’aide d’un miroir. Un hommage à Édith Piaf Cette exposition inédite est également l’occasion de présenter un hommage à Edith Piaf, amie de Jean Cocteau, à travers différents écrits et photographies : correspondance qu’elle entretenait avec son amant Louis Gérardin, lettre écrite le jour de la mort de Marcel Cerdan, manuscrit du monologue de Cocteau écrit à son attention (Le Fantôme de Marseille), photographie prise lors des répétitions du Bel indifférent... Apprenant la mort d’Édith Piaf, Jean Cocteau aurait déclaré « C’est le bateau qui achève de couler. C’est ma dernière journée sur cette terre ». Jean Cocteau s’éteindra quelques heures après Édith Piaf, le 11 octobre 1963. Commissaires de l’exposition : Pascal Fulacher et Dominique Marny Du mardi au dimanche de 10h à 19h / Nocturne le jeudi jusqu’à 21h30 / Fermeture hebdomadaire le lundi Musée des Lettres et Manuscrits 222, boulevard Saint-Germain, 75007 PARIS Téléphone : 01 42 22 48 48 - [email protected] - http://www.museedeslettres.fr Jean Cocteau et le cinématographe Jusqu’au 23 février 2014 Cinémathèque française Musée du Cinéma, Paris L’exposition, au Musée du Cinéma, est l’occasion de montrer des fonds exceptionnels collectés par La Cinémathèque française et grâce à la générosité de donateurs. Elle dévoile affiches, scénarios, correspondances, ouvrages précieux, dessins, photographies de plateau et de tournage, ou encore des costumes et objets, dont le célèbre costume d’homme-cheval imaginé par Cocteau pour Le Testament d’Orphée et la robe dessinée par Marcel Escoffier pour La Belle et la Bête. Les collections témoignent aussi des activités de critique de Cocteau, et de son implication dans diverses manifestations d’importance, notamment le Festival de Cannes dont il fut à plusieurs reprises Président du jury avant d’en être nommé Président d’honneur. Événement à l’occasion du cinquantenaire de la mort de Jean Cocteau, avec le soutien du Comité Cocteau et de la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent. http://www.cinematheque.fr/fr/expositions-cinema/cocteau/exposition.html Lundi, mercredi à samedi 12h-19h / Dimanche 10h-20h / Fermeture le mardi. La Cinémathèque française 51 rue de Bercy 75012 Paris 17 Agenda Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Texte et musique Histoire de ma vie d’Hector Berlioz Le samedi 25 janvier 2014 Bures-sur-yvette (91) Après la version « Chopin », le duo Duchâble - Carré revient avec un spectacle mêlant verbe et mesure. Ils présentent l’univers quotidien du compositeur du XIXe siècle, Hector Berlioz, par le biais de ses correspondances et mémoires. Pianiste et comédien mettent ainsi en valeur et l’importance de l’art à cette époque. De 21h à 23h Centre culturel Marcel Pagnol rue Descarte 91440 Bures-sur-yvette Téléphone : 01 69 18 79 50 Atelier d’écriture et de jeu L’atelier d’écriture et de jeu du théâtre national de la Colline Le lien social à travers l’art théâtral (L’Harmattan, décembre 2013, 147 pages) Sous la direction de Sylvie PFLIEGER Le théâtre national de la Colline organise depuis déjà plusieurs années un atelier d’écriture et de jeu qui réunit, chaque samedi matin, de janvier à juin, une population très diversifiée d’hommes et de femmes habitant le nord-est parisien et sa proche banlieue. Ce travail débouche sur une présentation publique dans la grande salle du théâtre, orchestrée en 2012 et 2013 par le metteur en scène Stanislas Nordey. L’organisation de cet atelier prend place dans le cadre de la mission générale d’une institution culturelle publique, ici un théâtre national, qui au-delà de ses objectifs artistiques doit aussi être reconnue comme un acteur social à part entière au sein du territoire dans lequel elle s’insère. C’est ainsi que l’on attend aujourd’hui des institutions culturelles qu’elles prennent part au développement économique et social de leur territoire et contribuent à y renforcer le lien social et l’intégration de groupes de population en difficulté. Cette insertion d’une institution culturelle dans son territoire implique la mise en place d’une nouvelle gouvernance, d’un réseau de partenaires publics et privés tournés vers un même objectif. En particulier, cet atelier n’aurait pu exister et perdurer sans le soutien de fondations mécènes qui souhaitent développer leur politique de mécénat croisé en direction de tels projets. Cet ouvrage relate cette expérience, très riche sur le plan humain, à partir d’un suivi de cet atelier pendant deux ans par une équipe de sociologues de l’Université Paris Descartes, et s’efforce d’en donner des éléments d’évaluation. http://www.editions-harmattan.fr/ Théâtre Camille Claudel, Correspondance(s) Le 4 février 2014 Saint Julien en Genevois (74) Il y a 70 ans, Camille Claudel nous quittait. Françoise Sliwka a retracé son parcours à partir de sa correspondance. Dans ces lettres, on retrouve une femme amoureuse, une soeur, une fille, une amie, en toutes situations passionnée, entière, souvent capable, même au coeur de la plus violente détresse, de faire preuve de distance et d’humour. Se promener dans cette correspondance, c’est découvrir les déclarations d’amour fiévreuses de Rodin, les appels au secours quand la pauvreté frappe trop fort, les télégrammes lapidaires pour tenir à distance l’ogre barbu, la dureté des mots de sa mère, le silence de Paul, la détresse à longueur de pages pendant les années d’internement, le mistral assassin, la solitude qui ronge... Compagnie François Sliwka 18 Billetterie en ligne : http://www.st-julien-en-genevois.fr/ L’Arande 24 Grande Rue 74160 Saint Julien en Genevois Agenda Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Manifestations soutenues par la Fondation La Poste Théâtre « Maupassant, Portraits brisés » / Théâtre de l’Epi d’or Les 24 et 25 janvier 2014, Val d’Oise Création d’un spectacle littéraire adapté de la correspondance, des chroniques et des œuvres de Guy de Maupassant par Patrice Fay dans une mise en espace de Micheline Zederman. « Accroché à son fauteuil comme à un radeau, Maupassant se jette dans ses souvenirs en désordre, naviguant entre les femmes, la littérature, la politique et la folie, il nous donne à entendre son œuvre, sa vie. Il parle à sa mère, à Flaubert, à Mouche l’héroïne de la nouvelle, à ses médecins, à son double qui surgit terrifiant...» - les 24 et 25 janvier 2014 au Théâtre de l’Aventure à Ermont-dans le Val d’Oise Téléphone: 01 39 59 06 44 http://theatredelepidor.free.fr/Site_de_lEPI_DOR/Theatre_de_lepi_dOr_accueil_-_Maupassant,_portraits_brises_-_Patrice_Fay.html Chaissac / Dubuffet « Vive l’art, quand il ignore son nom ! » les 24 et 27 janvier 2014 À l’occasion de l’exposition qui s’est tenue à l’Adresse Musée de La Poste du 28 mai au 28 septembre 2013 « Gaston Chaissac / Jean Dubuffet, entre plume et pinceau » la Compagnie Artépo a créé, dans une mise en scène de Denis Guénoun, un spectacle d’après la correspondance qu’échangèrent les deux peintres : Gaston Chaissac - Jean Dubuffet Correspondance 19461964, aux Editions Gallimard. Au-delà de leur échange artistique, se noue entre le premier, cordonnier in partibus, et le second, fondateur et théoricien de l’Art Brut, un rapport humain singulier mettant en jeu deux visions du monde qui pendant près de vingt ans se complètent ou s’opposent. Représentations en 2014 : - le 24 janvier : spectacle à l’Auditorium Saint Michel aux Sables d’Olonne - le 27 janvier : lecture spectacle au Studio Raspail à Paris http://www.spectacles.fr/artiste/compagnie-artepo http:// www.spectacles.fr/artiste/compagnie-artepo «La Vénus au Phacochère » La FIAF, French Institute Alliance Française / Théâtre Florence Gould Hall de New York, les 5 et 6 février 2014 La Vénus au Phacochère : pièce de théâtre épistolaire et comédie dramatique en français surtitrée en anglais de l’auteur Christian Siméon, dans laquelle l’actrice Alexandra Lamy, seule sur scène, incarne trois personnages pris le tourbillon d’une Belle Epoque misogyne. Christian Siméon, lauréat du Prix Durance Beaumarchais SACD, a écrit cette pièce épistolaire pour le Festival de la Correspondance de Grignan de 2012. Prix littéraire Prix Sévigné 2013 Le 4 février 2014, Paris Remise du Prix Sévigné 2013 le 4 février au Siège social du Groupe La Poste. Le Prix Sévigné couronne la publication d’une correspondance inédite ou d’une réédition augmentée d’inédits apportant une connaissance nouvelle par ses annotations et ses commentaires, sans limitation d’époque, en langue française, ou traduite d’une langue étrangère. Cinéma « La Cicatrice, une famille dans la Grande Guerre» Le film de Laurent Véray sera diffusé le samedi 1er février 2014 sur France 3 Nord Pas-deCalais Picardie à 15h20, avec une rediffusion prévue le lundi suivant en matinée. Le film sera ensuite disponible pendant 1 mois sur le site web de France Télévisions. 19 Mécénat Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Agenda des actions de mécénat de la Fondation La Poste Fidèle aux valeurs du groupe La Poste, la Fondation soutient l’expression écrite en aidant l’édition de correspondances, en favorisant les manifestations artistiques qui rendent plus vivantes la lettre et l’écriture, en encourageant les jeunes talents qui associent texte et musique et en s’engageant en faveur des exclus de la pratique, de la maîtrise et du plaisir de l’écriture. Aide à l’édition de correspondances Hiver 2013 La Correspondance et la construction des identités en Europe Centrale (1648-1848), Éditions Honoré Champion Sous la direction de François Cadhilon, Michel Figeac et Caroline Le Mao, membres du Centre d’Etudes des Mondes Moderne et Contemporain (Université de Bordeaux 3) qui développe depuis plusieurs années des liens avec l’Europe Centrale, et des recherches sur l’histoire des élites et les écrits du for privé. « En quoi les correspondances sont-elles le lieu de l’affirmation d’un individu ou d’un groupe, de la définition d’une identité, qu’elle soit religieuse, linguistique, professionnelle… voire nationale ? C’est à cette épineuse question que s’attache cet ouvrage, en portant le regard sur un espace vaste, aux contours flous : l’Europe centrale, de 1648 à 1848 , des traités de Westphalie au Printemps des Peuples. En un temps où s’épanouissent les correspondances privées et où la lettre reste le principal vecteur de communication, l’usage du français dans les relations épistolaires des élites donne une unité à l’objet étudié et permet la rencontre entre chercheurs de France et d’Europe Centrale… le présent ouvrage s’articule en quatre thèmes : la construction des identités nationales, la diplomatie, la construction des savoirs, la construction de l’individu. » « Épistolaire », revue de l’A.I.R.E (Association Interdisciplinaire de Recherche sur l’Epistolaire) n° 39, actes du colloque « Diderot et la correspondance », Librairie Honoré Champion À l’occasion du tricentenaire du philosophe, un colloque international sur la correspondance de Diderot s’est tenu à l’Université Toulouse II Le Mirail en mars 2103. Les différentes facettes de Diderot épistolier sont explorées, ses interlocuteurs sont nombreux (Sophie Volland, mais aussi Grimm, la famille, Catherine II, les cercles russes, les amis…). Dans un siècle où l’échange est privilégié, Diderot, grand communicant, occupe une place prépondérante. http://www.epistolaire.org/ Correspondance René Daumal - Léon-Pierre Quint 1927-1942, Ypsilon Éditeur Publication de 235 lettres inédites, préface de Billy Dranty, établissement du texte et annotations de Bérénice Stoll. Éditeur et écrivain, Léon-Pierre Quint (1895-1958) est une figure importante dans l’histoire littéraire de la première moitié du XXème siècle. Directeur des Editions du Sagittaire pendant plus de vingt ans, il connut Proust et Gide auxquels il consacra des ouvrages, contribua à lancer le mouvement surréaliste en publiant le Manifeste d’André Breton, et soutint la revue Le Grand Jeu dont René Daumal est l’un des fondateurs. Sa correspondance avec ce dernier constitue un document exceptionnel sur la relation des deux hommes et la vie intellectuelle dans les années de l’entre-deux-guerres. http://ypsilonediteur.com/ Écrire d’amour à 20 ans, Éditions À dos d’âne La date du lancement est prévue le samedi 15 février de 16h à 18h, pour la Saint Valentin au Musée des Lettres et Manuscrits. Anthologie de lettres d’amour pour jeunes lecteurs réunissant des lettres de poètes, artistes, musiciens, chanteurs, scientifiques…. Et aussi des lettres de poilus. Correspondances choisies par Gwenaëlle Abolivier Correspondance entre Jean Dubuffet et Valère Novarina « Personne n’est à l’intérieur de rien », Éditions L’Atelier contemporain (Strasbourg) Correspondance tenue de 1978 à 1985, préfacée par l’universitaire Pierre Vilar, spécialiste des échanges poésie-peinture. L’ouvrage, constitué de l’édition complète des lettres échangées entre les deux artistes (quelquesunes – moins d’un quart de l’ensemble – étaient parues dans les écrits de Jean Dubuffet publiés 20 Mécénat Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 chez Gallimard), est augmenté de documents : l’entretien que Dubuffet donna à Novarina pour un numéro de revue, les préfaces que le peintre écrivit pour le premier livre de l’auteur de théâtre, des textes, enfin, que celui-ci donna en hommage. Le tout est illustré de photographies : reproductions de lettres, d’enveloppes, de cartes postales ou de dessins que les artistes se sont mutuellement offerts. Manifestations artistiques qui rendent plus vivantes la lettre et l’écriture. Hiver 2013 « Maupassant, Portraits brisés » / Théâtre de l’Epi d’or Création d’un spectacle littéraire adapté de la correspondance, des chroniques et des œuvres de Guy de Maupassant par Patrice Fay dans une mise en espace de Micheline Zederman. - les 24 et 25 janvier 2014 au Théâtre de l’Aventure à Ermont-dans le Val d’Oise http://theatredelepidor.free.fr/Site_de_lEPI_DOR/Theatre_de_lepi_dOr_accueil_-_Maupassant,_portraits_ brises_-_Patrice_Fay.html Raconte-moi mon Histoire, Il y a 100 ans : la Grande Guerre – Centenaire 1914-18 – Réponses aux Lettres de Poilus / ARPEJ Association de promotion de la presse à l’école, de septembre 2013 à juin 2014. Il s’agit de permettre aux élèves du plus grand nombre d’établissements d’écrire sur le Conflit et sa Mémoire. L’oeuvre phare du projet est le Concours de Réponses aux Lettres de Poilus que l’ARPEJ a établi avec la Fondation Varenne. Les textes des élèves seront publiés dans un recueil national à paraître à l’automne 2014. http://pressealecole.fr/2013/01/raconte-moi-mon-histoire-comment-ecrire-un-article/ .... Lettres du Pays / Pays de Loire-Beauce de 2012 à 2014. L’association Les fous de Bassan à Beaugency en collaboration avec les postiers de la région, met en place un projet culturel en milieu rural qui s’échelonne sur trois ans (quarante communes sont concernées). La population qui demeure ou travaille dans le Pays Loire-Beauce est invitée à écrire une ou des lettres pour parler du pays. Certaines de ces lettres seront confiées à des artistes qui apporteront une réponse artistique en 2013. Point d’étape : - Année 2012 : 437 Lettres (toutes les Lettres spontanées, numériques, manuscrites, cartes postales) ont été prises en compte ont été réceptionnées, toutes consultables sur la rubrique TOUTES LES LETTRES du site http://www.lettresdupays.com - Année 2013 : réponses artistiques, lectures-concerts et organisation des manifestations de 2014. 40 Lettres ont été transmises à 40 artistes et artisans d’art du Pays Loire Beauce et d’ailleurs, officiant dans des disciplines diverses : littérature, musique, arts plastiques, céramique, couture, photographie, vidéo, gravure de pierre, verrerie… Chaque réponse prend en compte la spécificité de l’élément au cœur de la Lettre et la façon dont l’expéditeur l’a mis en mots. Durant cette phase la représentation de lectures-concerts conviviales et festives, diffusées dans 12 communes du Pays Loire Beauce, a permis à la population de goûter quelques LETTRES du PAYS interprétées, lues et chantées par 3 comédiens et un musicien Engagement en faveur de l’écriture pour tous. Projets solidaires « Se souvenir des belles choses » Association II mots en Images, Perpignan de juillet 2012 à juillet 2014. L’association met en place des ateliers hebdomadaires d’écriture & vidéo « De l’exil à l’image» avec des personnes malades d’Alzheimer accueillies au centre thérapeutique de jour Le Grand Platane à Perpignan. L’objectif du centre d’accueil, qui assure une prise en charge individualisée des malades, est de favoriser leur maintien à domicile, retarder leur entrée définitive en institution et rendre profitable le temps gagné pour eux-mêmes et leur famille. « La maladie d’Alzheimer étant une maladie dégénérative qui implique la disparition de la mémoire, et l’écriture, comme le cinéma, étant des moyens de retenir ce que le temps ou la maladie effacent, il nous semble essentiel de “fixer” cette partie d’eux-mêmes qui peu à peu leur échappe. » 21 Mécénat Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Ce projet est développé en collaboration avec les soignants du centre d’accueil et il est mené avec l’accord et l’engagement des familles. Dans un premier temps, les personnes malades s’immergent dans l’univers du cinéma, en regardant des séquences de films faisant appel à leur mémoire intime et collective. Puis la deuxième étape consiste à écrire une lettre manuscrite sur un ou des sujets qui leur sont chers et d’en choisir les destinataires. Cette écriture se fait au fil du temps, chacun a son cahier de notes qu’il remplit au fur et à mesure. Enfin, la dernière étape consiste, elle, à mettre cette lettre en image et en son. Réalisation de 6 lettres vidéo de 6’ chacune et d’un film de 13’ comprenant divers témoignages. Les ateliers sont menés par Elsa Piat, psychologue, Anne-Marie De Franssu, réalisatrice et Claude Fages, écrivain. Association Ambassadeurs du Parc National de La Réunion, de mai à novembre Projet présenté par des postiers de La Réunion. L’association a pour double objectif de valoriser le patrimoine réunionnais et d’accompagner des personnes en difficulté face à la lecture, l’écriture et le calcul. Ce projet s’adresse à 5 personnes en situation d’apprentissage, qui ont déjà suivi des cours de remise à niveau dispensés par des postiers. L’une d’entre elles détient des recettes de cuisine, et l’objectif est de les écrire, les mettre en page et les publier dans un livre de recettes illustré par des enfants. Association Loisirs-Evasion-Mascareignes / La Réunion de septembre à décembre. L’association située à Sainte Clotilde organise des loisirs éducatifs sur le temps scolaire et le temps libre des enfants et des jeunes. Les animations proposées tournent autour de l’écriture, des arts plastiques, du conte, des activités scientifiques et techniques. Le projet éco-citoyen « Piton de la Fournaise, mon Volcan » s’adresse à 35 enfants de 10 à 12 ans, d’une école primaire de Sainte-Marie (27 élèves d’une classe et 8 enfants pendant leur temps de loisirs). La commune de Sainte Marie se trouve dans les hauts de l’île, à l’écart de l’activité socio-culturelle de SainteClotilde. L’objectif est de sensibiliser ces jeunes au patrimoine de leur île, classée Patrimoine Mondial de l’Humanité en 2010, et à l’importance et l’intérêt de le préserver. Les enfants encadrés par l’équipe enseignante doivent écrire un conte en français sur le thème du Piton de la Fournaise. Les ateliers d’écriture sont précédés de recherches sur les mythes liés à l’histoire du volcan, et d’une sortie sur le site avec des éco-gardes du Parc National de la Réunion. Les contes imaginés sont illustrés et publiés, les planches réalisées sont exposées. Association Ensemble à Nancy / « D’un espace à l’autre » La Maison et son jardin / de septembre 2013 à février 2014. La Maison et son jardin est depuis 1993 un lieu d’accueil situé dans un quartier sensible de l’agglomération de Nancy, qui, dans le cadre de rénovation urbaine, sera détruit fin 2013. La Maison et son jardin intègrera alors un nouveau bâtiment et sera partagé avec d’autres acteurs locaux. Les habitués regrettent de devoir quitter ce lieu, et le déménagement génère des tensions et des angoisses liées au changement, et à la peur de ne plus retrouver les mêmes personnes... L’équipe professionnelle souhaite faciliter l’arrivée dans les nouveaux locaux, et envisage d’accompagner les habitants en les invitant à verbaliser puis écrire ce qu’ils ressentent vis-à-vis du lieu : souvenirs, histoire... Les textes et poèmes, agrémentés de dessins et photos constituent la matière d’un recueil qui sera publié et distribué à chacun. Un DVD retraçant la vie de la maison leur sera également offert. Les ateliers pour la réalisation du livre s’échelonnent de septembre à décembre. La finalisation du projet avec la distribution des livres et DVD est envisagée pour févier 2014. http://www.association-ensemble.fr/ Atelier de théâtre créatif « De la prison à l’Odéon » / soutenu par l’association Léo Lagrange / Maison d’arrêt de Fleury Mérogis, de septembre 2013 à mars 2014. Sylvie Nordheim anime des ateliers d’écriture créative à la Maison d’arrêt de Fleury Mérogis. A partir d’improvisations autour d’un thème commun, douze personnes, détenues en longue peine, réparties en deux ateliers écrivent deux pièces reliées par un même fil conducteur, lesquelles composeront un spectacle en deux actes. - en mars 2014, restitution du spectacle au Théâtre de l’Odéon : le théâtre met une scène à disposition pour accueillir un plus large public et faire découvrir le travail aux médias. Tout au long de l’année, l’Odéon missionne des membres de l’équipe artistique, comédiens, metteurs en scène, scénographes qui viennent parler à Fleury-Mérogis de leurs métiers. Association MACAO Ecriture(s) Paris 13ème, de septembre 2013 au printemps 2014. Dans le cadre de la Politique de la Ville, l’association propose à l’Espace de Vie Sociale L’Escale : - des ateliers d’écriture destinés aux jeunes et adultes de 11 à 70 ans. En réponse aux besoins d’information, de communication et de partage intergénérationnel, les participants rédigent un journal de quartier trimestriel, le « Journal de l’Amiral »distribué dans les 650 boîtes aux lettres des résidents. Ateliers bimensuels d’une durée de 2 heures. - le projet « Au Pied de la Lettre » art postal et correspondance. Cette action développe un lien de correspondance entre les habitants (une quinzaine de personnes) et des artistes. L’objectif des ateliers d’écriture et d’art postal étant de créer des cartes postales rédigées et des enveloppes qui seront adressées aux artistes. Ceux-ci, intervenants qualifiés en art thérapie, apporteront une réponse. http://www.macao-ecritures.com 22 Mécénat Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Association Elan Retrouvé / Fontenay aux Roses, de septembre 2013 à juin 2014. Le Centre Psychothérapique de Jour de Fontenay aux Roses accueille des enfants et des jeunes autistes ou souffrant de troubles envahissants du comportement. L’activité «Mini Journal» est destinée à 22 enfants et jeunes de 8 à 18 ans : il s’agit de créer un journal comprenant divers articles selon les centres d’intérêt des participants. Les ateliers de 2h00 par semaine sont encadrés par l’équipe d’éducateurs et une intervenante extérieure. Certains enfants apprennent à se servir de l’ordinateur pour écrire leurs textes. Faire le récit des activités qui se déroulent au cours de l’année, illustrer les textes par des photos… fait naître chez ces enfants fragilisés le sentiment d’appartenance à un groupe, permet des références à un passé commun, et favorise entre eux les échanges : lecture réciproque des articles auxquels ils ont participé, affirmation de leurs goûts, musicaux ou autres. Parmi les enfants qui participent au Mini Journal, 5 pourront réintégrer le circuit scolaire. http://www.elan-retrouve.fr/elan-retrouve-presentation.php Association L’Aire à mots, Paris, de septembre 2013 à juin 2014. L’association créée en 1997 propose entre autres sur une année scolaire des ateliers « d’écriture inventive, et d’arts plastiques ». Public visé : 10 enfants et 12 jeunes (7/12 et 12/16 ans) du 10ème arrondissement de Paris (quartier des Portes Saint Denis et Saint Martin) et arrondissement limitrophes. http://www.aireamots.com/ Association Prado Rhône Alpes / Du slam, pour l’écrire et le dire, de septembre 2013 à juin 2014 L’association Prado Rhône Alpes regroupe 19 établissements de protection et d’insertion d’enfants, adolescents et jeunes adultes de 4 à 18 ans, victimes de maltraitance, en souffrance sociale ou psychologique, ou en prise avec un environnement délinquant. Les structures sont implantées dans les départements de l’Ain, l’Allier, l’Ardèche, l’Isère, la Loire et le Rhône, elles interviennent dans les domaines de la Protection de l’enfance et de la Protection judiciaire de la jeunesse. L’un des établissements L’Autre Chance, se trouve à Fontaines Saint Martin dans le Rhône près de Lyon. Le projet « Du slam, pour l’écrire et le dire » concerne dix jeunes de 14 à 17 ans qui viennent de différents pays : France, Afghanistan, Angola, Cameroun, Congo, Somalie, Mali et Tchad. Ces jeunes en décrochage scolaire rencontrent des difficultés avec les savoirs de base, dans la définition de leur avenir et leur projet professionnel. La musique apparaît comme un support sans frontières pour aborder la culture, l’histoire, la géographie, le vocabulaire. Encadrés par l’équipe éducative et des intervenants professionnels, les ateliers d’écriture se déroulent de janvier à mars. Ces ateliers sont suivis de séances d’enregistrement, de la réalisation de CD remis aux jeunes et d’une restitution publique en juin 2014. http://www.prado.asso.fr/home.html Association ACERMA – Atelier d’écriture spontanée / Paris 19ème de septembre 2013 à août 2014. L’association ACERMA se situe à l’interface du soin et de la vie citoyenne grâce à des activités aidant des personnes à retrouver leur place dans la société, avec leur différence. En complément des soins médicopsycho-sociaux, l’association propose des ateliers créatifs ciblés sur les déterminants et les conséquences. Elle est en lien avec les structures de soins qui informent les malades des actions menées. Les patients sont accueillis individuellement, guidés pour s’inscrire aux activités adaptées et être accompagnés ensuite par la dynamique de groupe. « Il s’agit là d’un maillon essentiel entre le soin et les activités des centres culturels, c’est le pont entre la maladie et la vie. » Une autre particularité de l’ACERMA est d’ouvrir les activités à tout public car la mixité est un moteur essentiel pour les personnes issues du soin, associant stimulations, motivation, et contribuant à un changement de regard du public sur les addictions. De fait, cette approche originale contribue à la prévention à différents niveaux. L’atelier Ecriture spontanée accueille 5 à 12 participants et se tient tous les mercredis de 19h30 à 22h. Il tend à favoriser l’expression écrite, comme elle vient, dans la confiance. Il n’y a pas de recherche de « beau » littéraire, ni de « bien ». On s’aide de jeux pour faire démarrer les stylos, on écrit seulement pour le plaisir. On lit (si on veut) ce qu’on a écrit et on en parle ensemble, sans jugement. Il n’y a pas de nécessité d’assiduité, chaque séance est autonome. http://acerma.org Association Uni’Sons, Montpellier quartier de La Paillade, de septembre 2013 à août 2014. Uni’Sons propose depuis 12 ans des ateliers d’écriture et de musique hip hop aux jeunes de 12 à 25 ans. Les jeunes bénéficiaires sont bien souvent en rupture de confiance avec les institutions scolaires. Uni’Sons propose à la fois une forme d’expérience artistique et éducative. Les jeunes doivent écrire un texte et exprimer leurs ressentis. En compagnie des animateurs ils échangent, expriment, écrivent avec un objectif : enregistrer un morceau en studio, le graver sur un CD qui leur est offert. L’association travaille avec des centres de réinsertion pour jeunes déscolarisés. http://www.ot-montpellier.fr/annuaire/association-uni-sons.html Compagnie Mises en scène Avignon, « La Parabole des papillons » à partir de l’automne 2013 Ce projet est mené avec les habitants des Quartiers Montclar et Champfleury. Pour La Parabole des papillons des ateliers de parole ont été menés pendant quatre mois avec une centaine de femmes qui ont évoqué leurs rapports à leurs voisins, à leur intérieur, à leurs enfants, aux hommes, à leur mari, à leurs parents, à leur corps. Le spectacle retracera cela, « l’être femme » de la petite fille à la vieille 23 Mécénat Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 femme, de la femme du quotidien aux grandes figures mythiques, théâtrales ou politiques. Un autre pan de ce travail a été réalisé avec de jeunes hommes. Depuis deux ans Cheikh Sall (directeur artistique de la compagnie Croisements) conduit à Mises en scène un projet de percussion corporelle. Ce projet, La fanfarumaine, implique une centaine de participants composés de jeunes et d’adultes des différents quartiers de la ville d’Avignon. Cinq jeunes hommes issus de La fanfarumaine seront intégrés à La Parabole des papillons. Les enjeux sont multiples : donner à entendre des paroles de femmes, qu’ils n’ont pas l’habitude d’avoir au quotidien, à des jeunes gens qui pour la plupart pourraient être ou sont leurs fils ou petits-fils et mettre en valeur une danse urbaine actuelle et populaire, peu considérée malgré la grande technicité qu’elle requiert. - du 5 au 9 juillet 2013 à l’Auditorium du Grand Avignon – Le Pontet : restitution de la parole des ateliers transcrite en une parole théâtrale. Un atelier d’écriture est proposé aux vingt participant(e)s non professionnel(le)s de La Parabole des papillons, à partir de l’automne 2013. C’est pour la compagnie un moyen d’accompagner les personnes, d’évaluer son travail, et de mesurer la pertinence de sa démarche de co-construction. Le travail est conduit par Michèle Addala et Gilles Robic avec lesquels une complicité s’est nouée. Lors de plusieurs rendez-vous, ils accompagnent, soutiennent les participant(e)s dans la rédaction d’une lettre relatant leur expérience et qu’ils/elles adresseront à la personne de leur choix, l’occasion d’engager pour eux une correspondance épistolaire. Ces textes seront lus, récités, joués, interprétés dans le cadre le cadre du colloque retraçant les parcours et les trajectoires des participant(e)s impliqué(e)s dans des expériences telles que celles menées ici. Ce colloque est préparé par Mises en scène pour 2014 en partenariat avec Art Vivant Vaucluse, la Mission locale du Grand Avignon et le soutien de la Caf de Vaucluse. 120 heures d’ateliers d’écriture pour les participants. La restitution publique des écrits permettra aux citoyens d’Avignon de rencontrer cette population de leur ville, que l’on n’entend que trop peu. Les représentations du spectacle La Parabole des papillons participent de cette même volonté de rencontre des citoyens avignonnais. Le colloque sera l’occasion d’interpréter une nouvelle fois devant le public. http://www.misesenscene.com/ Ateliers d’écriture civilité / incivilités / Maison de la Jeunesse et de la Culture du Pays de Meaux du 11 novembre 2013 au 30 juin 2014 La MJC de Meaux prépare des ateliers d’écriture pour des élèves de CM1 d’une école située en ZUS. Pour réduire les actes d’incivilité au sein de l’école Alain 1, l’équipe pédagogique, constituée d’une intervenante de théâtre, de l’institutrice de la classe de CM1, et de la coordinatrice de projet de la MJC, propose aux écoliers d’écrire des correspondances théâtralisées sur le thème de la civilité : conseils et recommandations concernant les principes de savoir-vivre, respect, sociabilité. Les enfants lisent ces lettres par groupes de deux. Pour que la lecture soit animée, les écoliers mettent en scène des comportements d’incivilité : impolitesse, agressivité verbale, chahut, etc… qui justifient l’écriture de ces lettres. Parents et proches participent à cette action en réalisant des décors et costumes. Deux représentations publiques seront données, une à l’école Alain 1, une autre dans une salle de spectacle pour les habitants du quartier ZUS de Beauval. Les ateliers auront lieu au centre municipal Louis Aragon de Meaux, de 17h30 à 18h30 le lundi pour le premier groupe et le mardi, mêmes horaires, pour le deuxième groupe. Ateliers d’écriture / Association Libreplume , Bayonne de décembre 2013 à mars 2014 L’association Libreplume, implantée sur le territoire de la ZUP de Bayonne œuvre à la promotion de la littérature jeunesse et propose notamment depuis plusieurs années dans les aires d’accueil des gens du voyage des interventions hebdomadaires autour de la lecture. Elle organise les 14 et 15 mars 2014 à Bayonne, à l’occasion du Printemps des Poètes, la Fête du livre Petit Bouquinville. En amont de cette manifestation, de décembre à mars, l’association met en place des ateliers hebdomadaires ludiques d’écriture poétique destinés à deux groupes d’enfants : - un premier groupe de l’aire d’accueil des gens du voyage de Capbreton (sud des Landes) - un deuxième groupe de la Fédération Syndicale des Familles de Bayonne Nord. Les enfants échangeront une correspondance et se rencontreront lors de la Fête du livre Petit Bouquinville où leurs travaux seront exposés. Atelier d’écriture Le dire pour agir / Fédération du Secours Populaire Français Clermont-Ferrand d’octobre 2013 à septembre 2014 Les antennes du Secours Populaire de Clermont-Ferrand reçoivent des personnes en situation de précarité, percevant ou non des minimas sociaux. Un ensemble d’ateliers a été mis en place, et notamment depuis octobre 2011 un atelier d’écriture « Le dire pour agir ». Les participants sortent de leur isolement, de leur découragement, acceptent les sorties culturelles ou festives proposées, et plusieurs s’engagent ensuite à leur tour en prenant part aux actions de solidarité que mène le Secours Populaire en cours d’année : collectes, brocantes... Deux animateurs bénévoles conduisent les ateliers : un écrivain public et une retraitée. Les personnes racontent et écrivent ce qu’elles ont sur le cœur, ce qu’elles pensent, ce qu’elles veulent ou ne veulent plus. Outre le bénéfice qu’apportent l’expression écrite et la prise de parole en groupe, ces séances permettent aux animateurs de déceler plus précisément les difficultés (santé, surendettement…), d’orienter les personnes vers les structures appropriées, et de mieux les soutenir. Deux ateliers par semaine de 2h00, fréquentés en moyenne par une vingtaine de personnes. https://www.google.fr/#q=secours+populaire+francais+clermont+ferrand 24 Mécénat Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Ateliers d’écriture / Ville de Lens, d’octobre 2013 à juin 2014 Dans le cadre de ses actions visant à rendre la culture plus accessible à des publics qui en sont éloignés, la Ville de Lens organise des ateliers dans une optique d’égalité des chances : 1/Ateliers d’écriture et de paroles « La Première Guerre mondiale » conduits par Pierre Outteryck auteur, professeur agrégé d’histoire. Ecriture sur la mémoire des familles, de la ville et de la région. Projection du film « Joyeux Noël » au cours d’une des séances pour nourrir la réflexion sur le thème de la solidarité. Public : bénéficiaires et bénévoles des Restos du Cœur 10 séances de deux heures à partir du mois de d’octobre 2013 2/Ateliers d’écriture et de paroles « Le regard de l’autre » menés par Philippe Masselot, auteur régional dans le cadre de l’exposition de photographies « Regards croisés sur la précarité » réalisée par l’Association Pour la Solidarité Active, présentée au Théâtre Municipal Le Colisée du 6 mai au 17 mai 2014. Les textes produits sur le thème de la précarité donneront lieu à une restitution lors de l’exposition. Public : adultes et jeunes hébergés à la Maison d’accueil –CHRS Schaffner 10 séances de deux heures à partir d’octobre 2013 3/Ateliers d’écriture et de paroles « Correspondance de guerre 1914-1918 » par La Compagnie, structure professionnelle pluridisciplinaire (théâtre, musique, vidéo) créée en 1993 Thème : dramatique radiophonique autour de la correspondance de guerre amoureuse, familiale ou amicale Présentation aux participants du métier de l’acteur, du jeu, de la mise en scène, de la mise en voix, écoute d’extraits poétiques avant de passer à l’étape de d’écriture. Les travaux d’écriture terminés, lecture à voix haute et enregistrement avec créations d’ambiances sonores. Remise d’un CD audio à chaque participant à l’issue de l’atelier. . Public : personnes du Centre Social Multisites 15 séances de deux heures de janvier 2013 à juin 2014 Les participants de ces trois ateliers auront accès à : - la Médiathèque pour les recherches documentaires - au Théâtre du Colisée où ils assisteront au spectacle « Ceux de 14 » d’après le texte de Maurice Genevoix – Compagnie La Parole du Corps, le 15 avril 2014 - au vernissage de l’exposition « Regards croisés sur la précarité ». Ateliers hebdomadaires, soit 34 séances Africultures présente le projet d’un « Roman-photo : Belleville en bulles », du 31 octobre 2013 à novembre 2014 Le projet associe un groupe de 15 jeunes de 16 à 25 ans suivis par l’association Savoirs pour réussir et la rédaction d’Afriscope dans la réalisation d’un roman-photo en épisodes qui sera publié dans le magazine bimestriel Afriscope. La réalisation du « Roman-photo Belleville en bulles » et sa publication dans le magazine Afriscope répond aux objectifs suivants : - Permettre à une quinzaine de jeunes en situation d’illettrisme d’appréhender avec plaisir l’écriture et la lecture, à travers une approche ludique liant pratique de l’écrit, jeu d’acteur et photographie. - Redonner confiance à ces jeunes en situation d’échec dans leur rapport à la lecture et l’écrit, en les valorisant par une activité créatrice dont le résultat est publié dans un média et largement diffusé. - Encourager leur capacité à s’approprier un projet et à transmettre une parole, collective ou individuelle. - Susciter l’envie pour ces jeunes de développer des projets de formation professionnelle mobilisant leurs compétences écrites, scéniques et photographiques. - Lutter par une production culturelle contre les préjugés dont peuvent faire l’objet les personnes en situation d’illettrisme. - Valoriser et renforcer les liens entre ces jeunes et les habitants et le réseau associatif du quartier de Belleville. - du 31 octobre au 19 décembre : atelier d’écriture 8 séances, tous les jeudis - du 9 janvier 2013 à début avril 2014 : prises de vue et montage - en mai 2014 : publication du roman-photo sous la forme d’un livret - en novembre 2014 : publication du roman photo sur 3 numéros du magazine Africoscope Ateliers d’écriture / Maison Thérapeutique du Collégien et du Lycéen Etienne Gourmelin Quimper, de mi-septembre 2013 à fin juin 2014 La Fondation soutient les ateliers d’écriture de la Maison Thérapeutique du Collégien et du Lycéen depuis sa création en 2009. Le bilan est très positif car les adolescents participant à cet atelier sont mieux préparés à suivre le travail thérapeutique et les relations avec l’équipe soignante s’améliorent sensiblement. Ces ateliers sont reconduits pendant l’année scolaire 2013-2014. L’animation en est assurée par un orthophoniste, Mr Boussard, qui propose de continuer à utiliser la bande dessinée comme moyen d’expression. La base reste l’écrit : écriture du scénario, des dialogues et des situations. Chaque participant développe son propre texte en bande dessinée, après en avoir choisi le thème, au cours d’une séance de recherche de projet. Aucun prérequis en dessin n’est exigé. Cette approche de l’atelier se révèle intéressante pour les patients car : - la bande dessinée est souvent l’une de leurs références, - des règles s’imposent pour passer de l’écrit au dessin (apprentissage des codes) - nouveau mode de communication - importance de l’aspect ludique 25 Mécénat Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013 Auteurs Nathalie Jungerman (ingénierie éditoriale et rédactrice en chef indépendante) Corinne Amar, Élisabeth Miso, Gaëlle Obiégly ISSN 1777-563 [email protected] fl[email protected] ÉDITEUR FONDATION D’ENTREPRISE LA POSTE 44 boulevard de Vaugirard Case Postale F603 75757 Paris Cedex 15 Tél : 01 55 44 01 17 [email protected] http://www.fondationlaposte.org [email protected] fondation.laposte @laposte.fr L’équipe de FloriLettres vous souhaite une excellente année 2014 ! Huile sur toile. © N. Jungerman, 2013 26