Florilettres 150.indd

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SOMMAIRE
FloriLettres
Revue littéraire
de la Fondation La Poste
01
02
09
Edito
Entretien avec François Kersaudy
Winston Churchill - Portrait
10
Lettres choisies - W. & C. Churchill
13
Jacques Schlanger, Vivre selon la nature
15
Dernières parutions
17
Agenda décembre-janvier 2014
20
Agenda des actions de la Fondation La
Poste 2013
26
Meilleurs vœux 2014
> numéro 150, édition décembre 2013
Winston et Clementine Churchill
Correspondance (1908-1964)
« Ma chérie & ma toute belle Tout se dirige vers la catastrophe & l’effondrement. Je suis
intéressé, remonté à bloc & content. Ce n’est pas épouvantable d’être ainsi fait ? (...) Reste que je ferais tout mon possible pour la paix, & que rien ne m’inciterait à porter le premier
coup par vilenie - (...) » Winston Churchill, 28 juillet 1914,
minuit. (Conversations intimes, Tallandier, page 135).
« Churchill était belliqueux, mais pas belliciste. Avant une
guerre, il faisait tout pour l’éviter. Mais une fois la guerre déclarée, il faisait tout pour la gagner » commente François
Kersaudy, historien, spécialiste de l’œuvre de Winston Churchill, qui a notamment retraduit ses Mémoires de Guerre,
écrit sa biographie (Tallandier), et présenté sa correspondance entretenue avec son épouse de 1908 à 1964.
Sélectionnées et réunies sous le titre Conversations intimes,
les lettres sont publiées en un volume chez Tallandier (avec
le soutien de la Fondation La Poste), annotées et introduites
par Lady Mary Soames-Churchill, leur fille : « Je suis
convaincue que les lettres qui sont présentées ici donnent
de mes parents un portrait exact de ce qu’ils ont été. »
L’ouvrage est passionnant. Il aborde des aspects très personnels et des questions de politique nationale et internationale. Il permet de suivre les échanges émaillés d’humour,
d’affection de l’un des plus grands hommes du XXe siècle
et de sa femme, Clementine, de dix ans sa cadette, belle,
intelligente, dont le rôle a été essentiel. Efficace en politique
intérieure, motivée par les grandes réformes sociales, elle
n’a cessé de conseiller son époux judicieusement et a su le
« canaliser ».
01
Winston et Clementine Churchill
Conversations intimes (1908-1964)
Présenté par François Kersaudy
Introduit et annoté par Lady Mary SoamesChurchill.
Traduit de l’anglais par Dominique Boulonnais
et Antoine Capet
Éditions Tallandier, novembre 2013
843 pages, 29.90 €
avec le soutien de
Fondation La Poste
http://www.fondationlaposte.org/
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Entretien avec
François Kersaudy
Propos recueillis par Nathalie Jungerman
Vous avez présenté les lettres de
Winston et Clementine Churchill
(annotées par Lady Mary-Soames
Churchill) et publié plusieurs
ouvrages sur Churchill, notamment une biographie parue en
2009 aux éditions Tallandier...
Vous êtes-vous passionné pour
cet homme parce que sa vie, tout
à fait extraordinaire, était finalement peu connue en France ?
François Kersaudy Ce n’est pas
exactement pour cette raison que
j’ai commencé à m’intéresser de
près à Churchill. À la fin des années
1970, alors que j’étudiais la campagne de Norvège (avril - juin 1940),
je suis tombé par hasard dans les
archives britanniques sur le procèsverbal d’une féroce dispute entre le
général de Gaulle et Winston Churchill. Un document daté de 1941,
qui n’aurait pas dû se trouver dans
le dossier que je consultais, et qui
s’est révélé être extrêmement amusant. Comme j’avais lu leurs Mémoires respectifs, mais que je n’avais
rien vu de ce genre, j’ai demandé
au bibliothécaire s’il existait d’autres
documents semblables. Il y en avait
cinq dossiers, qui racontaient l’histoire orageuse de la relation entre
De Gaulle et Churchill. Leur lecture
m’a complètement détourné de ce
que j’étais en train d’étudier. Je me
suis aperçu qu’à l’exception d’un
petit article, rien n’avait été publié
sur la relation entre les deux hommes. Comme j’étais en Angleterre à
l’époque et que les éditeurs français
refusaient de me publier parce que
j’étais inconnu, j’ai proposé le sujet
aux éditeurs anglais, qui ont immédiatement accepté. Mon livre intitulé
Churchill and De Gaulle est sorti en
Angleterre chez HarperCollins en
1981, et l’année suivante en France,
02
aux éditions Plon – naturellement
sous le titre De Gaulle et Churchill.
(J’ai donc été mon propre traducteur,
et un critique français a pu écrire : «
L’auteur est anglais, mais la traduction
est excellente » !) En tout cas, ces
deux personnages m’ont paru tout
à fait extraordinaires, et leurs relations pouvaient faire des étincelles.
Mais ils savaient qu’ils étaient très
au-dessus de leurs contemporains,
par le talent, le patriotisme, leur vision longue de l’histoire et de l’avenir. Ils se sont reconnus dans leur
admiration mutuelle...
J’étais déjà très intéressé par De
Gaulle quand j’ai commencé à me
passionner pour Churchill. Qui plus
est, à la fin des années 1970, les
archives s’ouvraient et les témoins,
voire les acteurs, étaient encore là
et acceptaient volontiers de parler
aux historiens (la famille de Churchill,
l’Amiral Mountbatten, l’aide de camp
d’Hitler, le général Béthouart, vainqueur de Narvik, et presque tout
l’entourage du général de Gaulle).
Pour un doctorant en histoire, c’était
une situation privilégiée. Il est très
rare en effet de disposer à la fois des
archives et des témoins. Par la suite,
dans bien cas, j’ai rencontré Churchill,
car si l’on écrivait sur De Gaulle, les
États-Unis ou l’Union Soviétique, il
était toujours présent. Cependant,
là encore, je me suis aperçu que
nous n’avions pas en France de synthèse correcte de sa vie ; seuls de
tout petits livres, des résumés pour
les étudiants, et un somptueux Winston Churchill de William Manchester,
qui s’arrêtait en 1940, - un quart
de siècle trop tôt. Une biographie a
paru chez Fayard en 1999, écrite par
François Bédarida. Malheureusement,
elle posait d’énormes problèmes dont
le principal était l’absence de chronologie – un ouvrage « à l’américaine
François Kersaudy
© Radio France
François Kersaudy est un historien français,
né en 1948, spécialisé en histoire diplomatique et militaire. Diplômé de l’Institut d’études politiques et docteur ès lettres, il parle
neuf langues et est l’auteur de nombreux
ouvrages écrits en français et en anglais. Il a
enseigné l’histoire contemporaine à Oxford,
puis a été professeur de langues anglaises
et anglo-saxonnes à l’université de Paris I
Panthéon Sorbonne. Il dirige aux éditions
Perrin la collection Maîtres de Guerre.
Il est notamment spécialiste de l’œuvre
de Winston Churchill, dont il a retraduit
les Mémoires de Guerre.
François Kersaudy est chroniqueur au
Point.fr
Point.fr.
François Kersaudy
Winston Churchill
Le pouvoir de l’imagination
Éditions Tallandier,
Tallandier 2000 et 2009
Entretien avec François Kersaudy
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
», avec enterrement avant la mort,
puis naissance avant la rencontre
des parents, et nouveau décès à la
fin... On avait du mal à s’y retrouver, sans parler des répétitions. Il n’y
avait que 25 pages très aérées sur le
premier quart de siècle de la vie de
Churchill, ce qui était un peu court.
En fait, c’était une bonne étude de
sciences politiques, mais pas une
bonne biographie. J’ai donc pensé
que les lecteurs allaient avoir besoin
d’un ouvrage dans lequel on suit le
héros depuis sa naissance jusqu’à sa
mort, en évitant les tremblements
de temps... C’est pourquoi j’ai écrit
Winston Churchill, Le pouvoir de
l’imagination (Tallandier, 2001, puis
2009 avec cent pages de plus. )
Dans cet ouvrage biographique,
on apprend que Churchill « marche sur les pas de son père » bien
qu’il fût rabaissé par lui et même
délaissé par ses deux parents.
Au début de sa carrière, il est un
véritable personnage de roman.
Très courageux, il risque sa vie
et échappe au danger mortel de
façon extraordinaire...
F. K. Churchill marche sur les pas
de son père dans le domaine de la
politique, mais pas dans celui de la
guerre. Randolph-Spencer Churchill,
son père, n’a jamais été militaire.
C’était un politicien, très compétent,
orgueilleux et téméraire, mais qui
manquait de mesure - ce qui lui a
coûté son poste de ministre -, sans
parler de la syphyllis, qu’on ne savait pas soigner à l’époque, et qui a
débouché sur une démence et une
issue fatale. Les Malborough, après
le grand duc, n’étaient pas spécialement glorieux, et le courage guerrier
dont a fait preuve Churchill s’était
perdu dans la famille depuis assez
longtemps.
En partie parce qu’il a passé sa jeunesse au château de Blenheim et
parce qu’il avait entendu le récit
des exploits de son illustre ancêtre,
Winston Churchill a cru posséder une
sorte de génie militaire qu’il aurait
reçu par les gênes, en quelque sorte.
Il a vécu au milieu d’armes, d’armures, d’étendards et de peintures de
batailles, et ses soldats de plombs
ont aussi joué un rôle : à l’âge de
14 ans, il a montré à son père cette
03
armée en ordre de bataille - il avait
une collection qui représentait un
millier de figurines, que lui donnaient
les amis de son père et les amants
de sa mère. Il raconte cette histoire
admirablement dans un livre sur sa
jeunesse (Mes jeunes années, réédité en 2007 par Tallandier). Il écrit
que son père, pour la première fois,
avec un « œil expert et un sourire
fascinant », a passé vingt minutes à
observer la scène « qui était réellement imposante ». Son père lui a demandé alors s’il voulait rentrer dans
l’armée. Winston a acquiescé et a
été immédiatement pris au mot. Il
s’est imaginé en grand stratège, ce
qu’il était loin d’être. C’était un bon
militaire pour la formation qu’il avait
reçue, c’est-à-dire sous-lieutenant
de cavalerie formé à Sandhurst. Il
n’avait pas été jugé assez intelligent
pour être admis à l’école de guerre
et apprendre la stratégie. Tous ses
exploits guerriers entre 1895 et
1900, ce sont des exploits individuels, de lieutenant, de tacticien, ou
au commandement d’un petit peloton. Quand il est venu en France, en
1915, il commandait un bataillon et
le faisait admirablement bien, mais
il ne connaissait pas les règles de la
haute stratégie. Pendant la Seconde
Guerre mondiale, il inventait donc au
fur et à mesure, ce qui pouvait être
tour à tour génial et catastrophique.
Ce que le président Roosevelt a résumé en une phrase très juste : «
Churchill a deux cents idées par jour,
dont quatre seulement sont bonnes,
mais il ne sait jamais lesquelles. »
François Kersaudy, Bibliographie
- Stratèges et Norvège 1940, les Jeux
de la Guerre et du Hasard, Hachette,
1977.
- De Gaulle et Churchill, Plon, collection
« espoir », 1982
- Vi stoler paa England, Aschehoug,
Oslo, 1990 (en norvégien seulement)
- Winston Churchill : Le pouvoir de
l’imagination, Tallandier, 2000 et 2009.
(Grand prix d’histoire de la Société des
gens de lettres de France. Grand prix
de la biographie politique 2009.
- Churchill et Monaco, Éditions du
Rocher, 2002.
- Churchill contre Hitler, Tallandier,
2002.
- De Gaulle et Churchill : La mésentente cordiale, Perrin, 2003.
- De Gaulle et Roosevelt : Le duel au
sommet, Perrin, 2004. (Prix Henri
Malherbe 2005, Prix Maurice Baumont
2005)
- L’affaire Cicéron : 1943, Perrin, 2005.
- Lord Mountbatten, Payot, 2006.(Prix
Guillaume le Conquérant de la biographie 2006)
- Nouvelle traduction, introduction et
commentaires des Mémoires de Guerre
de Winston Churchill, Tallandier, 2009
et 2010
- Hermann Goering : Le deuxième
homme du IIIe Reich, Perrin, 2009.
- Le monde selon Churchill : Sentences, confidences, prophéties et
réparties, Tallandier, 2011.
- Hitler
Hitler, Perrin, 2011 (Collection Maîtres de Guerre)
Staline, Perrin, 2012 (Collection Maîtres de Guerre)
- Les Secrets du IIIe Reich, Perrin,
2013
- Stalingrad, Perrin, septembre 2013
La biographie nous renseigne
davantage sur les débuts de sa
relation avec Clementine que la
Correspondance...
F. K. Quand Churchill rencontre
Clementine, c’est un trentenaire,
célibataire endurci, qui a rencontré
peu de femmes et qui s’en méfie.
Galanterie un peu platonique, gaffes... il n’a pas tellement de chances
de rencontrer une femme. Dans sa
vie sentimentale, il y a une amie
proche, Violet Bonham Carter, et
cette relation platonique avec Pamela Plowden, qui décide d’en épouser
un autre après l’avoir trop attendu.
Il a fallu l’aide de sa mère, de sa
tante, de son cousin pour empê-
François Kersaudy
Churchill contre Hitler
Norvège 1940, la victoire fatale
Éditions Tallandier
Tallandier, 2012, 366 pages.
(première édition 2002)
Entretien avec François Kersaudy
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
cher Clementine de fuir aussi avant
le mariage, tellement le nombre de
gaffes de Churchill était impressionnant. Par rapport aux conventions,
Clementine a fait des concessions.
Même au moment du mariage, après
la cérémonie, il n’a pas compris qu’il
fallait sortir avec la mariée, il s’est
mis à parler politique avec LIoyd
George devant l’autel. Quant au
voyage de noces à Venise, Clementine regrettait de ne pas avoir été en
gondole, car son nouvel époux rédigeait des rapports ministériels... Il y
a tout un arrière-fond qui ne se voit
pas dans la correspondance, et dont
il faut tenir compte pour comprendre
les débuts de cette relation peu ordinaire. Mais à l’évidence, tout cela a
débouché sur un mariage heureux.
Vous écrivez dans la biographie :
« Churchill, seul guerrier parmi les
politiciens, seul politicien parmi les
guerriers, seul politicien-guerrier
qui soit également journaliste, est
devenu célèbre grâce à la campagne du Soudan, député grâce à la
guerre des Boers, figure nationale
grâce à la Première Guerre mondiale et héros national grâce à la
Seconde. »
F. K. Dès l’âge de vingt ans, Churchill se
sent à la fois des vocations de journaliste, de guerrier et de politicien. Toute
sa vie, il sera incapable de choisir entre ces trois vocations, et il voudra les
poursuivre en même temps. Chaque
fois qu’il sera arrêté dans l’une de ses
carrières, il continuera avec l’autre. Et
il refusera de privilégier l’une par rapport à l’autre. Bien sûr, la fonction de
ministre de la guerre l’amènera à privilégier la haute stratégie militaire par
rapport au politique et au journalisme.
Et quand je dis « journalisme », je veux
dire aussi écrivain. Churchill avait une
façon très imagée de voir les choses. Il
traduisait les réalités et ses sentiments
avec des mots et des expressions que
les autres auraient été incapables de
trouver. Ceux qui l’on connu m’ont
tous rapporté qu’on l’écoutait discourir
jusqu’à 4 heures du matin sans pouvoir s’endormir, de peur de manquer
une de ses tirades, en étant bien conscient que personne d’autre ne pouvait en faire de semblables. Churchill
était effectivement un écrivain, un politicien et un guerrier. La plupart des
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politiciens de son époque écrivaient
mal, et ils n’étaient pas du tout guerriers. Le Premier ministre Asquith, par
exemple, était très mal à l’aise dans
les affaires militaires, et pendant les
comités de guerre, il écrivait à sa maîtresse ! Churchill était capable d’écrire
et de déclamer merveilleusement bien
- il écrivait lui-même ses discours politiques - et de se passionner en même
temps pour la guerre. En politique intérieure, il était plutôt maladroit. Son
épouse Clementine, qui était libérale,
avait un bien meilleur sens politique à
cet égard, et elle intervenait souvent
pour le conseiller. S’il n’y avait pas eu
les deux guerres, je ne dis pas que
Churchill aurait fini comme son père,
mais sans doute comme un original
prêchant dans le désert. Après tout, à
la fin des années trente, il avait seulement 4 partisans au Parlement !
Winston était du parti conservateur et a séduit les libéraux puis
est redevenu conservateur. En
fait, il n’était pas l’homme d’un
parti mais un homme de convictions.
F. K. En effet. Le parti était censé
refléter ses idées. À partir du moment
où le parti n’exprimait plus ses idées,
il le quittait : « Certains changent de
convictions pour l’amour de leur parti.
Moi, je change de parti pour l’amour
de mes convictions ». Au début, il a
été conservateur parce que son père
l’était. Ensuite, il s’est aperçu que
cela ne lui convenait pas, donc en
1904, il est passé chez les libéraux.
À partir de 1924, il s’est rendu compte que les libéraux ne reflétaient plus
ses convictions, et il est repassé
discrètement chez les conservateurs,
qui lui ont donné un poste ministériel,
non sans rancoeur. Puis, vers la fin
des années vingt, il a compris que
les conservateurs allaient abandonner une partie de l’Empire, qui était
sacré pour lui, il a démissionné des
cadres du parti pour devenir conservateur d’opposition : « Tout le monde
peut retourner sa veste, mais il faut
un certain talent pour la remettre
à l’endroit ! » En tout cas, pendant
toutes les années trente, c’était un
électron libre au Parlement...
On redoutait Churchill parce qu’il ne
faisait rien comme tout le monde.
On voulait abandonner l’Empire, il ne
Winston Churchill
en 1900
Winston Churchill aux éditions
Tallandier, collection « Texto »
Mémoires de guerre
Tome 1, 1919 - Février 1941
Traduction de François Kersaudy
2009 & 2013
Mémoires de guerre
Tome 2, Février 1941-1945
Traduction de François Kersaudy
2010 & 2013
Mémoires de guerre - Tome 1 et 2
Traduction de François Kersaudy
septembre 2013 (coffret)
Mes jeunes années
Traduction Jean Rosenthal
2007
Réflexions et aventures
Traduction Charly Guyot
2008
Discours de guerre
Traduction Aude Chamouard, Denis-Armand
Canal, Guillaume Piketty
2009
Mon voyage en Afrique : 1907
Traduction Pierre Guglielmina
2010
Journal politique 1936-1939
Traduction Pierre Guglielmina
2010
Clementine Ogilvy Spencer-Churchill
née Hozier (1885-1977)
en 1915
Entretien avec François Kersaudy
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
voulait pas ; on voulait apaiser Hitler,
il ne voulait pas ; on voulait désarmer, il ne voulait pas... Il faisait des
discours redoutables à la Chambre
- ce qui évidemment le mettait en
opposition avec la direction des partis conservateurs. Il est également
intéressant de constater que Churchill était belliqueux, mais pas belliciste. Avant une guerre, il faisait
tout pour l’éviter. Mais une fois la
guerre déclarée, il faisait tout pour
la gagner.
Il dit d’ailleurs : « la défaite est
insupportable quelle que soit la
façon dont on la console, l’explique ou la minimise ». (Conversations intimes, p. 40, 16 avril
1908)
F. K. Absolument. Selon lui, il n’y a
pas d’excuse à la défaite. Churchill
- qui connaissait le Kaiser (c’était un
ami de ses parents), et qui, à maintes
reprises, a été invité aux manœuvres
militaires en Allemagne avant la Première Guerre mondiale -, a supplié le
Kaiser de ne pas provoquer un conflit.
Il aspirait donc vraiment à la paix. Ce
n’était pas un pacifiste, car il n’était
pas prêt à faire des concessions humiliantes pour obtenir la paix, mais il
était prêt à tout faire pour qu’on s’entende et qu’on n’ait pas recours à la
guerre. Par contre, quand la guerre
était déclarée, c’était un autre homme. Il pouvait tout sacrifier pour la
gagner. Et une fois l’ennemi battu,
il ne pensait qu’à la réconciliation.
Il a combattu comme un lion en
Afrique du Sud, mais une fois les
Boers vaincus, il est devenu leur
meilleur avocat en temps de paix. Il
a eu de fidèles alliés parmi les anciens Boers, notamment le Maréchal
Jan Christiaan Smuts et le Président
Botha, qui lui ont rendu d’immenses
services pendant les deux guerres.
Durant la Première, les Sud Africains
ont conquis les colonies allemandes,
ils étaient les meilleurs alliés des
Anglais, et pendant la Seconde, un
des conseillers les plus sages, les
plus écoutés de Churchill, c’était le
général sud-africain Smuts, qui a
été nommé Maréchal britannique
en 1941. Le Chef d’É
État-major de
Churchill et certains de ses généraux
faisaient appel à lui, son ancien ad-
05
versaire, pour le raisonner et l’empêcher de faire des erreurs. La plupart
des anciens ennemis de Churchill,
y compris certains qui ont voulu
l’assassiner, sont devenus ses plus
chauds partisans par la suite. C’est
le cas du célèbre activiste Edward
Carson, qui a fait ensuite ses campagnes électorales ! Churchill est bien
un personnage de roman.
Winston Churchill
(1874-1965)
On peut parler aussi de la naïveté
de Churchill quant à son avis sur
Staline, ou son amitié avec Roosevelt. Et sa rencontre avec Mussolini en 1927.
F. K. Distinguons Mussolini et Staline.
Avant que Mussolini ne devienne le
Duce conquérant, il était le pire
adversaire d’Hitler. Jusqu’en 1935,
si vous étiez pour Mussolini, cela signifiait que vous étiez contre Hitler.
C’est Mussolini qui l’a empêché de
phagocyter l’Autriche en 1934, en
envoyant des soldats à la frontière du
Brenner pour protéger l’indépendance de l’Autriche. C’est lui dont tout
le monde cherchait l’alliance pour
contrer Hitler. Mussolini était hautement fréquentable jusqu’à ce qu’il
se lance dans l’aventure de l’Ethiopie
et de la guerre d’Espagne en 1936.
Avant cela, que Churchill ait été partisan de fréquenter Mussolini, cela se
comprend très bien. C’était un allié
potentiel contre Hitler, et même Léon
Blum recherchait son alliance...
Dans le cas de Staline, l’idée que
Churchill pouvait avoir les mêmes
relations avec lui qu’avec Roosevelt
montrait son côté naïf et enfantin.
Churchill, qui était férocement anticommuniste et surestimait énormément son pouvoir d’influence, pensait
qu’en dehors d’Hitler, tous les gens
étaient raisonnables. Il a fait la même
bêtise à propos de Tito, et a prêté
à certains personnages qui étaient
de simples bandits des sentiments
de noblesse churchillienne qui leur
étaient entièrement étrangers. Parfois, Churchill trouvait que Staline était un homme anormal, mais
il disait : « On a besoin de lui pour
vaincre Hitler, et de toute façon, il ne
pourra pas faire autrement que de
s’entendre avec nous ». Il n’avait pas
compris qui était Staline. Avec une
totale naïveté, il pensait que c’était
Winston Churchill
Mémoires de guerre
Tome 1, 1919 - Février 1941
Traduction de François Kersaudy
Éditions Tallandier
Tallandier, 2009
Winston Churchill
Mémoires de guerre
Tome 2, Février 1941-1945
Traduction de François Kersaudy
Éditions Tallandier
Tallandier, 2010
Winston Churchill
Mémoires de guerre
Tome 1 et 2
Traduction de François Kersaudy
Éditions Tallandier
Tallandier, septembre 2013
(Poche), 1642 pages
Entretien avec François Kersaudy
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
l’obstacle de la langue qui empêchait Staline de
succomber à son charme. Churchill pouvait être
très maladroit en diplomatie, comme en stratégie
et en politique intérieure. Pour cette dernière, il a
eu la chance pendant la guerre que les travaillistes
s’en occupent, ce qu’ils ont fait très bien. En diplomatie, heureusement, des professionnels comme
Eden, Cadogan et Macmillan le contrôlaient – avec
peine mais avec succès, et en ce qui concerne la
stratégie, il avait choisi de très bons stratèges à
l’état major, qui contrairement à lui faisaient la
différence entre ce qui était possible et ce qui ne
l’était pas. Churchill avait aussi un dédain total
pour la logistique - essentielle, évidemment, pour
ses généraux : beaucoup plus jeunes que lui, ils
avaient été formés pour comprendre et assurer le
fonctionnement d’une armée moderne.
Parlez-nous de « l’accident » d’avion au
décollage de Gibraltar du général Wladyslaw
Sikorski, commandant en chef des Forces
polonaises libres et Premier ministre du gouvernement polonais en exil à Londres de 1940
à sa mort en 1943…
F. K. C’était le chef-d’œuvre de Staline. Il a réussi à bricoler un accident sans qu’on s’aperçoive
que cela venait de lui. Il est probable que Sikorski était déjà mort avant que l’avion ne s’écrase.
Staline avait l’habitude d’accuser les autres de
ses propres crimes, et le fait même qu’il ait fait
courir le bruit que Churchill en était responsable,
est une preuve supplémentaire que c’était de son
fait. Churchill était incapable de tuer quiconque
de sang-froid, encore moins ses alliés. Après la
découverte de la fosse de Katyn, Staline avait
tout intérêt à éliminer Sikorski. Gibraltar était le
« bon » endroit, parce que Staline y avait des
agents qui pouvaient faire le travail. Et ils l’ont
parfaitement accompli, au sens stalinien, c’est-àdire discrètement.
Quand Churchill a su pour la fosse de Katyn,
n’a-t-il pas compris à ce moment-là qui était
Staline ?
F. K. Sur le moment, il l’a très bien compris. Puis,
il s’est dit « c’est une sorte de tigre, un tigre ne
peut pas s’empêcher de manger, et j’ai des dons
de dompteur de tigres. » Ce en quoi il se faisait
de grandes illusions. Vouloir faire comprendre
quelque chose à Staline, et surtout vouloir rendre
Staline bon, c’était comme vouloir rendre un tigre
végétarien. Parfois, il se rendait bien compte qu’il
avait affaire à un criminel de la pire espèce, simplement, il choisissait de ne pas en tenir compte,
parce qu’il avait d’autres priorités. Pendant la
guerre, il fallait se débarrasser d’Hitler, et après
la guerre, il pensait ne jamais avoir une paix véritable sans s’entendre avec Staline.
06
Dans une lettre de Clementine datée du 16
août 1944 (page 625), on peut lire : « J’ai été
affligée d’apprendre dans un compte-rendu
que m’a montré John Martin que le général
de Gaulle avait abusé de votre courtoisie &
s‘était conduit avec l’impolitesse calculée
dont il est coutumier. » Churchill avait invité
De Gaulle à le rencontrer.
Pourquoi le général a-t-il refusé ?
F. K. De Gaulle était encore sous le coup de ce qu’il
considérait comme un outrage fait à la France de
ne pas l’avoir associé suffisamment à la Libération. Sous l’influence de Roosevelt, Churchill
voulait libérer la France sans le concours de la
France Libre. De Gaulle, qui pensait toujours avec
deux ou trois longueurs d’avance, considérait que
Churchill s’était mal conduit dans cette affaire, et
que cela pouvait avoir de graves conséquences.
Il se disait que si on l’empêchait de reprendre en
main la France, on allait faire le jeu soit des Américains, soit des communistes, soit des deux à la
fois. Il pensait que lui seul pouvait empêcher une
éventuelle guerre civile entre les Américains et
les communistes. Il se trouve qu’il y est arrivé,
grâce à une entente avec Eisenhower, qui s’est
bien gardé d’ailleurs d’en faire part à Roosevelt.
Il a installé progressivement le pouvoir du GPRF
(Gouvernement provisoire de la République française) avec l’ « évanouissement » de l’autorité de
Vichy. N’ayant pas reçu d’instructions de Staline,
les communistes n’ont pas osé déclencher une
guerre civile. Alors que Hitler n’était pas encore
vaincu, avoir les Gaullistes et les Américains comme adversaires en France, c’était quand même un
peu trop pour Staline, qui avait d’autres ambitions
ailleurs. De Gaulle a fait entrer au Gouvernement
Thorez, qui a donné des consignes pour désarmer
les résistants communistes. De Gaulle en voulait
à Churchill de ne pas comprendre ce qu’il voulait faire. C’était de la haute politique, et cela
n’avait rien à voir avec les sentiments ni avec la
courtoisie. Clementine, dans cette lettre, n’avait
pas saisi ce qui était en jeu : elle comprenait la
politique anglaise, mais pas la politique française.
Quant à Churchill, il faisait toujours un peu de
chantage à l’amitié, et disait « Mon Général, vous
ne voulez pas que nous soyons amis ? ». Mais
pour de Gaulle, qui voulait incarner la France, cela
n’avait aucun sens : « Un homme peut avoir des
amis ; une nation, jamais. » Il était d’un réalisme
froid, alors que Churchill essayait d’exploiter les
sentiments pour parvenir à ses fins.
Churchill a un sens de l’humour et de l’ironie
qui est omniprésent dans ses lettres...
F. K. Il y a de la tendresse, de l’humour... En
1918, il écrit : « Sur le chemin du retour, nous
avons croisé un asile d’aliénés pulvérisé par les
Entretien avec François Kersaudy
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
gens normaux du dehors ». On retrouve dans cette image le Churchill
du Parlement, le Churchill ministre,
le Churchill des discours. Il y a trois
ou quatre de Gaulle il n’y a qu’un
seul Churchill. Il se comportait au
Parlement comme il se comportait
chez lui. Il parlait avec ses ministres
comme il parlait avec sa famille. Il
ne faisait jamais semblant et avait le
réflexe de toujours voir le côté humoristique des choses. Même dans les
moments les plus tragiques, il était
capable d’écrire à son épouse des
lettres empreintes d’humour. Il y a
dans sa correspondance la volonté
de rassurer sa femme, des débordements d’affection, des confidences, de l’humour, de la tendresse, et
beaucoup d’histoires d’argent.
On le voit dans sa correspondance, toute sa vie, en effet, il a
été poursuivi par des problèmes
d’argent...
F. K. Au début, parce qu’il n’en avait
pas, puis quand il en a eu, son train
de vie était tel que l’argent filait entre
ses doigts à une vitesse folle. Mais
il avait toujours une petite longueur
d’avance sur ses créanciers, grâce
à ses articles et à ses livres qui lui
rapportaient des fortunes colossales.
Il écrivait souvent dans ses lettres :
« Ce soir, je suis allé au Casino, j’ai
perdu tant, mais ayant écrit pendant
la nuit, je me suis rattrapé ». Il résumait ainsi son train de vie : « Je
suis un homme de goûts modestes :
je me contente toujours de ce qu’il y
a de meilleur ! » Il a été ruiné deux
fois, la seconde par la crise de 1929,
mais il avait des amis fidèles... et riches.
Winston Churchill a rencontré
des peintres qui l’ont influencé
et conseillé, notamment le peintre postimpressionniste Walter
Sickart (1860-1942)...
F. K. Churchill a toujours été un bon
dessinateur. Lorsqu’il était âgé de 15
ou 16 ans, il envoyait à son frère des
lettres où il décrivait ce qu’il avait vu
07
dans les musées militaires, et il dessinait des armes en marge des pages. Il avait un sens du dessin très
développé. En 1915, il s’est mis à la
peinture pour la première fois, et il a
eu les conseils des meilleurs artistes
de son époque. En 1922, alors qu’il
se trouvait sur la côte d’Azur, un de
ses lieux favoris pour peindre, des
badauds s’étaient rassemblés autour
de lui pour regarder. Quelqu’un s’est
approché et lui a dit que ce qu’il faisait n’était pas mal du tout. C’était
Picasso !
Pour un peintre amateur qui a commencé à 39 ans, c’était remarquable.
Le chancelier Adenauer, à qui il a donné un tableau, en était particulièrement impressionné. Churchill a exposé
plusieurs fois, y compris à Paris. Il a
aussi exposé dans une galerie sous le
nom de Charles Morin, et il a été nommé membre de l’Académie royale des
Beaux-Arts.
Winston Churchill
Mes jeunes années
Traduction Jean Rosenthal
Éditions Tallandier
Tallandier, 2007
Quant à l’écriture et au Prix
Nobel de littérature en 1953...
F. K. C’était l’un des trois ou quatre
plus grands écrivains anglais de son
siècle. Son style était fabuleux, mais
il avait une ponctuation d’écolier.
Comme toujours, il était bien entouré, et il avait un secrétaire très dévoué qui lui replaçait ses virgules et
ses points là où il fallait. À partir des
années trente, il écrit en consortium :
on lui prépare les chapitres - il a six
assistants - et il les réécrit dans son
style, qui est unique. C’est ainsi qu’il
a rédigé la biographie de son ancêtre
le duc de Malborough, l’Histoire des
Peuples Anglophones et l’Histoire de
la Seconde Guerre mondiale. Seuls
ses livres d’avant 1931 sont entièrement de sa plume – ou plutôt de
sa voix, car cet homme écrivait ses
discours, mais dictait ses livres ! Il
a reçu le prix Nobel de littérature
« pour sa maîtrise de la description
historique et biographique, ainsi que
pour sa brillante éloquence dans la
défense des grandes valeurs humaines ». Le jury suédois a soigneusement évité de mentionner ses derniers ouvrages...
Winston Churchill
Général de Gaulle
« Du sang, de la sueur et des larmes »
Suivi de L’Appel du 18 juin
Édition bilingue
Point, 2009, 56 pages
François Kersaudy
Le Monde selon Churchill
Sentences, confidences, prophéties et
réparties
Éditions Tallandier
Tallandier, 2011, 300 pages
Entretien avec François Kersaudy
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Les lettres de Clementine sont très intéressantes à lire. Malgré une santé fragile, elle
voyage beaucoup et tient une sorte de journal qu’elle adresse à Churchill au fur et à
mesure : récit de ses croisières, de ses pérégrinations. Elle a aussi une bonne plume.
F. K. La traduction en français des lettres de
Clementine est très bonne,
et on a rigoureusement la
même impression en anglais
qu’en français - à part quelques jeux de mots qui sont
intraduisibles, mais c’est sans
importance. On voit effectivement qu’elle avait une plume
éduquée, très conforme au
style victorien de l’époque.
Elle n’avait pas le génie de son
époux, mais elle écrivait clairement, avec des sentiments,
une retenue, un sens poétique certains. Il faut dire aussi
Winston Churchill
La peinture mon passe-temps,
que Mary Soames Churchill, leur
traduit de l’anglais par Maurice Muller-Strauss,
fille, a fait un choix de lettres et
La Paix, Paris Genève Bruxelles, 1949, 32 pages
a pris les meilleures – ce qui fait (+ portrait de l’auteur au chevalet en frontispice +
18 planches couleurs, tirage limité et numéroté)
déjà beaucoup !
Clementine parle très tôt du
droit au vote des femmes, dès le début du
20e siècle. Elle ne cesse de se préoccuper
de politique, de conseiller son époux en la
matière.
F. K. Clementine était une très bonne conseillère
en politique intérieure, même si elle n’était pas
toujours écoutée.
Elle est réaliste et surtout plus terre-à-terre que
Churchill. Elle comprend bien comment vivent les
gens, elle sait bien que chaque Anglais n’est pas
Churchill, n’est pas généreux, n’est pas obnubilé
par la politique extérieure et par la guerre, mais
plutôt par ce qu’il va manger le lendemain.
Churchill n’a jamais vécu sans un domestique,
même en pension. Il est allé une seule fois dans le
métro de Londres et s’y est perdu. Ce n’était pas
un aristocrate, mais il a vécu toute sa vie comme
un aristocrate. C’était un rêveur et un idéaliste,
qui pouvait aussi être froidement pragmatique,
voire impitoyable. Dans le couple, chacun était
bien conscient des défauts de l’autre, et choisissait de s’en accommoder. Et ils ont tous les deux
été très tolérants des frasques de leurs enfants
– beaucoup trop sans doute.
08
Churchill est à nouveau Premier ministre en
1951. Après une grave attaque en 1953, il
n’est plus le même homme. Mary Soames
Churchill a noté dans son journal une remarque que Clementine a faite à propos de la fin
de la carrière politique de son mari : « c’est
une première mort – et pour lui une mort qu’il
lui faudra vivre. »
F. K. Il faut savoir que Churchill était sujet à des accès de
grande dépression comme son
père, son grand-père et son
cousin. Il appelait ces crises
son black dog. Dans ces périodes-là, il disait lui-même qu’il
ne fallait pas qu’il s’approche
trop près des fenêtres et des
balcons. Il avait deux façons
de se soigner : l’alcool – on
ne peut pas parler de Churchill
sans parler de l’alcool - et la
politique. Churchill était très
alcoolique, mais jamais saoul,
un véritable phénomène en son
genre. Dans l’inactivité forcée,
la dépression le gagnait. Il la
combattait par la peinture, par
l’alcool et par des déclarations
fracassantes, dont les fameux discours de 1946
- celui de Fulton sur le Rideau de Fer et celui de
Zurich sur l’Europe. En 1951, il est revenu au
pouvoir : une nouvelle jeunesse ! Mais il avait
beaucoup vieilli, il était presque sourd, et cela n’a
pas vraiment été une réussite. En 1955, après
sa démission, il s’est aperçu qu’il n’aurait plus
l’ivresse du pouvoir. Qu’est-ce qu’il allait pouvoir
faire ? Il se sentait à la fois diminué politiquement
et physiquement. Il a donc fait une nouvelle dépression. Pour la combattre, il lui restait la peinture sur la Côte d’Azur, les lettres à son épouse...
et les croisières sur le yacht d’Onassis. Mais ses
dernières années, ponctuées d’accidents vasculaires cérébraux, ont été assez tristes.
Tout compte fait, Churchill était un génie à l’état
pur, canalisé par le système démocratique britannique et par son épouse - sans lesquels sa carrière aurait pu se briser à maintes reprises. Cette
correspondance avec Clementine nous montre en
quelque sorte les coulisses de l’exploit...
Winston Churchill - Portrait
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
09
Winston Churchill
Portrait
Par Corinne Amar
Homme politique hors pair qui incarna la résistance britannique face à Hitler - lucide sur la menace
hitlérienne bien avant 1939 -, adversaire farouche
de l’apaisement voulu par Chamberlain, Premier
ministre bouillonnant et sans concession, qui plaçait la Grande-Bretagne au-dessus de toutes les
valeurs universelles, et proclama, s’adressant à
la Chambre des communes pour la première fois
qu’il n’avait rien d’autre à offrir au peuple britannique que du sang, du labeur, des larmes et de
la sueur (« I have nothing to offer but blood, toil,
tears and sweat...» (13 mai 1940), Winston Churchill fut bel et bien l’homme providentiel qui changea le cours de l’histoire, en cette année cruciale
où il se retrouva seul, et qui dura de juin 1940,
à juin 1941. Grâce à lui, l’Angleterre sut briser la
puissance allemande, alors qu’Hitler avait presque réussi sa percée, en s’alliant les deux géants
qu’étaient l’Amérique et la Russie.
Souvenons-nous de cet été 1940 ; Vous me demandez quelle est notre politique ? Je répondrai
qu’elle est de faire la guerre, de la faire sur mer,
sur terre et dans les airs, de la faire avec toute
notre force et avec toute l’énergie que Dieu nous
prêtera. Premier ministre et ministre de la Guerre
de 1940 à 1945, mais désavoué par les électeurs
en juillet 1945, revenu à la direction du pays en
1951, mais décidant de se retirer en 1955 (dix
ans avant sa mort), orateur charismatique, peintre et talentueux dessinateur animalier, écrivain
récompensé par le prix Nobel de littérature pour
ses travaux historiques, Winston Churchill (18741965) est entré dans la grande histoire comme
l’homme de la situation pendant toute la durée de
la guerre, symbole du courage et l’un des grands
vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. En
février 1943, l’écrivain Albert Cohen signait un
admiratif portrait de lui, Churchill d’Angleterre,
sous le titre Message : Belgian Review (édité en
France chez Lieu Commun, 1985, pp 17-18). « Je
le regarde en ses soixante-huit années. Je le regarde. Vieux comme un prophète, jeune comme
un génie, grave comme un enfant. Je le regarde.
Grand, beau, solide, voûté, menaçant et bonasse,
il fonce, lourd de pouvoir et de devoir, en étrange chapeau de notaire élégant, un cigare passetemps à la bouche entêtée. Il va hâtivement, lourd
et agile, gai dieu marin, entre les deux rangs de
la foule qu’il salue de deux doigts gantés et qui rit
affectueusement de bonheur et de vassalité. [...].
Et toujours parfaitement heureux. »
Heureux est le mot aussi avec lequel Churchill clôt
ses mémoires de jeunesse : Je me mariai en 1908
et vécus dès lors magnifiquement bien et très
heureux. Il s’était marié tard. À presque trentequatre ans, il épousait Clementine Hozier, de dix
ans sa cadette, belle, intelligente et sans fortune
; libérale convaincue, férue de politique, proche
des grandes questions de l’époque. Soucieuse de
contribuer à soutenir Winston dans sa carrière,
elle en acceptera l’excitation, les incertitudes et
les frustrations. Ainsi, ni folie, ni grande aventure
amoureuse, sembla t-il, pour cet homme passionné par ailleurs, mais un mariage d’affection
constante, « union modèle pour une vie entière »
- ce que vient confirmer la correspondance tout
récemment publiée aux éditions Tallandier des
Conversations intimes 1908-1964 de Winston et
Clementine Churchill, présentée et annotée par
leur fille Mary Soames Churchill. Une correspondance, année après année, jour après jour, sur
une période de cinquante-six ans, échangée,
qu’ils fussent sous le même toit ou séparés pendant de longues périodes par la guerre, la politique, l’histoire ; tourmentés ensemble pour les
leurs - joies, chagrins -, par l’imminence de la
guerre (31 juillet 1914), par la carrière politique
de Winston, ils partagent tout. Il prend le temps
de lui écrire un 2 août 1914, à 1h du matin : « Ma
chatte, ma chère, C’est fini. L’Allemagne a éteint
les derniers espoirs de paix en déclarant la guerre
à la Russie, et la déclaration contre la France est
attendue à tout moment. [...] Le monde est devenu fou - et il faut que nous nous occupions de
nous-mêmes- et de nos amis. [...] Vous me manquez beaucoup - [...] », finit sa missive d’un Douce Kat – mon tendre amour – Votre dévoué W. et
d’un petit dessin d’animal. Le lendemain, 3 août,
l’Allemagne envahit la Belgique, le surlendemain,
4 août, la Grande Bretagne déclare la guerre à
l’Allemagne. Elle l’appelle « Mon chéri à moi »,
lui rappelle de ne pas trop fumer ; amour, désir,
écoute bienveillante, proximité constante, elle est
présente, confidente d’un Churchill lyrique, poétique ou grave ; de ses rencontres - Clemenceau,
Mussolini, Hitler, Staline... - de sa passion pour
la peinture, le vieux cognac, la chasse... Il est
pétillant, vif, mouvant, rassurant autant qu’il le
peut, même dans les moments de crises.
« Il n’y a dans la vie de Churchill ni Katharina Orlow qui manqua faire chuter Bismarck, ni Inessa
Armand qui faillit pratiquement causer la perte de
Lénine - confirmera l’historien Sebastian Haffner,
dans sa biographie de Churchill, Churchill, un
guerrier en politique (Alvik, 2002). Des passions
politiques et des aventures militaires furent en
réalité à plusieurs reprises à l’origine de sa chute,
des histoires d’amour jamais. Churchill le politi-
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Winston Churchill - Portrait
cien, était tout le contraire d’un froid calculateur
; il savait se montrer plus chaleureux et plus fougueux qu’aucun autre, peut-être justement parce
qu’il conservait intactes sa chaleur, son ardeur et
toute la passion que d’autres mettent dans leur
vie privée. Il voulait les réserver à ses activités
d’homme public. »
La carrière de Winston Churchill commença très
tôt, dans le milieu aristocratique de sa naissance
et dans le rang des conservateurs, descendant des
ducs de Marlborough et fils de lord Randolph, leader en vue du parti tory, mort relativement jeune.
Fervent admirateur de son père, Winston aurait
aimé être reconnu par lui. Amour non partagé et
sans espoir, il ne sentit jamais chez Lord Randolph
que du mépris, et grandit, jusqu’à l’âge de vingt
ans, en cancre sans perspectives. Son ardeur – et
de là, sa fulgurante ascension, tel « un ressort
trop longtemps comprimé », il l’éprouva, lorsqu’il
fut maître de son propre destin. Sorti de l’école
militaire de Sandhurst (l’équivalent de Saint-Cyr),
il est envoyé avec son régiment à Cuba, aux Indes,
au Soudan, il rêve de combattre, écrit ses premiers articles comme correspondant de guerre,
se fait remarquer par ses discours incisifs, couvre
la guerres des Boers, est fait prisonnier, s’évade,
écrit un livre à succès. Déçu par le Parti conservateur, il se lie aux libéraux en 1904, débute dans la
carrière ministérielle à partir de 1905. Il devient
ministre du Commerce, puis de l’Intérieur et enfin,
Premier Lord de l’Amirauté, en 1911 – ministre de
la Marine, oeuvrant à la modernisation de la Royal
Navy, afin de la préparer pour la guerre. Il doit
démissionner après le terrible échec de l’expédition dans les Dardannelles. En 1924, il se rallie
aux conservateurs, est élu à Epping et nommé
chancelier de l’Echiquier. Battu aux élections de
juillet 1945, il devient leader de l’opposition, écrit
ses mémoires de guerre, multiplie les interventions publiques sur la nouvelle carte de l’Europe,
écrit, peint, voyage, redevient Premier ministre,
de 1951 à 1955. En 1953, il reçoit le Prix Nobel
de littérature. Ses forces déclinent, sa résistance
s’amenuise. En 1955, diminué par une attaque
cardiaque, il décide de démissionner, de prendre
définitivement congé de la politique et du pouvoir
qu’il laisse à Anthony Eden. Il mourra à 91 ans,
dix ans plus tard. Il interdit ses funérailles dans
l’abbaye de Westminster ou même dans la cathédrale Saint-Paul ; il se voulut enterré aux côtés de
son père, dans un petit cimetière de campagne du
village de Bladon, dans l’Oxfordshire.
10
Lettres choisies
Winston et Clementine Churchill
Conversations intimes
Éditions Tallandier
De Winston
30 [31] mai 1909
Camp Goring
Ma tendre chérie
...
J’imagine que vous avez lu les journaux sur la journée de manoeuvres. Ma pauvre figure a été rôtie comme une châtaigne et
elle brûle affreusement. Nous nous sommes bien amusés toute
la journée. Il y avait des tas de soldats et de pseudo-soldats qui
galopaient dans tous les sens, & les 8 régiments de la Yeomanry
ont présenté un beau spectacle. Mais à mon avis la journée de
manoeuvres n’a pas été très bien conduite...
Ces militaires sont souvent totalement incapables de voir les
vérités très simples qui sous-tendent les relations de toutes les
forces armées, & comment on peut utiliser sur elles les leviers
du po voir. Vous savez, j’aimerais vivement avoir une certaine
pratique du maniement de grandes forces. J’ai une grande confiance dans mon jugement quand je perçois clairement les choses, mais il me semble que rien ne me fait davantage sentir où
est la vérité que les combinaisons tactiques. C’est vaniteux et
stupide de dire cela – mais vous, vous n’en rirez pas. Je suis sûr
que c’est enraciné en moi – mais jamais, je le crains, dans la
situation de mon existence, cela n’aura l’occasion de s’épanouir
– sous la forme de lumineuses fleurs rouges.
Alors, ça y est, Jack & Goonie ont leur P.K. ! Jack se pavane
comme un petit dindon satisfait, en se donnant des airs comme
pour dire « j’ai fait cela tout seul ». Cela semble s’être passé
tout en douceur, avec un plein succès. Goonie avait dîné en ville
avant de rentrer à la maison à pied et de dormir profondément
jusqu’à deux heures du matin. C’est alors qu’elle a ressenti les
signes prémonitoires qui précèdent l’action du destin. Et à 4 ou
5 heures, tout était magnifiquement terminé – & une nouvelle
âme, s’échappant de sa quiétude ou de son inquiétude dans les
profondeurs des océans du monde des esprits, s’est hissée timidement sur le frêle radeau de la conscience et des sens, pour y
flotter – quelques instants. Elle n’a presque pas eu mal & Phillips
[le médecin] a fait preuve d’un très grand savoir-faire.
Mon petit Oiseau – cet heureux événement très encourageant
vous sera d’une grande aide. Je l’appréhende un peu – parce
que je n’aime pas vous voir obligée de souffrir & de traverser
cette épreuve. Mais nous sommes prisonniers des circonstances, & la joie sortira de la douleur & des forces nouvelles s’élèveront de la faiblesse passagère.
Bourke Cockran – un grand ami à moi – vient juste d’arriver en
Angleterre, en provenance des États-Unis. C’est un type remarquable – peut-être le plus bel orateur d’Amérique, avec une tête
géante à la C.J. [Charles James] Fox – & un esprit qui a guidé
mes pensées en maintes directions importantes. Je l’ai invité à
déjeuner vendredi à la C. des C. & irai à Londres ce jour-là pour
obtenir mon amendement budgétaire en faveur du projet de loi
sur les chambres de métier. (...)
Là maintenant, il pleut à verse – mais je vais emmener tout
mon escadron au galop de l’autre côté des Downs – Demain il y
a journée de manoeuvres contre le Berkshire. Si bien que c’est
forcément jeudi que Pussy doit venir déjeuner, si elle pense que
cela en vaut la peine...
Au revoir ma Clemmie bien-aimée je voudrais tant baiser vos
lèvres chéries & me pelotonner confortablement dans vos bras,
Lettres choisies - Winston et Clementine Churchill
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
mais je suis content que vous ayez trouvé un agréable refuge
contre la peinture & les soucis pour ces quelques jours [à Blenheim Palace].
Au revoir ma chérie. Écrivez – et envoyez par le porteur – un
petit mot de nouvelles et d’amour à votre cher
Mari qui vous aime
W
De Clementine
M.Y. Rosaura
7 mars 1935 Océan Pacifique
Mon chéri – Cela fait exactement une semaine que j’ai posté
la dernière lettre que je vous ai écrite à Nouméa, sur l’une
des îles de Nouvelle-Calédonie... Depuis Nouméa, nous avons
traversé un océan désert en faisant escale dans diverses îles
– Nous n’avons plus de prise sur les choses, les eaux autour de
certaines de ces îles n’ont pas été cartographiées, elles sont entourées de cruels récifs de corail & souvent on n’arrive pas à atteindre le fond... Le capitaine Laidlaw [du Rosaura] est une tour
inébranlable ; je loue et glorifie le Seigneur tous les jours pour
l’en remercier. Les distances sont énormes, souvent 2 jours de
me entre les îles...
Au revoir chéri, le courrier part
De Winston
[dactylographié] [Chartwell]
13 avril 1935
BULLETIN DE CHARTWELL N° 12
Il y a très peu de chose à dire depuis le dernier bulletin. Randolph va nettement mieux et il n’a qu’une très légère fièvre,
moins de 37,2 °, pendant quelques heures tous les soirs.... Il
a le moral au plus haut et de jeunes et jolies femmes viennent
le voir. Il s’est laissé pousser une barbe qui lui donne un air
parfaitement repoussant à mes yeux. Il déclare qu’il ressemble
à Jésus-Christ. Pour moi au contraire il est sûr qu’il ressemble à
mon pauvre père dans les dernières phases de sa maladie...
J’ai trouvé un terrain d’entente satisfaisant avec London Films
et j’estime qu’ils ont très bien agi. En deux mots, ils me versent
2 000 £ par an pendant encore une année au titre des courts
métrages, et un dédommagement de 5 000 £ pour l’abandon
du film sur le Jubilé...
J’ai terminé les articles sur le Jubilé pour l’Evening
Evening Standard et
je fais un article par semaine pour le Daily Mail. Vous serez très
contente de voir l’état de nos comptes à votre retour, car cette
année toutes les factures ont été réglées chaque mois, et il ne
reste plus que deux ou trois vieux machins....
La chèvre brune baptisée Sarah est morte par un triste concours
de circonstances. Hill avait saupoudré l’herbe de nitrate d’ammoniaque. Elle l’a mangé et elle en est morte. La chèvre à cornes blanches nommée Mary a survécu, grâce à une dose d’huile
de ricin administrée à temps. Elle attend des petits. Comme
ces récits domestiques de la paisible Angleterre doivent vous
apparaître insignifiants comparés à vos dragons et sphénodons.
Mais je crois que c’est très important d’avoir des animaux, des
fleurs et des plantes dans sa vie tant qu’elle dure...
Ici on ne parle que de remaniement après l’adoption du projet
de Loi sur l’Inde. Quant à savoir si ce processus va conduire à
ce que je reçoive une invitation je ne puis me prononcer, et à
dire vrai je m’en moque....
À soixante ans je modifie ma technique oratoire, en grande
partie avec Randolph comme professeur, et j’inonde maintenant
la Chambre des communes d’un flot de paroles improvisées.
Ils semblent ravis. Mais quel mystère que l’art de parler en
public ! Il consiste seulement selon ma (longue) expérience à
11
sélectionner trois ou quatre arguments et à les exprimer sur le
mode de la conversation le plus naturel possible. L’effet littéraire que je recherche depuis quarante ans n’a apparemment
aucun intérêt !...
Dans l’ensemble depuis votre départ la seule chose importante
à noter c’est que l’Allemagne est désormais la plus grande puissance armée d’Europe. Mais je crois que les alliés se liguent
contre elle et cela me donne l’espoir qu’elle soit maintenue à
sa place sans tenter de plonger dans un conflit terrifiant. Rothermere me téléphone tous les jours. Son anxiété fait pitié. Il
estime que les Allemands sont tout-puissants et que les Français sont corrompus et incompétents, et les Anglais perdus et
condamnés. Il se propose de faire face à cette situation en rampant devant l’Allemagne. « Chère Allemagne, détruisez-nous,
mais en dernier ! » Je m’efforce de lui inculquer une attitude
plus vigoureuse....
Avec une fois de plus tout l’amour de
W
P.-S. Deux bébés cygnes noirs viennent d’arriver.
De Clementine
Hôtel Zürserhof
Mardi 7 janvier 1936 Zürs
Mon chéri
...
L’idée de vous rejoindre au Maroc me plaît énormément. D’une
part, mon Pig me manque beaucoup, mais d’autre part, je voudrais rester ici jusqu’au 21, et je suppose qu’à cette date vous
songerez vous-même à rentrer ?...
La situation politique en Angleterre est déprimante ; cela me
contrarierait vraiment que vous participiez au gouvernement
Baldwin, sauf s’il vous donnait énormément de pouvoir et que
vous soyez en mesure d’inspirer le gouvernement et de lui donner un nouveau souffle. Mais comme vous le dites vous-même,
nous y sommes jusqu’au cou et on n’y peut plus rien maintenant. Tout ce que vous pourriez faire, c’est organiser nos forces
armées. Les hésitants eux-mêmes qui font confiance à Baldwin
se voient impliqués dans son jeu (& pas par choix politique,
mais par confusion).
Au revoir, mon chéri.
Votre Clemmie
qui vous aime
De Winston
[dactylographié] Château de l’Horizon
8 janvier 1939
[addendum à la lettre précédente]
Secret
Clemmie chérie
J’ai passé une journée bien remplie et intéressante à Paris [sur
le chemin de la Côte d’Azur]. J’ai déjeuné avec Reynaud à Versailles où il se remettait de ses efforts et de ses triomphes
en matière de finances françaises. La France entière est unie
contre Mussolini. Reynaud m’a dit que s’il touchait à Djibouti «
la France se lancerait avec joie dans une nouvelle guerre ». Il
y a chez eux un profond désir de s’en prendre à Mussolini pour
l’humiliation qui leur a été imposée par Hitler [à Munich]....
L’après-midi j’ai eu une longue conversation avec l’Ambassadeur [Sir Eric Phipps] et Charles Mendl, et ensuite je suis allé
voir Blum, qui m’a donné le plus d’informations. Tous confirment que l’Allemagne n’avait presque pas de troupes sur la
frontière française pendant la crise. Et Blum m’a indiqué (secret) qu’il avait appris par Daladier en personne qu’aussi bien
Lettres choisies - Winston et Clementine Churchill
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
le général Gamelin que le général Georges étaient convaincus
qu’ils auraient pu percer les défenses allemandes, faibles et inachevées, et presque dégarnies, au plus tard au bout du quinzième jour, et que si les Tchèques avaient pu tenir ne serait-ce
que pendant cette courte quinzaine, les armées allemandes
auraient été contraintes de revenir pour contenir l’invasion. De
l’autre côté il y a leur grande prépondérance dans les airs, et le
point de vue de chacun dépend du poids qu’il y attribue. Je ne
doute pas un seul instant qu’une attitude de fermeté de la part
de l’Angleterre et de la France aurait empêché la guerre, et je
suis persuadé que l’histoire va être encline à juger que si l’on
en était arrivé au pire, nous aurions été dans une situation bien
meilleure que celle où nous nous retrouverons peut-être dans
un avenir proche.
Blum habite dans un appartement situé au-dessous de celui
de Delbos, que l’on a fait venir en déshabillé pour se joindre à
notre conversation. Tous deux sont très inquiets. Ils craignent
que Mussolini ne soit déterminé à obtenir sa part du butin, Hitler ayant tout reçu jusqu’ici et lui rien, et ils sont convaincus
qu’Hitler se sent lié à lui et le soutiendra... Blum semble croire
que ces deux crapules vont très bientôt repasser à l’action. À
Londres, on a très peur qu’Hitler s’en prenne à nous, et nous
présente ses exigences au lieu de se tourner vers l’est... Pendant ce temps Chamberlain, en reprenant à son compte tout
ce qu’a déclaré Roosevelt, a fait un grand bout de chemin vers
ma position. Vous aurez peut-être remarqué qu’il a utilisé la
formule exacte que je n’ai cessé de répéter ces deux dernières
années, à savoir « Liberté et paix », et qu’il a mis, comme je
l’ai toujours fait, « Liberté » en premier. Tous les échos issus
des coulisses soulignent sa grande déception vis-à-vis d’Hitler,
et son désespoir en ce qui concerne l’apaisement. Pendant ce
temps, toutefois, les irritants ratés de la DP [Défense passive]
se perpétuent. Les tranchées des parcs publics sont remplies
d’eau. Ils n’arrivent ni à les combler ni à les vider pour les rendre utiles. Bien plus, il a fallu qu’ils embauchent des gardiens
spéciaux pour empêcher les enfants de se noyer dans ces auges
boueuses. Les bénévoles de la DPsont mécontents et leurs effectifs fondent à cause du manque d’organisation. Bien qu’il ait
été nommé ministre aussi récemment, Sir John Anderson fait
du patin à glace à St Moritz, et cela donne lieu à des commentaires incessants dans la presse. Il y a une absence totale de
vigueur, et Chamberlain n’a pas la plus petite idée des négligences dont il est responsable. En fait, je ne crois pas qu’il y aurait
grand intérêt à aller me mettre le poids de ces négligences sur
le dos, en tout cas sans les
pouvoirs qu’ils ne songeraient pas à m’accorder. Duncan [Sandys] a lancé son Parti [Les cent mille] avec l’aide de Randolph,
et tout le monde ou presque est revenu sur sa parole au dernier
moment... Duncan en a été tout dépité, et Diana m’a téléphoné
pour me dire qu’il n’avait pas fermé l’oeil de la nuit. Mais je leur
ai conseillé de marquer le pas et de laisser leur initiative mourir
de sa belle mort maintenant qu’ils s’étaient jetés à l’eau, et
surtout de ne pas battre publiquement en retraite...
J’apprends que le bébé continue à bien se porter. Au lieu de
faire 1 kg 980, comme à la naissance, il pèse désormais 2 kg
120. Il gagne donc des forces plus rapidement que le mouvement politique lancé en même temps....
Avec mon tendre amour
Chérie
Votre dévoué
W
De Winston
[dactylographié]
Alger
29 mai 1943
Ma Chérie à moi,
Nous sommes arrivés ici hier, sous bonne escorte, en provenance de Gibraltar, dans mon nouveau York, belle mécanique
merveilleusement confortable il faut bien le dire. Le gros défaut
c’est que le Frigidaire ne marche que quand l’avion est en vol.
Donc, si on fait escale quelque part pour la nuit toutes les provisions se gâtent. On s’occupe du problème.
J’écris depuis la charmante villa de l’Amiral Cunningham située
sur les hauteurs qui surplombent le port d’Alger. Les fleurs et
les arbres en fleurs sont splendides. Le soleil est éclatant et
chaud, mais sans excès, et une délicieuse brise fraîche souffle
de la mer. Hier le port était rempli de bateaux qui emmenaient
10 000 prisonniers allemands en Angleterre ou en Amérique (je
ne sais pas et m’en moque un peu !).
De Gaulle doit arriver demain et tout le monde ici s’attend à
ce qu’il fasse tout son possible pour créer la zizanie et mettre
en avant ses ambitions personnelles. Il va se heurter à une
rude coalition de forces s’il ne joue pas franc-jeu. Le Général
Georges est sur place. Je l’ai encouragé à s’enfuir de France et
nous l’avons amené à Alger par des filières secrètes il y a deux
jours. Cela m’a fait grand plaisir de le rencontrer avec Giraud
aujourd’hui au déjeuner et en leur compagnie j’ai retrouvé certaines de mes illusions perdues sur la France et son Armée.
(...)
Toujours vtre mari qui vous aime à jamais
W
De Winston [Yalta]
4 février 1945 12 h 30
JASON N° 109
MESSAGE SUIVANT DU COLONEL KENT POUR MRS KENT PERSONNEL
ET CONFIDENTIEL.
BIEN ARRIVE [3 FEVRIER] APRES BON VOYAGE ET LONG TRAJET EN VOITURE. SOLEIL ECLATANT ET PAS DE NEIGE. O.J. [«
ONCLE JO » = STALINE] VIENT ME VOIR A 3 HEURES. TOUT VA
BIEN. BAISERS DE SARAH.
...
Pour l’annotation, se référer à l’ouvrage.
© Éditions Tallandier
Sites internet
Éditions Tallandier
http://www.tallandier.com/
The Winston Churchill Center (en anglais)
http://www.winstonchurchill.org
12
Jacques Schlanger - Vivre selon la nature
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Vivre selon la nature
Jacques
Schlanger
Par Gaëlle Obiégly
Jacques Schlanger, professeur
émérite de philosophie à
l’Université
Hébraïque
de
Jérusalem, se déclare, dans
ce nouveau livre, « amant de
la sagesse ». Cet aveu initie
des considérations sur la
belle vie dont les sages nous
produisent le modèle. Car
une telle vie ne nous est pas
donnée - pas plus qu’au sage
- elle résulte d’un effort ou
simplement d’une attention. Les dernières parties
de cet ouvrage important reprennent ses débuts
où déjà Schlanger expose sa relation aux sages
de l’Antiquité. Leur pensée soutient la sienne.
Si bien que les Anciens qui l’accompagnent
deviennent nos contemporains. Et leur sagesse,
ce vers quoi nous pouvons tendre. C’est que le
philosophe Schlanger en fait une lecture, dit-il,
anachronique. Il ne cherche pas à les situer dans
un contexte historique mais, au contraire, à faire
parler les Anciens aujourd’hui. Il s’agit d’en faire
usage. Epictète, Epicure, Marc Aurèle, Diogène le
Cynique sont des interlocuteurs actuels dont la
fréquentation nous met sur le chemin de la bonne
vie. Le philosophe nous entraîne vers le haut, d’où
l’importance des modèles à admirer, à imiter. La
sagesse procédant peut-être d’une dynamique,
d’un mouvement vers ce que l’on voudrait être.
Mais qu’est-ce qu’une bonne vie ? Il appartient à
chacun d’y répondre. Pourtant, puisqu’il nous est
possible de la reconnaître, elle doit bien posséder
quelques caractéristiques communes à tout être
humain. Au fil des pages, selon un plan dont la
clarté témoigne d’un esprit rigoureux, Jacques
Schlanger interroge les doctrines des Cyniques,
des Cyrénaïques, des Stoïciens, des Epicuriens et,
dans une moindre mesure, des Sceptiques quant
à la manière de bien vivre. Cela découlerait de
notre rapport à la nature. En prenant conscience
de ce qu’il était à l’origine, savoir un animal
raisonnable, l’être humain retrouverait son
paradis perdu. C’est la position cynique. Vivre bien
consiste à vivre selon sa nature. Cela demande un
effort, une ascèse, tout à fait différent de ce que
13
propose la doctrine épicurienne. S’il expose les
divergences des doctrines des Anciens, Schlanger
ne démontre pas leur incompatibilité. Au contraire,
il les articule, pense en elles. Il les conduit dans
notre monde et ses problématiques. L’écologie
radicale, notamment, reprend la conception
cynique du rapport de l’homme à la nature ou celle
des Stoïciens. Pour certains écologistes, la terre
est une entité vivante à laquelle participent tous
les êtres vivants. Alors, l’harmonie consisterait,
comme pour les Stoïciens, à se fondre dans la
nature jusqu’à la disparition de l’individualité. «
Je suis celui qui a été cheval, et puis arbre, et qui
est homme maintenant », dit Marc Aurèle. On est
une miette du Tout, mais une miette éternelle. Un
humain, une conscience, certes. Mais un instant,
seulement.
Pour autant, vivre selon la nature ne suppose
pas de s’abstraire de soi. Car cela revaudrait à
s’abstraire de la nature. Celle-ci désigne ce qui
nous héberge et ce que nous hébergeons. Il
s’agit plutôt d’harmoniser notre nature avec la
nature. Pas d’abnégation mais au contraire c’est
par une affirmation de sa présence que l’être
humain s’offre à la nature. Dans le monde de
l’immanence, l’homme est sujet. Il pense, il agit
à partir de ce qui est, dans ce qui est, vers ce
qui est. C’est à lui-même qu’il rend des comptes.
Ses actes ne visent aucune récompense divines
– sont-ils néanmoins désintéressés ? Ses idées
ne craignent pas le jugement de Dieu – elles n’en
sont pas moins morales.
Là où tous les philosophes conviés par Schlanger
s’accordent c’est pour dire que nous vivons selon
la nature (du reste, pourrait-il en être autrement
?) Par contre, ils divergent quant à la manière.
Ce qui diffère entre les doctrines cynique,
cyrénaïque, stoïcienne, épicurienne concerne
la manière dont nous sommes tenus de nous
engager dans cette vie. L’opposition concerne le
rapport de ce que l’on croit être et ce qui devrait
être. Les philosophies découlent de visions,
d’expériences diverses. L’esprit a sa source dans
le corps, donc. Puis il l’habille. La conception de
la bonne vie ne préexiste pas à la vie vécue. Il
n’est pas demandé à l’homme de se conformer à
un programme, mais il peut choisir une manière
de vivre et y réfléchir constamment. Le livre de
Jacques schlanger nous entraîne à cette sorte de
gymnastique qu’est la philosophie. C’est-à-dire
un exercice de nos facultés. Il a pour dessein de
nous faire fructifier notre nature.
Alors, la lecture des philosophes qui vise la
pratique rejoint celle de la poésie qui, selon Isidore
Ducasse alias Lautréamont a « pour but la vérité
pratique ». Elle nous guide individuellement,
secrètement. La lecture directe, ainsi la nomme
Jacques Schlanger - Vivre selon la nature
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Jacques Schlanger, impose un rapport intime à
ce qu’on lit, une appropriation aux effets autant
concrets que métaphysiques. Jacques Schlanger
prend pour exemple l’athlète. Peu importe qu’il
me montre ses haltères, ce sont ses épaules qui
sont considérables. C’est-à-dire ce qu’il fait de ses
outils. Cette attitude est aussi celle d’Epictète.
Celui-ci s’appuie sur la sagesse du charpentier
qui possède son métier, construit une maison,
sans vous entretenir de sa technique. Il convient
pour tout homme d’en faire autant : « mange,
bois, pare-toi, marie-toi, aie des enfants, occupetoi de la cité en homme ; supporte les injures,
supporte un frère ingrat, un père, un fils, un
voisin, un compagnon de route. Montre-moi tout
cela pour que nous voyions que tu as réellement
appris quelque chose chez les philosophes. »
Les Entretiens d’Epictète ponctuent l’ouvrage
philosophique de Schlanger, avec d’autres textes
des auteurs précédemment cités. Comme nous
l’avons dit, les Anciens sont des interlocuteurs.
Ils dialoguent ici à égalité avec l’auteur de Vivre
selon la nature autour d’un problème essentiel :
comment bien vivre.
Mais vivre tout court, n’est-ce pas déjà bien
vivre ? Si vivre consiste à conserver son être,
il faut pour cela, à l’instar des plantes et des
animaux, repousser les choses qui me nuisent
et aspirer à celles qui me sont propres. Pour
l’homme, vivre est plus compliqué. En effet, il n’a
pas, lui, de savoir inné de ce qui lui convient. Il
tâtonne, il lui faut réfléchir pour pallier au manque
d’instinct qui lui permettrait la conservation de
son être. Paradoxalement, son insuffisance et sa
supériorité se tiennent. Il déraisonne parce qu’il
est doué de raison, l’être humain. Lui seul, parmi
les êtres vivants, peut vouloir ne pas tendre à
persévérer dans l’être. Qu’est-ce qu’un homme
? se demande Hamlet. Probablement ce qui se
demande s’il lui faut être ou ne pas être. Si la
destruction et le mal ne sont pas des sujets
abordés par Jacques Schlanger dans ce livre,
la question du suicide y est examinée. Dans la
14
perspective qui est la sienne, celle de la bonne
vie, le suicide participe d’une obstination à être.
Celui qui se tue affirme son existence jusqu’à
la mort. Vouloir vivre une bonne vie suppose
d’accepter de ne plus vivre afin de ne pas avoir à
vivre de manière inadéquate. L’éthique, dans son
sens premier, voudrait qu’il soit laissé à chacun
cette possibilité d’interrompre le fil de sa vie. La
lecture de Schlanger pourrait nourrir le débat qui
accompagne actuellement en France le projet de
loi autorisant l’euthanasie. Mais qui décide s’il est
encore bon de vivre, la société ou soi-même ?
Est-on pour soi-même le meilleur juge ? Autre
question posée par Jacques Schlanger dont le
livre est d’une portée subtilement politique.
Jacques Schlanger
Vivre selon la nature
Éditions Hermann , novembre 2013
188 pages. 25 €
Dernières parutions
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Dernières
parutions
Par Élisabeth Miso
Biographies
Geordie Greig, Rendez-vous avec
Lucian Freud. Traduction de l’anglais
Michel Marny. Pendant dix ans Geordie
Greig, s’est rendu régulièrement au restaurant Clarke’s sur Kensington Church
Street à Londres. Lucian Freud aimait
y partager son petit-déjeuner avec un
cercle d’amis. Être convié à la table de
cet artiste secret, connu pour défendre
farouchement sa vie privée, était un privilège. Sa conversation était toujours stimulante, il pouvait citer Yeats, la correspondance de Flaubert, s’enthousiasmer
pour le génie de Rembrandt, de Vélasquez et d’Ingres, éclairer certains aspects de sa quête créative
ou se pencher avec lucidité sur son passé. Mêlant le souvenir de
ces échanges avec Lucian Freud aux interviews de ses proches,
le journaliste livre un portrait subtil et passionnant du peintre
britannique. « Son ambition inflexible n’avait d’égale que la magie de son charme et tous deux furent impitoyablement utilisés
pour concourir à son but : se mesurer aux plus grands artistes
de tous les temps et mener une vie libre de tout scrupule. » La
renommée de son grand-père Sigmund Freud, lui a permis de
fuir avec sa famille l’Allemagne en 1933. Il a su très tôt que son
destin serait artistique. Se démarquant de l’engouement pour
l’abstraction ou l’art conceptuel, il s’est obstiné à explorer le
figuratif, « persuadé que l’observation intense et prolongée de
l’homme constituait l’essence du propos de l’artiste. » Marqué
par l’affection intrusive de sa mère, il n’a eu de cesse de protéger son intimité, cloisonnant sa vie, exigeant de ses proches
une discrétion absolue. D’une intelligence redoutable, doté d’un
pouvoir de séduction électrisant, il était aussi à l’aise parmi les
voyous que dans les sphères aristocratiques et intellectuelles.
Son mépris des règles, sa soif de liberté, son besoin de tout
risquer, sa libido débridée (deux mariages, de nombreuses maîtresses, quatorze enfants) ont pu affecter son entourage, mais
sa vitalité magnétique a souvent fait céder bien des ressentiments. Par l’acuité de son regard, la vérité crue de ses tableaux
balayant les conventions, il a bouleversé les codes du portrait et
est devenu l’un des peintres incontournables du XXe siècle. Tout
entier dédié à l’expression de sa peinture, il cherchait à « donner à l’art une indépendance complète par rapport à la vie, une
indépendance qui est nécessaire parce que le tableau pour nous
émouvoir ne doit jamais nous rappeler la vie, mais acquérir une
vie propre, précisément afin de refléter la vie. » Éd. Christian
Bourgois, 280 p., 25 €. Élisabeth Miso
Franck Maubert, Gainsbourg à rebours. Il a dédié son livre
« A celles et ceux qui laissent une trace sur le mur du 5 bis,
rue de Verneuil ; écrivain, journaliste, critique d’art, auteur de
plusieurs ouvrages consacrés à la peinture, Franck Maubert qui
avait déjà consacré un livre à Gainsbourg (Gainsbourg for ever,
Scali, 2005) retrace un portrait de Serge Gainsbourg intime,
personnel, s’attache à l’artiste aux dons multiples qui sut marquer son époque et continue, vingt-deux ans après sa mort,
d’influencer la musique ; peintre, auteur-compositeur-interprète, pianiste, scénariste, metteur en scène, écrivain, acteur,
cinéaste ; il revient surtout sur la vocation de peintre avortée
15
de ce fils d’immigrants russes juifs, Lucien Ginsburg qui, à l’âge de vingt ans
ne rêvait que de peinture, art majeur,
selon lui, « Je serai Courbet ou je ne
serai rien », et avait élu Le Louvre comme champ de ses fantasmes. Maubert
aime Gainsbourg, c’est un fait. Il n’eut
de cesse de le suivre de loin, de près,
l’interviewant un jour sur sa jeunesse de
peintre, puis le fréquentant chez lui, aussitôt et de plus en plus régulièrement, à
l’écoute captivée de ce connaisseur sensible, « historien d’art vivant, emporté,
flamboyant » qui savait être intarissable
en matière de tableaux.
« Prendre rendez-vous avec Gainsbourg, disait-il, c’était
rayer une journée de son agenda, la nuit qui suivait et, parfois même, le lendemain. Quand il ouvrait la porte du 5 bis,
rue de Verneuil, toujours la même question : « Qu’est-ce
que tu bois p’tit gars ? «. Quand j’ai réussi à l’entraîner au
Louvre, nous étions à jeun. L’art - les arts majeurs comme
il disait - avait ce pouvoir de lui redonner sa peau de Lucien
Ginsburg. Il oubliait Gitanes, et n’avait pas son pareil pour
évoquer les infantes malades de Vélasquez. (...) » Étranger
à l’idée du bonheur, et pourtant. Éd. Fayard, 154 p., 14€.
Corinne Amar
Romans
Torgny Lindgren, Souvenirs. Traduction du suédois Lena Grumbach. « La
seule hypothèse véritablement plausible
semblerait être que toutes nos pensées
et tous nos souvenirs, les souvenirs en
particulier, ne seraient en définitive rien
d’autre que des hallucinations. » Torgny
Lindgren n’a jamais cru en la mémoire
pour la simple raison qu’il est persuadé
de ne pas en avoir. Les souvenirs ne
peuvent être fiables puisqu’ils ne restituent pas l’infinité de mémoires que
renferment les cellules de notre corps
et qu’ils sont des processus psychiques
mouvants. L’auteur suédois a toujours
soutenu à ses éditeurs qu’écrire ses
Mémoires n’aurait rien d’authentique,
car pour lui pensées et souvenirs n’ont
aucune réalité sans le filtre de l’imagination et de la fiction.
« Je ne recherche pas la vérité, dis-je. La vérité, on peut
la détenir autant qu’on peut la perdre. Si je commence à
écrire pour de vrai, il sera alors question de tout autre chose
que de la vérité. L’enjeu, dis-je avec un sérieux solennel,
c’est de remplir les vides de la conscience. » S’il s’est laissé
convaincre de se lancer sur la piste de ses souvenirs, c’est
qu’il y a vu matière à sonder, dans ce tissu d’éléments autobiographiques et d’inventions, de souvenirs personnels ou
puisés dans l’histoire familiale et les conversations amicales,
la pertinence de sa voix d’écrivain, la fascinante machine
à produire du sens et de l’émotion qu’est la littérature. En
formidable conteur, il brosse en quelques portraits habilement ramassés et quelques dialogues savoureux toute une
identité familiale. « Quand nous parlons, dis-je, nous nous
dévoilons dans les mots. Le je devient visible. Par le bavardage on confirme ce qu’on est en tant qu’être humain. Même
dans le mensonge on devient ce qu’on est et on est révélé
comme étant soi-même. Le bavardage est action. » Torgny
Lindgren met en évidence le fil invisible qui relie entre eux
les corps puissants de son grand-père maternel, de son oncle
Hjalmar et de son père viscéralement connectés à la terre, la
fragilité de son propre corps, le rejet de toute sensiblerie, la
nature comme source constante d’inspiration, ou les derniers
moments passés avec sa mère peu avant sa mort à parler
Dernières parutions
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
d’écriture, du sens de la vie ou de la recette de la viande de
renne séchée au four. Chaque souvenir, chaque parcelle de
vie évoquée vient s’imbriquer dans les autres, formant une
seule et même histoire collective, où la perception de soi est
indissociable des êtres et des récits qui nous définissent. Éd.
Actes Sud, 240 p., 22 €. Élisabeth Miso
Récits
José Luís Peixoto, La mort du père.
Traduction du portugais François Rosso. Dès son premier roman Sans un
regard, qui lui vaut à 26 ans d’être
lauréat du prix Saramago, José Luís
Peixoto s’impose comme l’un des écrivains portugais les plus prometteurs.
Dans ce texte de jeunesse rédigé entre 1996 et 1997, l’auteur rend un
vibrant hommage à son père disparu
prématurément. Par un après-midi de
printemps au volant de la voiture paternelle, il roule en direction de son
village, de la maison de son enfance.
« […] tout semble comme avant. Le silence fluvial, la vie
cruelle d’être vide. » Les traces du père sont palpables partout, dans le paysage traversé comme dans l’intimité de la
demeure familiale. « Tout ce qui te survit m’assaille. », décrit-il, porté par les mouvements de sa mémoire. Il se revoit
au volant de cette même voiture sur ces mêmes chemins
quand son père lui apprenait à conduire, il se souvient des
moments de parfaite complicité avec lui dans le potager, du
bonheur simple des repas en famille. « Tu es resté présent
en tout. Superposés à la peine indifférente de ce monde qui
feint de continuer, tes mouvements, l’éclipse de tes gestes.
Mais rien désormais n’est assez grand pour te contenir. »
Dans la chambre parentale il enfile les vêtements de son
père et dans le reflet du miroir ce dernier lui apparaît, si
net, si incroyablement vivant. La chambre conserve encore
l’odeur de la maladie, l’odeur de la souffrance et de l’impuissance des proches. « J’ai passé la nuit seul. Avec toi. Près
du silence absolu. Dans le noir qui n’existait pas quand les
nuits attendaient des matins de soleil, la vie qui descendait
de ton visage, et s’arrêtait, et courait sur nos visages. » Ce
père était lumière pour les siens, ce qu’il a transmis ne peut
s’effacer, c’est pourquoi José Luís Peixoto s’est juré de ne
jamais l’oublier, d’être éternellement reconnaissant à la force
de cet amour qui l’a profondément structuré pour la vie. Éd.
Grasset, 64 p., 10 €. Élisabeth Miso
Correspondances
Marcel Proust, Lettres à sa voisine. Édition établie par Estelle Gaudry
et Jean-Yves Tadié. Elle avait tout d’une
héroïne de roman, et Marcel Proust ne
s’était pas trompé qui l’avait remarquée,
alors qu’elle habitait au-dessus de chez
lui, à Paris, 102, boulevard Haussmann.
Mariée à un dentiste américain, Charles
D.Williams, sportif « qui partait tous les
samedis avec son chauffeur pour aller
jouer au golf », on la disait artiste, distinguée, « très parfumée », elle jouait,
semblait-il, de la harpe. Elle savait qui
était Proust, l’admirait, elle lui écrivait et lui, avait beaucoup de
plaisir à lui répondre. Les lettres s’échangeaient d’un étage à
l’autre, s’envoyaient parfois même par la poste. Vingt-trois lettres inédites (et trois à son mari) ont été retrouvées de Proust à
16
Mme Williams, approximativement datées, entre 1908 et 1916,
l’édition est agrémentée de photographies tout aussi inédites de
Proust, de Madame Williams, de lettres manuscrites de l’écrivain
; des lettres d’une courtoisie exquise – Malgré les tristes jours,
des fleurs vous feraient-elles plaisir. Et « quelles » comme dit
Verlaine ? -, soucieuses de plaire à leur destinataire, voire de la
charmer, et sensibles à leur solitude commune.
« [fin 1914 ?] Mercredi, Madame, Puisse mon livre vous
avoir donné autant de plaisir que j’en ai eu à lire votre lettre.
(...) Je ne connais aucun des pays dont vous me parlez. Mais
j’ai souvent rêvé d’eux ; et vous avez fait, avec vos paroles
picturales et ensoleillées, entrer de la couleur et de la lumière dans ma chambre close. » Il dort le jour, le bruit le rend
fou, il est précis, maniaque, des travaux sont au cours chez
les Williams ou bien, des déménagements, il prie Madame
Williams de faire clouer les caisses de telle à telle heure et
dans telle ou telle pièce, parce qu’il y est « sensible »…Délicat et de l’humour, en toutes circonstances. Éd. Gallimard,
84 p., 14,50€. Corinne Amar
Actes de Colloques
Rainer Maria Rilke, Inventaire Ouvertures. Édité par Michel Itty,
Silke Schauder. Préface de Jean-Paul
Welterlen.
Rilke, Inventaire : ce livre fait état, en
les renouvelant, des thèmes incontournables de la recherche rilkéenne, tels
que ses rapports avec la France, les
voyages, ses éditeurs, la traduction,
Cézanne ou Rodin...
Rilke, Ouvertures : car il explore les
résonances de son oeuvre au théâtre,
au cinéma, par la lecture, ou le numérique.
Les Cahiers de Malte de Laurids Brigge
(1910), les Élégies de Duino (1922) de Rainer Maria Rilke
font partie des sommets de la littérature mondiale. Quatrevingt dix sept ans après sa mort, qu’en est-il du rayonnement
de son œuvre, de la puissance novatrice de son écriture et de
son éventuel message ? Comment lire cette œuvre protéiforme composée de poèmes, de lettres, d’essais, de traductions
poétiques ou littéraires, de prose et de théâtre ? À travers
un questionnement multiple et nécessairement pluridisciplinaire, ce livre réunit les contributions de trente-cinq auteurs
spécialistes de Rilke et venant de huit pays différents. Douze
sections thématiques offrent un regard panoramique sur la
vie et l’œuvre du poète. Issu du premier colloque de Cerisy
consacré à Rilke que Michel Itty et Silke Schauder ont organisé en août 2009, ce livre apporte des éclairages nouveaux
sur son œuvre foisonnante et fertile. Il s’adresse à un large
public désireux de suivre la trajectoire d’un poète qui ne cesse de nous interroger.
Presses Universitaires du Septentrion. Collection Littératures
de langue allemande, 504 p., 34,00 €.
(Présentation de l’éditeur) cf. FloriLettres, édition n°105, mai
2009 : http://www.fondationlaposte.org/article.php3?id_article=1113
Agenda
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Agenda
Expositions
Jean Cocteau le magnifique, les miroirs d’un poète
Jusqu’au 23 février 2014
Musée des Lettres et Manuscrits, Paris
Un hommage à Jean Cocteau
À l’occasion du 50ème anniversaire de la disparition de Jean Cocteau, le Musée des Lettres et Manuscrits lui rend hommage avec une exposition intitulée « Jean Cocteau le magnifique. Les miroirs
d’un poète » présentant plus de 150 manuscrits et lettres autographes, ouvrages illustrés et éditions
originales, dessins, photographies et affiches, dont un grand nombre d’inédits. En parcourant cette
exposition, le visiteur pourra passer de l’autre côté du miroir, objet phare de la mythologie personnelle de Jean Cocteau, afin de découvrir la personnalité de cet homme dont l’étoile, autre symbole,
graphique celui-ci, maintes fois représenté, brilla durant plus de 60 ans au panthéon de la vie littéraire et artistique française. À la fois poète, romancier, dramaturge, dessinateur, décorateur, cinéaste...
Jean Cocteau demeure aujourd’hui une référence, une source d’inspiration inépuisable pour nombre
de créateurs de Jean-Luc Godard à Arielle Dombasle. Les pièces maîtresses de cette exposition sont
le manuscrit du scénario original du film La Belle et la Bête, chef-d’oeuvre classé « Trésor national
», accompagné du manuscrit autographe du journal de ce film et de photographies prises lors du
tournage, ainsi que Le Mystère de Jean l’Oiseleur
l’Oiseleur, oeuvre poétique mêlant écriture et dessin.
Dans le cadre de cette exposition, seront présentées plusieurs lettres relatives au couple mythique
que formèrent Jean Cocteau et Jean Marais de 1937 à 1949, choisies parmi l’abondante correspondance entre ces deux monstres sacrés conservée par le Musée des Lettres et Manuscrits. Cette
liaison qui inspira fortement le dramaturge et le cinéaste, donna naissance à des oeuvres majeures
comme La Belle et la Bête, L’Aigle à deux têtes, Les Parents terribles et Orphée dont Jean Marais fut
l’inoubliable interprète passant du monde visible au monde invisible à l’aide d’un miroir.
Un hommage à Édith Piaf
Cette exposition inédite est également l’occasion de présenter un hommage à Edith Piaf, amie de
Jean Cocteau, à travers différents écrits et photographies : correspondance qu’elle entretenait avec
son amant Louis Gérardin, lettre écrite le jour de la mort de Marcel Cerdan, manuscrit du monologue
de Cocteau écrit à son attention (Le Fantôme de Marseille), photographie prise lors des répétitions
du Bel indifférent... Apprenant la mort d’Édith Piaf, Jean Cocteau aurait déclaré « C’est le bateau
qui achève de couler. C’est ma dernière journée sur cette terre ». Jean Cocteau s’éteindra quelques
heures après Édith Piaf, le 11 octobre 1963.
Commissaires de l’exposition : Pascal Fulacher et Dominique Marny
Du mardi au dimanche de 10h à 19h / Nocturne le jeudi jusqu’à 21h30 / Fermeture hebdomadaire
le lundi
Musée des Lettres et Manuscrits
222, boulevard Saint-Germain, 75007 PARIS
Téléphone : 01 42 22 48 48 - [email protected] - http://www.museedeslettres.fr
Jean Cocteau et le cinématographe
Jusqu’au 23 février 2014
Cinémathèque française
Musée du Cinéma, Paris
L’exposition, au Musée du Cinéma, est l’occasion de montrer des fonds exceptionnels collectés par
La Cinémathèque française et grâce à la générosité de donateurs. Elle dévoile affiches, scénarios,
correspondances, ouvrages précieux, dessins, photographies de plateau et de tournage, ou encore
des costumes et objets, dont le célèbre costume d’homme-cheval imaginé par Cocteau pour Le Testament d’Orphée et la robe dessinée par Marcel Escoffier pour La Belle et la Bête.
Les collections témoignent aussi des activités de critique de Cocteau, et de son implication dans diverses manifestations d’importance, notamment le Festival de Cannes dont il fut à plusieurs reprises
Président du jury avant d’en être nommé Président d’honneur.
Événement à l’occasion du cinquantenaire de la mort de Jean Cocteau, avec le soutien du Comité
Cocteau et de la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent.
http://www.cinematheque.fr/fr/expositions-cinema/cocteau/exposition.html
Lundi, mercredi à samedi 12h-19h / Dimanche 10h-20h / Fermeture le mardi.
La Cinémathèque française
51 rue de Bercy 75012 Paris
17
Agenda
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Texte et musique
Histoire de ma vie
d’Hector Berlioz
Le samedi 25 janvier 2014
Bures-sur-yvette (91)
Après la version « Chopin », le duo Duchâble - Carré revient avec un spectacle mêlant verbe et
mesure. Ils présentent l’univers quotidien du compositeur du XIXe siècle, Hector Berlioz, par
le biais de ses correspondances et mémoires. Pianiste et comédien mettent ainsi en valeur et
l’importance de l’art à cette époque.
De 21h à 23h
Centre culturel Marcel Pagnol
rue Descarte
91440 Bures-sur-yvette
Téléphone : 01 69 18 79 50
Atelier d’écriture et de jeu
L’atelier d’écriture et de jeu du théâtre national de la Colline
Le lien social à travers l’art théâtral
(L’Harmattan, décembre 2013, 147 pages)
Sous la direction de
Sylvie PFLIEGER
Le théâtre national de la Colline organise depuis déjà plusieurs années un atelier d’écriture
et de jeu qui réunit, chaque samedi matin, de janvier à juin, une population très diversifiée
d’hommes et de femmes habitant le nord-est parisien et sa proche banlieue. Ce travail débouche sur une présentation publique dans la grande salle du théâtre, orchestrée en 2012 et 2013
par le metteur en scène Stanislas Nordey.
L’organisation de cet atelier prend place dans le cadre de la mission générale d’une institution
culturelle publique, ici un théâtre national, qui au-delà de ses objectifs artistiques doit aussi
être reconnue comme un acteur social à part entière au sein du territoire dans lequel elle
s’insère.
C’est ainsi que l’on attend aujourd’hui des institutions culturelles qu’elles prennent part au
développement économique et social de leur territoire et contribuent à y renforcer le lien social
et l’intégration de groupes de population en difficulté. Cette insertion d’une institution culturelle dans son territoire implique la mise en place d’une nouvelle gouvernance, d’un réseau de
partenaires publics et privés tournés vers un même objectif. En particulier, cet atelier n’aurait
pu exister et perdurer sans le soutien de fondations mécènes qui souhaitent développer leur
politique de mécénat croisé en direction de tels projets.
Cet ouvrage relate cette expérience, très riche sur le plan humain, à partir d’un suivi de cet atelier pendant deux ans par une équipe de sociologues de l’Université Paris Descartes, et s’efforce
d’en donner des éléments d’évaluation.
http://www.editions-harmattan.fr/
Théâtre
Camille Claudel, Correspondance(s)
Le 4 février 2014
Saint Julien en Genevois (74)
Il y a 70 ans, Camille Claudel nous quittait. Françoise Sliwka a retracé son parcours à partir
de sa correspondance. Dans ces lettres, on retrouve une femme amoureuse, une soeur, une
fille, une amie, en toutes situations passionnée, entière, souvent capable, même au coeur de
la plus violente détresse, de faire preuve de distance et d’humour. Se promener dans cette
correspondance, c’est découvrir les déclarations d’amour fiévreuses de Rodin, les appels au
secours quand la pauvreté frappe trop fort, les télégrammes lapidaires pour tenir à distance
l’ogre barbu, la dureté des mots de sa mère, le silence de Paul, la détresse à longueur de pages
pendant les années d’internement, le mistral assassin, la solitude qui ronge...
Compagnie François Sliwka
18
Billetterie en ligne : http://www.st-julien-en-genevois.fr/
L’Arande
24 Grande Rue
74160 Saint Julien en Genevois
Agenda
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Manifestations soutenues par
la Fondation La Poste
Théâtre
« Maupassant, Portraits brisés » / Théâtre de l’Epi d’or
Les 24 et 25 janvier 2014, Val d’Oise
Création d’un spectacle littéraire adapté de la correspondance, des chroniques et des œuvres de
Guy de Maupassant par Patrice Fay dans une mise en espace de Micheline Zederman.
« Accroché à son fauteuil comme à un radeau, Maupassant se jette dans ses souvenirs en
désordre, naviguant entre les femmes, la littérature, la politique et la folie, il nous donne à
entendre son œuvre, sa vie. Il parle à sa mère, à Flaubert, à Mouche l’héroïne de la nouvelle, à
ses médecins, à son double qui surgit terrifiant...»
- les 24 et 25 janvier 2014 au Théâtre de l’Aventure à Ermont-dans le Val d’Oise
Téléphone: 01 39 59 06 44
http://theatredelepidor.free.fr/Site_de_lEPI_DOR/Theatre_de_lepi_dOr_accueil_-_Maupassant,_portraits_brises_-_Patrice_Fay.html
Chaissac / Dubuffet « Vive l’art, quand il ignore son nom ! »
les 24 et 27 janvier 2014
À l’occasion de l’exposition qui s’est tenue à l’Adresse Musée de La Poste du 28 mai au 28 septembre 2013 « Gaston Chaissac / Jean Dubuffet, entre plume et pinceau » la Compagnie Artépo
a créé, dans une mise en scène de Denis Guénoun, un spectacle d’après la correspondance
qu’échangèrent les deux peintres : Gaston Chaissac - Jean Dubuffet Correspondance 19461964, aux Editions Gallimard.
Au-delà de leur échange artistique, se noue entre le premier, cordonnier in partibus, et le second, fondateur et théoricien de l’Art Brut, un rapport humain singulier mettant en jeu deux
visions du monde qui pendant près de vingt ans se complètent ou s’opposent.
Représentations en 2014 :
- le 24 janvier : spectacle à l’Auditorium Saint Michel aux Sables d’Olonne
- le 27 janvier : lecture spectacle au Studio Raspail à Paris
http://www.spectacles.fr/artiste/compagnie-artepo
http://
www.spectacles.fr/artiste/compagnie-artepo
«La Vénus au Phacochère »
La FIAF, French Institute Alliance Française / Théâtre Florence
Gould Hall de New York, les 5 et 6 février 2014
La Vénus au Phacochère : pièce de théâtre épistolaire et comédie dramatique en français surtitrée en anglais de l’auteur Christian Siméon, dans laquelle l’actrice Alexandra Lamy, seule sur
scène, incarne trois personnages pris le tourbillon d’une Belle Epoque misogyne.
Christian Siméon, lauréat du Prix Durance Beaumarchais SACD, a écrit cette pièce épistolaire
pour le Festival de la Correspondance de Grignan de 2012.
Prix littéraire
Prix Sévigné 2013
Le 4 février 2014, Paris
Remise du Prix Sévigné 2013 le 4 février au Siège social du Groupe La Poste.
Le Prix Sévigné couronne la publication d’une correspondance inédite ou d’une réédition augmentée d’inédits apportant une connaissance nouvelle par ses annotations et ses commentaires, sans limitation d’époque, en langue française, ou traduite d’une langue étrangère.
Cinéma
« La Cicatrice, une famille dans la Grande Guerre»
Le film de Laurent Véray sera diffusé le samedi 1er février 2014 sur France 3 Nord Pas-deCalais Picardie à 15h20, avec une rediffusion prévue le lundi suivant en matinée. Le film sera
ensuite disponible pendant 1 mois sur le site web de France Télévisions.
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Mécénat
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Agenda des actions de
mécénat de la Fondation La
Poste
Fidèle aux valeurs du groupe La Poste, la Fondation soutient l’expression écrite en aidant l’édition
de correspondances, en favorisant les manifestations artistiques qui rendent plus vivantes la lettre
et l’écriture, en encourageant les jeunes talents qui associent texte et musique et en s’engageant
en faveur des exclus de la pratique, de la maîtrise et du plaisir de l’écriture.
Aide à l’édition de correspondances
Hiver 2013
La Correspondance et la construction des identités en Europe Centrale (1648-1848),
Éditions Honoré Champion
Sous la direction de François Cadhilon, Michel Figeac et Caroline Le Mao, membres du Centre
d’Etudes des Mondes Moderne et Contemporain (Université de Bordeaux 3) qui développe depuis
plusieurs années des liens avec l’Europe Centrale, et des recherches sur l’histoire des élites et les
écrits du for privé.
« En quoi les correspondances sont-elles le lieu de l’affirmation d’un individu ou d’un groupe, de la
définition d’une identité, qu’elle soit religieuse, linguistique, professionnelle… voire nationale ?
C’est à cette épineuse question que s’attache cet ouvrage, en portant le regard sur un espace
vaste, aux contours flous : l’Europe centrale, de 1648 à 1848 , des traités de Westphalie au Printemps des Peuples. En un temps où s’épanouissent les correspondances privées et où la lettre reste
le principal vecteur de communication, l’usage du français dans les relations épistolaires des élites
donne une unité à l’objet étudié et permet la rencontre entre chercheurs de France et d’Europe
Centrale… le présent ouvrage s’articule en quatre thèmes : la construction des identités nationales,
la diplomatie, la construction des savoirs, la construction de l’individu. »
« Épistolaire », revue de l’A.I.R.E (Association Interdisciplinaire de Recherche sur l’Epistolaire) n° 39, actes du colloque « Diderot et la correspondance », Librairie Honoré
Champion
À l’occasion du tricentenaire du philosophe, un colloque international sur la correspondance de
Diderot s’est tenu à l’Université Toulouse II Le Mirail en mars 2103.
Les différentes facettes de Diderot épistolier sont explorées, ses interlocuteurs sont nombreux
(Sophie Volland, mais aussi Grimm, la famille, Catherine II, les cercles russes, les amis…). Dans un
siècle où l’échange est privilégié, Diderot, grand communicant, occupe une place prépondérante.
http://www.epistolaire.org/
Correspondance René Daumal - Léon-Pierre Quint 1927-1942, Ypsilon Éditeur
Publication de 235 lettres inédites, préface de Billy Dranty, établissement du texte et annotations
de Bérénice Stoll.
Éditeur et écrivain, Léon-Pierre Quint (1895-1958) est une figure importante dans l’histoire littéraire de la première moitié du XXème siècle.
Directeur des Editions du Sagittaire pendant plus de vingt ans, il connut Proust et Gide auxquels
il consacra des ouvrages, contribua à lancer le mouvement surréaliste en publiant le Manifeste
d’André Breton, et soutint la revue Le Grand Jeu dont René Daumal est l’un des fondateurs. Sa correspondance avec ce dernier constitue un document exceptionnel sur la relation des deux hommes
et la vie intellectuelle dans les années de l’entre-deux-guerres.
http://ypsilonediteur.com/
Écrire d’amour à 20 ans, Éditions À dos d’âne
La date du lancement est prévue le samedi 15 février de 16h à 18h, pour la Saint Valentin au
Musée des Lettres et Manuscrits.
Anthologie de lettres d’amour pour jeunes lecteurs réunissant des lettres de poètes, artistes, musiciens, chanteurs, scientifiques…. Et aussi des lettres de poilus.
Correspondances choisies par Gwenaëlle Abolivier
Correspondance entre Jean Dubuffet et Valère Novarina « Personne n’est à l’intérieur de
rien », Éditions L’Atelier contemporain (Strasbourg)
Correspondance tenue de 1978 à 1985, préfacée par l’universitaire Pierre Vilar, spécialiste des
échanges poésie-peinture.
L’ouvrage, constitué de l’édition complète des lettres échangées entre les deux artistes (quelquesunes – moins d’un quart de l’ensemble – étaient parues dans les écrits de Jean Dubuffet publiés
20
Mécénat
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
chez Gallimard), est augmenté de documents : l’entretien que Dubuffet donna à Novarina pour un numéro de
revue, les préfaces que le peintre écrivit pour le premier livre de l’auteur de théâtre, des textes, enfin, que
celui-ci donna en hommage. Le tout est illustré de photographies : reproductions de lettres, d’enveloppes, de
cartes postales ou de dessins que les artistes se sont mutuellement offerts.
Manifestations artistiques qui rendent
plus vivantes la lettre et l’écriture.
Hiver 2013
« Maupassant, Portraits brisés » / Théâtre de l’Epi d’or
Création d’un spectacle littéraire adapté de la correspondance, des chroniques et des œuvres de Guy de Maupassant par Patrice Fay dans une mise en espace de Micheline Zederman.
- les 24 et 25 janvier 2014 au Théâtre de l’Aventure à Ermont-dans le Val d’Oise
http://theatredelepidor.free.fr/Site_de_lEPI_DOR/Theatre_de_lepi_dOr_accueil_-_Maupassant,_portraits_
brises_-_Patrice_Fay.html
Raconte-moi mon Histoire, Il y a 100 ans : la Grande Guerre – Centenaire 1914-18 – Réponses aux
Lettres de Poilus / ARPEJ Association de promotion de la presse à l’école, de septembre 2013 à juin 2014.
Il s’agit de permettre aux élèves du plus grand nombre d’établissements d’écrire sur le Conflit et sa Mémoire.
L’oeuvre phare du projet est le Concours de Réponses aux Lettres de Poilus que l’ARPEJ a établi avec la Fondation Varenne. Les textes des élèves seront publiés dans un recueil national à paraître à l’automne 2014.
http://pressealecole.fr/2013/01/raconte-moi-mon-histoire-comment-ecrire-un-article/
....
Lettres du Pays / Pays de Loire-Beauce de 2012 à 2014. L’association Les fous de Bassan à Beaugency
en collaboration avec les postiers de la région, met en place un projet culturel en milieu rural qui s’échelonne
sur trois ans (quarante communes sont concernées). La population qui demeure ou travaille dans le Pays
Loire-Beauce est invitée à écrire une ou des lettres pour parler du pays.
Certaines de ces lettres seront confiées à des artistes qui apporteront une réponse artistique en 2013.
Point d’étape :
- Année 2012 : 437 Lettres (toutes les Lettres spontanées, numériques, manuscrites, cartes postales) ont
été prises en compte ont été réceptionnées, toutes consultables sur la rubrique TOUTES LES LETTRES du site
http://www.lettresdupays.com
- Année 2013 : réponses artistiques, lectures-concerts et organisation des manifestations de 2014.
40 Lettres ont été transmises à 40 artistes et artisans d’art du Pays Loire Beauce et d’ailleurs, officiant dans
des disciplines diverses : littérature, musique, arts plastiques, céramique, couture, photographie, vidéo, gravure de pierre, verrerie… Chaque réponse prend en compte la spécificité de l’élément au cœur de la Lettre et
la façon dont l’expéditeur l’a mis en mots.
Durant cette phase la représentation de lectures-concerts conviviales et festives, diffusées dans 12 communes
du Pays Loire Beauce, a permis à la population de goûter quelques LETTRES du PAYS interprétées, lues et
chantées par 3 comédiens et un musicien
Engagement en faveur de l’écriture pour tous.
Projets solidaires
« Se souvenir des belles choses » Association II mots en Images, Perpignan de juillet 2012 à
juillet 2014. L’association met en place des ateliers hebdomadaires d’écriture & vidéo « De l’exil à l’image»
avec des personnes malades d’Alzheimer accueillies au centre thérapeutique de jour Le Grand Platane à Perpignan.
L’objectif du centre d’accueil, qui assure une prise en charge individualisée des malades, est de favoriser leur
maintien à domicile, retarder leur entrée définitive en institution et rendre profitable le temps gagné pour
eux-mêmes et leur famille.
« La maladie d’Alzheimer étant une maladie dégénérative qui implique la disparition de la mémoire, et l’écriture, comme le cinéma, étant des moyens de retenir ce que le temps ou la maladie effacent, il nous semble
essentiel de “fixer” cette partie d’eux-mêmes qui peu à peu leur échappe. »
21
Mécénat
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Ce projet est développé en collaboration avec les soignants du centre d’accueil et il est mené avec l’accord et
l’engagement des familles.
Dans un premier temps, les personnes malades s’immergent dans l’univers du cinéma, en regardant des séquences de films faisant appel à leur mémoire intime et collective.
Puis la deuxième étape consiste à écrire une lettre manuscrite sur un ou des sujets qui leur sont chers et d’en
choisir les destinataires. Cette écriture se fait au fil du temps, chacun a son cahier de notes qu’il remplit au
fur et à mesure.
Enfin, la dernière étape consiste, elle, à mettre cette lettre en image et en son.
Réalisation de 6 lettres vidéo de 6’ chacune et d’un film de 13’ comprenant divers témoignages.
Les ateliers sont menés par Elsa Piat, psychologue, Anne-Marie De Franssu, réalisatrice et Claude Fages,
écrivain.
Association Ambassadeurs du Parc National de La Réunion, de mai à novembre
Projet présenté par des postiers de La Réunion. L’association a pour double objectif de valoriser le patrimoine
réunionnais et d’accompagner des personnes en difficulté face à la lecture, l’écriture et le calcul. Ce projet
s’adresse à 5 personnes en situation d’apprentissage, qui ont déjà suivi des cours de remise à niveau dispensés par des postiers.
L’une d’entre elles détient des recettes de cuisine, et l’objectif est de les écrire, les mettre en page et les publier dans un livre de recettes illustré par des enfants.
Association Loisirs-Evasion-Mascareignes / La Réunion de septembre à décembre.
L’association située à Sainte Clotilde organise des loisirs éducatifs sur le temps scolaire et le temps libre des
enfants et des jeunes. Les animations proposées tournent autour de l’écriture, des arts plastiques, du conte,
des activités scientifiques et techniques. Le projet éco-citoyen « Piton de la Fournaise, mon Volcan » s’adresse
à 35 enfants de 10 à 12 ans, d’une école primaire de Sainte-Marie (27 élèves d’une classe et 8 enfants pendant leur temps de loisirs).
La commune de Sainte Marie se trouve dans les hauts de l’île, à l’écart de l’activité socio-culturelle de SainteClotilde. L’objectif est de sensibiliser ces jeunes au patrimoine de leur île, classée Patrimoine Mondial de l’Humanité en 2010, et à l’importance et l’intérêt de le préserver.
Les enfants encadrés par l’équipe enseignante doivent écrire un conte en français sur le thème du Piton de
la Fournaise. Les ateliers d’écriture sont précédés de recherches sur les mythes liés à l’histoire du volcan, et
d’une sortie sur le site avec des éco-gardes du Parc National de la Réunion.
Les contes imaginés sont illustrés et publiés, les planches réalisées sont exposées.
Association Ensemble à Nancy / « D’un espace à l’autre » La Maison et son jardin / de septembre
2013 à février 2014. La Maison et son jardin est depuis 1993 un lieu d’accueil situé dans un quartier sensible
de l’agglomération de Nancy, qui, dans le cadre de rénovation urbaine, sera détruit fin 2013. La Maison et son
jardin intègrera alors un nouveau bâtiment et sera partagé avec d’autres acteurs locaux. Les habitués regrettent de devoir quitter ce lieu, et le déménagement génère des tensions et des angoisses liées au changement,
et à la peur de ne plus retrouver les mêmes personnes...
L’équipe professionnelle souhaite faciliter l’arrivée dans les nouveaux locaux, et envisage d’accompagner les
habitants en les invitant à verbaliser puis écrire ce qu’ils ressentent vis-à-vis du lieu : souvenirs, histoire...
Les textes et poèmes, agrémentés de dessins et photos constituent la matière d’un recueil qui sera publié
et distribué à chacun. Un DVD retraçant la vie de la maison leur sera également offert. Les ateliers pour la
réalisation du livre s’échelonnent de septembre à décembre. La finalisation du projet avec la distribution des
livres et DVD est envisagée pour févier 2014.
http://www.association-ensemble.fr/
Atelier de théâtre créatif « De la prison à l’Odéon » / soutenu par l’association Léo Lagrange /
Maison d’arrêt de Fleury Mérogis, de septembre 2013 à mars 2014.
Sylvie Nordheim anime des ateliers d’écriture créative à la Maison d’arrêt de Fleury Mérogis. A partir d’improvisations autour d’un thème commun, douze personnes, détenues en longue peine, réparties en deux ateliers
écrivent deux pièces reliées par un même fil conducteur, lesquelles composeront un spectacle en deux actes.
- en mars 2014, restitution du spectacle au Théâtre de l’Odéon : le théâtre met une scène à disposition pour
accueillir un plus large public et faire découvrir le travail aux médias. Tout au long de l’année, l’Odéon missionne des membres de l’équipe artistique, comédiens, metteurs en scène, scénographes qui viennent parler
à Fleury-Mérogis de leurs métiers.
Association MACAO Ecriture(s) Paris 13ème, de septembre 2013 au printemps 2014.
Dans le cadre de la Politique de la Ville, l’association propose à l’Espace de Vie Sociale L’Escale :
- des ateliers d’écriture destinés aux jeunes et adultes de 11 à 70 ans. En réponse aux besoins d’information,
de communication et de partage intergénérationnel, les participants rédigent un journal de quartier trimestriel, le « Journal de l’Amiral »distribué dans les 650 boîtes aux lettres des résidents. Ateliers bimensuels d’une
durée de 2 heures.
- le projet « Au Pied de la Lettre » art postal et correspondance.
Cette action développe un lien de correspondance entre les habitants (une quinzaine de personnes) et des
artistes. L’objectif des ateliers d’écriture et d’art postal étant de créer des cartes postales rédigées et des
enveloppes qui seront adressées aux artistes. Ceux-ci, intervenants qualifiés en art thérapie, apporteront une
réponse.
http://www.macao-ecritures.com
22
Mécénat
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Association Elan Retrouvé / Fontenay aux Roses, de septembre 2013 à juin 2014.
Le Centre Psychothérapique de Jour de Fontenay aux Roses accueille des enfants et des jeunes autistes ou
souffrant de troubles envahissants du comportement.
L’activité «Mini Journal» est destinée à 22 enfants et jeunes de 8 à 18 ans : il s’agit de créer un journal comprenant divers articles selon les centres d’intérêt des participants.
Les ateliers de 2h00 par semaine sont encadrés par l’équipe d’éducateurs et une intervenante extérieure.
Certains enfants apprennent à se servir de l’ordinateur pour écrire leurs textes.
Faire le récit des activités qui se déroulent au cours de l’année, illustrer les textes par des photos… fait naître
chez ces enfants fragilisés le sentiment d’appartenance à un groupe, permet des références à un passé commun, et favorise entre eux les échanges : lecture réciproque des articles auxquels ils ont participé, affirmation
de leurs goûts, musicaux ou autres.
Parmi les enfants qui participent au Mini Journal, 5 pourront réintégrer le circuit scolaire.
http://www.elan-retrouve.fr/elan-retrouve-presentation.php
Association L’Aire à mots, Paris, de septembre 2013 à juin 2014.
L’association créée en 1997 propose entre autres sur une année scolaire des ateliers « d’écriture inventive,
et d’arts plastiques ».
Public visé : 10 enfants et 12 jeunes (7/12 et 12/16 ans) du 10ème arrondissement de Paris (quartier des
Portes Saint Denis et Saint Martin) et arrondissement limitrophes.
http://www.aireamots.com/
Association Prado Rhône Alpes / Du slam, pour l’écrire et le dire, de septembre 2013 à juin 2014
L’association Prado Rhône Alpes regroupe 19 établissements de protection et d’insertion d’enfants, adolescents et jeunes adultes de 4 à 18 ans, victimes de maltraitance, en souffrance sociale ou psychologique, ou
en prise avec un environnement délinquant. Les structures sont implantées dans les départements de l’Ain,
l’Allier, l’Ardèche, l’Isère, la Loire et le Rhône, elles interviennent dans les domaines de la Protection de l’enfance et de la Protection judiciaire de la jeunesse.
L’un des établissements L’Autre Chance, se trouve à Fontaines Saint Martin dans le Rhône près de Lyon.
Le projet « Du slam, pour l’écrire et le dire » concerne dix jeunes de 14 à 17 ans qui viennent de différents
pays : France, Afghanistan, Angola, Cameroun, Congo, Somalie, Mali et Tchad.
Ces jeunes en décrochage scolaire rencontrent des difficultés avec les savoirs de base, dans la définition de
leur avenir et leur projet professionnel.
La musique apparaît comme un support sans frontières pour aborder la culture, l’histoire, la géographie, le
vocabulaire.
Encadrés par l’équipe éducative et des intervenants professionnels, les ateliers d’écriture se déroulent de
janvier à mars. Ces ateliers sont suivis de séances d’enregistrement, de la réalisation de CD remis aux jeunes
et d’une restitution publique en juin 2014.
http://www.prado.asso.fr/home.html
Association ACERMA – Atelier d’écriture spontanée / Paris 19ème de septembre 2013 à août
2014. L’association ACERMA se situe à l’interface du soin et de la vie citoyenne grâce à des activités aidant
des personnes à retrouver leur place dans la société, avec leur différence. En complément des soins médicopsycho-sociaux, l’association propose des ateliers créatifs ciblés sur les déterminants et les conséquences.
Elle est en lien avec les structures de soins qui informent les malades des actions menées.
Les patients sont accueillis individuellement, guidés pour s’inscrire aux activités adaptées et être accompagnés ensuite par la dynamique de groupe.
« Il s’agit là d’un maillon essentiel entre le soin et les activités des centres culturels, c’est le pont entre la
maladie et la vie. »
Une autre particularité de l’ACERMA est d’ouvrir les activités à tout public car la mixité est un moteur essentiel pour les personnes issues du soin, associant stimulations, motivation, et contribuant à un changement
de regard du public sur les addictions. De fait, cette approche originale contribue à la prévention à différents
niveaux. L’atelier Ecriture spontanée accueille 5 à 12 participants et se tient tous les mercredis de 19h30 à
22h. Il tend à favoriser l’expression écrite, comme elle vient, dans la confiance.
Il n’y a pas de recherche de « beau » littéraire, ni de « bien ». On s’aide de jeux pour faire démarrer les stylos,
on écrit seulement pour le plaisir. On lit (si on veut) ce qu’on a écrit et on en parle ensemble, sans jugement.
Il n’y a pas de nécessité d’assiduité, chaque séance est autonome.
http://acerma.org
Association Uni’Sons, Montpellier quartier de La Paillade, de septembre 2013 à août 2014.
Uni’Sons propose depuis 12 ans des ateliers d’écriture et de musique hip hop aux jeunes de 12 à 25 ans. Les
jeunes bénéficiaires sont bien souvent en rupture de confiance avec les institutions scolaires.
Uni’Sons propose à la fois une forme d’expérience artistique et éducative.
Les jeunes doivent écrire un texte et exprimer leurs ressentis.
En compagnie des animateurs ils échangent, expriment, écrivent avec un objectif : enregistrer un morceau en
studio, le graver sur un CD qui leur est offert.
L’association travaille avec des centres de réinsertion pour jeunes déscolarisés.
http://www.ot-montpellier.fr/annuaire/association-uni-sons.html
Compagnie Mises en scène Avignon, « La Parabole des papillons » à partir de l’automne 2013
Ce projet est mené avec les habitants des Quartiers Montclar et Champfleury.
Pour La Parabole des papillons des ateliers de parole ont été menés pendant quatre mois avec une centaine
de femmes qui ont évoqué leurs rapports à leurs voisins, à leur intérieur, à leurs enfants, aux hommes, à leur
mari, à leurs parents, à leur corps. Le spectacle retracera cela, « l’être femme » de la petite fille à la vieille
23
Mécénat
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
femme, de la femme du quotidien aux grandes figures mythiques, théâtrales ou politiques.
Un autre pan de ce travail a été réalisé avec de jeunes hommes. Depuis deux ans Cheikh Sall (directeur artistique de la compagnie Croisements) conduit à Mises en scène un projet de percussion corporelle. Ce projet, La
fanfarumaine, implique une centaine de participants composés de jeunes et d’adultes des différents quartiers
de la ville d’Avignon.
Cinq jeunes hommes issus de La fanfarumaine seront intégrés à La Parabole des papillons. Les enjeux sont
multiples : donner à entendre des paroles de femmes, qu’ils n’ont pas l’habitude d’avoir au quotidien, à des
jeunes gens qui pour la plupart pourraient être ou sont leurs fils ou petits-fils et mettre en valeur une danse
urbaine actuelle et populaire, peu considérée malgré la grande technicité qu’elle requiert.
- du 5 au 9 juillet 2013 à l’Auditorium du Grand Avignon – Le Pontet : restitution de la parole des ateliers
transcrite en une parole théâtrale.
Un atelier d’écriture est proposé aux vingt participant(e)s non professionnel(le)s de La Parabole des papillons,
à partir de l’automne 2013. C’est pour la compagnie un moyen d’accompagner les personnes, d’évaluer son
travail, et de mesurer la pertinence de sa démarche de co-construction.
Le travail est conduit par Michèle Addala et Gilles Robic avec lesquels une complicité s’est nouée. Lors de
plusieurs rendez-vous, ils accompagnent, soutiennent les participant(e)s dans la rédaction d’une lettre relatant leur expérience et qu’ils/elles adresseront à la personne de leur choix, l’occasion d’engager pour eux une
correspondance épistolaire.
Ces textes seront lus, récités, joués, interprétés dans le cadre le cadre du colloque retraçant les parcours et
les trajectoires des participant(e)s impliqué(e)s dans des expériences telles que celles menées ici. Ce colloque
est préparé par Mises en scène pour 2014 en partenariat avec Art Vivant Vaucluse, la Mission locale du Grand
Avignon et le soutien de la Caf de Vaucluse.
120 heures d’ateliers d’écriture pour les participants.
La restitution publique des écrits permettra aux citoyens d’Avignon de rencontrer cette population de leur
ville, que l’on n’entend que trop peu. Les représentations du spectacle La Parabole des papillons participent
de cette même volonté de rencontre des citoyens avignonnais. Le colloque sera l’occasion d’interpréter une
nouvelle fois devant le public.
http://www.misesenscene.com/
Ateliers d’écriture civilité / incivilités / Maison de la Jeunesse et de la Culture du Pays de Meaux
du 11 novembre 2013 au 30 juin 2014
La MJC de Meaux prépare des ateliers d’écriture pour des élèves de CM1 d’une école située en ZUS.
Pour réduire les actes d’incivilité au sein de l’école Alain 1, l’équipe pédagogique, constituée d’une intervenante de théâtre, de l’institutrice de la classe de CM1, et de la coordinatrice de projet de la MJC, propose aux
écoliers d’écrire des correspondances théâtralisées sur le thème de la civilité : conseils et recommandations
concernant les principes de savoir-vivre, respect, sociabilité.
Les enfants lisent ces lettres par groupes de deux. Pour que la lecture soit animée, les écoliers mettent en
scène des comportements d’incivilité : impolitesse, agressivité verbale, chahut, etc… qui justifient l’écriture
de ces lettres.
Parents et proches participent à cette action en réalisant des décors et costumes.
Deux représentations publiques seront données, une à l’école Alain 1, une autre dans une salle de spectacle
pour les habitants du quartier ZUS de Beauval.
Les ateliers auront lieu au centre municipal Louis Aragon de Meaux, de 17h30 à 18h30 le lundi pour le premier
groupe et le mardi, mêmes horaires, pour le deuxième groupe.
Ateliers d’écriture / Association Libreplume , Bayonne de décembre 2013 à mars 2014
L’association Libreplume, implantée sur le territoire de la ZUP de Bayonne œuvre à la promotion de la littérature jeunesse et propose notamment depuis plusieurs années dans les aires d’accueil des gens du voyage des
interventions hebdomadaires autour de la lecture.
Elle organise les 14 et 15 mars 2014 à Bayonne, à l’occasion du Printemps des Poètes, la Fête du livre Petit
Bouquinville. En amont de cette manifestation, de décembre à mars, l’association met en place des ateliers
hebdomadaires ludiques d’écriture poétique destinés à deux groupes d’enfants :
- un premier groupe de l’aire d’accueil des gens du voyage de Capbreton (sud des Landes)
- un deuxième groupe de la Fédération Syndicale des Familles de Bayonne Nord.
Les enfants échangeront une correspondance et se rencontreront lors de la Fête du livre Petit Bouquinville où
leurs travaux seront exposés.
Atelier d’écriture Le dire pour agir / Fédération du Secours Populaire Français Clermont-Ferrand
d’octobre 2013 à septembre 2014
Les antennes du Secours Populaire de Clermont-Ferrand reçoivent des personnes en situation de précarité,
percevant ou non des minimas sociaux. Un ensemble d’ateliers a été mis en place, et notamment depuis
octobre 2011 un atelier d’écriture « Le dire pour agir ». Les participants sortent de leur isolement, de leur
découragement, acceptent les sorties culturelles ou festives proposées, et plusieurs s’engagent ensuite à leur
tour en prenant part aux actions de solidarité que mène le Secours Populaire en cours d’année : collectes,
brocantes...
Deux animateurs bénévoles conduisent les ateliers : un écrivain public et une retraitée. Les personnes racontent et écrivent ce qu’elles ont sur le cœur, ce qu’elles pensent, ce qu’elles veulent ou ne veulent plus. Outre
le bénéfice qu’apportent l’expression écrite et la prise de parole en groupe, ces séances permettent aux animateurs de déceler plus précisément les difficultés (santé, surendettement…), d’orienter les personnes vers
les structures appropriées, et de mieux les soutenir.
Deux ateliers par semaine de 2h00, fréquentés en moyenne par une vingtaine de personnes.
https://www.google.fr/#q=secours+populaire+francais+clermont+ferrand
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Mécénat
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Ateliers d’écriture / Ville de Lens, d’octobre 2013 à juin 2014
Dans le cadre de ses actions visant à rendre la culture plus accessible à des publics qui en sont éloignés, la
Ville de Lens organise des ateliers dans une optique d’égalité des chances :
1/Ateliers d’écriture et de paroles « La Première Guerre mondiale » conduits par Pierre Outteryck
auteur, professeur agrégé d’histoire.
Ecriture sur la mémoire des familles, de la ville et de la région. Projection du film « Joyeux Noël » au cours
d’une des séances pour nourrir la réflexion sur le thème de la solidarité.
Public : bénéficiaires et bénévoles des Restos du Cœur
10 séances de deux heures à partir du mois de d’octobre 2013
2/Ateliers d’écriture et de paroles « Le regard de l’autre » menés par Philippe Masselot, auteur régional dans le cadre de l’exposition de photographies « Regards croisés sur la précarité » réalisée par l’Association Pour la Solidarité Active, présentée au Théâtre Municipal Le Colisée du 6 mai au 17 mai 2014.
Les textes produits sur le thème de la précarité donneront lieu à une restitution lors de l’exposition.
Public : adultes et jeunes hébergés à la Maison d’accueil –CHRS Schaffner
10 séances de deux heures à partir d’octobre 2013
3/Ateliers d’écriture et de paroles « Correspondance de guerre 1914-1918 » par La Compagnie,
structure professionnelle pluridisciplinaire (théâtre, musique, vidéo) créée en 1993
Thème : dramatique radiophonique autour de la correspondance de guerre amoureuse, familiale ou amicale
Présentation aux participants du métier de l’acteur, du jeu, de la mise en scène, de la mise en voix, écoute
d’extraits poétiques avant de passer à l’étape de d’écriture.
Les travaux d’écriture terminés, lecture à voix haute et enregistrement avec créations d’ambiances sonores.
Remise d’un CD audio à chaque participant à l’issue de l’atelier. .
Public : personnes du Centre Social Multisites
15 séances de deux heures de janvier 2013 à juin 2014
Les participants de ces trois ateliers auront accès à :
- la Médiathèque pour les recherches documentaires
- au Théâtre du Colisée où ils assisteront au spectacle « Ceux de 14 » d’après le texte de Maurice Genevoix
– Compagnie La Parole du Corps, le 15 avril 2014
- au vernissage de l’exposition « Regards croisés sur la précarité ».
Ateliers hebdomadaires, soit 34 séances
Africultures présente le projet d’un « Roman-photo : Belleville en bulles », du 31 octobre 2013 à
novembre 2014
Le projet associe un groupe de 15 jeunes de 16 à 25 ans suivis par l’association Savoirs pour réussir et la
rédaction d’Afriscope dans la réalisation d’un roman-photo en épisodes qui sera publié dans le magazine bimestriel Afriscope.
La réalisation du « Roman-photo Belleville en bulles » et sa publication dans le magazine Afriscope répond
aux objectifs suivants :
- Permettre à une quinzaine de jeunes en situation d’illettrisme d’appréhender avec plaisir l’écriture et la lecture, à travers une approche ludique liant pratique de l’écrit, jeu d’acteur et photographie.
- Redonner confiance à ces jeunes en situation d’échec dans leur rapport à la lecture et l’écrit, en les valorisant
par une activité créatrice dont le résultat est publié dans un média et largement diffusé.
- Encourager leur capacité à s’approprier un projet et à transmettre une parole, collective ou individuelle.
- Susciter l’envie pour ces jeunes de développer des projets de formation professionnelle mobilisant leurs
compétences écrites, scéniques et photographiques.
- Lutter par une production culturelle contre les préjugés dont peuvent faire l’objet les personnes en situation
d’illettrisme.
- Valoriser et renforcer les liens entre ces jeunes et les habitants et le réseau associatif du quartier de Belleville.
- du 31 octobre au 19 décembre : atelier d’écriture
8 séances, tous les jeudis
- du 9 janvier 2013 à début avril 2014 : prises de vue et montage
- en mai 2014 : publication du roman-photo sous la forme d’un livret
- en novembre 2014 : publication du roman photo sur 3 numéros du magazine Africoscope
Ateliers d’écriture / Maison Thérapeutique du Collégien et du Lycéen Etienne Gourmelin Quimper,
de mi-septembre 2013 à fin juin 2014
La Fondation soutient les ateliers d’écriture de la Maison Thérapeutique du Collégien et du Lycéen depuis sa
création en 2009. Le bilan est très positif car les adolescents participant à cet atelier sont mieux préparés à
suivre le travail thérapeutique et les relations avec l’équipe soignante s’améliorent sensiblement.
Ces ateliers sont reconduits pendant l’année scolaire 2013-2014.
L’animation en est assurée par un orthophoniste, Mr Boussard, qui propose de continuer à utiliser la bande
dessinée comme moyen d’expression.
La base reste l’écrit : écriture du scénario, des dialogues et des situations.
Chaque participant développe son propre texte en bande dessinée, après en avoir choisi le thème, au cours
d’une séance de recherche de projet. Aucun prérequis en dessin n’est exigé.
Cette approche de l’atelier se révèle intéressante pour les patients car :
- la bande dessinée est souvent l’une de leurs références,
- des règles s’imposent pour passer de l’écrit au dessin (apprentissage des codes)
- nouveau mode de communication
- importance de l’aspect ludique
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Mécénat
Florilettres > numéro 150, édition décembre 2013
Auteurs
Nathalie Jungerman (ingénierie éditoriale
et rédactrice en chef indépendante)
Corinne Amar, Élisabeth Miso, Gaëlle Obiégly
ISSN 1777-563
[email protected][email protected]
ÉDITEUR FONDATION D’ENTREPRISE LA POSTE
44 boulevard de Vaugirard
Case Postale F603 75757 Paris Cedex 15
Tél : 01 55 44 01 17
[email protected]
http://www.fondationlaposte.org
[email protected]
fondation.laposte
@laposte.fr
L’équipe de FloriLettres vous souhaite
une excellente année 2014 !
Huile sur toile. © N. Jungerman, 2013
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