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Pratique de la dissertation et de l’explication de texte en philosophie
appliquerait a priori à la réalité pour la comprendre, mais, tout à
l’inverse, le processus ou le mouvement même de la réalité qui se
réfl échit dans l’esprit et qu’il s’agit de recueillir conceptuellement.
C’est oublier ensuite que la dialectique — ou plus précisément le
dialectique — n’est que le négativement rationnel, le mouvement qui
transporte d’un terme au terme opposé, sans conciliation, et qui ne
vaut qu’en tant qu’il conduit, comme un moment nécessaire, à la
raison spéculative, seule positivement rationnelle parce que, saisissant
les opposés dans leur unité, elle est pleinement réconciliatrice et
concrète. C’est oublier enfi n que, si l’on tient absolument à lui
imposer une détermination quantitative, le mouvement dialectique
n’est pas nécessairement ternaire : « On a souvent identifi é la
méthode hégélienne à un rythme ternaire passe-partout, selon
le schème fi chtéen de synthèse des contradictoires. Abordant sa
méthode dans une réfl exion terminale de la Logique, Hegel rejette
une fois de plus cette intrusion du nombre. Il ajoute que, si l’on
tient à compter, la forme abstraite de la méthode est quadruple et
non triple. En eff et, selon le mouvement de la réfl exion circulaire,
le moment négatif est double, altérité et retour à soi. Il faut donc
distinguer : position, négation, négation de la négation et résultat,
quoique le quatrième puisse être identifi é au nouveau point de
départ1. »
Mais il n’importe évidemment pas de compter : la qualité d’un
discours philosophique — et la dissertation, si elle est philosophique,
se doit d’en être un — n’est pas suspendue au nombre de ses « parties ».
Sans doute la dissertation philosophique est-elle une dissertation,
c’est-à-dire un exercice scolaire, espèce du genre rhétorique, qui,
comme tel, comporte une part d’artifi ce : « artifi ce » est d’ailleurs
l’un des sens du mot méthode (ἡ μέθοδος) en grec. Encore faut-il
que les artifi ces rhétoriques n’en viennent pas à supplanter et abolir
1. Claude Bruaire, Logique et religion chrétienne dans la philosophie de Hegel, Seuil,
1964, p. 84 note, cf. également, La dialectique, PUF, 1985, p. 69-70 et Éric Weil
« La dialectique hégélienne » in Philosophie et réalité Beauchesne, 1982, pp. 116-118.