Note économique Armateurs de France – 1er trimestre 2016
Le coup de frein des trafics conteneurisés
Sur le marché de ligne régulière conteneurisée, les taux de fret déjà moroses pourraient subir de nouvelles
érosions. Les armateurs ont fait tout leur possible pour réduire leurs coûts d’exploitation et leur marge
de manœuvre semble très limitée face à une potentielle baisse des taux prévue sur le marché. Le
désarmement des navires, déjà amorcé au niveau mondial, pourrait se prolonger. Selon Drewry Shipping,
les pertes enregistrées par les acteurs de lignes régulières conteneurisées devraient atteindre 5 milliards
de dollars en 2016 (contre 19,4 milliards de dollars au pire de la crise en 2009). Les échanges entre Asie
et Europe ont été particulièrement touchés avec des volumes à la baisse pour la deuxième fois seulement
depuis le début de la conteneurisation. Conséquence logique de la fragilisation des acteurs du marché, la
consolidation des armements s’annonce inévitable, entraînant sans doute la constitution de nouvelles
alliances qu’il sera intéressant de surveiller dans les mois à venir. La consolidation entraînera
certainement une augmentation de la productivité individuelle des différents acteurs mais la capacité
mondiale restera inchangée et il faudra bien trouver un moyen de réguler l’offre. Pour l’instant, le faible
coût du pétrole permet de pallier une partie du déclin mais des résultats financiers négatifs pendant une
période de plusieurs mois peut encore accélérer le phénomène de désarmement. Selon les statistiques
de Lloyd’s List Intelligence, 4,7% de la flotte mondiale de porte-conteneurs n’avait pas d’affectation en
Janvier 2016.
Ces vagues de désarmement observables actuellement ne sont pas sans rappeler celles de 2009 à la
différence près que la flotte désarmée actuellement est aussi composée de grands porte-conteneurs, ce
qui est un phénomène nouveau.
Selon Alphaliner, début mars 2016, 55 porte-conteneurs de 7 500 à 19 000 EVP sans affectation
auraient été désarmés.
Les suspensions des lignes reliant l’Asie à l’Europe ont inévitablement poussé les principales alliances du
secteur à gérer leur offre de capacité. L’impact est moins fort sur les échanges maritimes entre Asie et
Amérique du Nord qui bénéficient d’une faible croissance. Les escales du CMA CGM Benjamin Franklin
sur les ports de la côte Ouest américaine ont été largement médiatisés mais cela ne doit pas masquer
que même les plus grands ports américains ne sont pas encore tout à fait prêts à accueillir les plus
grands navires du monde et que les plus grands porte-conteneurs qui y accostent ont une capacité
moyenne de 13 500 TEU. Les statistiques d’Alphaliner montrent que 400 000 EVP de démolition doivent
être attendus sur l’année 2016, ce qui ne représente qu’un tiers de la capacité des navires neufs qui
doivent être livrés dans l’année (1,25 millions d’EVP). La capacité de la flotte mondiale devrait donc
encore augmenter (+4,3%) bien au-delà des prévisions de croissance du secteur (+1% de demande).
La bonne dynamique des croisiéristes
Si le transport maritime de marchandises connaît une période très difficile, il en va autrement pour le
transport de passagers et notamment pour les croisiéristes. Malgré les incertitudes économiques et la
montée de la menace terroriste, l’industrie de la croisière continue à se développer à un bon rythme.
Cette dynamique atteint des sommets puisque jamais, dans l’histoire du secteur, les investissements
n’ont été à un tel niveau. A titre d’exemple, lorsque la plupart des armateurs doivent faire face à des
réductions de marge et à des coupes budgétaires, la compagnie internationale MSC Croisières annonce
un plan d’investissement de 5,1 milliards d’euros. L’objectif est de doubler la capacité, passant de 1,7
millions de passagers transportés en 2015 à 3,4 millions en 2022. La France est d’ailleurs l’une des cibles
prioritaires du groupe italo-suisse puisqu’une campagne publicitaire de l’ordre de 15 millions d’euros pour
l’Hexagone a déjà été annoncée.