celles de Winter sur le paradigme biologique et les limites de l'argument de
sélection comme support des vues néo-classiques standards.
Le champ des analyses de Nelson et Winter s'étend de la théorie de la firme à
l'économie du progrès technique et de l'innovation. Leurs propositions ont éveillé
un écho certain chez d'autres économistes, suscitant d'autres recherches, d'autres
écrits, d'autres conceptualisations, se réclamant peu ou prou du même paradigme
et de la même façon d'aborder l'analyse de l'économie, à tel point qu'on parle
aujourd'hui, en économie du progrès technique et de l'innovation, d'une "école
évolutionniste".3
L'objet de ce mémoire est l'étude critique de l'approche évolutionniste en
économie à travers (essentiellement) cette théorisation de Nelson et Winter. Nous
cherchons donc, d'une certaine manière, par l'analyse critique de leurs théories, à
comprendre et tester la validité générale d'une application à l'économie d'un
paradigme bio-évolutionniste. Précisons de suite ce que nous entendons par là. Il
s'agit d'un schéma général d'explication du monde, ou plutôt de sa transformation
en termes "évolutionnistes"; le mot évolution renvoyant ici à la théorie
(darwinienne) de l'évolution des espèces par sélection naturelle. Il s'agit donc
d'expliquer la firme, le changement économique et technologique, etc, au moyen de
trois points clefs :
- un facteur de permanence, ou d'hérédité (les gènes),
- un facteur de variation (les mutations),
- un mécanisme bien identifié de sélection naturelle, agissant donc sur les
gènes et les mutations. Nous le verrons, c'est ce schéma général que Nelson et
Winter utilisent et avec lequel ils construisent, dans une correspondance point par
point, leur théorie du changement économique et technologique.4
Dans un premier temps, on s'attachera à montrer comment s'est constituée
cette nouvelle théorie, sur quels concepts fondamentaux elle repose et en quoi elle
se différencie de la théorie néo-classique standard. L'approche évolutionniste
3 Le livre "Technical change and economic theory", 1988, édité par G. Dosi et alii, témoigne de
l'existence de "l'école évolutionniste", et de son unité dans le rejet par exemple des approches
"orthodoxes" en micro-économie, ce qui n'exclut pas dans d'autres domaines, une grande
diversité.
4 D'autres analogies biologiques sont "possibles" en économie. Ainsi Edith Penrose, dans son
article de 1952, en identifiait (à l'époque) trois : la théorie du "cycle de vie" appliquée à la
firme, l'analogie de la "sélection naturelle", "l'homeostasis". Nelson et Winter s'appuient
exclusivement sur "l'évolution par sélection naturelle". ils en donnent une interprétation
particulière; là aussi, d'autres interprétations sont possibles, on y reviendra dans le
chapitre 3.
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