LOGIQUES ECONOMIQUES
John Maynard KEYNES
COMMENT PAYER LA GUERRE
Un programme radical
pour le chancelier de l'Echiquier
A VANT-PROPOS DE JEAN JOSE QUILES
Traduit de l'anglais par
Claude Fils et Jean José Quiles
L'Harmattan
5-7, rue de l'École Polytechnique
75005 Paris -FRANCE
L 'Harmattan Inc.
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Collection "Logiques Economiques"
Dirigée par Gérard Duthil
DJELLAL Faridah, Changement technique et conseil en technologie
de ['information.
DUMEZ Hervé et JEUNEMAITREAlain, Diriger l'économie: ['Etat des
prix en France (1936-1986).
DU TERTRE Christian, Technologie, flexibilité, emploi: une approche
sectorielle du post-taylorisme.
DUTHIL Gérard, Les entreprises face à l'encadrement du crédit.
DUTHIL Gérard, Les politiques salariales en France, 1960-1992.
GROU Pierre, Les multinationales socialistes.
GUILHON Bernard, Les dimensions actuelles du phénomène technolo-
gique.
JANY -CA TRICE Florence, Les services aux entreprises dans la problé-
matique du développement.
JULIEN P.-A., LEO P. -Y., PHILIPPEJ. (eds), PME et grands marchés.
PME québécoises et françaises face à l'ALENA et au Marché unique.
LE BOLLOC'H-PUGES Chantal, La politique industrielle française
dans ['électronique.
MAHIEU François-Régis, Les fondements de la crise économique en
Afrique.
MARCO Luc, La montée des faillites en France.
MA YOUKOU Célestin, Le système des tontines en Afrique. Un systènle
bancaire informel.
MIGNOT -LEFEBVRE Yvonne, LEFEBVRE Michel, La société combi-
natoire. Réseaux et pouvoir dans une économie en mutation.
PINARD ON François, La rentabilité, une affaire de points de vue.
V ATIN François, L'industrie du lait. Essai d'histoire économique.
WILLARD Claude-Jacques, Aspects actuels de l'économie quantitative.
ZARIFIAN Philippe, PALLOIX Christian, La société post-écononÛ-
que: esquisse d'une société alternative.
ZARIFIAN Philippe, La nouvelle productivité.
WILMOTS A., Crises et turbulences du commerce international
ABDELMALKI Lahsen, COURLET Claude, Les nouvelles logiques du
développement.
PALLOIX Christian, Société et économie ou les nlarchands et l'industrie.
GALAND Gabriel,GRANDJEAN Alain, La monnaie dévoilée
A VANT-PROPOS
Le texte que l'on va lire a été publié le 27 février 1940,
sous la .forme d'un petit livre promis à une très large diffusion.
I.Sonprix en était par principe très modique (un shilling I). A ce
jour, une traduction française reste inédite] bien que l'on s'ac-
corde en général tant sur la nouveauté du champ abordé que
sur l'importance théorique et pratique des résultats apportés.
Keynes y maîtrise par.faitement les armes analytiques qu'il s'est
forgé dans son grand livre de 1936 : Théorie générale de l'em-
ploi, de l'intérêt et de la monnaie. Comment payer la guerre en
est l'application directe et il est inutile d'insister sur les pers-
pectives nouvelles de la politique économique, de même que la
place et le rôle de l'analyse économique dans la société. Qui
avant Keynes s'est vraiment soucié d'une gestion économique de
la guerre au bénéfice de la population qui la subit2 ?IJe savoir
économique n'est-il pas, quelles que soient les circonstances, au
service des gens? Faut-il faire autre chose qu'étudier ''le sys-
tème économique dans lequel nous vivons réellement" ?3
Les réponses à ces questions jettent les principes de la
politique économique d'Après-Guerre, en fonction d'un nouvel
obJ'ectif à savoir l'écart inflationniste.
Dans l'oeuvre de John Maynard Keynes, Comment
payer la guerre occupe une position-clé. C'est le moment, l'op-
portunité de la Deuxième Guerre Mondiale, il renoue, après
l'échappée théorique de La réforme monétaire (1923), du Traité
de la monnaie (1930) et de la Théorie générale ... (1936), avec
les responsabilités administratives pour réendosser, selon la
formule de D.E.Moggridge, l'habit de ''l'homme d'Etat-Econo-
JUne traduction française avait été prévue mais elle n'a jamais vu le jour du
.fait de l'invasion allemande de mai-juin 1940. On peut se reporter à la
~réface rédigée par Keynes dans ce but, reprise ici en fin de volume.
~voir D.E.Moggridge, Economic Policy in the Second World War, in
M,Keynes, Essays on John Maynard Keynes, Cambridge University Press,
1975.
3Cette formule est répétée plusieurs fois dans la Théorie générale.
miste't4; retrouvant par même un rôle qu'il a déjà joué quel-
ques vingt années plus tôt. Le succès considérable des Consé-
quences économiques de la paix (1919), même si la leçon a été
peu entendue par les responsables politiques, font de lui un ex-
pert particulièrement clairvoyant. Il est maintenant impossible
de recommencer les mêmes erreurs; le prix à payer, tant du
point de vue économique que politique, en a été trop élevé. De
plus, comme économiste-théoricien, Keynes est considérable-
ment mieux outillé pour faire face au problème
"macroéconomique" et financier que représente la guerre.
Grave question: les gouvernements peuvent-ils, comme pour la
Première Guerre Mondiale, s'en remettre au laissez-faire? De-
puis 1926, au moins, Keynes admet qu'il n'est plus historique-
ment la solution5.
Dès le début des hostilités6, deux choses sont parfaite-
ment claires: (1) la guerre est d'abord l'utilisation efficace des
ressources disponibles; (2) l'activité économique ne peut
qu'augmenter. Donc, il faut à tout prix, ne pas voir ces moyens
supplémentaires fondre avec l'inflation comme cefut le cas dans
la Première Guerre Mondiale. Sa réflexion débute donc par la
recherche d'un programme d'''économies obligatoires"; c'est
l'idée qu'il soumet d'abord à une réunion de la Marshall Society
pour en Lfaire ensuite la matière de deux articles (plus une ré-
ponse aux critiques) parus dans le Times en novembre 1939.
Soucieux de voir son projet pris au sérieux, plusieurs exemplai-
res en sont distribués au Chancelier de l'Echiquier et à de hauts
4D.E.Moggridge, Keynes, Mac Millan, 3° édition 1976, chapitre 6, p.122-
154.
5voir Lafin du laissez-faire (1926) in Essais de persuasion (traduction fran-
çaise Gallimard, 1932, p.223-23 1; repris dans Essais sur la monnaie et l'éco-
nomie, Payot, p.117-126).
6voir aussi C.H.Hession, op.cU., p.376 et sq; ainsi que les deux livres de
D.M.Moggridge déjà cités. Cette partie de la vie de Keynes n'a pas encore fait
l'objet d'une étude en profondeur puisque le monumental travail de
R.Skidelsky s'arrête pour le moment encore à l'année 1937 : R.Skidelsky,
John Maynard Keynes/Hopes Betrayed, 1883-1920, Mac Millan, 1983 et
R.Skidelsky, John Maynard Keynes/The Economist as Savior, 1920-1937,
Penguin Press,
1994.
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fonctionnaires. L'accueil est plutôt favorable. Keynes soutient
que la victoire suppose que l'on gagne d'abord sur le .front de
l'économie domestique. L'inflation, c'est-à-dire le laissez-.faire,
a un coût social beaucoup trop lourd De plukft1,un ..\1implecon-
trôle de..f,1prix et des salaires même accompagné d'un rationne-
ment, comme le préconise J.R.Hicks, ne suffit pas. Le problème
économique de la guerre doit être d'abord posé en termes de
flux monétaires et à une écllelle globale 7.
.Des considérations générales sont inutiles si elles ne
s'accompagnent pas d'une évaluation statistique de leurs consé-
quences. Première leçon pour l'Après-Guerre :la politique éco-
nomique doit se fixer des obj'ectifs quantitatifi18. Très rapide-
ment, paraît dans l'Economic Journal une étude chiffrée et dé-
taillée sur /e potentiel économique et fiscal de la Grande Breta-
gne. Quelques éléments en sont repris dans les annexes de
Comment payer la guerre. Cet article déclenche de vives réac-
tions. La réponse de Keynes est d'une vigueur étonnante: mul-
tiplication de lettres, de débats, d'interventions radiophoniques
et auprès des autorités politiques et syndicales... etc. (~ela le
convainc surtout de l'exactitude de sa thèse. Sur le plan prati-
que, le programme d'économies obligatoires attire plutôt la
~ympathie des milieux bancaires et financiers, toujours favora-
bles par principe à une plus forte épargne. C'est l'occasion de
renouer, après une brouille sévère, avec Montagu Norman (haut
resporLyable de la Banque d'Angleterre) et de recevoir, dans sa
démarche, le soutien effectif de Hayek, Robertson et Robbins.
Largement persuadé de la justesse de ses vues, Keynes
met en chantier le texte de Comment payer la guerre qui.paraît
sous la forme d'une brochure. Immédiatement un débat est or-
ganisé par Lord Balfour, autour de ces propositions, à la
7Tous les documents autour du débat Comment payer la guerre sont rassem-
blés dans Ie volume XXII des Collected Writings of John Maynard Keynes,
The Royal Economic Society for Mac Millan and Cambridge University
Press, 1978, p.3-155.
8De manière plus triviale: "rien n'est plus envoûtant que les chiffres, excepté
le sexe! If;rapporté par B.Marris, Le Monde, 8 novembre 1994 d'après la cor-
respondance privée avec L.Strachey, conservée par R.Harrod.
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