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Marcel CANTON
l’injonction à mettre en lumière les voies de la réduction en actes de ce paradoxe
épistémique.
Ce qui, néanmoins, paraît d’emblée ouvrir un espace de réflexion, c’est
l’emploi, dans une même assertion, du pluriel « les valeurs », pour désigner la
singularité de l’humanisme universel auquel nous travaillons, et l’emploi de
« singularité » pour désigner la pluralité des entités humaines. Autrement dit,
l’uni-versel peut se penser au pluriel, et la pluralité culturelle peut, elle, se
penser au singulier dans la mesure où elle est structurée autour d’au moins un
trait constant qui est L’UNICITE. En effet, la planète des cultures du monde
n’est pas une improbable et insaisissable nébuleuse, même si elle est
changeante, mais un ensemble d’entités repérables, étudiables et inter-
agissantes.
Ce premier point est très important, car il prend en compte une réalité ethno-
géographique dont l’invariance fait écho à l’universel, à savoir que toutes,
absolument toutes les sociétés humaines ont toujours tenu à fixer, amarrer, leur
conscience collective à une auto-dénomination unique et survalorisante qui les
distingue de toutes les autres. Nous disons « France », et ses Droits de l’Homme
se pensent comme uniques et incomparables, alors qu’ils ont pourtant vocation à
« se mondialiser » ; et à travers eux, il ne fait pas de doute que notre peuple
devenu nation se pense comme le dépositaire d’une société politiquement idéale.
L’Allemagne a eu sa crise de « folie collective » qui, au sortir d’un siècle d’
humiliations, lui a fait hurler la singulière grandeur de son destin, son « génie
national », son « volksgeist » : un « égotisme » qui l’a fait d’abord délirer avec
les Romantiques pour la faire ensuite hurler avec « les loups » ce nationalisme
exclusif qui se voulait porteur de la certitude absolue d’avoir une mission unique
d’éclaireuse du monde, après que la France ait eu son heure de gloire (cf les
prétentions successives du raffinement de Cour puis du message des Lumières).
Ainsi, pour chaque grande entité, on peut sans aucun doute illustrer ce trait qui
est commun à toutes : à savoir l’affirmation « urbi et orbi » d’une singularité qui
fait leur grandeur, ou tout simplement leur raison d’être et de se perpétuer.
Précisons très succintement que cette « obsession » pour une identité quasiment
transcendante peut, selon les cas, être plutôt le fait d’une nation, toute centrée
sur son adhésion à un projet, comme la France, ou être plutôt le fait d’un peuple,
comme l’allemand, tout centré sur son ancrage à un patrimoine (quel « délire »
que celui d’un Israël racialiste qui, craignant « un suicide démographique »,
craint de ne plus être une nation –ce qui n’est toujours pas ; quel « délire » aussi