Marcel CANTON Page 2
Qui était-il ? De quelle synchronie conceptuelle fut-il l’auteur ? Et dans
quelle diachronie idéologique cette contribution s’inscrivait-elle peut-être ?
Qui était-il ? La quasi-totalité des manuels de philosophie de Terminale ne
convoque pas ses écrits. Cela est dû à la pluridisciplinarité et à la nature même
de son projet, souvent mal identifié et sous-exposé, mais dû en outre, au grand
nombre de philosophes aussi brillants que prodigues qui, comme lui, sont nés à
l’aube du dix-neuvième siècle : BERGSON et son « évolution créatrice »,
BACHELARD et son « rationalisme appliqué », ARENDT et sa « modernité »,
MARKUSE et son « unidimensionnalité » de l’homme, MAUSS et son
invention de l’anthropologie. Et cela fut dû, plus encore , à l’étonnante éclosion
de ceux qui sont nés tout juste après lui, dans les années 1910-1920 : POPPER,
JANKELEVITCH, LEVINAS, LEVI-STRAUSS, SARTRE, MOUNIER,
MERLEAU-PONTY, MONOD, MORIN, GENET, DELEUZE, FOUCAULT,
HABERMAS, tous issus d’une génération « début de siècle » dont la culture et
le génie visionnaire n’ont pas ( ?) été égalés depuis et dont les œuvres
cathédrales ont pu logiquement occulter celle de Max HORKHEIMER,… ce
que 1968 n’a pas fait.
Il est né en 1895 à Stuttgart d’une famille juive pratiquante et d’un père qui était
un puissant baron de l’industrie textile. Au terme d’études classiques et
bourgeoises, il devient, durant la première guerre mondiale, jeune directeur des
écoles des Beaux Arts de Munich et il écrit une étude sur les « lois élémentaires
de la peinture ». Il s’intéresse alors à la psychologie, et donc, bien logiquement,
à la Théorie de la Gestalt (forme) ; puis il vient à la philosophie par l’étude de
SCHOPPENHAUER qui l’influence beaucoup. Il soutient en 1922 une thèse
dirigée par Hans CORNELIUS qui porte sur l’œuvre de KANT ; cela montre
d’emblée son intérêt pour ce que « Raison » veut dire. Sa thèse s’intitule
« Contribution à l’antinomie de la faculté de juger téléologique » (par
« téléologie » entendons rapidement « finalisme »).