DROIT ADMINISTRATIF - F. TULKENS ET P.O. DE BROUX

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DROIT ADMINISTRATIF
- F. TULKENS ET P.O. DE
BROUX
UNIVERSITE SAINT-LOUIS, 2013/2014
Structure :
Le cours est divisé en 6 parties :
1. Panorama : introduction substantielle sur le droit administratif : qu’estce que l’administration ? quelles sont les sources du droit administratif ? etc.
2. Les institutions administratives fédérales, régionales et locales.
3. Les contrôles auxquels est soumise l’administration : Conseil
d’Etat, les cours et tribunaux
4. L’action
de
l’administration :
les
actes
unilatéraux
posés
par
l’administration ou les contrats passés par l’administration (marchés publics).
5. Le personnel de l’administration : les fonctionnaires. Statut, sanctions,
6. Les biens de l’administration au service de l’intérêt général : les biens
du domaine public et privé ; l’expropriation.
Mise en garde :
Le présent syllabus est constitué sur base de notes de cours. Il se peut
donc être incomplet ou imparfait. L’étudiant restera critique dans son étude
et attentif à tous les éléments.
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TROISIEME PARTIE. LES CONTROLES DE L’ADMINISTRATION SECTION 1. LES CONTROLES ADMINISTRATIFS
§1.
LE
CONTROLE HIERARCHIQUE
Les contrôles hiérarchiques sont des contrôles par le supérieur. Le
supérieur peut vérifier ce qu’a fait son subordonné. Il peut donner des
instructions sur l’application des textes, sous peine de sanction disciplinaire.
C’est un contrôle informel, spontané, sans forme de procédure très large :
légalité, opportunité sont jugées par l’administration.
§2.
L ES
CONTROLES DE TUTELLE
Le contrôle de tutelle est un contrôle externe qui rentre dans le cadre de la
décentralisation.
Les OIP sont sous tutelles des gouvernements qui les concerne.
A. La notion de tutelle administrative L’article 162 de la constitution règle ce contrôle de tutelle sur les
communes :
-
l’autonomie est de principe, mais les pouvoirs de tutelles sont
interprétés de façon restrictive.
-
Si en droit de la famille, la tutelle est une béquille, ici, il s’agit d’un
contrôle, d’une béquille en vue d’assurer la conformité à la légalité,
toute atteinte à toutes els sources de droit administratif. C’est une
tutelle d’opportunité.
-
L’autorité de tutelle doit motiver pourquoi elle annule la décision. Et
cette motivation doit être conforme aux exigences du CE.
-
La charte sur l’autonomie locale suggère que la tutelle locale soit en
légalité. C’est al raison pour laquelle la Belgique a émis une réserve à
l’article 8 de la charte.
Son organisation est régionalisée.
B. L’organisation et l’exercice de la tutelle administrative On va contrôler les actes, les formes de la tutelle, préciser les délais. On
voit un mouvement de balancier en fonction de la méfiance ou de la confiance
de l’autorité de tutelle envers les pouvoirs locaux.
En 2005, on a constaté que beaucoup d’illégalitéss étaient commises à
Charleroi. L’autorité de tutelle faisait confiance.
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On organise alors des contrôles tatillons suite à des abus. Cela pose des
questions de proportionnalité dans le contrôle. On tend à améliorer els
choses : communications électroniques des décisions en Wallonie.
On essaye d’éviter les dérapages.
Les tutelles spécifiques sont des tutelles du fédéral, des régions et
communauté sur certaines matières particulières.
Il existe des tutelles répressives et préventives ainsi que des tutelles
obligatoires ou facultatives.
Ces modes de tutelles expriment la confiance exprimée à l’égard de
l’autorité.
L’autorité qui a doté un acte doit voir son acte annulé par l’autorité de
tutelle dans un certain délai : c’est un contrôle à postériori et de façon
facultative, elle
n’est pas obligée d’intervenir. Si l’acte est annulé,
l’annulation a un effet rétroactif. De surcroit, l’autorité peut suspendre l’acte
avant de l’annuler.
Si l’acte est annulé, l’autorité subordonnée pourra reprendre un nouvel acte
en prenant en compte les motifs d’annulation.
C. Les procédures (ou procédés) de tutelle La tutelle spéciale est préventive et obligatoire. L’acte devra être
préalablement autorisé par l’autorité supérieure pour reprendre effet. Il y a
des délais de rigueur sous peine de quoi l’acte est autorisé. On a étendu cela
pour les règlements de taxe, les marchés publics, les budgets, les comptes
annuels,… c’est une tutelle plus sévère. C’est une tutelle obligatoire.
Il existe une tutelle coercitive, contraignante : l’autorité subordonnée
récalcitrante sera substituée dans son action. Un commissaire spécial peut
« faire le ménage ». En Wallonie, on a eu cela pour les sociétés de logements
sociaux qui étaient dans l’illégalité. Des commissaires spéciaux régionaux ont
été désigné.
En 1976, l’affaire des guichets de Schaerbeek : un francophone FDF
trouvait absurde de devoir avoir des guichets bilingue, et a créé des guichets
unilingues. Mais c’est illégal car il faut que l’autorité s’adresse de façon
bilingue. Ganshof Van der Mersch est intervenu sur mandat de commissaire
spécial pour mettre fin à cet apartheid linguistique.
L’autorité
de
tutelle
peut
uniquement
désapprouver, mais pas réformer la décision.
censurer,
approuver
ou
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§3.
L ES
RECOURS ADM INISTRATIFS
Il existe deux formes de recours gracieux ou organisés: ce sont des
recours auprès de l’administration : ce sont des recours tranchés en
opportunité, tant en droit qu’en fait.
A. Les recours non organisés ou gracieux Cet article se fonde sur l’article 28 de la Constitution qui accorde un droit de
pétition. Il n’y a pas de formalité à respecter. L’autorité n’a pas l’obligation
d’y répondre, n’a pas de changer quoi que ce soit.
On introduit ces recours devant l’autorité qui a décidé soit devant le
supérieur hiérarchique soit devant l’autorité de tutelle. L’autorité saisie du
recours pourra faire usage de ses pouvoirs, ou ne pas en faire usage. Elle n’a
pas de procédure ni de délai.
Ce recours n’a aucun effet sur les recours à introduire au CE. Ce
recours est un peu vain en général. Si l’autorité admet de revoir la situation, il
faut voir s’il y a une nouvelle décision ou une confirmation de la décision
précédente :
-
si l’autorité change d’opinion, il y a une nouvelle décision qui sera objet
du recours potentiel
-
si l’autorité persiste, c’est une simple confirmation et c’est la première
décision qui est attaquable.
B. Les recours organisés Obligatoires, ils sont plus efficaces. C’est un recours à l’administration
et qui est précisé dans les textes. Il faut développer la procédure à respecter.
Il y a des règles de saisines, des formes à respecter. Ce recours s’exerce
devant la même autorité ou devant un supérieur hiérarchique ou devant une
autorité de tutelle.
Il y a un pouvoir de réformation discrétionnaire par la même autorité ou
l’autorité supérieure.
Si on n’exerce pas ces recours avant d’aller devant le juge, on est
irrecevable (exception omissio medio).
La décision sur recours remplace la décision de premier degré par l’effet
dévolutif du recours.
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SECTION 2.
§1.
L ES
LES MODES DE PREVENTION DES CONTESTATIONS
PROCEDURES PARTICIPA TIVES
Ce sont des procédures de plus en plus à la mode. Si les gens sont
associés, consultés et que l’on tient compte de leur avis après avoir été
entendu, ils feront moins de litiges. Il existe certes des fondamentalistes,
mais on peut dégoupiller certains conflits.
§2.
LA
TRANSPARENCE ADMINISTRATIVE
Il existe des recours dont le seul but est de pouvoir voir le contenu du
dossier. Si on impose la transparence, les personnes qui auront accès à la
motivation alors seront moins tentées de créer des conflits.
A. Champ d’application de la loi du 11 avril 1994 L’acte est a priori légal mais il est nécessaire de motivation. Si la
motivation est bonne, l’administré peut se rendre compte qu’il faut (ou non)
attaquer la décision.
L’article 32 de la Constitution est inséré depuis 1994 et confère le
droit de consulter et de recevoir copie des dossiers. Une administration
transparente sera moins contestée. On a vu une série de normes être prises
au niveau fédérale et fédérée pour rendre accessible les documents
administratifs, quelques soient les supports.
Chacun a le droit d’accéder, en règle, ce qui signifie qu’il ne faut pas
justifier d’un intérêt.
La loi de 1994 sur la transparence administrative fédérale s’applique
aux autorités administratives (article 14 LCCE). Négativement, ne sont pas
des autorités administratives et donc non soumises à la transparence les
autorités judiciaires ni l’activité des parlements. Les décisions, rapports,
plans, toute information par l’autorité est soumise à une publicité.
Il y a un intérêt requis pour les documents à caractère personnel.
B. Les obligations de publicité active On a décidé que l’autorité devait être proactive, faire connaître ce
qu’elle fait. Il faut créer des services de renseignement de la population et qui
sont des guides. Il faut mentionner le nom de l’agent traitant du dossier, avec
un numéro de contact.
La notification d’une décision passe, en règle, par l’indication de voies
de recours (organisés, juridictionnelles). Il arrive à l’administration de se
tromper sur ces voies de recours. Si on se trompe, le délai pour agir ne
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commence pas à courir. Le délai de 60 jours du CE pourra être prolongé de 4
mois.
C. Les obligations de publicité passive C’est le droit de regard sur les documents de l’administration. Le
citoyen peut obtenir copie moyennant rétribution éventuelle, qui ne peut pas
dépasser
le
prix
coutant.
L’administré
a
droit
à
des
explications
complémentaires en cas de non compréhension du document.
Une demande écrite suffit à préciser els documents que l’on veut voir.
L’autorité a 15(+30j) pour répondre. Une non réponse correspond à un refus,
contre lequel on peut introduire un recours !
La loi de 1994 fixe des exceptions à la transparence :
1). Exception absolue (art 6, §2) : Il existe des documents non communicables car ils ont une valeur
supérieure à la transparence ; vie privée sauf accord, obligation de secret,
sécurité nationale (terrorisme, défense, nucléaire)
Arrêt du 21/10/2013 (225.162) : commune de Schaerbeek contre Etat
Belge (SPF Finances) : le problème tient aux finances communales : l’état
perçoit des recettes qu’il reverse aux communes, sous réserve « de
dégrèvements », c’est-à-dire une épuration des montants non récupérés ou
indus. Mais l’Etat a fait un dégrèvement à une personne morale pour un
montant de €12.000.000, réparti sur 16 exercices fiscaux. La commune
veut savoir qui est cette personne morale. L’Etat refuse, alors que pour la
commune la loi de 1994 le permet. On ressaisit l’administration pour
reconsidérer la demande : la CADA ne remet pas d’avis, l’AA refuse à
nouveau.
La commune introduit un recours en suspension et en annulation devant le
CE : on cherche à savoir si une autorité publique a le droit a la transparence
en matière administrative. Le terme « chacun » dans la constitution n’exclut
en aucun cas les personnes morales de droit public. La commune est
créancière et peut donc solliciter l’accès aux documents en tant que tel.
L’Etat faisait valoir qu’il y avait un secret absolu sur toutes les choses
dont il a connaissance (art 337 du Code d’impôts sur les revenus). Le CE ne
tranche pas la question. Le CE suspend le refus : l’autorité doit se prononcer
officiellement, par un agent habilité. Le CE suggère que la protection de la
vie privée pourrait également être invoquée pour refuser de donner l’accès
aux documents.
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2). Exceptions obligatoires mais relatives (art 6,§1): L’autorité doit faire une pondération des intérêts : intérêt économique,
sécurité publique, procédé de fabrication, documents.
Exemple : En matière fiscale, une société fait l’objet d’une plainte et d’une
dénonciation dans le commerce. L’administration des impôts descend sur
place pour analyser les impôts. La société demande à avoir accès à la plainte,
car cela touche à la vie privée ou peut entrainer des représailles à l’égard de
celui qui a dénoncé. Le CE donne raison à l’administration (arrêt sprl Piut). On
peut justifier que la publicité ne l’emporte pas sur la vie privée.
3). Exception facultative : Si le document est incomplet, peut créer une méprise, si il a été
communiqué à titre confidentiel, si la demande est vague et abusive.
Test achat demande au SPF santé publique d’accéder à certaines mesures
d’hygiène applicables dans les hôpitaux. Chaque hôpital rassemble ses
statistiques propres et les envoie au SPF. Test achat désire avoir accès, mais
l’autorité refuse pour éviter de créer « un hit parade » d’hygiène des
hôpitaux. Le CE donne raison à Test-achat : le refus n’est pas justifié par une
exception facultative, tant l’accès est garanti. L’usage de ces données fait
l’objet d’une question séparée.
La CADA a un délai pour se prononcer sur les refus d’accès aux
documents. L’avis de la CADA est pris ou écarté par l’autorité saisie pour
obtenir les documents. L’autorité peut refuser à nouveau (tacitement ou
explicitement), ce qui donne lieu alors
D. Bilan de cette législation Cette législation permettait d’avoir des décisions motivées et pas
uniquement ad exhibendum, sans qu’un recours au CE ne soit nécessaire pour
avoir les motivations et fonder une demande au CE.
Cela responsabilise l’autorité publique ;
L’autorité n’apprécie pas cette transparence : il existe des lourdeurs, de
la résistance.
§3.
LE
M EDIATEUR OU
«
OMBUDSM AN
»
Il est dans les plans du gouvernement de modifier la relation entre le
médiateur et le conseil d’Etat. Le recours au médiateur n’avait pas d’effet
suspensif ni d’effet en cas de saisine du conseil d’Etat. Cela va changer, bien
que cela pose des problèmes si chacun de ces organes donne une décision en
sens contraire.
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SECTION 3. LES CONTROLES JURIDICTIONNELS
Il y a des contrôles par els cours et tribunaux judiciaire d’une part et
d’autre part devant le conseil d’Etat.
Il n’y a qu’une seule pyramide en Belgique, pas deux comme en France
(juridictions administratives et cours et tribunaux). En Belgique, il y a un
dualisme incomplet, par opposition au monisme anglais.
§1.
L’ ORGANISATION
CONSTITUTIONNELLE
JURIDICTIONNEL DE L ’ ADMINISTRATION **
DU
CONTROLE
A. Un constat de départ : le contentieux administratif est un contentieux « éclaté » L’article 144 de la Constitution confie exclusivement aux tribunaux de
l’ordre judiciaires les contentieux liés aux droits civils. L’article 145 prévoit
que les droits politiques sont, en règles, attribués aux cours et tribunaux.
L’article 146 et l’article 161 de la Constitution prévoit le principe de
légalité des juridictions judiciaires et administratives.
L’article 160 constitutionnalise le CE belge depuis 1994. L’article 158
prévoit que la Cour de Cassation se prononce sur les conflits d’attribution :
entre C&T et CE, il peut y avoir des conflits d’attribution. Qui doit juger de
l’affaire ? L’article 158 prévoit que la Cassation a un contrôle sur le CE en ce
qui concerne le respect des articles 144, 145, 160.
B. La théorie de l’objet véritable et direct du recours comme système général de répartition des attributions juridictionnelles 1). Le contentieux des droits subjectif et le contentieux objectif Quelle distinction existe-t-il ? Devant les cours et tribunaux, il existe
des recours liés aux droits subjectifs : ce sont des droits conférés aux
personnes et patrimoines (vie privée, biens, contrats …), toute la matière
civile (responsabilité, …).
L’arrêt Flandria (1920) consacre la justiciabilité de l’Etat sur base de
responsabilité pour faute.
Les droits politiques sont liées à des avantages de la participation du
citoyen dans la vie politique : droit d’accès à la fonction publique, droit de
payer des impôts légalement fixés, droit le droit de vote, d’éligibilité, … C’est
les C&T qui sont compétents, sauf exceptions prévues par la loi
Le contentieux objectif n’est plus un procès fait à un droit mais à un
acte, en vertu d’une conformité aux actes supérieurs.
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Il est prévu dans la 6ième réforme de l’Etat de modifier l’article 144 de la
Constitution. En effet, on considère en règle qu’une illégalité constatée par le
CE constitue une faute civile. Les éventuels dommages et intérêts doivent
faire l’objet d’un autre procès : il faut aller devant les cours et tribunaux. Or,
cela est contraire à l’idée de faire économie des procès. Modifier l’article 144
de la Constitution autorisera le CE à prononcer des dommages et intérêts à
certaines conditions et sous certaines modalités.
2). La jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat relative à l’objet véritable et direct du recours La Cour de Cassation a développé cette théorie pour départager les cas
qui posent question quant au lieu où il faut introduire le recours.
Lorsqu’on crée le CE en 1946, on ne voit pas quel conflit de
compétence pourrait se poser puisqu’on crée une juridiction à contentieux
purement objectif, réclamée par la doctrine depuis 1910. Il traite de litiges
objectifs et en matière pécuniaire. En 1952, la Cassation est saisie d’un
pourvoi de la CE et va développer sa jurisprudence pour les conflits
d’attribution. La Cassation va considérer que le CE n’est pas nécessairement
compétent pour connaître du contentieux objectif.
La Cour de Cassation, suivie par le CE, développe l’enjeu véritable du
litige : il faut qualifier et disqualifier les recours. Au delà de ce qui est
formellement demandé, il faut regarder si on veille à faire respecter un droit
subjectif, le petitum, nonobstant l’annulation d’une décision. La Cassation
analyse également la causa petendi : il faut se baser sur certains éléments
objectifs.
Il y a droit subjectif lorsqu’on peut exiger d’un tiers un comportement
en vertu du droit objectif, et lorsqu’elle ne s’exécute pas, on peut recourir au
juge.
La Cassation considère qu’il y a droit subjectif si l’autorité ne dispose
pas de marge d’appréciation mais a une compétence liée, par opposition à
une compétence discrétionnaire. Si l’autorité doit constater des faits objectifs
sans pouvoir d’appréciation, le CE est incompétent.
Exemple : le traitement des fonctionnaires existe en vertu de barèmes,
l’inscription au registre de la population sont des droits subjectifs.
Exemple : beaucoup de personnes dans la précarité étaient victimes de
marchands de sommeil. L’autorité est intervenue pour autoriser la fermeture
du logement insalubre et donne une allocation pour déménager et prévoit
parfois une aide au nouveau loyer. Cela accorde des droits subjectifs.
Exemple : une interprétation d’un contrat est jugé par les C&T.
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Mais s’il existe un pouvoir d’appréciation discrétionnaire, alors le CE est
compétent pour autant qu’il ne se prononce pas sur un éventuel droit
subjectif, même si les conséquences de sa décision ont un impact sur le droit
subjectif : c’est la théorie de l’objet direct du recours ;
Exemple : en cas de retenue sur salaire par un acte administratif, alors cela
influence le droit subjectif.
Notons que le réquérant qui agit contre un règlement à portée
générale agit pour lui-même mais également pour tous les autres. :e
règlement est toujours objet de recours au CE, jamais devant els C&T qui ne
peuvent annuler des règlements.
La théorie présente néanmoins des failles et des limites.
Exemple ; Monsieur Rüter est policier et fait un contrôle d’identité.
Quelques mois plus tard, en civil, dans un café, il tombe sur les personnes
qu’il avait contrôlées. Celles-ci le tabassent. Le policier a une invalidité
complète.
Une loi de 1985 accorde une indemnité non négligeable de 52.300€. Il
sollicite cette compensation pour l’inaptitude physique à long terme. La loi
précise que l’indemnité n’est due qu’aux personnes qui ont agi dans le cadre
de leur mission. Le SPF Intérieur refuse. L’auditeur du CE considère que c’est
un droit subjectif. Le CE, dans un arrêt du 23 février 2011, se demande si la
loi n’est pas discriminatoire puisqu’il ya un rapport avec les activités d’agent
de police. Une question préjudicielle est posée à la Cour Constitutionnelle, qui
considère qu’il y a discrimination. L’auditeur continue de refuser le recours.
Le CE ne suit pas l’auditeur et dit que le motif de refus est illégal.
En 2012, le SPF intérieur introduit un recours en cassation. Un arrêt de
2013 casse l’arrêt du CE : on considère qu’il y a une compétence liée de
l’administration. Monsieur Rütter est donc dépouillé.
L’autorité ne sait pas elle-même si elle exerce une compétence liée ou
discrétionnaire. L’autorité a toujours des règles à respecter, mais l’autorité a
toujours au moins une maigre marge de manœuvre. Il faut voir les décisions
avec des contraintes plus ou moins lourdes et un pouvoir d’appréciation plus
ou moins large. On aboutit à des situations ou certains justiciables sont
perdus. Le CE aboutit à la conclusion que la summa division aboutit à une
summa confusio.
Exemple : Monsieur Noir donne cours de droit. Il est malade. Son médecin
lui recommande d’aller à la mer pour se rétablir. Mais une service médical de
contrôle se présente et il n’est pas établi que la personne est malade et le
traitement est défalqué. Monsieur Noir va dire qu’il était en congé maladie
avec une recommandation d’aller à la mer et va demander l’annulation devant
le CE. 6 ans plus tard, le CE annule parce que c’est un agent non compétent
qui a signé le document. L’autorité va en Cassation car elle considère que
c’est une compétence liée. Le dualisme sert-il les justiciables ?
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C. Les interventions du législateur Le juge désigne parfois un juge spécifiquement compétent. Les litiges
relatifs aux contrats de travail avec l’autorité sont tranchés par les cours et
tribunaux du travail (578 CJ). En matière d’expropriation, les litiges sont de la
compétence du juge de paix avec des recours devant le TPI.
Certains droits politiques son expressément accordés au juge judiciaire,
notamment en matière fiscale (569+617 CJ). Les litiges relatifs au séjour des
étrangers sont de la compétence du CCE (conseil du contentieux des
étrangers), sous le contrôle du CE, qui intervient comme juge de cassation
administrative.
Il existe des juridictions administratives fédérées. Des décrets ont créé
voor
verguningbetwistingen), dans le but de dessaisir le CE d’une partie de son
contentieux. Un arrêt de la CC de 2011 a admis la constitutionnalité de ces
juridictions régionales. On considère qu’il y a un empiètement de
compétences sur la loi fédérale, mais la théorie des pouvoirs implicites (art 10
LS 8/8/80) sauve le décret : la mesure est nécessaire à l’exercice des
compétences car le CE travaille mal. De plus, l’empiètement n’est que
marginal, tout en restant en lien avec la matière : le CE reste contrôleur des
décisions des décisions administratives fédérées.
La Wallonie désire créer un Conseil d’Etat wallon.
dans
le
domaine
§2. L E R ECOURS
de
l’environnement
et
de
l’urbanisme
POUR EXCES DE POUVOIR DEVANT LE
(Raad
C.E.
Le CE a une compétence de conseil du législateur. Mais à coté de cette
fonction, il s’occupe du contentieux administratif en matière d’excès de
pouvoir (14, §1ier des LCCE), mais aussi en rôle de cassation administrative
(14, §2 des LCCE). Il ya une troisième compétence (article 16 des LCCE)
pour le contentieux électoral, où il jouit d’une pleine juridiction. Une quatrième
compétence est celle du contentieux de l’indemnité pour le dommage
exceptionnel (article 11 des LCCE) : un dommage sans faute de l’autorité
mais qu’il n’y a pas d’autre juridiction compétente.
Exemple : les vaccinations obligatoires des nouveaux-nés sont des mesures
sanitaires, mais parfois les vaccins ont causé des handicaps physiques. Il arrive que
tout a été fait correctement, mais un dommage exceptionnel matériel ou morale a
été subi. Ce genre de situation peut être indemnisé en équité par le conseil d’état. Il
n’y a que quelques cas jurisprudentiels depuis 1946.
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A. Une compétence générale mais supplétive C’est une compétence générale mais supplétive car le CE doit toujours
s’effacer s’il y a une compétence attribuée à quelqu’un d’autre : il ne
s’occupe pas des contentieux sur les droits civils. De plus, si la loi crée des
juridictions ad hoc, elle n’est pas compétente.
A défaut de précision, un acte émanant d’une autorité administrative
est attaquable devant le conseil d’Etat pour une annulation. Le CE ne peut
pas donner des injonctions à l’administration ni accorder des dommages et
intérêts. Mais l’article 144 de la Constitution est en passe d’être révisé
(disposition transitoire de l’article 195 de la Constitution).
La compétence d’annulation vaut à l’égard des actes administratifs et
doit émaner d’une autorité administrative.
B. Les actes des autorités administratives Aucune définition légale n’existe de l’autorité administrative. C’est le CE
qui le définit, sous contrôle de la cour de cassation.
On en distingue 3 types :
1°) Le « noyau dur » des AA: on les définit négativement : ne sont
pas des autorités administratives, les autorités judiciaires et législatives. C’est
ce qui s’applique à la loi sur la motivation formelle des actes administratifs de
1921. Or certains actes de l’exécutif touchent au judiciaire : la décision de
refus prise par le ministre de la justice sur une demande de libération
conditionnelle de Michelle Martin. Mme Martin a fait un recours car elle estime
mériter l’égalité. Le CE refuse le recours car le ministre agit dans le cadre de
l’exécution d’une décision de justice.
Organiquement, elles sont dépendantes du pouvoir exécutif (roi,
ministres, fonctionnaires, …). Dans un premier temps, on en a exclu mes les
actes exécutifs du pouvoir législatif ou du judiciaire. Mais les distinctions
publiques - privées sont difficiles à mettre en place. Quid des satellites ?
2°) Le CE a été saisi de recours très tôt delà part d’entreprise qui
exerçaient des missions de service publique ou des missions d’autorité
administrative. La SNCB est organiquement contrôle par l’état belge.
Fonctionnellement, elle a une mission de service publique.
Le législateur a ouvert le contrôle du CE sur de nouvelles normes au fur
et à mesure. La cassation est intervenue dans les années 1990 : le critère
fonctionnel n’est plus suffisant. Donc, elle a mis une première limite, très
claire. Il fait vor l’organique !
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Pour le CE il faut regarder si la décision est obligatoire pour tous. On
réduit alors le champ au seul critère organique .
LE CE ne s’engage sur les établissements libres. Saint louis n’est pas un
SP mais ne fait que l’organiser. Le CE n’est alors plus compétent ; mais la
Cassation a cassé le CE : il regrette l’absence du critère fonctionnel.
Le CE va alors regarder l’action de l’entité en question : sa constitution
et ses décisions. Est-elle organiquement liée aux pouvoirs publics. Le critère
organique suffit, mais après, il faut obtenir l’information obligatoire vis à vis
des tiers.
Exemple : L’université Saint Louis n’est pas liée aux pouvoirs publics.
Fonctionnellement, elle assure une mission de SP. Dans ce cadre là, sa
décision es obligatoire vis à vis es tiers. Cela dépend des circonstances. Le
diplôme est obligatoire vis à vis des tiers. La réussite en première ne donne
aucun droit.
CE, Cour constitutionnelle et Cassation sont d’accord dans leur
jurisprudence.
La Cour Constitutionnelle définit l’autorité administrative (131/2012) :
une a.s.b.l ne peut être qualifiée d’AA que si elle prend des décisions
obligatoires à l’égard des tiers. Elle prend des décisions unilatéralement et il
faut les appliquer.
L’attribution d’un MP est-elle une décision qui crée des obligations : un
arrêt du 17 juin 2°11 a essayé d’expliciter els choses le plus clairement
possible.
La Haute Ecole Léonard de Vinci, avait besoin d’un marché publique
pour mettre en vente un immeuble. Mais l’a.s.b.l était-elle une AA ? Un
marché public n’ pas d’effet unilatéral obligatoire à l’égard des tiers. Il y a
donc un dualisme qui complique les choses.
Une décision d’une école émane organiquement d’une AA.
Le théâtre du parc a connu un litige sur la désignation de son directeur.
Le candidat malheureux fait un recours contre la motivation : pour le CE, le
théâtre est contrôlé par les autorités publiques, subventionné par les
autorités publiques, mais il n’est pas organiquement lié, même si la fonction
est de service public. Le CE n’est pas compétent car le théâtre agit comme
un privé qui embauche du personnel.
3°) Il a fallu que la Cour Constitutionnelle pointe des discriminations
pour que le législateur intervienne. En effet, les actes administratifs du
judiciaires ou du législatif n’étaient pas attaquables. Mais est-ce bien juste ?
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Si le palais de justice est rénové par un marché public ou si un
fonctionnaire n’est pas recruté dans le parlement, des actes administratifs
sont mis sur place. On a donc fait valoir qu’il y avait des discriminations : il
n’est pas admissible que les fonctionnaire ne puissent pas saisir le CE dans ce
cas. C’est une atteinte disproportionnée, non justifiée, mais qu’elle ne pouvait
modifier la situation ; Pour le recrutement et pour les marchés publics, le CE
connaît une compétence étendue.
Les textes ont été interprétés : un greffier en chef au parlement wallon
rentre-il dans ce dernier cas de figure ? il gère du personnel, les séances
publiques, ouvrières, ….
Au Parlement Wallon, on nommé un candidat. On cherche alors à savoir
si on est dans une autorité administrative : contrôler l’acte ne remet pas en
cause le parement. L’acte est contrôlable devant le CE.
Exemple : le sénat présente des notaires dans une commission, alors que la
personne n’a pas les titres. Un professeur de Liège fait un recours ; mais-ce
que le sénat a agi comme autorité administrative ? Pour le CE oui.
Exemple : le PR peut lister des sociétés qui enlèvent des véhicules
suspects, … avec une liste de dépanneurs automobiles ? Oui ! Le CE estime
que le PR est dans le troisième cercle et il n’agit pas par des enquêtes. Dès
lors, l’acte émane du pouvoir judiciaire, mais relève de l’exécutif.
C. Les conditions de recevabilité 1). La capacité Il faut justifier de la capacité d’exercer ses droits : pur une personne
physique, être majeur. Pour une personne mineure, l’action se fait par
l’intermédiaire de ses parents. Le CE est sourcilleux et vérifie que l’action doit
être entamée par un parent ou les deux parents.
Pour les personnes morales de droit privé, elles doivent agir par
l’intermédiaire de leurs organes désignés (cf. statuts et code des sociétés).
Pour une personne morale de droit public, alors il faut que le bourgmestre ou
le représentant entame la procédure.
Pour une personne morale qui n’a pas la personnalité juridique, alors il est
impossible d’agir, à l’exception des organisations syndicales : elles doivent
assurer leur prérogatives qu’elles tiennent de la loi. Mais ceci est lourd car si
on a mal agi, c’est très difficilement régularisable au vu des brefs délais.
Un avant-projet de loi de septembre 2013 prévoit d’aligner le régime
d’action des personnes morales sur le régime du droit judiciaire, avec un
avocat qui reçoit un mandat ad litem. La formalité était nécessaire car on
74
attaquait un acte administratif, et on voulait que le justiciable rentre dans un
maximum de conditions pour pouvoir attaquer.
2). L’intérêt à agir : Il faut avoir un droit à faire valoir devant le juge judiciaire, mais ici c’est
un intérêt, pour éviter l’action populaire. Il faut montrer que la personne
connaît un grief à cause de cet acte et que l’annulation de l’acte donnera un
avantage.
L’intérêt peut être moral, matériel, … Il doit répondre à certains
caractéristiques de façons prétorienne : l’intérêt doit être :
•
Personnel :
On doit être touché personnellement par l’acte problématique. Le père
ou la mère d’un enfant touché par une mesure dans une école ne sont pas
touchés de façon suffisamment personnellement.
Exemple : Discount presse : Une commune qui veut dissuader les toute
boites et augmente les taxes. Les éditeurs de journaux ne réagissent pas,
mais les journalistes introduisent un recours car les débouchées risquent de
se tarir ; Le rédacteur a un intérêt qui n’est pas assez personnel.
On admet l’intérêt fonctionnel : le conseiller communal, un délégué
syndical, un député peut agir contre des règles qui ne le touchent pas
personnellement mais qui touchent à la fonction.
Exemple : le droit des étrangers est très complexe. Par une circulaire, on
autorise une régularisation vaste. Les députés du VB introduisent un recours
car ils sont privés de leur débat parlementaire. Le CE les considère comme
recevable à agir car on porte atteinte à la fonction.
• Direct :
La satisfaction doit être immédiate.
Exemple : Une antenne GSM est placée sur le toit d’une église à un opérateur
de téléphonie. Les voisins ucclois protestent contre l’acte passé par la
fabrique d’église avec l’opérateur. Le CE déboute car annuler la convention
ne garantit pas l’absence d’antenne. Il faut surtout obtenir un permis
d’urbanisme, élément autre qui s’interpose
• Certain :
L’intérêt ne doit pas être hypothétique ni trop lointain. Sur une carte,
une commune peut
adopter un périmètre de préemption, pour essayer de
rénover elles-mêmes des quartiers, sans exproprier. L’autorité le rénove alors.
Cet acte de préemption est-il attaquable ? Le CE a tendance à dire non, car le
préjudice est hypothétique ; il n’y a pas de moins value.
75
•
Légitime :
Il ne faut pas poursuivre des situations illégales ou a fortiori des
situations contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
Exemple : Monsieur Cariat est embauché dans une intercommunale sur
base d’un CV qui était faussé. Il est licencié et attaque cette décision. Le CE
déboute car on ne peut poursuivre une situation illégal.
Exemple : les personnes qui font commerce de leur charme peuvent ou
non, selon une jurisprudence peut claire, attaquer des décisions communales
limitant les quartiers ou de telles pratiques sont tolérées. Mais les
maquereaux ne pourront jamais introduire d’action au CE.
•
Actuel :
L’intérêt doit exister tout au long du litige, et jusqu’à terme de la
procédure
Exemple : Un ancien directeur de l’ORBEM est déclaré inapte après avoir
présenté un examen pour se renouvellement. Il va au CE. Monsieur Gregoire
Chapel est nommé, mais monsieur de Vaux n’attaque pas cette nomination
et dès lors il montre qu’il n’a plus le même intérêt. Le CE déboute Monsieur
de Vaux.
•
Le cas des personnes morales :
Les personnes morales sont dans la même situation. Mais quid des
actions d’intérêts collectifs ? Peut-on agir pour défendre des droits de
l’homme ? Des causes collectives ? L’environnement ?
La
jurisprudence
était
très
restrictive
et
tend
à
s’assouplir
sensiblement.
Les associations de défense de l’environnement, qui ont la personnalité
juridique, peuvent agir si elles ont un rapport de proximité suffisant entre
l’objet social et le lieu ou se déroule le problème environnemetal. Une
association locale va défendre un intérêt local. Mais parfois il n’y a pas
d’association
environnementale
locale
pour
défendre
les
intérêts :
la
convention d’Aarhus demande une interprétation souple du droit d’accès pour
défendre l’environnement. Le CE autorise de défendre l’environnement même
si le lien de proximité géographique n’est plus aussi étroit qu’auparavant.
76
Excursus : On constate la même évolution à la Cour de Cassation et à la
Cour Constitutionnelle. Dans un arrêt du 21 juin 2013, la Cour de cassation
permet que des associations environnementales se constituent parties civiles
au pénal contre des personnes qui atteignent à l’environnement, alors que
jusqu’alors poursuivre l’intérêt général ne suffisait pas par le passé. Il y a
donc une tendance dans les mentalités à autoriser les actions populaires.
Dans un arrêt du 17 octobre 2013 e la Cour Constitutionnelle a défendu la
même position en ce qui concerne les droits de l’homme pour des mineurs
étrangers non accompagnés en vue de condamner l’Etat belge à organiser
des mécanismes d’accueil. La Cour Constitutionnelle va considérer qu’il faut
un intérêt à agir bien qu’il serait discriminatoire de ne pas accepter que dans
des pans similaires de l’intérêt général, on admet que certaines associations
reçoivent un droit particulier d’agir dans des los particulières (racisme,
environnement, …). La Cour Constitutionnelle emboite le pas du CE et de la
cassation en invitant le législateur à réécrire la condition de l’intérêt à agir
quand on défend des valeurs collectives
3). Le délai pour agir C’est un délai de 60 agir qui court soit à partir de la publication de
l’acte si l’acte doit être publié ( art 6, al.2, LCCE) soit après la notification si
celle-ci doit avoir lieu. On la calcule, en règle, depuis 2011 à partir de la
réception théorique ou effective.
La prise de connaissance de l’acte sans notification ni publication fait
débuter un délai de 60 jours. Il y a une obligation de diligence.
Les actes doivent indiquer les voies de recours, les délais, … A défaut,
le délai est prolongé de 4 mois à dater de la connaissance de l’acte.
La requête doit lister tous les moyens sauf ceux d’ordre publics, être
signée.
Si on fait appel au médiateur, voyez supra pour les délais.
D. Aperçu de la procédure La procédure est contradictoire et les parties échangent des écrits. On
essaye de contester ou défendre la légalité d’un acte. Les moyens et
illégalités invoquées doivent être formulées dans la requête sauf si on
découvre, au vu du dossier administratif de nouveaux griefs qu’on ne pouvait
pas connaître auparavant ou un moyen d’ordre public.
Elle est inquisitoire. Le CE peut ordonner à une partie de déposer des
pièces. Le Conseil et l’auditeur peuvent désigner des experts. Le CE,
rarement, permet de descendre sur place. Ainsi, le CE est descendu sur place
pour visiter le palais Stocklet dans un litige quand
bâtiment.
au classement du
77
La procédure est semée d’embuche.
Elle
commence
par
une
requête
en
annulation,
éventuellement
accompagné d’une suspension.
La partie adverse doit répondre par un mémoire et le dossier
administratif dans les 60 jours. A défaut de respecter le délai, on écarte le
mémoire des débats ou alors les faits allégués par le requérant sont réputés
prouvés. S’il manque une pièce importante du dossier, la partie requérante ou
l’auditeur
peuvent
le
demander.
On
peut
éventuellement
le
donner
tardivement.
Le requérant peut alors faire un mémoire en réplique dans les 60 jours
de la notification. A défaut, il est supposé se désister. Le dossier va ensuite à
l’auditorat du CE. Il aide le CE à rendre des avis neutres, objectifs, sans
intérêts personnels. Ils indiquent ce qui semble être le mieux sans délai, mais
dans un délai de 1 an (cette loi n’est jamais entrée en vigueur). C’est source
de retard. Le rapport apparaît dans un délai de 6 à 18 mois.
L’auditeur envoie son rapport d’abord à la partie à laquelle il donne tort.
Cette partie a un délai de 30 jours pour déposer un dernier mémoire. A
défaut, cela signifie désistement et le CE tranchera dans le sens de l’auditeur.
Si le dernier mémoire est introduit, l’autre partie a un droit de réponse.
L’affaire vient ensuite à l’audience quand on estime qu’elle est prête. Il
y a des audiences plus ou moins longues. Ensuite, après les débats, il y a une
prise en délibéré. Les débats sont clos et on attend l’arrêt ensuite (en général
dans les 6 mois). L’arrêt peut être rendu sur affaire conforme de l’auditeur ou
sur affaire contraire de l’auditeur.
NB : Les délais sont computés à partir du lendemain, mais le dernier
jour du délai est compris. Si par contre ce dernier jour est un samedi ou un
dimanche, alors il est reporté au premier jour ouvrable.
Le CE peut trancher dans une logique binaire (rejet ou annulation).
L’acte est annulé pour le passé, de façon rétroactive. On a donc ajouté en
1996 un article 14ter aux LCCE, en vue de s’écarter de la logique binaire : cet
article prévoit que le CE peut, s’il l’estime nécessaire, maintenir les effets de
l’acte malgré l’annulation. On va donc compenser, tempérer l’annulation pour
un délai à déterminer. On peut moduler dans le temps l’effet de l’annulation.
La CJUE (article 264 TFUE), la Cour constitutionnelle (article 8 al4 de la
loi sur la cour constitutionnelle) a le même pouvoir au nom de l’a sécurité
juridique, valeur concurrente de la légalité, mais tout aussi importante.
78
Exemple : des conditions pour obtenir un diplôme sont réglées par un Arrêté
ministériel. On l’attaque devant le CE. Pendant 5 ans, on attribue des
diplômes. Au bout de cette période, le CE annule. Cette remise en cause de
la situation acquise risque d’être problématique. Le CE peut alors maintenir
les effets déterminés et maintenir les actes pris en vertu de cette règle.
On prévoit d’étendre cette modulation aux actes individuels pour des
raisons exceptionnelles.
La décision du CE a une autorité de chose jugée erga omnes. On a aussi
donné la possibilité de prononcé des astreintes (sanction pécuniaires à
l’autorité récalcitrante), car l’administration continue de ne pas vouloir se
mettre en règle.
Celui qui a obtenu gain de cause doit mettre en demeure puis attendre
3 mois. Après cela, si l’autorité ne s’incline pas, on envoie une lettre par
courrier recommandé pour demander des astreintes, qui sont versées auprès
d’un fonds du ministère de l’intérieur en vue d’améliorer les juridictions
administratives.
La loi va changer : les astreintes vont être versées pour moitié au
bénéficiaire de l’astreinte. Et e échos à un arrêt de la cour Constitutionnelle,
on va permettre au CE d’augmenter les astreintes si on constate que
l’administration reste toujours récalcitrante.
E. Le référé administratif C’est une procédure qui date de 1991. On va essayer de prévenir des
illégalités. Les faits sont parfois plus forts que le droit et la situation est déjà
acquise et on va essayer de saisir le juge plus vite pour que le recours ait un
effet utile. On a donc permis le recours en suspension. Ce recours n’est pas
en soi suspensif au bénéfice de la présomption de légalité et du principe du
préalable.
Seul le juge peut suspendre.
Le délai est le même que le recours en annulation. On introduit souvent
une requête unique d’annulation avec demande de suspension (extrême
urgence ou ordinaire).
Pour gagner en suspension, il faut réunir deux conditions cumulatives :
- il faut avoir un moyen sérieux : il faut invoquer des critiques qui sont
susceptibles à mener à l’annulation de l’acte. Il faut y voir un vrai problème de
droit : exemple : l’impartialité objective du ministre Henry (arrêt fastre), la
commune de Schaerbeek qui voulait obtenir le dégrèvement, …
- il faut montrer que sans la suspension de l’acte, son exécution risque de
causer un préjudice grave et difficilement réparable.
79
* le préjudice est lié à l’intérêt : c’est bien plus qu’un simple grief
* le préjudice grave : c’est subjectif
*le préjudice difficilement réparable : s’il est pécuniaire, alors le
préjudice est réparable : on peut attribuer des dommages et intérêts, … mais
parfois c’est difficilement réparable : démolition d’un immeuble, expulsion
d’un étranger, licenciement d’un travailleur, …
La charge de la preuve doit être faite par le requérant dans son recours
initial.
En outre, sur les procédures en suspension, le CE se prononce dans les
45 jours en principe, même si en pratique c’est dans les 2 à 6 mois.
Il existe alors une procédure en extrême urgence, qui répond au mêmes
conditions, mais qui nécessite également en quoi il y a une extrême urgence :
le CE peut prendre des mesures conservatoires.
Il faut faire preuve de diligence : agir au bout de 59 jours, on ne peut
pas se créer sa propre extrême urgence.
La demande en extrême urgence ne doit pas (mais peut) être couplée
au recours en annulation.
On ne peut pas, en règle, choisir l’urgence ou l’extrême urgence mais
on peut retomber sur le principe de l’urgence si on a choisi l’extrême urgence,
en dérogation du principe electa una via.
Il y a une autorité de chose jugée provisoire. On est dans une situation
de suspension en attendant le fond.
On va aujourd’hui prévoir qu’on peut introduire des recours en extrême
urgence à n’importe quel moment, dès que cela devient urgent. Il est prévu
d’abandonner la condition du préjudice, qui est trop subjective. C’est trop
discrétionnaire. La condition d’urgence va aussi poser des problèmes de
subjectivité, mais elle est déjà connue par le référé judiciaire.
F. Les recours contre les arrêts du Conseil d’Etat au contentieux de l’excès de pouvoir Non, c’est le premier et dernier degré. Il n’y a pas d’appel ni
d’opposition après défaut. Ces décisions ne peuvent pas être remises en
causes par le juge judiciaire sauf par la cour de cassation.
Les juges judiciaires ne peuvent pas écarter une décision du CE au
motif qu’il n’est pas compétent, à l’exception de la Cassation.
Il peut exister des recours en rétractation : si l’acte est basé sur une
norme inconstitutionnelle, on peut venir modifier la décision.
80
G. Effet interruptif de la prescription de l’action en responsabilité par le recours au Conseil d’Etat Il a un effet interruptif de la prescription civil (2244 du code civil), pour
garantir l’interruption de la prescription de la responsabilité pour faute
éventuelle de l’autorité.
Ainsi, par le passé, si le CE mettait plus de 5 ans pour décider de
l’annulation, on constatait qu’il y avait faute et, ce, au delà du délai de
prescription. Il aurait fallu faire une citation civile à titre conservatoire dans
les 5 ans. Tant que le CE ne s’est pas prononcé, la prescription ne court plus.
H. Evolution L’article 14ter permet de tempérer els effets dans le temps, on a
accordé le pouvoir d’astreinte, le pouvoir de suspendre des actes, … On
essaye alors de faire accepter les décisions. En effet, le CE sanctionnait
parfois des problèmes de formalités, et ce très tardivement.
Exemple : manque d’une étude d’incidence pour la construction d’une
ligne de tram pratiquement déjà achevée.
Exemple : un agent de la ville d’Anvers est révoqué pour faute grave. Il
conteste. 5 ans plus tard, on lui donne raison parce qu’on ne lui a pas donné
le droit d’être entendu.
Quatre mesures sont annoncées dans la réforme à venir :
- on va imposer l’intérêt au moyen : l’irrégularité pour l’irrégularité, le
formalisme pour le formalisme qui n’a pas d’intérêt pour le requérant ne
devra pas être analysée par le CE, qui se verra dispensé d’analyser ces
moyens.
- on instaurera « bestuurlijke lus » (boucle administrative) dans le droit
de l’urbanisme flamand, on trouve un mécanisme semblable, sous influence
néerlandaise : l’administration est invitée à réparer les erreurs dans un
certain délai. S’il y a une régularisation, l’acte ne sera pas annulé. On évite
que des irrégularités mineures aient des conséquences catastrophiques, et
de façon rétroactives. On évite que des annulations purement formelles
seront de toutes façons changées par un nouvel acte de l’administration. Le
CE analyse que la réparation soit correcte.
- Sous l’influence française, on indique à l’autorité comment il faut faire
l’acte pour qu’il ne soit pas annulé. Le CE deviendrait dès lors le conseil de
l’Etat, partial, ayant un rôle d’assistance à l’autorité. Cette situation est
encadrée.
81
- Le CE va pouvoir modaliser les effets de ses arrêts non seulement aux
actes à portées réglementaires mais également aux actes à portée
individuelle.
Ces textes devraient être votés incessamment sous peu, avant la fin de
législature. Ces évolutions sont nécessaires car son mode de fonctionnement
est dépassé, dépassé par rapport à la gestion de la société.
Il est certes important de restaurer la légalité, mais il y existe des
valeurs concurrentes telles la sécurité juridique, que le juge administratif doit
prendre en considération.
§3.
LE
CONTROLE
DE
L ’ ADMINISTRATION
PAR
LES
JUGES
JUDICIAIRES
L’administration est contrôlée par le CE mais aussi par les Cours et
Tribunaux (C&T) du pouvoir judiciaire.
A. Les pouvoirs des cours et tribunaux de l’ordre judiciaire face à l’administration 1). L’article 159 de la Constitution Ce pouvoir vient de la Constitution : articles 144, 145, 159 de la
Constitutions : exception d’illégalité et compétence en matière de droits
subjectifs.
Le contrôle de 159 est-il égal au contrôle du CE ? La Cour
Constitutionnelle a répondu par l’affirmative en 1996 : le contentieux de la
vérification des actes est équivalent s’il est fait par un juge judiciaire. Cela
valait pour le contentieux de l’expropriation, mais également pour toutes les
autres matières : l’article 159 est un moyen efficace pour empêcher qu’un
acte s’applique, et ce à tout moment, c’est-à-dire sans délai.
Si devant le CE, il y a un délai, en principe, pour agir : la sécurité
juridique doit s’appliquer. Le CE refuse que 159 s’applique pour les normes
administratives à portées individuelles. La cour de cassation n’y voit
absolument aucune limitation : la légalité doit prévaloir, une illégalité ne peut
jamais se prescrire. S’il y a illégalité, il faut pouvoir y mettre fin pour rétablir
la justice, le droit. Cela peut créer du désordre, car l’acte a pu être appliqué
de très longue date.
a). Contrôle double du CE et des C&T Le CE et les C&T sont compétents de manière équivalente : la cassation
considère que les C&T sont compétents pour les actions civiles, même si un
82
recours devant le CE a été introduit et même s’il n’a pas été accepté par le
CE (délai tardif, demande irrecevable, …).
b). L’annulation par le CE avec effets tempérés Une situation délicate a encore lieu dans la mesure ou l’article 14ter a
été introduit dans les LCCE : le CE annule un acte réglementaire mais décide
de maintenir les effets. La jurisprudence en la matière est divisée : le CE
considère que si les effets sont maintenus, alors on ne peut plus utiliser 159,
l’article 14ter valide des actes qui pourtant reposent sur une norme illégale.
Un juge judiciaire considère exactement l’inverse : l’article 159 peut toujours
être utilisé, et l’article 14ter ne peut pas l’emporter. Face à cette
controverse, la Cour constitutionnelle a été interrogée (arrêt 18/2012 du
9/2/2012) et a tranché en faveur de la position du CE : il fait la balance
entre la valeur de la légalité et de la sécurité juridique.
La Cour constitutionnelle rappelle l’importance du contrôle incident de
l’article 159 de la Constitution. C’est certes un principe important, qui a pu
être considéré comme absolu en 1830. Mais, aujourd’hui, il faut confronter
cette
disposition
avec
les
autres
dispositions
internationales
et
constitutionnelles :
-
l’article 160 de la C° constitutionnalise le CE : il faut tenir compte que les
arrêts du CE doivent avoir un effet utile, une portée.
-
L’apparition du principe de sécurité juridique est un principe inhérent à
l’ordre juridique belge, à l’ordre de l’UE et consacré par la CEDH. Tous les
niveaux sont convergents pour tenir compte de ce principe
Il faut donc faire la balance. L’article 14ter réalise cette balance
puisqu’il faut des circonstances exceptionnelles et un débat entre parties
pour que les effets puissent être modalisés.
Il y a donc du prospective overruling : on maintien l’acte sauf au
bénéfice de celui qui a agi contre l’acte. Ils seront exceptés du maintien des
effets. En effet, certains font des recours et d’autres attendent simplement,
qui auraient aussi du agir.
c). Critiques Cette jurisprudence de la Cour constitutionnelle a fait l’objet de
commentaires en sens diverse : la Cour constitutionnelle a inversé la
hiérarchie des normes, et a consacré l’importance de la loi sur la constitution.
La Cour Constitutionnelle aurait du invité le constituant à modifier l’article
159 de la Constitution pour les plus orthodoxes.
83
Le Constituant n’a jamais décidé de changer quoi que ce soit de l’article
159
de la Constitution : la Cour Constitutionnelle a répondu de façon
pragmatique à une question. La Cour apporte une réponse moderne et qui a
un fondement constitutionnel (article 160) et international (CEDH). Cela
permet d’accorder à l’article 14ter un effet utile.
1
3°) Portée des arrêts du CE :
L’annulation du CE peut valoir de façon erga omnes, et cette annulation
s’impose au juge judiciaire. On considère qu’une annulation signifie qu’il y a
faute dans le chef de l’autorité. Le juge doit ipso facto constater la faute au
sens civil (article 1382 du code civil : faute, dommage, lien de causalité), sauf
erreur invincible ou cause d’exonération.
L’arrêt de rejet du CE n’a pas autorité de chose de jugée. La Cassation
considère qu’un arrêt de rejet n’est pas un brevet de légalité, car certains
motifs n’auraient pas été formulés. Mieux : il est possible d’encore discuter de
la légalité de l’acte devant le juge judiciaire en soumettant les mêmes
moyens. La cassation considère qu’il n’y a pas identité de litige : l’article 23
du code judiciaire interdit cette identité. Mais la Cassation dit qu’il n’y a pas
identité entre parties ni de l’objet (contentieux objectif vs contentieux
subjectif).
De plus, la Cassation a cassé des juges qui considèrent que le CE doit
être respecté. Le juge peut suivre le motif du CE, mais il doit se faire sa
propre opinion, faire une analyse personnelle. Il peut se rallier après examen,
mais il ne peut pas agir autrement. Il doit de plus analyser les moyens qui
n’auraient pas été soumis au CE par avance.
Cette situation suscite des interrogations, même au sein de la Cour de
Cassation. Le Procureur Général à la Cour de Cassation constate en 2009 que
le système dualiste qui autorise deux juges à analyser des actes administratifs
peut trahir des faiblesses, notamment la non reconnaissance des actes de
rejet. Les C&T n’est pas tenu et peut donc retenir un vice que le CE avait
exclu. Le débat est rouvert alors qu’il était fermé. Il y a donc un risque
d’appréciation divergente et entraine la consternations auprès des
justiciables ; cela révèle une articulation non harmonieuse des actions des
deux types de juridiction. Cela compromet le principe d’économie de
procédure alors qu’il y a saturation des prétoires. On essaye donc de
1
(avant-dernier § de la page 55 à supprimer)
84
reconnaître aux arrêts de rejets une autorité de chose jugée, pour autant que
le CE se soit prononcé sur le fond et les moyens (et non uniquement rejet
pour demande tardive, par exemple).
4.) Les pouvoirs du juge judiciaires :
Le juge judiciaire peut ordonner toutes les mesures pour réparer le
préjudice subi : il peut donner des injonctions positives ou négatives. Les C&T
peuvent ordonner des réparations en nature, replacer les parties dans leur
situation initiale. Les C&T sont parfois intrusives comparé au CE qui ne peut
décider que de façon binaire.
La Cassation a admis que ces prescriptions données à l’administration
ne sont pas des violations au principe de séparation des pouvoirs.
Cependant, la réparation en nature n’est pas possible si elle se solde
par un abus de droit, si elle est disproportionnée. A défaut, on attribue une
réparation par équivalent.
Exemple : construction d’un immeuble qui est quelques centimètres
trop haut. On va compenser par la perte de valeur sur le terrain du riverain,
plutôt que de détruire. Construire une maison en zone verte sans permis se
soldera par la destruction de l’immeuble, par contre.
Le juge peut donner des injonctions à l’administration, mais pas au
point de supprimer le pouvoir d’appréciation de l’autorité, si celle-ci a un
pouvoir d’appréciation. Si par contre, elle a une compétence liée, on peut lui
imposer d’agir.
Exemple : Bruxelles Air Libre : on organise un plan de vol de dispersion,
qui ennuie tout le monde ; Le Noord rand s’est plaint car cela violerait le droit
à un environnement sain, à la vie privée, … (article 22 et 23 de la
Constitution). Un juge leur a donné raison, et a demandé de mettre fin au
plan de vol de dispersion, en les concentrant sur une route (et en agissant
par exemple comme à Liège où l’on a exproprié les personnes dérangées par
le plan de vol).
La cassation a cassé car le juge s’est substitué à l’appréciation de
l’autorité. Le juge pouvait sanctionner le plan de vol de dispersion, mais ne
pouvait pas obliger l’autorité à agir dans un sens particulier.
B. La responsabilité des pouvoirs publics 1). La responsabilité du pouvoir exécutif entendue classiquement La Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence le 5
novembre 1920 dans l’arrêt Le Flandria, ne fait ni égard à la qualité des
parties, ni égard des actes en cause, mais à la nature des droits lésés dont il
85
est demandé réparation. Si le droit est de nature civile, les C&T sont
compétentes même si l’auteur des actes est une personne de droit public.
La responsabilité est appréciée au regard du droit commun.
Cet arrêt a ouvert un champ énorme et a été prudente par la suite : la
cassation a mis une distinction entre actes de décision et actes d’exécution.
Un mauvais entretien de la voirie n’est pas la même chose que le tracé de la
voirie, second cas pour lequel elle n’acceptait pas la responsabilité. En 1963,
la Cassation a abandonné cette distinction.
A) ILLÉGALITÉ
:
Une norme impose un acte précis ou une abstention de faire, mais cela
n’a pas été respecté : c’est une illégalité. Elles peuvent être constatées par le
CE. Toutes les illégalités constatées par le CE sont des fautes : l’arrêt de la
Cour de Cassation du 13 mai 1982 dit que l’autorité commet une faute
lorsqu’elle adopte un acte administratif et qui viole une norme supérieure.
Cette illégalité est constatée erga omnes, sauf erreur invincible ou cause
d’exonération. Néanmoins, ce n’est pas toujours parce qu’il y a faute que,
bingo, on va recevoir des dommages et intérêts : il faut encore examiner s’il y
a dommage et un lien de causalité.
-
Certains actes administratifs annulés ne causent aucun dommage (ex : pas
de consultation de la section législation du CE) !
-
Même si la formalité avait été accomplie, la situation aurait été la même : il
manque une signature, la situation aurait été la même.
On va raisonner en terme de « perte d’une chance » pour déterminer le
dommage : deux candidats (A, n°1, et B n°2) sont dans un concours. B est
nommé. A va au CE . B n’est plus nommé. A est victime d’une faute et est
privé de tous les avantages financiers. Mais qu’est-ce qui garantit que A
aurait été nommé ? Si A était sur à 90% d’être nommé, il aurait reçu 90% du
dommage. Mais si un troisième concurrent (C) , classé ex-aequo avec A, alors
le dommage peut être réduit drastiquement !
Une illégalité constatée par le CE ne garantit pas nécessairement des
dommages et intérêts. Il faut donc démontrer l’existence d’un dommage et
d’un lien de causalité suffisamment certain. Une jurisprudence se développe
sur ces litiges en dommages et intérêt après les annulations.
La réforme de l’article 144 de la Constitution autorisera le CE à décider
sur les effets en droit privé de ses propres décisions. Cela pose des question
sur le montant des indemnités, sur la possibilité d’aller devant le juge
judiciaire.
86
B) VIOLATION D'UNE NORME GÉNÉRALE DE PRUDENCE
:
On peut également commettre des actes légaux, sans violation de
normes, mais il s’agit d’une violation d’une norme générale de prudence.
Toute administration prudente et soigneuse n’aurait pas commis cette faute.
La culpa levissima engage le bon père de famille. Les principes généraux
de bonne administration vont apparaître ici, outre le respect de la loi :
l’autorité était-elle minutieuse, a-t-elle statué dans un délai raisonnable ? A-telle respecté le hoorplicht ?
Pendant 10 ans, les avocats pro deo n’ont pas été payé car les arrêtés
d’exécution n’étaient pas adoptés, et els avocats ont assigné l’Etat car son
comportement était fautif, bien qu’il n’y ait pas de délai pour adopter de tels
actes.
2). Quant à la responsabilité personnelle des fonctionnaires Jusqu’à la loi du 10 février 2003, les agents publics étaient
personnellement responsables. Depuis lors, on a aligné le statut des agents
publics à ce qui se passait dans la loi
de 1978 sur le contrat de travail
(article 18) pour mettre fin à une discrimination condamnée par la Cour
Constitutionnelle.
La loi a décidé que les statutaires d’une personne publique ne sont pas
responsables personnellement, sauf actions récursoires.
Tous
les
agents
non
subordonnés
ont
un
régime
propre
de
responsabilité ou non. La protection ne se justifie. Le gouverneur de province
est couvert par la loi. Les contractuels ont le bénéfice de la loi de 1978. Cela
s’applique à tous les agents d’une personne publique, différente de personne
morale de droit public. Le champ d’extension publique est très large, et on
vise toute personne qui travaille dans le champ de l’intérêt public, même si on
entre dans le champ privé (a.s.b.l, sa, …)
On ne couvre les agents que dans l’exercice de leur fonction. On ne
couvre pas les abus de fonction et qui, malgré tout, engageraient la
responsabilité de leurs commettants. Les agents sont immunisés contre les
actions directes sauf fautes lourdes, fautes légères habituelles ou dol. On ne
parle pas de responsabilités disciplinaire ou pénale. Ce ne sont que des
actions civiles qui sont irrecevables.
L’autorité doit proposer de façon amiable à son personnel avant d’agir
de façon récursoire, sinon l’action n’est pas recevable. Cela n’a aucune
application jurisprudentielle aujourd’hui.
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Article 271bis et 271ter accordent des régimes d’immunité notamment
à des bourgmestres et on autorise à mettre la personne publique à la cause
et d’éviter l’action récursoire contre le bourgmestre sauf dol, faute lourde ou
légère habituelle.
3). Evolutions en matière de responsabilité A) QUANT À L'IDENTITÉ ENTRE L'ILLÉGALITÉ ET LA FAUTE
Un arrêt du 25 octobre 2004 a semé le trouble parce qu’il s’est écarté
de l’idée que l’illégalité est une faute. La doctrine s’est interrogée pour savoir
si c’était une évolution ou un revirement par rapport à 1982.
Le problème portait sur un assujettissement à l’ONSS. Une cotisation à
l’ONSS doit en effet être versé selon le salaire du travailleur. Après quelques
années, l’ONSS disqualifie le contrat de travail pour donner des droits à la
travailleuse. La Cour du Travail demande de rétablir l’assujettissement, en
donnant raison à l’employée ; l’ONSS a méconnu une norme de compétence
liée et doit donc payer des dommages et intérêts pour avoir fauté. La
Cassation casse l’arrêt car le seul fait que la Cour ne se soit pas rallié à
l’opinion de l’ONSS, ne signifie pas qu’il y ait faute car l’ONSS n’a aucune
obligation d’agir dans un certain sens. Il faut analyser le comportement de
l’ONSS vis-à-vis du comportement général de prudence.
Cette décision est rendue sur avis contraire de l’avocat général.
Est-ce un revirement ? Ou un affinement selon qu’il y ait obligation de
moyen ou de résultats ? Ici, il y avait en effet une obligation de moyens.
B) EXTENSION DE LA NOTION D'ERREUR INVINCIBLE
La cassation a exonéré en 2005 l’autorité d’une faute patente. On
engageait un secrétaire communal à Thuin, à l’essai que l’on a continué après
un an. La personne, bien conseillée, va au CE car elle considère que sur cette
fonction là, l’essai n’est pas possible. La situation est définitive. Le CE donne
raison à l’employée en question. Elle va devant le juge civil : en première
instance, elle n’a qu’une indemnisation partielle. La personne va en Appel à
Mons : la Cour ne lui accorde rien au motif que la commune a été victime
d’une erreur invincible : en faisant passer un essai, même prolongé d’un an, la
commune a fait ce qu’elle pouvait faire car l’autorité de tutelle n’a rien dit,
l’intéressé n’a pas protesté, … tout le monde s’est trompé ! La cassation l’a
alors débouté car il y avait erreur invincible : l’autorité s’est trompée, mais il y
a eu une cause d’exonération.
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C) RESPONSABILITÉ DE L'ETAT DU FAIT DE POUVOIR JUDICIAIRE
:
L’arrêt Anca de 1991 a reconnu la responsabilité pour faute du Service
Public de la justice dans la fonction de juger. La responsabilité du juge ne
s’apprécie pas au regard de la réformation de décision, mais dans la
perspective du magistrat normalement prudent : les règles sont-elles claires ?
Si le magistrat néglige une norme claire, alors il y a faute.
L’arrêt Anca : on a déclaré en faillite car on n’a pas écouté la société
Anca. Le juge judiciaire a une marge d’interprétation dans laquelle il ne
commet pas de faute.
D) RESPONSABILITÉ DE L'ETAT LÉGISLATEUR
L’arrêt Ferrara du 28 décembre 2006 reconnaît la responsabilité pour
faute du pouvoir législatif, pour ne pas avoir adopté des lois ou pour en avoir
adopté. Cet arrêt reconnaît pour la première fois la responsabilité de l’Etat
législateur. On ne soustrait pas l’Etat à un contrôle du juge.
Mais l’inconstitutionnalité est-elle synonyme de faute ipso facto,
comme au CE ? Un arrêt du 10 septembre 2010 a répondu qu’il n’y a pas
égalité automatique. La cour d’Appel dit qu’il y a faute. Mais la Cassation
casse cela ! C’est une nouvelle exception à l’illégalité qui est synonyme de
faute.
Ne sommes nous pas en train d’évoluer d’un modèle strict (1982,
protecteur du citoyen) à un modèle judiciaire (les textes sont complexes,
nécessitent des interprétation et un critère de prudence) vers un critère
adopté du droit communautaire (Fautes de l’UE : on admet qu’il faut regarder
s’il y a violation caractérisée du droit communautaire, système moins strict).
L’adoption, interprétation et l’application des normes comportent
nombre d’éléments factuels et sont tributaires pragmatiques des situtions.
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