L`imaginaire numérique et les formes communicatives

L’imaginaire numérique et les formes communicatives
Fabio LA ROCCA
Université Paul-Valéry Montpellier III
fabio.la-rocca@univ-montp3.fr
Communiquer, cest entrer dans l
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The technique is one of the sensible characteristics of the relation with the world. In the paradigmatic
trajectory, we can detect how the technique is the expression of a mutation in different manners that influence
the communication and renovate the individual perception and the way we visualize the world. We must
consider the technique as a key to comprehend the essence of the human being; so from a phenomenological
and epistemological point of view, this is bound to have a highly significant impact on the way we organize
knowledge ontologically and how this relation to the technique and its apparatus is an existential condition,
an interface conditioning the way of social communication and relation in the daily life.
Keywords: technology,communication,knowledge,visualization.
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Le processus de connaissance se fonde sur une évolution « temporelle » qui lie
ensemble culture, société et savoir. À chaque époque correspond un type particulier de
pensée, une façon de voir le monde qui trouve ses fondements dans les révolutions
scientifiques et dans les changements de paradigme. Ces derniers, en suivant l’approche
théorique de Thomas Kuhn, influencent la manière à travers laquelle nous voyons les choses
et, par conséquent, l’action de voir le monde à travers autres yeux. Cela signifie quaprès une
volution scientifique, on réagit de manière à pouvoir sadapter au « nouveau » regard, à la
« nouvelle » vision du monde qui émerge. Ce discours est valable naturellement aussi pour le
progrès de la technique et de ses instruments qui conditionnent la manière de communiquer et
de s’informer. C’est dans cette direction que nous pouvons mettre l’accent sur l’évolution de la
technique du point de vue des changements épistémologiques, puisquelle favorise et adapte les
instruments du voir. La réflexion sur la technique et lévolution technologique sélargit aussi
aux instruments et appareils de la communication, aux subjectivités « numériques », au contexte
historico-social et culturologique. C’est-à-dire, nous ne sommes pas dans un champ historique
restreint mais, au contraire, dans une situation de grande ouverture dhorizons de la pensée et de
la connaissance liée à des facteurs de changement influençant le vécu qu’il faut apprendre à
voir sous multiples points de vue. La technique alors nous aide à structurer le monde au
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travers des artefacts, instruments, appareils et vision quelle produit; et en même temps à
travers les effets quelle génère sur le comportement, l’existence, le savoir et donc les
situations sociales et culturelles issues des formes communicatives. À chaque mutation de la
technique saccompagne une variation de la pensée et des modes de voir le monde, et aussi du
tressage des relations et interactions sociales à comprendre comme la conséquence directe de
l’adaptation de l’homme à latmosphère ambiante de lépoque. Cela représente la base à partir
de laquelle il faudra partir pour comprendre et interroger les changements que notre monde
actualise en permanence; pour comprendre comment la connaissance se forme et ré-forme
dans son effort dactualisation et ajournement à l’esprit du temps, de quelle manière se
développent et évoluent les formes de communication, quelles sont les caractéristiques socio-
culturelles qui émergent dans la scène numérique informative et comment nous donnons
vision et communiquons notre vécu dans les formes habitatives contemporaines.
Esprit du
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mps
Dans une optique « climatologique » qui nous est chère, cest-à-dire dajournement ou
de mise à jour de la pensée au climat social et culturel dans lequel nous sommes immergés,
chaque medium ou appareil change selon une évolution technique qu’il est possible
d’interpréter comme un processus de dévoilement du monde, une mise à nu du vécu il suffit
de penser dans cette direction aux effets du cinéma et de la photographie. La perception du
vécu, de fait, nest jamais indépendante dune certaine structure technique d’instruments mis à
disposition nous permettant d’ « agrandir » le réel au quotidien cela est un des sens
symboliques que nous pouvons, par exemple, attribuer à la photographie dans l’ici et
maintenant du vécu. En son temps Martin Heidegger a bien mont comment l’essence de la
technique réside dans la modalité de « dévoilement » de la vérité et donc, comment elle nest
pas simplement un moyen. Cette conception est liée à la signification grecque du terme
technique, tekhnè, connectée à l’expérience du connaître et du savoir. « Connaître » et
« savoir » comme ouverture vers quelque chose, son dévoilement. Or, sur cette base, dans une
optique de lecture de l’esprit du temps et repositionnement épistémologique, il est possible
constater de quelle manière la technique correspond à un processus de transformation de
l’existence et de l’environnement social et culturel. La technique, dans cette direction, construit
le Réel, le transforme et le produit aussi. En outre, dans ce processus nous pouvons également
mettre en perspective lie de McLuhan sur la modification de l’équilibre sensoriel qui
influence notre mode dêtre et de voir en fonction de l’évolution des instruments de
communication et donc de la technique. Nous pouvons pareillement relever des altérations
sensorielles en relation aux techniques de vision, aux successions médiologiques et
instrumentales. Nous sommes immergés par ce fait dans une situation de mutation socio-
technologique. Il suffit de penser à l’invention de l’électrici et comment à partir de
l’illumination urbaine s’actionne un vaste processus de transformation de l’environnement, du
voir, des relations et du vécu. La lumière artificielle et cela vaut pour le cinéma et la
photographie constitue un facteur de mutation de l’expérience sensorielle et visuelle et donc
du développement de la connaissance puisque les instruments du visible favorisent
l’information, la connaissance et un particulier accès au monde, inaugurent donc un nouveau
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ingressus1. Dune manière analogue, Walter Benjamin en décrivant les célèbres Passages
parisiens montrait comment l’environnement urbain transformait la sensibili et les modes de
perception par l’effet dune généralisation du phénomène technique. On pourrait interpter la
conception benjaminienne aussi comme l’effet dune relation entre la communication et le vécu,
ou bien la relation entre le médium de la pensée et le moyen de communication transmissible.
De ce point de vue, il est également possible de mettre en perspective l’idée dune
nouvelle grammaire du social en prenant en considération la transformation des dimensions
sensorielles de l’œil et de ses prolongements techno-corporels. Ce changement transforme à la
fois l’accès-ingressus au monde et l’expérience du vécu et ses formes communicatives
transmissibles. Aujourdhui, de plus en plus, nous percevons le monde à travers les techniques
de communication; et cest aussi pour cette raison que la technique, à présent, est part
intégrante de la conscience. Nous sommes alors positionnés dans une optique de fusion entre
tekhnè et bios : comme le montre Moisés de Lemos Martins (2011) la technique est immergée
dans la vie de l’homme. Cette observation nous permet de comprendre la manière à travers
laquelle la technique ne se réduit pas essentiellement à lobjet ou au simple dispositif
utilitaire, mais au contraire elle est génératrice de connaissance, de mutations corporelles, de
manière de voir et visualisation. Elle est aussi un art de faire, un mode dêtre qui conditionne
de l’intérieur notre existence. Il suffit de penser de quelle manière le vaste domaine de
l’environnement techno-médiatique sempare de notre vécu et influence notre modalité de
sentir, dêtre, ainsi que notre sensibili et sensorialité. Cinéma, photographie, environnement
numérique sont à cet égard paradigmatiques par leur capacité de structurer et conditionner
notre imaginaire et notre relation sensorielle avec le monde. Des médias, ou bien on pourrait
dire des interfaces, qui s’interposent entre nous et le monde et en véhicule la connaissance et
la transmissibilité de ses multiples facettes.
Il faudra ainsi s’interroger ou bien analyser et décrire, cette évolution techno-
médiatique pour saisir sa nature, comprendre les modifications quelle apporte, les
bouleversements atmosphériques de la sphère sociale conditionnée par les objets nomades et
l’immédiateté des transmissions de messages et démotions, le rapport aux surfaces
numériques et l« écranisation » de lexistence, les mutations optiques/haptiques dans la
fluidité des rapports info-communicationnels. Des exemples, des symptômes plutôt, de notre
condition existentielle contemporaine structurant limaginaire en œuvre dans la situation
numérique du monde actuel, dans cette société « augmentée » qui détermine les formes
communicatives et comportementales de lêtre.
Les trajets de limaginaire
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Dans une optique de « trajet de l’imaginaire », nous pouvons montrer dun point de vu
historique, social et culturel de quelle manière l’évolution de la technique rime avec
l’évolution de l’homme. Cest-à-dire, la concrétisation dun processus d’interaction entre la
technique, lhomme et l’environnement ambiant. Chaque succession temporelle techno-
médiologique est le reflet dune manière de voir spécifique, dune structure du vécu donné et,
1Le terme latin signifie entrée, accès.
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par conséquent, un apparat de dispositifs particularisant le corps, le savoir et les modalités
info-communicationnelles. De ce fait, la relation à la technique et à l’objet dans son trajet
anthropologique est une condition existentielle, un conditionnement de notre vie quotidienne,
de notre rapport au monde et subséquemment à la connaissance. Les changements de
perceptions et de sens, donc les variables des chocs perceptifs, sont un des résultats de ce
trajet temporel à partir duquel il est possible dobserver, par exemple, la façon à travers
laquelle avec la naissance de la métropole se produit une nouvelle visibilité des choses. En
recourant à dautres exemples, l’on peut noter que le dévoilement technique de la
photographie permet une visualisation particulière du quotidien ; le cinéma se forme non
seulement comme simple instrument de montrer, mais comme mode singulier de voir, sentir
et habiter le monde ; le territoire numérique évolue comme flux visuel dexpérience et
langage. En somme, dans la situation post-organique actuelle, l’être humain se fonde avec la
technique en définissant un rapport au monde dominé par une irruption massive du numérique
technologique dans le réel. Cest le cas ici dune pénétration techno-symbolique qui modifie
les aspects sensoriels dans la pluralité de la vie sociale. Il suffit, à ce titre, de penser à
comment le smartphone véritable télécommande de la vie quotidienne en tant quobjet
transitionnel (on pourrait même l’envisager comme le « doudou techno-magique » des jeunes
générations) dun vécu techno-communicationnel-ludique formé par des parcours existentiels
et des modalités dhabiter le monde dans une optique dexpérience et gestes pluriels,
d’identifications multiples, de partage de flux vital. Dans ce sens, l’être humain devient, dans
le paradigme ubimédiatique et technologique contemporain, un être-flux. On constate ainsi le
passage de la personnalité mono-psychique à celle flux-schizoïde qui décrète la mort du sujet
cartésien et la présence hybride de l’homme symbiotique. Un hybridisme que nous pouvons
concevoir aussi en fonction de l’expérience visuelle du vécu comme Télé-Présence, Ciné-
Présence, Photo-Présence: cest-à-dire, une visualisation perceptive de l’être ici et maintenant,
dans un environnement de réalité renforcée comme produit de plusieurs sphères visuelles. La
visualisation, le « monstrer » et le percevoir sont les actions dune nouvelle instantanéité du
vécu à travers des appareils technologiques qui redéfinissent l’apparaître même de l’être
humain et notre présence aux choses. Il s’agit, en reprenant ici l’analyse de Stéphane Vial
(2013a), dun sentiment ontophatique instituant des nouvelles modalités de « se sentir » au
monde. Cela est bien une condition techno-existentielle basée, en particulier, sur des stratégies
de vision technique qui modifient l’expérience en générant des nouvelles formes de présence
sociale. Dun point de vu phénoménologique, l’être-en tant que dasein, présence se
situe dans une optique de changement de l’acte perceptif et de l’action du « monstrer »,
conditionné par l’effet techno-numérique. La situation perceptive numérique ne comporte pas
seulement un nouvel événement historico-social, mais coïncide surtout avec le dévoilement
dune nouvelle expérience phénoménologique du monde, de la modali à travers laquelle
l’existence est et apparaît. En ce sens, l’être-au-monde est influencé aussi par le pouvoir de
technique qui, de son côté, en influence la structure visuelle et perceptive en créant une union
hybride le système technique spécifie nos modes de voir et faire voir. Nous comprenons
ainsi que la volution temporelle de la technique, qui coïncide dans l’optique de la
climatologie contemporaine avec l’avènement du numérique, nest pas seulement une
mutation dobjets (les divers dispositifs) mais aussi une mutation de sujets et donc de modes à
travers lesquels lêtre communique et vit sa quotidienneté. Dans cette visée, le paysage
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technique appartient strictement à notre vie et en conditionne les développements des formes
interactives et dexpérience. Avec l’avènement technologique, nous sommes dans une phase
où la technique vit une nouvelle « aura », dans son unicité dapparition, à travers laquelle le
monde s’offre à la perception et, en même temps, il est mont par les visualisations de notre
vécu. Cet « avènement » grâce à ces effets techno-symboliques définit une dimension
l’humanité se trouve « augmentée » puisque l’évolution biologique est actualisée par celle de
la culture et de la technique.
Avant McLuhan, Arnold Gehlen dans son Die Seele im technischen Zeitalter (1957)
l’humanité à l’ère de la technique avait illustré de quelle manière la technologie est un
prolongement de nos sens, donc une extension de notre corps, ou bien une prothèse. Dans ce
sens, on peut penser aux prothèses du smartphone dans nos mains, ou au prolongement
sensoriel de la caméra (photo et vidéo) dans la constitution dun « troisième œil » qui
renvoie dune certaine façon au fameux « ciné-œil » de Dziga Vertov dans son The Man With
A Movie Camera comme modalité particulière de pénétration dans le monde et, par
conséquent, comme possibilité de « faire advenir » le monde. La prolifération des divers
objets technologiques dans le quotidien, est le signe dun prolongement sensoriel et perceptif
de notre œil qui change de nature. Il est de plus en plus sollicité et stimulé par la captation
d’instants quotidiens immortalisés à travers le visuel, grâce à la facilite daccès techno-
numérique au processus de visualisation. Nous pouvons alors dire que la multiplication des
appareils de visualisation représente une réponse aux besoins visuels de l’être contemporain,
de cet homo tecnologicus « augmenté » qui, à plusieurs reprises, se positionne dans une
stratégie de mise en forme du quotidien. Ici nous nous retrouvons face à une participation à la
production de formes esthétiques dans le flux connectif qui contribue à styliser le sentir
contemporain comme processus de transformation des effets techno-sociaux. Le cogito ergo
sum cartésien se trouve aujourdhui transmuté dans le photo ergo sum ou vidéo ergo sum :
dans le double sens de voir et être vu pour pouvoir exister. Voici une des significations
stylistiques du climat socio-culturel contemporain fournissant comme résultat, la prolifération
et la circulation des images comme effet augmenté des techniques visuelles et la
métamorphose existentielle de percevoir et mon(s)trer.
Interfaces
s
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Si l’on se plonge dans notre actualité techno-sociale-culturelle, il est possible de
remarquer une explosion du visuel et la pervasivité médiologique dans notre existence à
traves la prolifération d’innovations comme les écrans plats et circulaires dans les espaces
internes et externes, dobjets nomades de vision, Ultra HD, 4D, tablettes et consoles pour jeux
cinesthésiques jusquaux Google Glass qui contaminent l’imaginaire présent. Tous appareils
qui influencent de manière prépondérante notre œil et notre vision du monde, dun point de vu
optique et tactile. Cette trans-mutation nous met en face dun « techno-œil » comme modalité
sensible de l’acte de percevoir, du regard, mais aussi de distraction et hallucination esthétique.
Donc, dans le quotidien, la vision se trouve élargie, augmentée, et l’expérience in visu que
nous expérimentons condense la modali perceptive à travers la médiatisation techno-
numérique. Une visualisation dondes technologiques qui part dun senseur numérique pour
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